Chapitre 3 : Comorbidités associées à l’obésité sévère
3.1.6 Traitements
3.1.6.2 Pharmacothérapie
Un grand nombre de médicaments antihypertenseurs sont disponibles et sont présentés dans le Tableau 7.94,95
Tableau 7 : Principaux agents antihypertenseurs
Agents pharmacologiques
Diurétique de type thiazidique Bêta bloqueur
Inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine II
Bloqueur des canaux calciques
Adapté et traduit de Nerenberg et al., Canadian Journal of Cardiology. 201894
Ces différents agents pharmacologiques peuvent être utilisés en bithérapie et trithérapie si les cibles de pression artérielle ne sont pas atteintes en monothérapie.94,95
Le diabète de type 2
3.2.1 Définition
Le diabète est un trouble métabolique caractérisé par une hyperglycémie chronique résultant d’une anomalie dans la sécrétion de l’insuline ou d’une réduction de l’action de l’insuline.86,98,99 Il existe 2 grandes catégories de diabète, distinguées par le diabète de type
1 et le Db 2.100 Le Db 2 peut, d’une part, être expliqué par la sécrétion défectueuse ou
insuffisante d’insuline par le pancréas et, d’autre part, par une utilisation inadéquate de l’insuline par l’organisme appelé la résistance à l’insuline.101,102 Cette forme de diabète
représente 90 % des diagnostics chez les diabétiques.98 Avec une incidence croissante dans
le monde entier, le Db 2 est susceptible d’être l’une des principales causes de morbidité et de mortalité dans le futur.100
3.2.2 Physiopathologie
L’insuline et le glucagon sont les deux hormones pancréatiques actrices dans la prise en charge du métabolisme normal du glucose.86,100 Ces hormones peptidiques sont sécrétées par
les îlots de Langerhans, cellules endocrines du pancréas. Les cellules bêta et alpha contenues dans les îlots synthétisent respectivement de l’insuline et du glucagon. La sécrétion d’insuline est régie par le taux de sucre dans le sang nommé glycémie. L’augmentation de celle-ci active la sécrétion d’insuline, ce qui empêche les hyperglycémies. C’est en favorisant la glycogénogenèse hépatique et musculaire et la lipogenèse au niveau du tissu adipeux que cette hormone hypoglycémiante régularise la glycémie. Concernant le glucagon, contrairement à l’insuline, il est sécrété en cas de baisse de la glycémie. Répondant au glucagon, le foie libère ses réserves de glucose via la glycogénolyse et la néoglucogenèse, ce qui permet de contrecarrer l’hypoglycémie (Figure 10).103
Figure 10 : Régulation du métabolisme normal du glucose
Adaptée de Widmaier EP et al. 2013 86
Aux premiers stades d’appariation du Db 2, la glycémie demeurent relativement près des valeurs normales, et ce, malgré la diminution de l’action de l’insuline sur les tissus cibles (muscles, foie, tissus adipeux), nommée ainsi résistance à l’insuline (insulino-résistance).101
Ceci s’explique par une compensation des cellules bêta qui augmentent leur sécrétion d’insuline afin de réguler la glycémie, conséquemment un hyperinsulinémie s’installe.104
Avec la progression du Db 2, c’est-à-dire l’insulino-résistance et l’hyperinsulinémie compensatoire chronique, le nombre ainsi que la sensibilité à l’augmentation de la glycémie des cellules bêta sont diminués résultant de l’incapacité à régulariser la glycémie.101,103 La
perte progressive de la capacité de sécrétion de l’insuline et la résistance à l’insuline sont des caractéristiques fondamentales dans l’apparition du Db 2.100,104 L’insulino-résistance entrave
Glycémie normale Hyperglycémie Hypoglycémie Glucose Glycogène INSULINE GLUCAGON GL YCÉM IE GL YCÉM IE Captation du glucose
jeun. De plus, la diminution de l’utilisation du glucose par les tissus cibles et l’insulino- résistance expliquent l’hyperglycémie après les repas (postprandiale).100,104
3.2.3 Lien avec l’obésité
Plusieurs études épidémiologiques ont montré une augmentation du risque de Db 2 avec l’augmentation de l’IMC.28,32,105 En effet, le risque de développer un Db 2 avec un IMC ≥ 35
kg/m2 est augmenté de 20 fois par rapport à un IMC entre 18,5 et 24,9 kg/m2.89 La distribution
du tissu adipeux est également associée au diabète. Une CT ≥ 102 cm augmente le risque de Db 2 de 3,5 fois, et ce, indépendamment de l’IMC.105 L'obésité, et en particulier l'obésité
abdominale, est responsable de la résistance à l'insuline et de l’hyperinsulinémie compensatrice. Tel qu’expliquée dans la section 3.2.1, la résistance à l’insuline joue un rôle primordial dans le développement du Db 2.28,89,105 Bien que les altérations du métabolisme
musculaire soient au cœur de la résistance à l'insuline liée à l'obésité, tous les autres tissus régulateurs du glucose, y compris les cellules hépatiques et adipeuses, sont affectés. Le taux d’acide gras circulant serait une cause complémentaire à la résistance à l’insuline. Avec la prise de poids corporel et l’augmentation de tissu adipeux, la lipolyse est augmentée et entraîne une mobilisation accrue des acides gras libres et, par conséquent, une oxydation accrue de ceux-ci dans les muscles et le foie.32,89 Les acides gras libres ont un effet délétère
sur l'absorption d'insuline par le foie et contribuent à l'augmentation de la gluconéogenèse hépatique et de la libération de glucose hépatique résultant d’une hyperglycémie chronique (Figure 11).90,105
Figure 11 : Effet de l’obésité abdominale sur la glycémie
Adaptée et traduite de Pi-Sunyer et al., Obesity Research. 200289
3.2.4 Conséquences
Le Db 2 augmente de 3 à 4 fois le risque d’athérosclérose des gros vaisseaux qui se manifeste notamment par l’infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral ou une claudication des membres inférieurs.1 Aux États-Unis, le Db 2 est la principale cause d'insuffisance rénale
terminale, d'insuffisance non traumatique des membres inférieurs et de la cécité chez l'adulte.100,106 L’hyperglycémie chronique prolongée et non traitée est associée à de
nombreuses conséquences macrovasculaires, microvasculaires et de neuropathies périphérique et autonome (Tableau 8).99,106
Lipolyse
Mobilisation des acides gras libres
Oxydation des
acides gras libres Oxydation des acides gras libres
Utilisation de glucose Gluconéogenèse
HYPERGLYCÉMIE Graisse corporelle
Tableau 8 : Principales conséquences macrovasculaires, microvasculaires et neuropathiques associées au Db 2 Atteintes Conséquences Macrovasculaires • Maladies cardiovasculaires • Hypertension artérielle • Infarctus du myocarde • Maladie artérielle périphérique
• Accident vasculaire cérébral Microvasculaires • Rétinopathie • Néphropathie • Insuffisance rénale Neuropathiques • Glaucome • Neuropathie autonome • Neuropathie digestive • Neuropathie génito-urinaire • Neuropathie périphérique 3.2.5 Critères diagnostiques
Les lignes directrices canadiennes établies par la Canadian Diabetes Association ont définies des critères diagnostiques du Db 2 via des seuils de glycémie associés à l’apparition des maladies microvasculaires.99 Quatre tests sont utilisées afin de diagnostiquer le Db 2,
lesquelles sont présentées dans le Tableau 9. En présence de symptômes d’hyperglycémie, un seul résultat dans les 4 tests suffit pour poser un diagnostic. En l’absence de symptômes, 2 tests avec des résultats élevés sont nécessaires pour le diagnostic. Il est préférable de répéter les mesures le jour suivant pour une confirmation adéquate d’un diabète nouvellement diagnostiqué.99 La décision d’utiliser un test plus qu’une autre pour le diagnostic repose sur
le jugement clinique du professionnel de la santé. Toutefois, la mesure de l’hémoglobine glyquée semble être la plus avantageuse d’un côté pratique, c’est-à-dire qu’elle peut être
mesurée à tout moment dans la journée, et permet d’éviter les variabilités quotidiennes de la glycémie.99 Les lignes directrices proposent également des critères de prédiabète, appelé
communément anomalie de la glycémie à jeun. L’atteinte de ces critères présente un risque accru que le prédiabète se développe en Db 2.99
Tableau 9 : Critères diagnostiques pour le prédiabète et le Db 2
Épreuve
de laboratoire Prédiabète Db 2
Hémoglobine glyquée (%) 6,0-6,4 ≥ 6,5
Glycémie à jeun (mmol/L) *aucun apport calorique depuis au
moins 8 heures
5,6-6,9 ≥ 7,0
Glycémie 2 heures après l’ingestion
de 75 g de glucose (mmol/L) 7,8-11,0 ≥ 11,1
Glycémie aléatoire (mmol/L) n/a ≥ 11,1
Abréviations. mmol/L : millimole par litre ; g : gramme ; n/a : non applicable
Adapté de Canadien Canadian Diabetes Association. 201899
3.2.6 Traitements
Les objectifs de traitement du Db 2 sont : 1) contrôler les glycémies pour empêcher les complications de l’hyperglycémie, 2) éviter les complications cardiovasculaires et, 3) améliorer la qualité de vie malgré les contraintes qu’apporte le Db 2.103,107 Les approches et
les options de traitement du Db 2 se divisent en 3 grandes catégories : 1) la modification des habitudes de vie, 2) la pharmacothérapie et, 3) la chirurgie bariatrique.108,109 Le traitement
une hémoglobine glyquée ≤ 6,5 % doit être visée pour la prévention des complications microvasculaires, plus précisément la rétinopathie et la néphropathie.111
3.2.6.1 Modification des habitudes de vie
Depuis plus d’une dizaine d’années, la modification des habitudes de vie constitue un traitement d’importance dans la prise en charge du Db 2. Appuyée par les résultats de l’étude « Look Action for Health in Diabetes » (Look AHEAD)112, la modification des habitudes de
vie est une des pierres angulaires du traitement du Db 2. L’étude Look AHEAD a examiné l’effet d’une intervention intensive de modification des habitudes de vie définie par un programme d’activité physique de 175 minutes d’intensité modérée par semaine ainsi qu’une diète sur la réduction de poids corporel. Après 1 an d’intervention, les participants diabétiques ont vu leur poids diminuer significativement contrairement au groupe témoin recevant des soins usuels respectivement 8,6 ± 6,9% comparativement à 0,7 ± 4,8% (p<0,0001). Cette perte de poids corporel résulte d’un meilleur contrôle glycémique représenté par l’atteinte d’une hémoglobine glyquée ≤ 7,0 % ainsi qu’une amélioration plus importante des facteurs de risque de la maladie cardiovasculaire.112 Après un suivi de 9,6
années d’intervention, aucune différence significative est notée entre les deux groupes concernant le taux d’événements et de complications cardiovasculaires. L’étude a été arrêtée pour futilité. Cependant, le groupe intervention a bénéficié d’un plus grand nombre d’améliorations concernant les facteurs de risque cardiovasculaire et a développé moins d’effets secondaires associés aux différentes comorbidités qu’engendre le Db 2 tout en améliorant leur qualité de vie.113 La perte de poids corporel augmente la susceptibilité à la
rémission partielle ou complète du Db 2.1,114 Concernant la pratique d’activité physique, les
lignes directrices canadiennes115 indiquent une amélioration du contrôle glycémique
lorsqu’une accumulation de 150 minutes par semaine d’activité aérobie d’intensité modérée est pratiquée. La pratique régulière d’activité physique, préférablement aux 2 jours, réduit le risque des complications cardiovasculaires qui sont souvent associées au Db 2.108,115 De plus,
il faut inciter les diabétiques à effectuer des exercices de résistance musculaire au moins 2 fois par semaine pour un contrôle optimale de la glycémie.108,115 Pour terminer, le temps
d’activité sédentaire doit être réduit au maximum et on recommande d’interrompre le plus souvent possible le temps passé assis.115
3.2.6.2 Pharmacothérapie
Plusieurs agents pharmacologiques hypoglycémiants sont disponibles.109,108 Les classes de
médicament hypoglycémiants de première et de deuxième intention sont présentées dans le Tableau 10.
Tableau 10 : Principaux agents hypoglycémiants
Agents pharmacologiques Première intention
Metformine
Deuxième intention
Inhibiteurs de la DPP-4 Agonistes des récepteurs du GLP-1 Inhibiteurs du cotransporteur du SGLT-2
Sécrétagogues de l’insuline Thiazolidinédiones
Inhibiteur des alpha-glucosidases Insulinothérapie
Abréviations, DPP-4 : dipeptidyl peptidase-4, GLP-1 : glucagon-like peptide-1, SGLT-2 : inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2
Adapté de Canadien Canadian Diabetes Association. 2018109