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Lors d’essais de traction–compression sur ´eprouvettes ´elanc´ees, un ph´enom`ene de lo-calisation est observ´e. La transformation se concentre dans des bandes (sur ´eprouvettes plates ou films) ou en h´elices (sur ´eprouvettes tubulaires). Au sein d’une bande, la d´eformation augmente rapidement, alors qu’ailleurs, elle a cess´e de croˆıtre, jusqu’`a at-teindre une d´eformation de saturation (de l’ordre de 6 `a 8% selon les alliages). Une fois la saturation atteinte, les bandes ou h´elices s’´elargissent jusqu’`a se rejoindre. Toute la mati`ere est alors transform´ee en martensite.

Comme la transformation est exothermique, de la chaleur est produite au front de bande. La temp´erature augmente fortement localement d’une dizaine de degr´es [Piec-zyska et al., 2006]. Cette chaleur est d´efavorable `a la transformation et tend `a l’arrˆeter. Ce-pendant un champ de contrainte anisotrope local dˆu aux incompatibilit´es de d´eformation

20 Alliages `a M´emoire de Forme et transformation martensitique

(a) (b)

(c)

FIGURE 1.14: Effet du cyclage sur la r´eponse macroscopique d’un ´echantillon de NiTi : a) Cyclage en traction dur un monocristal [Gall et al., 2001]. b) Cyclage en compression sur un monocristal [Gall et al., 2001]. c) Cyclage en traction sur un polycristal [Kim et

Daly, 2011].

apparait ´egalement au front, qui lui favorise le changement de phase. Il y a donc comp´etition entre ces deux ph´enom`enes : le nombre de bandes varie en fonction des conditions thermiques et de la vitesse de sollicitation (comp´etition entre g´en´eration et dissipation de la chaleur) et les bandes et les h´elices apparaissent, `a cause de l’anisotro-pie, avec une inclinaison fixe sur l’axe de traction (±54 degr´es sur l’axe de traction [Shaw et Kiriakides, 1998; Maynadier et al., 2010a]).

Le ph´enom`ene de localisation se retrouve aussi bien lorsque l’on sollicite des struc-tures mono- ou poly-cristallines. Cependant de par la pr´esence de joints de grains le front de bande est de nature totalement diff´erente. Dans un monocristal, il s’agit soit d’une in-terface limitant le domaine d’existence d’une variante, soit d’un plan d’habitat d´efinissant l’interface entre un domaine d’existence de variantes compatibles et l’aust´enite (voir fi-gure 1.17, `a gauche). Dans un polycristal le front est plus chahut´e car il s’´etend sur plu-sieurs grains. `A l’int´erieur d’une mˆeme bande (comme le montrent les micrographies au Microscope ´Electronique `a Balayage 1.31 et les micrographies optiques 1.4) les lamelles de variantes ont tendance `a toutes s’aligner et `a s’affranchir des joints de grains.

Comportements thermom´ecaniques 21

(a) (b)

FIGURE1.15: Diff´erence de comportement entre un monocristal de Ni-Ti et un polycris-tal de mˆeme composition textur´e [Gall et al., 2001]. a) R´eponse en traction. b) R´eponse

en compression.

— a — — b — — c —

FIGURE 1.16: a) et b) Localisation de la transformation observ´ee par Shaw [2000] lors d’un essai de traction sur ´eprouvette plate en NiTi, `a ˙ε= 10−4s−1de taux d’allongement `a temp´erature ambiante. Observations r´ealis´ees en imagerie visible (a) et infrarouge (b). c) ´Eprouvettes plates `a 3% d’allongement, sollicit´ees `a diff´erentes vitesses de traction,

observ´ees par imagerie visible sous lumi`ere rasante [He et Sun, 2010].

2.3.1 Observation par mesure de champs

La localisation de la transformation en bandes a ´et´e beaucoup ´etudi´ee exp´erimentalement, `a l’aide de toutes sortes de structures ´elanc´ees (fils, tˆoles, tubes, plaques, barreaux...). Pour observer les bandes, leur nombre et leur morphologie, de nom-breuses techniques ont ´et´e utilis´ees. On peut notamment citer l’utilisation d’un revˆetement fragile dont la r´eflectivit´e change au passage du front de bande utilis´e par Shaw et Kiria-kides [1997, 1998]. Comme la transformation est isochore, il est aussi possible de les observer en imagerie visible sous lumi`ere rasante (comme sur la figure 1.16-c) [Zhang et al., 2010; He et Sun, 2010]). Il a ´et´e ainsi possible d’´etablir exp´erimentalement la rela-tion liant le nombre de bandes au taux d’allongement :

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FIGURE 1.17: Nature du front de bande lors de la localisation de la transformation dans une ´eprouvette monocristalline (`a gauche) ou polycristalline (`a droite). (d’apr`es Feng et

Sun [2006])

nmax= C · ˙εm

(1.1) o`u nmax est le nombre de bandes maximal apparaissant au cours de l’essai, ˙ε est le taux d’allongement, C est une constante qui peut s’´ecrire 1/(c ·∆εtr) avec c la vitesse de propagation des bandes et∆εtrest la d´eformation de transformation au cœur des bandes. Il a ´et´e ´etabli que C et m d´ependent fortement des conditions thermiques de l’essai [Zhang et al., 2010; He et Sun, 2011].

FIGURE 1.18: Nombre maximal de bandes apparaissant au cours d’essais de traction `a diff´erents taux d’allongement sur ´eprouvettes NiTi (0, 5 × 2,6 × 30 mm) [Zhang et al., 2010]. Pour ces conditions d’´echange thermique (´eprouvette tr`es fine plong´ee dans l’air

ambiant non ventil´e), on identifie exp´erimentalement m= 1/2.

Cependant l’imagerie optique dont on vient de parler ne permet pas de r´ealiser des mesures quantitatives. Pour connaˆıtre la d´eformation au cours de l’essai en plusieurs

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points, de nombreuses jauges de d´eformation sont alors n´ecessaires [Shaw et Kiriakides, 1997]. Les techniques de mesure de champs cin´ematiques am`enent donc une information suppl´ementaire, et ont l’avantage de ne pas influer sur le ph´enom`ene. On peut ainsi me-surer les d´eplacements en chaque point de la surface de la structure ´etudi´ee et en d´eduire les d´eformations. La technique est utilis´ee par de nombreuses ´equipes de recherche, qu’il s’agisse de corr´elation d’images locale ou globale ou encore de mesure de champs par la m´ethode des grilles [Favier et al., 2007; Delpueyo et al., 2012; Kim et Daly, 2011; Vigneron, 2009].

FIGURE1.19: Courbe de traction et mesure de champs par la m´ethode des grilles sur une ´eprouvette monocristalline de CuAlBe [Delpueyo et al., 2012].

L’apparition de bandes de transformation est li´ee au couplage thermo-m´ecanique. La mesure de champs cin´ematiques est souvent compl´et´ee par de la mesure de champs ther-miques grˆace `a de l’imagerie infrarouge [Shaw et Kiriakides, 1997; Gadaj et al., 2002; Pieczyska et al., 2005; Schlosser et al., 2007; Zhang et al., 2010; Kim et Daly, 2011; Del-pueyo et al., 2012]. La confrontation des deux types de champs est pertinente et permet de mieux appr´ehender le couplage. Lorsque d´eplacements et temp´eratures sont connus en tout point, il est alors envisageable de r´esoudre l’´equation de la chaleur et d’identifier les sources de chaleur de la transformation, leur position et leur intensit´e. Sur cet axe on remarquera les travaux de Schlosser et al. [2007]; Louche et al. [2012], dans la continuit´e de Chrysochoos et Louche [2000]; Chrysochoos [2002]; Chrysochoos et al. [2008], mais aussi Pottier et al. [2009]; Badulescu et al. [2011]; Delpueyo et al. [2012]. Ces travaux men´es aussi bien sur des monocristaux que des polycristaux ont entre autres choses

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mis d’affirmer la simultan´eit´e de l’´emission de chaleur et de la d´eformation, et de montrer que la transformation ne se produit plus qu’au front de bande une fois la localisation initi´ee (cf. les cartes spatiotemporelles de la figure 1.20). Ces travaux ouvrent la voie `a de la calorim´etrie quantitative fiable, prenant en compte les changements de conductivit´e dus au changement de phase [Louche et al., 2012].

Ces mesures cin´ematiques, thermiques et calorim´etriques d´elivrent des informations pertinentes qui sont n´ecessaires `a une meilleure compr´ehension du couplage thermody-namique et du ph´enom`ene de localisation. Ces travaux reposent en grande partie sur le traitement des images num´eriques (visible ou infrarouge) et sur leur confrontation. Les proc´edures d’appariement des images sont critiques. Nous reviendrons sur les mesures de champs cin´ematiques et thermiques, leur mise en œuvre simultan´ee et leur confrontation dans le chapitre 2.

FIGURE 1.20: Cartes spatiotemporelles le long de l’´eprouvette lors d’un un essai de traction sur plaques minces de NiTi : a) D´eformation longitudinale, b) ´El´evation de temp´erature par rapport `a l’´etat initial, c) Sources de chaleur. Les courbes superpos´ees sont la contrainte en pointill´es gris et l’allongement en trait continu noir [Louche et al.,

2012].

2.3.2 Mod´elisation des bandes de transformation

Les bandes ont tendance `a se propager `a cause des sur-contraintes aux fronts de bandes dues aux incompatibilit´es. Simultan´ement, la chaleur g´en´er´ee par la transformation la freine. La localisation est li´ee `a la structure car elle provient de la comp´etition entre deux ph´enom`enes transitoires `a savoir la vitesse de g´en´eration de la chaleur (li´ee `a la vitesse de

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sollicitation) d’une part et la vitesse de dissipation de cette chaleur par diffusion dans le mat´eriau ou par convection dans l’environnement d’autre part. Si on sollicite tr`es rapide-ment une structure, une premi`ere bande apparaˆıt. La chaleur cr´e´ee au point de nucl´eation n’a pas le temps de se dissiper. La temp´erature en ce point est alors trop ´elev´ee pour continuer `a transformer, malgr´e la concentration de contrainte. `A une certaine distance cependant, le mat´eriau n’est pas impact´e par la chaleur g´en´er´ee plus avant, en fonction de l’´etat de contrainte, une autre bande peut y apparaitre.

La nucl´eation–propagation des bandes peut ˆetre retrouv´ee analytiquement : He et Sun [2010] retrouvent la relation 1.1 qui a d’abord ´et´e ´etabli exp´erimentalement [Shaw et Kiriakides, 1997; Zhang et al., 2010]. Les constantes m et C de l’´equation 1.1 sont ex-primables en fonction notamment des conditions thermiques de l’essai. He et Sun [2010] montrent que le coefficient d’´echange thermique avec l’environnement, repr´esentant les pertes par convection dans le milieu ambiant, a une grande influence sur l’exposant m. Ce dernier varie entre 0, 5 (conditions quasi-adiabatiques) et 1 (conditions quasi-isothermes). D’autres travaux de recherche ont ´et´e men´es pour mod´eliser grˆace `a la m´ethode des ´el´ements finis la localisation dans les structures [Peyroux et al., 1998; Hu et al., 2006; Vigneron, 2009]. Ces mod´elisations utilisent des lois de comportements issues de mod`eles ph´enom´enologiques ou multi´echelles.

Nous discuterons mod`eles de comportement et mod´elisation des structures respecti-vement dans les chapitres 3 et 4.

3 Les AMF de type Nickel-Titane

Parmi tous les AMF existants, nous avons choisi comme support de ces travaux de th`ese un alliage de Nickel-Titane quasi-´equiatomique : Ni49,95at%Ti. En effet, les alliages de Ni-Ti, ainsi que ceux l´eg`erement alli´es (additifs de Cu ou Fe) en proportions proches de 50-50at%, sont tr`es ´etudi´es. La transformation de phase se produit dans une gamme de temp´erature proche de l’ambiante, donc plus ais´ee `a observer en laboratoire. En effet l’Aust´enite est stable jusqu’`a basse temp´erature. La temp´erature de d´ebut de transforma-tion (Ms) d´epend tr`es fortement de la composition et du processus de mise en forme des ´echantillons. Pour ces alliages, l’aust´enite est une structure cubique centr´ee (ordonn´ee B2 : 8× 1/8 d’atome de Titane et 1 atome de Nickel au centre de la maille) qui se trans-forme en 24 variantes de martensite de structure monoclinique.

Ces AMF furent d´ecouverts au d´ebut des ann´ees 50 (d’autres AMF ´etaient connus de-puis les ann´ees 30) et leurs premi`eres utilisations datent du d´ebut des ann´ees 60. Au d´ebut cantonn´es aux applications militaires (pour la US-Navy), ils connaissent aujourd’hui de nombreuses applications commerciales. La mise en forme des NiTi est complexe et cou-teuse, leur usinage est notamment probl´ematique. Ceci le confine aux applications `a forte valeur ajout´ee. Le NiTi a par ailleurs le tr`es grand avantage d’ˆetre bio-compatible, et le

plateaude d´eformation r´eversible est d’une amplitude comparable `a celle de certains tissus humain (tendons...) [Morgan, 2004], [Duerig et al., 1999]. On le retrouve ainsi dans de nombreuses applications m´edicales.

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