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DYNAMIQUES SPATIALES DES ZONES FRANCHES MAURICIENNES ET DOMINICAINES

Chapitre 5 : Synergies industrielles et système des acteurs

2- Les acteurs privés locaux et étrangers

Les investisseurs sont les acteurs incontournables de l’industrialisation. Dans les deux îles, les acteurs locaux et étrangers ont joué un rôle fondamental dans l’industrialisation.

2.1 – La reconversion des agents économiques de l’époque coloniale

L’industrialisation à l’île Maurice est caractérisée par l’émergence d’industriels locaux, qui ne sont rien d’autres que les anciens groupes dynamiques de l’époque coloniale. En haut de la hiérarchie sociale, ils constituaient l’élite urbaine (Chazan-Gillig S., Widmer I., 2001, p. 93) spécialisée dans l’agriculture et le commerce de détail. Ils ont diversifié leurs activités en prenant part au développement de la zone franche. En effet, en 1990, au moment de la période faste du textile délocalisée et du plein-emploi, plus de «60 % des investissements dans les entreprises EPZ sont d’origine mauricienne, tandis que 14 % des entreprises sont à capitaux intégralement étrangers » (Dordain D., Hein P., 1989, p. 21). Parmi les grandes entreprises opérant en zone franche, des familles franco-mauriciennes132 (Gentile (de) A., 1997), indo-musulmanes (Safla S., 1998) et chinoises (MEPZA 2003-2004) se trouvent à leur tête.

La communauté franco-mauricienne est le premier groupe d’investisseurs locaux dans la zone franche par le nombre d’entreprises. Elle place ses capitaux dans le textile-habillement, la fabrication de maquettes de bateaux, les bijoux, les cadrans de montres et les fleurs. Les investissements de l’oligarchie sucrière commencent lors du boom sucrier de 1973-1974, années durant lesquelles le prix du sucre est multiplié par dix

131 Il s’agit de l’Equateur, du Honduras, de la Colombie, de Puerto-Rico, du Mexique, du Guatemala, du Nicaragua, du Panama, du Costa-Rica, de l’Argentine du Brésil, de l’Espagne et de la République dominicaine.

132 Les familles Espitalier-Nöel, Lagesse, Dalais, Harel et Raffray sont les principaux investisseurs de la zone franche (Voir la thèse de Gentil (De) A., 1997).

-173-(Gentile (de) A., 1997). De plus, les fortes taxes de sortie du sucre prélevées par le gouvernement conduit progressivement les dirigeants de l’industrie sucrière à se détourner de cette activité (Dordain D., Hein P., 1989, p. 24). François de Grivel est l’un des premiers à investir en reconvertissant l’usine sucrière de Saint-Antoine en 1973 en zone industrielle. Sa démarche est originale. La location des bâtiments donne lieu à une participation de celui-ci dans les entreprises par le biais de joint-venture (Gentile (de) A., 1997).

Les familles indo-musulmanes, enrichies durant l’époque coloniale grâce au commerce (import-export), tiennent quelques grandes entreprises de la zone franche. La Currimjee Jeewanjee and Co, tenue par la riche famille Currimjee, se positionne à la quatrième place des cent premières entreprises mauriciennes (Hein P., 1996, p. 46).

«Cette famille d’origine indienne et de culture musulmane est implantée dans l’île depuis 1890 et engagée dans l’exportation du sucre mauricien vers l’Inde. En association avec la famille Jeewanjee, elle s’est constituée un réseau d’entreprises établies à Bombay, à Calcutta, à La Réunion, à Madagascar et à Zanzibar. La branche mauricienne a aujourd’hui une identité distincte. Les membres de la famille se marient hors de la communauté musulmane tout en continuant à fréquenter leur propre mosquée, rue Pasteur à Port-Louis» (Safla S., 1998).

Tableau 25 : Le groupe Currimjee Jeewanjee et Co

Télécommunications

- Currimjee Jeewanjee properties Ltd.

- Compagnie immobilière Ltd.

- Continental Holdings Ltd.

- CJ Investment Ltd.

- Habitat Development Ltd.

- KN Mauritius Ltd.

- SIA General Sales Agent - Silvers Wings Travel Ltd.

Services financiers

Dans le textile, la famille contrôle Bonair Group composé de cinq filiales (cf. tableau 25). Créée en 1974, cette entreprise réputée et totalement intégrée vend ses knitwear et sportwear en France à La Redoute, Naf-Naf, Promod, Levi’s et Cacharel.

Le groupe A. G. Joonas, tenu par la famille du même nom que l’entreprise, a effectué des investissements divers dans la zone franche. «Cette famille s’est implantée récemment dans l’île. Le père est arrivé en 1933 avec sa femme et son premier fils pour diriger une entreprise agricole d’origine meiman. Rapidement, il se lance dans l’immobilier et investit les bénéfices tirés de cette activité dans le commerce. Les diverses entreprises sont regroupées dans A. G. Joonas Group. Les débuts industriels du groupe ont lieu au cours des années 1960, période de la substitution aux importations. Le père investit dans la fabrication de clous pour le marché local et se lance quelques années plus tard dans des activités de transformation de l’aluminium. Il crée Nova industrie spécialisée dans la fourniture de bureaux à partir de la matière première indiquée ci-dessus. Le groupe compte plus d’une dizaine d’usines dans la zone franche » (Safla S., 1998).

Le groupe sino-mauricien est considéré comme le groupe de l’avenir économique de l’île, après avoir joué un rôle catalyseur pour attirer les premiers investissements de Hong-Kong. La diaspora chinoise, historiquement structurée autour du Chinatown de Port-Louis, est le groupe social relais qui facilite les liens économiques avec la Chine. Deux familles jouent un rôle important : Lai Min et Lai Fat Fur. Cette dernière lance en 1986 la Compagnie Mauricienne de Textile Ltée, qui est à 100 % mauricienne. Cette entreprise, avec plus de 1 200 employés et quatre unités de production réparties dans l’île, est classée parmi les 15 plus grandes entreprises de la zone franche, avec un chiffre d’affaires de plus de 488 millions de roupies en 1994 (Hein P., 1996, P. 46). Le chiffre d’affaires n’a cessé de croître depuis. Cette société ambitionne de devenir un acteur mondial incontournable du Jersey et possède depuis peu l’une des technologies les plus avancées en la matière.

En République dominicaine, les dominicains constituent le second groupe des investisseurs de la zone franche (cf. tableau 26). Géographiquement, ils sont partout en seconde position à l’exception de la région nord où ils occupent la première place.

-175-Tableau 26 : Origine des capitaux des entreprises opérant dans les zones franches dominicaines par région en 2005

District national et

Le patronat dominicain a eu du mal à se constituer en acteur économique autonome. «C’est seulement à partir des années 1980 qu’il devient un acteur de la vie économique et social, renforçant le processus démocratique, alors qu’auparavant il se constituait en adversaire du gouvernement par réaction au contrôle autoritaire de Trujillo des sphères économique et politique du pays» (Faxas L., 1992).

La loi 96 du 28 février 1983 facilite l’accès aux capitaux pour les locaux en créant le Fonds d’Investissement pour le Développement Économique et en ouvrant des guichets de financement pour les entreprises nationales accueillies dans les zones franches. Ces unités peuvent obtenir des devises de la Banque Centrale ainsi que des financements pour l’équipement, l’installation et la constitution des provisions de réserves.

2.2 – Les investisseurs étrangers

Les investissements étrangers sont difficiles à cerner en raison de la pratique de la double nationalité ou de l’acquisition des nationalités mauricienne ou dominicaine.

La considération du volume des investissements provenant de l’extérieur permet néanmoins d’avoir un ordre de grandeur sur leur origine.

En l’absence de données plus récentes pour l’île Maurice nous ne pouvons proposer que les dates suivantes : 1985, 1986 et 1987. La Banque Centrale ainsi que le CSO n’ont publié aucunes informations récentes. Ce qui donne un aspect historique sur l’origine et le volume des investissements étrangers du tableau ci-dessous.

Le facteur «Hong-Kong» joue un rôle déterminant dans la réussite de la zone franche dans les années 1970 et 1980 ; le contingentement sévère, établi par l’Accord Multifibre, des pays européens vis-à-vis des Asiatiques et l’incertitude de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine ont conduit les investisseurs Hongkongais à placer leurs capitaux dans l’île (cf. tableau 27 ; photographie 29). Les Hongkongais sont à l’origine de la majeure partie des investissements réalisés dans la Mauritius Export Processing Zone (MEPZA) à partir de 1985. Selon des responsables mauriciens, la présence de la communauté chinoise a favorisé cet afflux de capitaux.

Tableau 27 : Origine et volume des investissements étrangers dans la zone franche mauricienne (en millions de roupies)

Pays 1985 1986 1987

Photographie 29 : L’entrée de Chinatown de Port-Louis

Les Hongkongais pratiquaient très peu de joint-ventures avec les locaux. Les capitaux ont reflué vers la Chine à la fin de la décennie 1990 en raison des possibilités

La communauté chinoise mauricienne a facilité l’investissement des capitaux Hongkongais.

Le Chinatown de Port Louis est la porte d’entrée et de retrait des investisseurs chinois.

Cliché : Auteur, 2008.

-177-commerciales offertes par le démantèlement des accords multifibres. La France est le second investisseur, ce qui place l’île - pour reprendre le titre de l’ouvrage d’un auteur controversé - «Au sommet de la vague économique francophone» (Prosper J.-G., 1993).

Mais le volume des investissements étrangers évolue d’une année sur l’autre. Toutefois, les variations ne jouent en rien sur le volume total, en augmentation croissante. Cela s’explique par le relais des investissements en provenance d’autres pays, compensant des désinvestissements.

En République dominicaine, les données sur l’origine des investissements sont publiées annuellement par le CNZFE. Nous n’avons pu obtenir d’informations sur les premiers investissements. Cette lacune est compensée par la remarque de M. Burac qui précise que «le capital nord américain dominait sans concurrence au début des années 1970, il recula petit à petit, face aux investissements dominicains, panaméens, asiatiques ou européens (…)» (Burac M, 1995, P. 12). Le recul quantitatif s’est accompagné d’une diversification des investisseurs. Les capitaux nord américains demeurent malgré tout au premier poste des investissements (cf. tableau 28).

Tableau 28 : Origine des capitaux des entreprises opérant dans les zones franches dominicaines en 2005

Pays Nombre d’entreprises Participation (en %)

Etats-Unis

Ils représentent près de 46 % des investissements. Les dominicains sont situés en seconde position avec 33 %. Les capitaux européens sont peu nombreux : parmi eux, l’Espagne est en première position.

2.3 – Le regroupement des intérêts au sein d’associations

La Mauritius Employers Federation (M.F.E.) est la fédération patronale, créée en 1962. Elle s’occupe des questions d’emploi, des négociations salariales et du développement des ressources humaines, le labour force. Cette association est intersectorielle et rassemble un grand nombre de chefs d’entreprises. Mais, depuis 1970, afin d’améliorer sa coordination vis-à-vis des hautes instances politiques, le milieu des affaires a fondé le Joinc Economic Council (J. E. C.). Cet organisme tient des réunions avec le gouvernement, par le biais d’une commission présidée par le Premier Ministre.

Les membres du JEC sont composés des représentants des Chambres de l’Agriculture, du Commerce et de l’industrie, les associations de banques et assurances et la Mauritius Export processing Zone Association (M.E.P.Z.A.).

La MEPZA est l’association des entreprises de la zone franche. Créée en 1976, elle fournit des informations d’affaires à ses membres, par le biais d’un bulletin mensuel, concernant les questions économiques et commerciales, les législations en cours ou modifiées (lois sur le travail, l’environnement). Elle organise des formations sur la comptabilité et la gestion des entreprises afin de rendre plus efficace les affaires.

Enfin, cet organisme a un rôle consultatif pour défendre les intérêts de ses membres.

En République dominicaine, chaque zone franche compte une association d’entrepreneurs. Ces associations servent de relais pour la défense des intérêts économiques et l’usage des locaux.