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Pour les fibroblastes primaires en culture, trois programmes permettent l’entrée des cellules en quiescence. Il s’agit de 1) la privation d’agents mitogènes, 2) l’inhibition de contact et 3) la perte d’adhérance. Des variations de l’expression de certains gènes sont montrées pour l’entrée et le maintien de la quiescence des cellules. Ainsi sont observées, une diminution de l’expression de gènes associés à la progression du cycle cellulaire tels que la cycline B1, cdc20 (protéine 20 du cycle cellulaire), cul-1 (culline-1) et myc (myelocytomatosis viral oncogene homolog), ainsi qu’une augmentation de gènes importants dans la régulation du cycle cellulaire tels que TP53 (tumor protein 53), cycline D2 et MXI1 (protéine 1 interagissant avec le facteur X associé à myc) et une augmentation des régulateurs clés de la voie de signalisation de l’état souche tels que FZD2 et TCF7L2 pour la voie de régulation Wnt (site d’intégration « sans ailes »), SMAD1 (mothers against DPP

homolog 1) pour la voie de régulation BMP (protéine morphogénique de l’os) et Hes1 (hairy

and enhancer of split 1) pour la voie de régulation Notch. Enfin, l’augmentation de

l’expression d’inhibiteurs des kinases dépendant des cyclines tels que p21 (cyclin-dependent

kinase inhibitor 1) qui joue un rôle essentiel pour l’entrée et le maintien des cellules en

quiescence et p16INK4a (cyclin-dependent kinase inhibitor 2A) est également observée (Coller et al., 2006). Ces mécanismes pourraient également intervenir dans la quiescence des cellules souches cancéreuses, bien que la culture des cellules requiert déjà la perte des conditions adhérentes (Moore and Lyle, 2010). D’autre part, il a été montré que les progéniteurs neuraux sont maintenus en quiescence par des chimiokines telles que SDF-1 (facteur 1 dérivant des cellules stromales) par action sur les récepteurs CXCR4 (récepteur 4

S G2 M G1 S G2 M G0/G1

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de chimiokine à motif C-X-C) et CCR3 (récepteur 3 de chimiokine à motif C-C) (Krathwohl and Kaiser, 2004).

Les chimiothérapies et radiothérapies conventionnelles ciblent les cellules en prolifération et requièrent l’activation du cycle cellulaire pour enclencher l’apoptose. La nature quiescente des cellules souches cancéreuses est donc un mécanisme inhérent de résistance et de survie de ces cellules aux traitements anticancéreux conventionnels. Les facteurs mentionnés ci-dessus, notamment les facteurs clés intervenant dans les voies de régulation de l’état souche, seraient donc des cibles intéressantes pour forcer les cellules à sortir de quiescence afin de les rendre sensibles aux traitements conventionnels (Moore and Lyle, 2010).

1.3.3.4. Hypoxie et acidité du microenvironnement tumoral

L’hypoxie est une caractéristique des tumeurs solides. Les cellules cancéreuses se développent en effet plus rapidement que le réseau vasculaire associé, entrainant une insuffisance de l’apport d’oxygène au niveau de la tumeur. Pour contrer ce phénomène, les cellules cancéreuses s’adaptent et adaptent leur environnement au manque d’oxygène. En effet, en état d’hypoxie, les facteurs de transcription HIF (facteurs inductibles par l’hypoxie) des cellules cancéreuses sont stabilisés. Ceci a pour conséquence de modifier l’expression d’environ 200 gènes impliqués dans la survie et la prolifération cellulaire, le métabolisme glucidique et lipidique, la régulation du pH, l’angiogenèse et les métastases, comme par exemple PAI-1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène-1), VEGF (facteur de croissance de l’endothélium vasculaire), PGK1 (phosphoglycérate kinase-1), la transferrine et l’érythropoïétine. L’activation des facteurs de transcription HIF confère ainsi aux tumeurs un phénotype plus agressif et une résistance à la radiothérapie et à la chimiothérapie. L’hypoxie tumorale et HIF sont donc des facteurs de mauvais pronostic (Vaupel et al., 1989).

L’observation d’une interaction directe entre HIF-1α et le domaine intracellulaire de Notch (NICD) a mis en évidence un lien très étroit entre l’hypoxie et le maintien du caractère souche des cellules souches (Gustafsson et al., 2005). Notch est un récepteur transmembranaire impliqué dans le maintien du caractère souche des cellules (voir paragraphe 1.4.2.2.1 et figure 14, page 41). La même interaction entre HIF-1α et NICD favoriserait la prolifération des cellules souches neurales (Panchision, 2009; Qiang et al., 2011). D’autre part, HIF-1α inhibe la voie SMAD induite par l’activation des récepteurs BMP (protéine morphogénique de l’os) empêchant ainsi les cellules de se différencier et d’entrer en apoptose. L’hypoxie peut donc jouer un rôle dans le maintien de l’état souche et dans la survie des cellules.

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Une autre conséquence majeure de l’hypoxie est la diminution du pH au niveau extracellulaire du microenvironnement tumoral. En effet, en condition hypoxique les cellules cancéreuses répondent par un changement de métabolisme, passant de la phosphorylation oxydative à la glycolyse. En 1956, Warburg propose que le changement de métabolisme des cellules est à l’origine de la cellule cancéreuse (Warburg, 1956). On sait maintenant que ce sont des mutations génétiques qui sont à l’origine des cellules cancéreuses, mais ce changement de métabolisme des cellules cancéreuses a gardé le nom d’ « effet Warburg ».

La glycolyse étant moins efficace que la phosphorylation oxydative pour produire de l’ATP, la cellule cancéreuse consomme encore plus de glucose pour pourvoir à ses besoins énergétiques (Chiche et al., 2010). En absence d’oxygène, le facteur HIF-1α stabilisé active la pyruvate déshydrogénase kinase 1 (PDK1). PDK1 inhibe la pyruvate déshydrogénase (PDH) dont le rôle est de transformer le pyruvate en Acétyl-CoA (Kim et al., 2006). Incapable de poursuivre le cycle de l’acide tricarboxylique, le pyruvate est alors transformé en lactate par la lactate déshydrogénase A (LDHA) et le lactate est expulsé des cellules par le transporteur de monocarboxylate 4 (MCT4) (Marie and Shinjo, 2011). Durant tout ce processus et lors de l’hydrolyse de l’ATP, les cellules produisent des protons H+ (Chiche et al., 2010). Ces protons sont transportés activement dans le milieu extracellulaire par des échangeurs Na+/H+. Dans des conditions normoxiques, ces protons sont évacués par la circulation sanguine. En hypoxie, les protons et le lactate s’accumulent et acidifient le milieu extracellulaire dont le pH est alors compris entre 6,2 et 6,8. L’acidité du milieu extracellulaire ralentit la prolifération cellulaire, les cellules arrêtent leur cycle cellulaire et entrent en quiescence (phase G0, voir paragraphe 1.3.3.3). L’acidité du milieu extracellulaire favorise également la radiorésistance des cellules et peut moduler la cytotoxicité de certaines molécules chimiothérapeutiques. Ainsi, l’activité cytotoxique d’une molécule peut être diminuée. C’est un mécanisme de résistance notamment vis-à-vis des molécules de chimiothérapie qui sont des bases faibles, telles que la mitoxantrone et la doxorubicine qui sont deux intercalants de l’ADN (Raghunand et al., 2003). D’autres molécules voient leur cytotoxicité augmenter. Par exemple, l’acide cis-urocanique est une molécule qui induit une diminution progressive du pH intracellulaire de plusieurs lignées cellulaires comme la lignée cellulaire A2058 de mélanome, d’une manière dépendant du pH extracellulaire. Ces cellules répondent alors par un signal apoptotique. La particularité de l’acide cis-urocanique est que cette molécule est active à pH extracellulaire 6,5, mais lorsque le pH extracellulaire est de 7,4, la molécule n’induit plus de diminution du pH intracellulaire des cellules A2058 et donc plus de signal apoptose (Laihia et al., 2010).

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1.3.3.5. Cellules souches cancéreuses et nouveau paradigme en

cancérologie

L’existence des CSC apporte une vision différente des tumeurs cancéreuses et de leur traitement. Dans cette hypothèse, les tumeurs sont considérées comme un organe et les CSC jouent le même rôle que les cellules souches des tissus normaux (sains). Leur aptitude à générer une nouvelle tumeur dans un environnement adéquat laisse à penser qu’elles sont également impliquées dans la formation des métastases (Kraljevic Pavelic et al., 2011). Enfin, leur résistance aux chimiothérapies et radiothérapies les désigne également comme responsables des récidives après traitements. En effet, même si les thérapies existantes permettent d’éliminer les cellules différenciées de la masse tumorale, la plupart des cellules