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Depuis la mise en évidence des cellules souches cancéreuses, leur mécanisme de résistance aux radiothérapies et chimiothérapies classiquement utilisées, ainsi que le paradigme qui découle de leurs propriétés d’auto-renouvellement et de prolifération font de ces cellules des « cibles à abattre » dans le traitement des cancers. Ces cibles pertinentes ont déjà fait l’objet de plusieurs études visant à découvrir des molécules actives sur leur prolifération ou leur différenciation. La plupart des études se basent sur l’inhibition d’un ou de

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plusieurs facteurs-clés des voies de signalisation régissant la prolifération, le maintien de l’état indifférencié ou la survie des cellules souches cancéreuses nouvellement identifiées. Cependant, les études décrites ci-dessous se basent sur la découverte de molécules dont l’activité inhibe directement la prolifération ou la survie des cellules souches cancéreuses. La clé pour conduire des études visant à identifier des inhibiteurs des cellules souches cancéreuses est de générer suffisamment de cellules souches cancéreuses pour pouvoir réaliser les tests, tout en maintenant le caractère souche de ces cellules.

Afin de s’affranchir de cette étape, l’équipe de Dirks (les premiers à avoir isolé des cellules souches de glioblastomes) ont réalisé un criblage sur des cellules souches neurales fœtales murines (f-NSC murines). Bien qu’elles ne soient ni humaines, ni tumorales, l’équipe postule que ces cellules possèdent tout de même des propriétés souches identiques aux cellules souches cancéreuses humaines. Abolir ces propriétés souches reviendrait à cibler directement les cellules souches cancéreuses. Dans leur étude, l’équipe de Dirks a testé les composés de la chimiothèque LOPAC (Chimiothèque de composés pharmacologiquement actifs ; Sigma®) en tant qu’inhibiteurs des cellules souches neurales fœtales en utilisant un test colorimétrique dosant l’activité de la succinate déshydrogénase des mitochondries. Dans ce test, l’activité enzymatique de la succinate déshydrogénase, mesurée par absorbance, est proportionnelle à la survie cellulaire en présence des molécules de la chimiothèque. Les résultats montrent que les f-NSC murines sont sensibles à 160 composés de la chimiothèque LOPAC lorsqu’elles sont incubées pendant 96 heures à 37°C en présence de 3µM de composé. Après vérification de l’effet de 43 des composés ayant eu un effet sur les cellules f-NSC murines au criblage primaire, 40 molécules ont été confirmées dans les mêmes conditions lors d’un criblage secondaire. Ces composés ont ensuite été testés sur des cellules souches de médulloblastome de souris hétérozygotes pour Patched (Ptch+/-) qui intervient dans la voie de signalisation de Sonic Hedgehog (voir paragraphe 1.4.2.2.2). Les composés sont également actifs sur ces cellules cancéreuses murines et parfois avec plus d’efficacité. Cette approche originale a permis d’identifier de nouvelles voies de signalisation impliquées dans la croissance des cellules souches neurales murines et laisse supposer que ces voies de signalisation, dont beaucoup sont impliquées dans la neurotransmission (tels que les voies de signalisation des récepteurs dopaminergiques, muscariniques et opioïdes), jouent aussi un rôle dans la croissance des cellules souches cancéreuses (Diamandis et al., 2007).

Plus tard, la même équipe a rendu les cellules souches cancéreuses adhérentes afin de pouvoir utiliser un test de suivi photographique et distinguer les différents types cellulaires présents dans la culture en réalisant un marquage des différents lignages cellulaires. La « NIH clinical collection », chimiothèque de 460 composés déjà utilisés dans des essais

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cliniques sur l’Homme, a été testée à 10µM pendant 48h sur ces cellules souches cancéreuses adhérentes et la réponse des cellules a été évaluée en utilisant un appareil IncucyteHD system (Essen Instruments, USA) permettant de faire un suivi photographique en temps réel. Les résultats confirment ce qui a été observé pour les cellules souches neurales fœtales murine dans la publication de Diamandis et al., 2007, à savoir que les cellules souches issues de glioblastomes humains sont sensibles aux médicaments qui modifient les voies de signalisation impliquées dans la neurotransmission (Pollard et al., 2009).

Une autre étude utilisant des cellules souches cancéreuses issues de glioblastomes de plusieurs patients et de lignées cellulaires de glioblastomes montre la mise au point d’un test basé sur la capacité des cellules souches à former des sphères lorsqu’elles sont en culture (Gal et al., 2007). Ainsi, les molécules actives sur les cellules souches cancéreuses issues de glioblastomes de patients ou de lignées cellulaires de glioblastomes, les empêchent de former des neurosphères et la mortalité cellulaire est évaluée par l’utilisation du bleu de Trypan. Ce test présente l’avantage de n’utiliser que 20000 cellules fraichement isolées de glioblastomes par puits et de tester à la fois la mortalité et la fonctionnalité des cellules souches cancéreuses. Cependant, il présente l’inconvénient de ne pas être automatisable dû à l’absence de mesure de l’activité des cellules vivantes. Peu de molécules peuvent donc être testées en même temps (Gal et al., 2007).

Une autre étude surmonte la limitation de la quantité de cellules souches cancéreuses disponibles, en utilisant des cellules ayant subi une transition épithélio-mésenchymateuse (TEM). Suite à cette TEM, les cellules peuvent acquérir des caractères de cellules souches (voir la description dans le paragraphe 1.3.2 page 25). L’équipe de Lander a induit une transition épithélio-mésenchymateuse dans une lignée cellulaire de cancer du sein par transfection d’un ARN interférant qui inhibe la traduction de la Cadhérine E (molécule d’adhésion exprimée dans les cellules épithéliales). Ils observent l’apparition de cellules HMLEshEcad présentant des caractères d’auto-renouvellement, de prolifération, de différenciation, de tumorigénicité dans des souris immunodéprimées et de résistance à des composés chimiothérapeutiques. Ils ont donc utilisé ces cellules présentant des caractères de cellules souches, pour cribler une chimiothèque de 16000 composés contenant des molécules de chimiothèques commerciales et de chimiothèques d’extraits naturels. La toxicité de ces composés sur les cellules a été évaluée avec un test basé sur la présence d’ATP dans les puits contenant les cellules et les molécules testées, le test Cell Titer-Glo® (Promega). Le signal lumineux mesuré est directement proportionnel à la viabilité cellulaire. Plusieurs composés actifs sur les cellules HMLEshEcad produites par TEM ont été testés sur les cellules de la lignée cellulaire de cancer du sein n’ayant pas subi de TEM, afin de tester

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la sélectivité des composés actifs pour les cellules HMLEshEcad. Une molécule, la salinomycine, a été retenue car elle présente cette sélectivité pour les cellules HMLEshEcad. Cette molécule est un ionophore potassique. Des tests in vivo sur modèle murin montrent que la salinomycine est aussi active sur des tumeurs formées par injection de cellules cancéreuses de sein. Les mécanismes par lesquels la salinomycine induit une cytotoxicité spécifique des cellules souches cancéreuses restaient inconnus lors de l’étude. Cependant, cette publication a ouvert la voie sur l’étude des mécanismes de la salinomycine et depuis, de nombreuses autres équipes les étudient.

Enfin, une dernière étude publiée en août 2011 utilise une culture cellulaire isolée de glioblastome qui forme des neurosphères dans un milieu supplémenté en EGF et bFGF. Ces cellules présentent la capacité de former des tumeurs lorsqu’elles sont greffées à des souris, alors que les mêmes cellules cultivées dès l’extraction tumorale dans un milieu contenant du sérum et qui sont adhérentes, n’en sont pas capables. Le criblage de différentes chimiothèques (30000 composés en tout parmi lesquels les composés de la chimiothèque Prestwick, une chimiothèque de molécules commercialisées) sur ces cellules a révélé 694 composés capables d’induire une diminution de la prolifération/survie de la population cellulaire ainsi enrichie en CSC. Le test basé sur la mesure de l’ATP (ATPLite, PerkinElmer) met en évidence 11 molécules qui présentent une sélectivité avec un log(10) de différence par rapport aux mêmes cellules dans du milieu contenant du sérum. Cependant, l’efficacité

in vivo de ces composés n’a pas encore été démontrée.

Ces différentes études ont mené à l’identification de quelques molécules actives sur des cellules souches cancéreuses. Ces molécules peuvent permettre d’améliorer les traitements anticancéreux actuels et de mieux comprendre la physiopathologie de ces cellules souches cancéreuses. Cependant, la spécificité d’action de ces molécules sur différents types cellulaires n’a guère été abordée dans certaines de ces études tandis que les modèles in vivo manquent dans d’autres études.

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OBJECTIFS :

Les cellules souches cancéreuses identifiées au sein de nombreuses tumeurs sont devenues des cibles de choix dans le traitement anticancéreux. Leurs propriétés d’auto-renouvellement, de différenciation et de résistance aux chimiothérapies et radiothérapies classiquement utilisées dans les traitements anticancéreux les rendraient responsables du développement des tumeurs, de l’hétérogénéité des tumeurs et des récidives après traitements. Comprendre le fonctionnement de ces cellules et trouver de nouvelles molécules actives capables d’induire leur mort ou leur différenciation est devenu un enjeu majeur pour le développement de nouvelles thérapies.

Mes études ont porté sur des CSC isolées de tumeurs glioneuronales malignes (TGNM) correspondant aux gliomes de grade III et IV selon la classification de l’OMS, de patients de la Pitié-Salpétrière par l’équipe du Dr Hervé Chneiweiss (INSERM UMR 894) à Paris. Trois types de cellules ont été utilisés (TG1, TG16 et OB1). Ces cellules et surtout les cellules TG1 ont été caractérisées pour leur clonogénicité, leur capacité à se différencier en absence d’EGF et de b-FGF et en présence de sérum, leur capacité à être maintenues en culture pendant plusieurs années et leur capacité à générer des tumeurs lorsqu’elles sont greffées dans le cerveau de souris immuno-déficientes (Patru et al., 2010). Les objectifs de ma thèse ont été les suivants :

1- Poursuivre la caractérisation des CSC en examinant leur plasticité. Cette caractérisation a été effectuée in vitro en regardant leur comportement morphologique, en étudiant leur stabilité génétique et en étudiant l’expression de marqueurs de l’état souche des CSC.

2- Etudier la gestion de l’information par les CSC en analysant le profil d’expression des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG).

3- Comprendre la physiopathologie des CSC par une approche de chimie biologie intégrative en recherchant par criblage de nouvelles molécules potentiellement actives sur les CSC de glioblastomes et en étudiant leur mécanisme d’action. Ces différents points feront l’objet des chapitres suivants de ma thèse.

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CARACTERISATION

DES

CELLULES