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DYNAMIQUES SPATIALES DES ZONES FRANCHES MAURICIENNES ET DOMINICAINES

Chapitre 4 : Modèles de l’expansion spatiale des zones franches

3- Phase II : La fin des protections, nouvelles stratégies et dynamiques

Le 1er janvier 2005 a été marqué par la fin des quotas sur les exportations de textile-habillement destinés aux grands marchés des Etats-Unis et de l’Union européenne. Les quotas institués en 1974 par Arrangement Multifibre (AMF) permettaient aux pays développés d’attribuer des quotas d’exportation aux pays en voie de développement. C’est au cours des négociations de l’Uruguay Round du GATT, de 1986 à 1994, que le système de contingentement est remis en cause par les pays participants, d’accords pour la réintégration progressive du textile-habillement dans les règles de non-discrimination du GATT. Signé le 1er janvier 1995, l’Accord sur les Textile et Vêtement (ATV) fixe les conditions de cette réintégration complète prévue pour le 1er janvier 2005.

La Chine est indéniablement le premier concurrent de nos îles. Pourquoi ? Le temps et la main-d’œuvre payée avec des bas salaires sont les déterminants de sa compétitivité mondiale. Les entreprises chinoises ou délocalisées répondent au critère du temps. En effet les intrants, les fibres naturelles, se trouvent sur le territoire national.

Cela permet un gain de temps dans la fabrication des tissus. Condition que ne possède aucune de nos îles où les fibres naturelles, comme le coton ou le chanvre, sont des cultures marginales, voire inexistantes. L’émergence de puissants pôles de production et d’expertises dans le textile-habillement renforce la position de la Chine au niveau international. Depuis 1994, l’achat de machines modernes ne cesse d’augmenter (OCDE, 2004, p. 150). L’acquisition de nouvelles technologies améliore les capacités de production dans les deux secteurs où l’interdépendance accroît la compétitivité chinoise en terme de coûts et de temps. Les différents acteurs développent des

«symbioses productives» pour améliorer la productivité grâce à la modernisation des machines en répondant aux besoins des industriels. Cette multitude de facteurs explique l’émergence de la Chine dans les exportations mondiales de vêtements : second en 2002 après les Etats-Unis. L’absence de syndicat facilite l’exploitation des ouvriers chinois dont les salaires sont bas.

Cependant, le protocole d’adhésion de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce contient un mécanisme de sauvegarde transitoire par produit qui permet aux pays membres de l’OMC de restreindre leurs importations en provenance de Chine lorsqu’elles causent ou menacent une désorganisation du marché pour les producteurs

-139-nationaux. L’OMC prévoit, en effet, des mesures de sauvegarde pour protéger ses États membres de la concurrence chinoise. L’article 16 des accords d’adhésion stipule que les États membres peuvent restreindre les importations en provenance de Chine, pour une période transitoire de 12 ans, lorsqu’elles entraînent des distorsions sur les marchés nationaux. Cette disposition transitoire peut-être utilisée après consultation des autorités chinoises. Le gouvernement étatsunien n’a pas hésité. Il a mis en place, depuis 2003, des quotas sur ses importations venant de Chine. Les entrepreneurs dominicains espèrent ainsi conserver une part du marché aux Etats-Unis même si celle-ci ne cesse de diminuer depuis 1996 passant de 9 % à 3 % en 2004 (Banque Mondiale, 2005).

3.1 – La marge frontalière dans une île divisée : la solution ?

En République dominicaine, la marge frontalière est intégrée dans les politiques d’expansion spatiale de l’industrie. La frontière est le nouvel espace de développement national et régional. Elle est, pour l’ensemble de l’île, un espace de «co-opération» entre deux États longtemps antagonistes.

a- Modifications des perceptions de la frontière

Les perceptions de la frontière ont changé depuis une soixantaine d’années. La société civile transfrontalière110, les acteurs gouvernementaux des deux États et les acteurs économiques, comme le président du Grupo M, perçoivent désormais la frontière comme un nouvel espace à intégrer à l’économie nationale et mondiale. Des projets de coopération sont mis en place et concrétisés par l’association de deux organismes d’État, le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe du côté haïtien et la Direction Générale du Développement Frontalier du côté dominicain, pour prendre en charge le développement de la frontière dont l’économie repose essentiellement sur l’agriculture et le commerce (Redon M., 2007 ; Wooding B., 2001).

Les fonds de gestion proviennent de l’Union européenne.

110 Le 5 avril 2001 les citoyens des deux pays ont manifesté ensemble pour dire halte à la violence et aux abus pour empêcher les échanges transfrontaliers. Ils insistèrent sur l’importance historique de la solidarité de part et d’autre de la frontière (Wooding B., 2001).

La mise en commun de projet est le moyen de relancer la coopération entre les deux voisins depuis les massacres de 1937 et les plans de dominicanisation et de militarisation de la frontière sous Trujillo (Moya Pons F., p. 520). Les projets de Trujillo visent la stabilisation du tracé111 mais également le renforcement de la présence dominicaine dans des régions où les Haïtiens sont considérés comme nombreux. Depuis plus d’un siècle, ces derniers occupent les terres abandonnées par les Dominicains durant la Première République. Les Haïtiens travaillent comme ouvriers agricoles dans le sucre, servent dans les familles du nord-ouest et du sud. Marginalisés de la vie dominicaine, leur présence est vécue comme une extension de la République d’Haïti (Moya Pons F., 2002).

Figure 34 : Dominicanisation de la frontière durant l’Ère de Trujillo

Les nouvelles limites frontalières de 1929 sont des espaces à contrôler. Trujillo considère que certaines parties du territoire sont hors de la législation dominicaine. En 1937, suite à un discours insidieux, Trujillo pousse les Dominicains au massacre sous prétexte que l’occupation des terres ne doit pas continuer. La frontière est repeuplée de 1941 à 1947 par des familles dominicaines sous forme de colonat pour expulser les

111 Les nouvelles limites datent de 1929 durant le gouvernement d’Horacio Vasquez.

Conception et réalisation : L. Buzenot.

-141-familles haïtiennes (Enjalbert H., 1952, p. 336 ; Moya Pons F., 2002, p. 520). La création des provinces administratives (Montecristi, Elias Piña, Independencia et Perdenales) rattachées à Santo-Domingo, donc sans aucune compétence, facilite leur contrôle. L’intégration à la vie politique et économique nationale suit les axes routiers construits par le gouvernement afin de rendre le développement durable et orienter la vie de relation vers la capitale (Moya Pons F., 2002, p. 520). Le plan de Trujillo prévoit la fortification de la frontière avec la création de quatre villes de garnison militaire à Dajabón, Banica, Comendador et Pedernales, sur les «quatre points de passage»

(entretien avec Jean-Marie Théodat, 2006).

Les discordes laissent place à un espace frontalier de développement et de coopération. L’espace de co-développement se matérialise par l’ouverture de 4 zones franches sur la frontière. Ces installations sont autorisées par le décret du 23 avril 2002 promulgué par le gouvernement d’Hippolito Meija :

«Se autoriza el establecimento de Zonas Francas en los puntos de frontera con Haití : Dabajón, Pedernales, Montecristi y Jimaní».

(Article 1 du Décret 272, du 23 avril 2002)

Ce décret est une continuité de la politique de développement de la frontière initiée depuis 1990. Une bande frontalière de développement de 3 à 25 km de la discontinuité a été définie par les législateurs (cf. figure 2).

b- Exploitation du potentiel industriel frontalier

Le fait transfrontalier s’illustre par différents phénomènes socio-économiques, que ce soit l’existence d’agglomérations, de flux de travailleurs frontaliers ou de pratiques commerciales. La frontière joue un rôle de catalyseur et de générateur de flux en raison du différentiel de réglementations et de coûts : c’est ce que l’on nomme

«l’effet-frontière» (Redon M., 2007, p. 26).

Le contraste des densités, communales du côté haïtien, régionales du côté dominicain, et le différentiel de salaires entre les deux parties expliquent le choix de la mise en valeur de la frontière par l’État et les industriels dominicains. Le salaire moyen haïtien est équivalent au salaire chinois (cf. figure 35 ; tableau 18).

Figure 35 : Les densités à la frontière haïtiano-dominicaine

Tableau 18 : Comparaison des salaires moyens mensuels entre la République dominicaine, Haïti et la Chine

République Dominicaine

Bande frontalière

Haïti (Ouana minthe)

Chine

Salaire moyen 114 euros 75 euros 45 Euros 41 et 55 euros

Source : OCDE, 2004 et CNZFE, 2005.

Plusieurs salaires coexistent à la frontière pour le même type de travail. Les ouvriers des 4 zones franches, de nationalité dominicaine, perçoivent selon l’OCDE et le Conseil National des Zones Franches d’Exportation 75 euros.

Ceux de Ouanaminthe en Haïti perçoivent presque deux fois moins (45 euros), salaire équivalent à celui pratiqué dans les pôles de production chinois.

-143-Les quatre zones franches, situées sur les quatre points de passage, emploient une majorité de travailleurs haïtiens. Ils représentent près de 80 % des ouvriers112. Malgré l’instauration d’un salaire moyen, l’embauche privilégie les travailleurs haïtiens car ces derniers acceptent des salaires plus bas que ceux proposés aux Dominicains soumis à la législation nationale.

Localement, ces espaces de dérogations sont des instruments de lutte contre la pauvreté et l’exode rural. Les entrepreneurs ont la possibilité de vendre 20 % de leur production sur les marchés locaux. Le décret du Président dominicain Hippolito Meija113 précise que les magasins établis dans la zone franche sont autorisés à ouvrir leurs portes au public uniquement lorsque des passagers traversent la frontière, de la République dominicaine vers Haïti, et ils doivent rester fermer le reste du temps (article 4). Dans le même ordre d’idée, les marchandises ne peuvent être vendues qu’à des personnes allant vers Haïti, moyennant une facture détaillée permettant de contrôler les transactions (article 5). La vente des marchandises, légalement autorisée par les douanes, se fait sans limite quantitative (Redon M., 2007, p. 278). Cette disposition participe à l’essor du commerce transfrontalier. Nombre de petits marchands ambulants tirent profit de la législation pour vendre les produits sur les marchés de Dabajón et de Montecristi. Les tours opérateurs de la zone touristique de Puerto-Plata proposent des excursions vers ces marchés afin d’aider au développement de la région114.

3.2 – La délocalisation des entrepreneurs locaux vers les PMA voisins

Deux phénomènes géographiques identiques s’observent à l’Île Maurice et en République dominicaine : la délocalisation des unités d’assemblage des entreprises locales vers leurs voisins pauvres, parmi les Pays les Moins Avancés de la planète. Les entrepreneurs locaux, qui ont acquis une envergure internationale, délocalisent à leur tour. Ils participent à la forte mobilité des industries textiles dans le monde.

112 Estimation du CNZFE, 2006.

113 Cité ci-dessus.

114 Terrain.

Les entrepreneurs mauriciens entreprennent des délocalisations vers Madagascar où ils tirent avantage des accords ACP. Les ateliers de confection du Groupe Floréal à Quatre-Bornes ont déménagé pour Tananarive.

Informé sur les cadres politico-économiques et la situation sociale de part et d’autre de la frontière, le président du Grupo M. avec l’appui du gouvernement dominicain a obtenu le droit de construire une zone franche à Ouanaminthe pour délocaliser une partie de sa production. Le projet a été qualifié de «premier enfant» du mariage haïtiano-dominicain pour Jean-Bertrand Aristide et Hyppolito Meija (Colbert R., 2002).

La ville haïtienne d’Ouanaminthe compte environ 80 000 habitants en 2008. Elle est située dans la plaine de forte densité du Haut-Maribahoux (plus de 140 habitants/km²) et dans l’une des zones les plus fertiles d’Haïti. On y pratique une agriculture paysanne fondée sur la polyculture de la banane, de la patate douce, de la tomate, du chou de pomme, de l’aubergine et divers haricots. Cette ville frontalière est une des quatre portes d’entrée vers la République dominicaine. L’avantage comparatif sur le plan salarial est, du point de vue des investisseurs, une raison suffisante de la délocalisation. Un salarié à Ouanaminthe gagne à peine 45 euros par mois, au lieu des 114 euros de l’ouvrier dominicain. Mais le facteur le plus important est la possibilité d’exporter les productions vers les Etats-Unis grâce aux quotas textiles dont bénéficie Haïti dans le cadre du Caribbean Basin Trade partnership Act (Royer A., 2002).

La zone franche est gérée par la Compagnie de Développement Industriel (CODEVI), une filiale du Grupo M. La construction a été financée par la Société Financière Internationale (SFI) qui a octroyé 20 millions de dollars à la firme dominicaine. La zone franche occupe 80 hectares d’anciennes terres agricoles. Dès la pose de la première pierre en 2002, les paysans du Mouvement Paysan pour le Développement de la Commune de Ouanaminthe se sont opposés à l’installation de la zone franche sur une plaine cultivable115. D’autres organisations, à savoir la Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA), l’Association Nationale des Agro-professionnels Haïtiens (ANDAH), Batay Ouvriye (Lutte

115 Source : Alterpress. Article sans nom d’auteur. Disponible sur :

-145-Ouvrière)116 et le Comité de Défense de Pitobert117, se sont jointes au mouvement pour exprimer ainsi leur solidarité et leur mécontentement. Le mécontentement est à la hauteur de la durée du bail de location des terrains118 (Royer A., 2002). Les Haïtiens ont peur du manque d’espace car «la frontière n’est pas l’aboutissement de l’affirmation de la nation mais la manifestation d’une amputation de territoire. Haïti est à l’étroit dans son territoire national. L’utilisation de l’espace est quasiment exhaustive, les densités de population sont fortes et les rendements agricoles très faibles par manque de terre à cultiver. Les parcelles sont minuscules, le moindre coin de jardin est cultivé. La menace n’est pas l’invasion mais l’étouffement par manque d’espace» (Redon M., 2007, p. 320).

D’une capacité de 2000 ouvriers, la zone franche produit des pantalons pour la firme américaine Levi Strauss et des tee-shirts pour la transnationale Sara Lee. Dès l’ouverture du site, le non-respect du code du travail haïtien et de la liberté syndicale ouvre des conflits sociaux. Les militaires dominicains interviennent en 2004 à l’intérieur de la zone pour rétablir l’ordre119. Cette intervention est ressentie, par les Haïtiens, comme une ingérence et une extension de l’État dominicain sur leur territoire.

Malgré le risque économique que représentent des investissements en Haïti, le gouvernement dominicain relance la coopération avec son voisin. La rencontre intergouvernementale entre L. Fernandez et R. Préval, fin mars 2007, réaffirme la collaboration entre les deux États. Dans son discours L. Fernandez insiste sur le rôle des entrepreneurs dominicains dans le développement et la croissance haïtienne suite aux polémiques et incidents sur la délocalisation du Grupo M. à Ouanaminthe. L’opinion publique dominicaine, de son côté, est favorable à la coopération économique entre les deux États parce qu’elle y voit un moyen de freiner l’immigration illégale.

La localité d’Ouanaminthe illustre les limites du développement industriel par les zones franches. Le conflit d’usage autour de la terre, le non-respect du code du

116 Source : Alterpress. Article sans nom d’auteur. Disponible sur :

117 Document du Comité de Défense de Pitobert, 13 janvier 2003, publié dans le site Internet d’Alterpresse. Disponible sur :

118 Les terrains sont loués pour 30 ans

119 Information est extraite d’un rapport de la Plateforme des Organismes Haïtiens de Défense des Droits Humains (POHDH) sur la situation dans la zone franche. L’extrait est publié sur le site Internet d’Alterpress. Disponible sur :

travail et l’ingérence dominicaine dans les affaires haïtiennes ne sont pas propices à un développement durable dans ses trois dimensions. La salarisation des Haïtiens vise à dynamiser les marchés urbains frontaliers dominicains.

3.3 – Ciel Textile : Une entreprise «sans frontière » ?

«La logique spatiale des groupes industriels est totalement transversale au pouvoir des États. Ils ignorent les frontières. Ils jouent de la multiplicité des États et de leurs particularités, notamment en matière juridique, fiscale, salariale pour implanter leurs établissements de services et de production ainsi que pour assurer leurs marchés. Ils n’ont aucune limite, si ce n’est leur propre sécurité ». Frémont A., 2005, Aimez-vous la géographie ?, p. 250.

Ciel Textile est l’un des grands groupes mauriciens spécialisés dans le textile et l’habillement. Le groupe est le second producteur au monde de pulls-overs en laine. Il produit également des chemises, des pantalons et des tee-shirts. Détenu par des capitaux franco-mauriciens, le groupe illustre comment une simple association en «joint-venture» dans un pays de la périphérie mondiale aboutit à une entreprise d’envergure internationale, sans réellement s’affranchir de son lieu originel de naissance.

L’installation à l’étranger d’une partie de la production de Ciel Textile, pour réexportation ou l’ouverture de filiale sous forme de «joint-venture», ressemble à de la sous-traitance tant le groupe est intégré et maîtrise toutes les chaînes de la production.

Avec la libéralisation mondiale du textile, on assiste à un reclassement des pays ateliers. Le temps, la flexibilité du travail et les coûts de la production sont de nouveaux facteurs déterminants dans la localisation. Les entreprises se nomadisent de plus en plus au gré des conjonctures. Les entreprises obéissent à des logiques de flux et par conséquent de réseaux. C’est la réalité d’un nouvel espace de l’entreprise et de son pouvoir. Les flux pour mettre en relation, en des points très dispersés dans le monde, des cadres, des techniciens, des sources d’énergie, des matières premières, des marchandises, des capitaux, de l’information, de l’intelligence… Des réseaux, afin d’organiser l’entreprise elle-même en interne et pour la mettre en communication avec tous les agents extérieurs dont elle est susceptible d’avoir besoin, de la production à la vente, de la recherche au développement et à l’innovation (Frémont A., 2005). Les

-147-entreprises ont une logique spatiale réticulaire, logique qui remplace la «perception marxiste» du monde conçu par des centres et des périphéries120.

À l’île Maurice, l’importation d’intrants (matières premières) et l’augmentation des salaires ouvriers (Verdier I., 1993, p. 208) génèrent des coûts de production plus importants. Pour rester compétitive sur l’échiquier mondial, Ciel textile a choisi de s’internationaliser avec l’installation d’usines Floréal Knitwear, Tropic Knits et Aquarelle Clothing à Madagascar (Floréal Madagascar, Tropic Madagascar et Aquarelle Madagascar), en Inde (Aquarelle India, Laguna India et Pastel Blue) et en Chine (Rapport annuel Ciel Textile, 2007, p. 18). Le groupe a acquis deux nouvelles entreprises : la Dyers and Finishers, en Inde, spécialisée dans la filature et le tissage du coton et News Island Clothing, à Madagascar, spécialisée dans le tricot.

Les fonctions des nouvelles implantations permettent de déterminer la stratégie de l’entreprise et on peut aboutir à une typologie des entreprises. Celle-ci s’appuie sur la typologie classique établie par Charles Albert Michalet en 1976 et enrichie depuis, en raison des profondes mutations de l’environnement géoéconomique mondial (Bouveret-Rivat C., Mercier-Suissa C., 2007, p. 48).

- Les premières entreprises à s’internationaliser visent une stratégie d’abaissement des coûts. Il s’agit de Floréal Knitwear, Tropic Knits et Aquarelle Clothing et l’acquisition de New Island Clothing. Les installations à Madagascar visent la réduction du coût de la main-d’œuvre.

- L’acquisition de Dyers and Finishers en Inde vise une stratégie d’implantation pour être au plus près des matières premières, dans ce cas le coton pour s’assurer des approvisionnements. L’Inde est le troisième producteur mondial de coton en 2004-2005 avec 16 % de la production (Berti F., Hofs J.-L, Zagbaï H., Lebailly, P., 2006). Le coût de la main-d’œuvre n’est pas un argument. La main-d’œuvre malgache est moins chère (Saminaden S., 2005).

- Enfin, les entreprises présentes en Inde et en Chine visent une stratégie commerciale.

Laguna India, dont les activités débutent en 2005 à Bangalore, est une «joint-venture»

120 Les concepts de centre et de périphérie sont apparemment liés au courant de pensée marxiste. K. Marx ne les a pas définis avec précision, même s’ils apparaissent implicitement dans quelques passages de L’Idéologie allemande, à propos des rapports villes-campagnes, et du Capital, à propos de l’étude détaillée de l’Angleterre. Des auteurs contemporains se réclamant du marxisme ont utilisé les termes de centre et de périphérie pour l’étude régionale de nations mais plus encore pour opposer les pays industrialisés aux pays en voie de développement. C’est le cas de S. Amin (1973) qui voulait un développement autocentré et populaire (Reynaud A., 1995, p.586).

avec l’italien Teissura Monti, pour la confection de chemises. La matière première (le tissu) provient de Teissura Monti propriétaire d’une unité de tissage à Kolapur. L’idée est d’être au cœur des deux principaux pôles mondiaux du textile-habillement pour être au plus près des acheteurs nationaux et internationaux (Saminaden S., 2005). Les exportations s’effectuent vers les Etats-Unis et l’Europe.

S’internationaliser permet aux entreprises du groupe de répartir les risques entre plusieurs pays121 et de bénéficier de nouveaux avantages concurrentiels, comme l’accès

S’internationaliser permet aux entreprises du groupe de répartir les risques entre plusieurs pays121 et de bénéficier de nouveaux avantages concurrentiels, comme l’accès