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Nicotine-induced CPP

8.3 Pharmacologie optogénétique des nAChR

Dans cette étude, nous avons utilisé la pharmacologie optogénétique pour contrôler de manière aiguë et réversible, avec une spécificité pharmacologique les nAChR contenant la sous-unité b2 chez la souris au cours d’une tâche comportementale. Cette stratégie permet d’étendre la boite à outils de l’optogénétique au-delà de l’excitation et l’inhibition des populations neuronales en permettant d’interrompre la neurotransmission cholinergique. Ces manipulations offrent une résolution spatio-temporelle compatible avec l’étude des mécanismes fins qui sous-tendent la modulation cholinergique dans le cerveau. Nous montrons ici que le b2*LinAChR permet un contrôle rapide et réversible sans effet off-target apparent sur l’activité spontanée ou la réponse à la nicotine des neurones DA de la VTA. L’attachement covalent du photoswitch, le MAHoCh, permet de photo-contrôler le récepteur pendant plusieurs heures. Et du fait de la thermo-stabilité du cis-MAHoCh (demi-vie de 74min en solution), nous montrons de plus qu’il n’est pas nécessaire d’illuminer en continu pour photo-inhiber le récepteur et qu’un simple flash de lumière violette ou verte permet respectivement d’antagoniser ou de rendre activable le récepteur.

L’infection avec un lentivirus contenant un promoteur ubiquitaire fort nous permet d’exprimer le mutant E61C de la sous-unité b2 à la fois sur les neurones DA et non-DA de la VTA. Les enregistrements ex vivo de neurones DA transduits nous ont permis de montrer que le mutant b2E61C s’assemble avec des sous-unités endogènes pour former des nAChR fonctionnels. Nous observons une réduction d’environ 50% de l’amplitude des courants évoqués par l’application de nicotine sous la lumière violette lorsque le récepteur est photo-inhibé. Sous la lumière verte, l’amplitude des courant est complétement restaurée. La transduction virale ayant été réalisée chez des souris wt, nous observons une photo-inhibition inférieure à celle observée en système d’expression hétérologue. En effet, cette stratégie ne permet qu’une substitution partielle de la sous-unité b2 endogène qui continue à former des pentamères. D’autre part, l’amplitude moyenne des courants observés dans les neurones DA transduits est en tous points comparable à celle observée chez les souris wt ce qui suggère que notre transduction virale n’entraîne pas de surexpression à la membrane de b2*LinAChR. Ceci est probablement dû au fait que l’expression des hétéropentamères est aussi régulée par l’expression des sous-unités partenaires

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(principalement a4 dans notre cas). On note par ailleurs que le traitement avec le MAHoCh des neurones DA non-transduits n’entraîne pas d’effets off-target, que ce soit concernant l’excitabilité des neurones ou sur d’autres paramètres tels que la fonction des canaux potassiques voltage-dépendants ou le potentiel de repos des cellules.

L’étape suivante était de transposer cette stratégie in vivo afin de photo-contrôler les b2*LinAChR dans la VTA durant les enregistrements électrophysiologiques (les neurones DA ne burstent pas en tranche105) et chez la souris lors de tâches comportementales. Cette transition vers l’in vivo constituait un réel défi technique. En effet, la pharmacologie optogénétique est une technique exigeante et contraignante qui demande de faire coïncider trois éléments : le gène muté, le photoswitch et la lumière. Du fait des contraintes imposées, l’utilisation de cette technologie était jusqu’alors restreinte à l’œil322 et aux couches superficielles du cortex305. Dans ce but, j’ai construit un setup expérimental permettant d’amener par chirurgie stéréotaxie, chez l’animal anesthésié, les différents éléments nécessaires, à savoir : une canule permettant d’injecter le photoswitch, une fibre optique combinée à deux LED (390 et 520 nm) pour l’illumination et entre 1 et 3 tétrodes permettant d’enregistrer en extracellulaires plusieurs neurones simultanément. Cette « matrice », développée par la compagnie allemande Thomas Recording, est donc constituée de 5 micro-descendeurs indépendants, permettant de contrôler 5 éléments avec une précision de l’ordre du micromètre. A l’aide de ce dispositif expérimental, après y avoir injecté le MAHoCh, nous avons pu enregistrer l’activité de neurones DA dans la VTA en alternant l’illumination en violet et en vert. Nous avons observé une modulation bidirectionnelle de l’activité spontanée des neurones DA. En effet, de manière attendue, une partie des neurones DA ont présenté une diminution de leur activité spontanée (en fréquence et en bursts) sous lumière violette. De manière intéressante une autre population de neurones a répondu par une augmentation de leur fréquence de décharge sous la lumière violette, lorsque le récepteur est photo-inhibé. Si cet effet ne peut à priori pas s’expliquer par un effet inhibiteur direct de l’ACh endogène sur les neurones DA de la VTA, il suggère un effet de réseau impliquant une inhibition par les interneurones GABA de la VTA, un retour GABAergique des afférences de la VTA ou encore un mécanisme d’inhibition porté par la DA libérée localement qui agirait alors sur les autorécepteurs D2. Afin de tenter d’apporter un élément de réponse, nous avons développé une version floxée de la construction utilisée pour transduire les neurones de la VTA avec la sous-unité b2E61C (Figure 8.2A). Injecté chez des souris DATiCRE, ce lentivirus nous a permis de restreindre l’expression du mutant cystéine dans les neurones DA de la VTA qui expriment la cre-recombinase (Figure 8.2B). De manière intéressante, nous

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avons à nouveau observé cette modulation bidirectionnelle du firing des neurones DA et les deux populations sont retrouvées dans des proportions similaires (Figure 8.2C). Ces données, non publiées, restent préliminaires mais suggèrent que l’inhibition des neurones DA par l’ACh endogène n’impliquerait pas forcément les interneurones GABA locaux de la VTA mais impliquerait plutôt des effets de réseaux à plus grande distance ou encore un effet de la DA locale sur les autorécepteurs D2. Pris dans leur ensemble, ces résultats suggèrent que la modulation cholinergique endogène joue un rôle crucial dans la régulation de l’activité spontanée des neurones DA. Plusieurs études montrent que les nAChR sont impliqués dans le contrôle de la libération de neurotransmetteurs au niveau terminal. C’est le cas par exemple de la libération de glutamate dans la VTA ou l’IPN, ou encore la libération de DA dans le NAc137,139. Nous montrons ici que l’ACh en agissant sur les nAChR exprimés au niveau somatique sur les neurones DA régule aussi l’activité des neurones DA de la VTA et participe de fait à la mise en place des comportements associés (renforcement, motivation, prise de décision, etc.). Cette modulation est bidirectionnelle et le fait que l’ACh endogène entraîne une diminution de l’activité de certains neurones DA vient renforcer l’idée d’une forte hétérogénéité anatomique et fonctionnelle de la VTA à la fois dans l’activité spontanée104 et dans la réponse aux drogues d’abus125,160. Ces résultats offrent de nouvelles perspectives quant à la compréhension de la modulation cholinergique nicotinique endogène des circuits neuronaux. L’utilisation des LinAChR, combinée au développement récent de rapporteur fluorescents de la libération d’ACh ou de DA (GACh & dLight)56,323, pourrait permettre pour la première fois de disséquer les mécanismes, la dynamique et les conséquences fonctionnelles de cette transmission nicotinique dans différents circuits cérébraux.

Figure 8.2 – Expression conditionnelle de b2E61C dans les neurones DA de la VTA : (A)

Construction permettant l’expression conditionnelle du mutant cystéine dans les neurones exprimant la cre-recombinase. La transfection lentivirale de cette construction chez les souris

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(rouge) et de la eGFP (vert). (C) Une population de neurones DA de la VTA voit son activité

diminuée lors de la photo-inhibition des b2*LinAChR sous lumière violette (panel de gauche,

n=9) alors qu’une autre population voit son activité augmentée (panel de droite, n=6). Données non publiées.

La photo-inhibition du b2*LinAChR dans la VTA nous a permis de moduler la réponse des neurones DA de la VTA suite à l’injection aiguë et systémique de nicotine (30 µg/kg, i.v.). Sous la lumière violette, la réponse des neurones en fréquence est diminuée d’environ 60% par rapport à l’obscurité, et est complètement restaurée sous lumière verte. L’augmentation du pourcentage de PA dans des bouffées est aussi diminuée sous lumière violette. En accord avec des nombreux travaux précédents du laboratoire, ces données suggèrent un rôle crucial de la sous-unité b2 au sein de la VTA dans la réponse des neurones DA à l’injection aiguë de nicotine. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3 de l’introduction, une partie des neurones DA sont inhibés par la nicotine125. Nous nous sommes intéressés ici uniquement aux neurones activés, il serait intéressant d’apprécier le rôle de la sous-unité b2 dans cette inhibition et le LinAChR pourrait être un outil pertinent dans ce but. Il serait par exemple intéressant d’établir une éventuelle corrélation entre l’inhibition à la nicotine et le drive cholinergique inhibiteur que nous avons observé lors de la photo-inhibition du b2*LinAChR sur certains neurones DA de la VTA. Pris dans leur ensemble, ces résultats permettent d’établir un lien causal entre l’activation des b2*nAChR dans la VTA et la réponse des neurones DA à la nicotine.

Les expériences de préférence de place conditionnée pour la nicotine nous ont permis de mettre en évidence un lien causal entre les b2*nAChR et le renforcement à la nicotine. En effet, la photo-inhibition partielle des b2*nAChR unilatéralement dans la VTA suffit à abolir la préférence de place induite par l’injection systémique de nicotine (0.5 mg/kg, i.p.). Cet effet est réversible et sous la lumière verte, les souris infectées dans la VTA présentent bien une préférence pour la nicotine comparable à celle observée chez les souris wt. En accord avec des études antérieures, les souris b2-/- ne présentent pas de préférence pour la nicotine. Nous montrons ici que la perte de fonction sélective et spécifique dans la VTA suffit à bloquer l’effet renforçant de la nicotine. De manière intéressante, nous observons l’hyper-locomotion classiquement observée chez les souris b2-/- et cette dernière n’est pas retrouvé lors de la photo-inhibition des b2*LinAChR dans la VTA. Ceci suggère que l’hyperactivité locomotrice observée chez les souris knock-out serait plutôt due à la perte de fonction dans la SNc ou dans le striatum dorsal.

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8.4 Amélioration de la boîte à outils de la pharmacologie optogénétique des