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DYNAMIQUES SPATIALES DES ZONES FRANCHES MAURICIENNES ET DOMINICAINES

Chapitre 4 : Modèles de l’expansion spatiale des zones franches

1- La densité, principal facteur explicatif des localisations

Les espaces industriels mauriciens et dominicains sont différents du fait de la conception et de la définition législative des zones franches. Mais à l’échelle de l’île, la densité est le principal facteur explicatif de la répartition.

Concernant l’île Maurice, les données proviennent du dernier recensement général de la population de 2000. Nous avons choisi par souci de précision l’échelle administrative la plus fine, à savoir les «municipals councils» et les 124 «villages councils» (cf. figure 23). Avec 578 hab./km², l’île Maurice est une île densément peuplée. Les zones de très fortes densités, avec plus de 5 000 hab./km², sont urbaines.

Elles concernent Port-Louis et les Plaines Wilhems. Le reste du territoire, composé essentiellement de districts ruraux, est caractérisé par des densités supérieures à 100 hab/km². (cf. figure 24). Ces zones de fortes densités expliquent la logique de répartition des unités de production. Ces dernières, par la loi l’Export processing zone Act de 1970, peuvent s’implanter sur n’importe quelle partie du territoire. Elles sont aujourd’hui disséminées dans les neuf districts : installées tantôt séparément, tantôt en groupes sur des zones aménagées pour les accueillir, sur des propriétés sucrières reconverties en sites industriels ou dans d’anciens bâtiments commerciaux98. Il est difficile de trouver des chiffres sur la localisation exacte des unités de production du fait de leur dispersion.

Cette dispersion des unités de production singularise l’espace industriel mauricien. La diffusion des usines d’assemblage textile à travers le territoire obéit à la logique centre périphérie.

98 Terrain.

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Figure 23 : Découpages administratifs de l’île Maurice

Figure 24 : Densités et répartition de la population mauricienne en 2000.

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La République dominicaine compte 57 zones franches en 2005 (CNZFE, 2008).

Elles sont présentes sur les zones de forte concentration de la population - plus de 300 hab/km² - de la vallée centrale du Cibao, autour de la ville de Santiago, et sur le littoral Caribbéen de Bani à La Romana (cf. figure 25).

Le relief a conditionné le peuplement et explique en partie les densités dominicaines. Les trois principales chaînes de montagnes ont une orientation générale est ouest99. «La cordillère septentrionale domine de ses calcaires la dépression de la Vega Real et de la vallée du Cibao, poursuivie en Haïti par la Plaine du Nord. L’axe principal d’Hispaniola est la Cordillère Centrale, représentée en Haïti par le Massif du Nord. Au sud de la Cordillère Centrale cristalline se creuse la dépression de la vallée de San Juan, des plaines littorales d’Azua et de Santo-Domingo. Cette dépression est dominée au sud par la Sierra Nieba » (Gourou P., 1976, p. 175). Les régions montagneuses de la partie dominicaine sont des espaces peu peuplés. Elles s’ouvrent cependant, depuis quelques années, au tourisme d’aventure et à l’écotourisme.

Les zones de forte concentration de la population sont un héritage de la

«dyarchie dominicaine» (Théodat J.-M, 2003). La densification humaine a eu lieu autour de Santiago et de Santo-Domingo et le long des axes routiers construits à partir de 1920 (Moya Pons F., 2002 ; Théodat J.-M., 2003). Santiago et Santo-Domingo se développent, pendant près de trois siècles, de manière autonome sans tisser de véritables liens. Elles ont été les centres moteurs de leur environnement régional.

La vallée centrale du Cibao, en plein cœur de l’île, est une région de peuplement arawak. La région est habitée, avant la conquête de l’île par les Espagnols, par les Taïnos. La «légendaire fertilité du territoire avait fait l’objet d’une mise en valeur qui fit se pâmer d’admiration le Gênois» (Théodat J.-M, 2003, p. 319). Au XVIIIème siècle, les Espagnols exploitent la région en développant la culture du tabac (Moya Pons F., 2002, p. 156 ; Théodat J.-M, 2003). Après une période d’atonie, la région connaît un renouveau à partir des années 1860, grâce au développement de la culture du tabac, du

99 L’île est la partie émergée et le lieu de convergence de deux cordillères sous marines de direction est-ouest. Les Grandes Antilles apparaissent à la charnière du crétacé et de l’oécène (début de l’ère tertiaire), lors de la formation de la grande chaîne volcanique du Mexique et de l’Amérique Centrale. L’orogenèse comportait le développement de deux grandes poussées montagneuses. Seules les crêtes demeurent visibles aujourd’hui. Au Nord, les sommets de la première cordillère forment la Sierra Maestra au sud de Cuba, la Montagne du Nord et la Cordillère Centrale à Hispaniola. Au Sud, les sommets de la seconde cordillère donnent naissance à la Jamaïque. Ces deux cordillères convergent sur Hispaniola avant d’aller achever leur parcours à l’unisson en dessinant Puerto-Rico et les Iles Vierges britanniques. Les deux péninsules d’Haïti qui s’étendent vers Cuba et la Jamaïque, attestent l’existence de ces deux anciennes cordillères (Lasserre G., 1974).

café, de l’exportation de la cire et des peaux (Théodat J.-M, 2003, p. 319). La reprise économique et la construction des deux axes ferroviaires, reliant Santiago à Puerto-Plata et Santiago à Sánchez, attirent des migrants venus du pays tout entier (Théodat J.-M, 2003, p. 328-329). La région commence alors à se peupler durablement. Dans le sillage du chemin de fer, des petites cités deviennent des centres de services et de commercialisation des produits de la terre (Théodat J.-M, 2003).

Au sud, Santo-Domingo, première ville du nouveau monde construite par Christophe Colomb, possède à la fin du XIXème siècle des fonctions administratives, politiques, économiques (commerciale et financière), culturels (centre religieux) et universitaires qui font sa renommée. La ville se développe sans liens directs avec la capitale économique du Cibao. Son statut de capitale attire et elle connaît une croissance démographique. La ville passa de 10 000 habitants en 1871 à 21 000 en 1918. Elle englobe alors les localités de San Carlos et San Lorenzo. Son dynamisme touche les petites villes comme San Carlos, Villa Duarte, San Cristóbal, Baní qui connaissent un certain développement (Théodat J.-M., 2003). Les villages de pêcheurs de San Pedro de Macoris et de la Romana se transforment en centres de culture, de transformation et d’exportation du sucre de canne (Théodat J.-M., 2003).

La construction de la Carratera Duarte reliant Santo-Domingo à Santiago mis fin à la fragmentation régional du pays (Moya Pons F., 2002, P. 481). L’extension du réseau routier au sud entre Santo-Domingo et La Romana et entre Santo-Domingo et Baní attire les paysans. Ceux-ci s’installent le long de ces axes pour accéder rapidement aux marchés de consommation urbaine. Santo-Domingo reçu de nouveaux migrants venant des campagnes. L’agglomération étend son espace bâti à la limite avec le monde rural. Trois facteurs accélèrent l’urbanisation : la politique de construction de Trujillo, la politique de modernisation de Balaguer100 et la crise rurale du pays (Faxas L, 2005).

Les zones franches du pays se répartissent de manière ponctuelle sur ces zones de fortes densités de population (cf. figure 26).

100 Au pouvoir de 1966 à 1978.

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Figure 25 : Densités de population en République dominicaine

Source : Castro Catrain M. (dir.), 2002, page 48.

Certaines zones comme Santo-Domingo ou Santiago ont des densités supérieures à 1 000 habitants par km². Ces deux villes ont toujours été les lieux d’arrivée du fort exode rural caractérisant l’île.

Figure 26 : Répartition des zones franches en République dominicaine