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Sous ‐ phénotypes d'a s thme a ctuel

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Non asthma‐ tique  (ref) Sévérité Intermittent à modéré Sévère  persistant Contrôle Contrôlé Pas/peu contrôlé Odds  Ra ti o aj u st é (I C  95% pou l'e xp o si ti o n  aux  pr o d ui ts  de  ne tt oy ag e 2 16

Discussion 

 

Chez  les  femmes,  l’exposition  professionnelle  aux  produits  de  nettoyage  est  associée  à  des  formes  d’asthme sévère, ainsi qu’à des phénotypes d’asthme non allergique et non éosinophilique. 

Pour  les  phénotypes  d’asthme  caractérisant  l’expression  clinique  de  la  maladie,  les  associations  observées  pour  l’exposition  professionnelle  aux  produits  de  nettoyage  étaient  similaires  à  celles  observées précédemment dans EGEA2 pour les expositions domestiques aux sprays [173], avec des  associations avec un asthme sévère, symptomatique, et une association suggérée avec l’asthme peu  ou  pas  contrôlé.  Concernant  l’association  entre  l’exposition  professionnelle  aux  produits  de  nettoyage et la sévérité de l’asthme, une association forte avait également été trouvée à EGEA1 pour  l’exposition  actuelle  aux  produits  de  nettoyage  (7.2  (1.3‐39.9))  [112].  L’analyse  actuelle  a  été  conduite  chez  les  sujets  adultes  à  EGEA2  (incluant  également  des  sujets  vus  en  tant  qu’enfant  à  EGEA1), et prend en compte une fenêtre d’exposition plus large (exposition  vie). La  cohérence  des  résultats  entre  l’étude  initiale  et  le  suivi,  et  la  similarité  des  résultats  obtenus  pour  les  différentes  mesures  de  l’expression  clinique  de  la  maladie,  et  pour  l’exposition  professionnelle  et  l’exposition  domestique,  souligne  l’effet  délétère  des  produits  de  nettoyage  dans  l’asthme.  Les  niveaux  d’expositions  sont  probablement  plus  élevés  pour  les  personnes  exposées  dans  le  cadre  professionnel, mais les expositions domestiques sont beaucoup plus fréquentes dans la population.  Ainsi,  il  est  probable  que  les  deux  types  d’expositions  représentent  des  enjeux  de  santé  publique  importants. 

 

Concernant  les  phénotypes  représentant  la  composante  allergique  de  l’asthme,  des  associations  étaient observées entre l’exposition professionnelle aux produits de nettoyage et l’asthme avec des  tests  cutanés  négatifs  et  avec  un  faible  niveau  d’IgE.  Ces  résultats  suggèrent  l’existence  de  mécanismes non allergiques pour l’effet des produits de nettoyage dans le cadre professionnel.   Des résultats similaires avaient été observés dans des études de l’asthme atopique et non atopique  dans des populations européennes [174] et taïwanaises [175]. En revanche, ces résultats différaient  de  ce  qui  avait  été  observé  pour  l’exposition  domestique  aux  sprays  dans  EGEA2 [173]  :  les  OR  étaient similaires pour l’asthme avec ou sans tests cutanés positifs, et une association plus forte avait  été observée pour l’asthme avec un niveau d’IgE élevé que pour l’asthme avec un faible niveau d’IgE. 

Ces  différences  peuvent  être  liées  aux  types  de  produits utilisés  dans  les  cadres  professionnel  et  domestique  :  les  sprays  domestiques  contiennent  des  parfums,  qui  peuvent  avoir  des  propriétés  sensibilisantes.  Dans  le  contexte  professionnel,  des  associations  avec  l’asthme  ont  été  observées  pour  un  nombre  plus  important  de  produits,  et  la  possibilité  d’expositions  aux  irritants  a  été  soulignée. Dans cette étude, comme nous l’avons montré dans la partie précédente, les travailleurs  exposés utilisent de nombreux produits comme l’eau de javel, l’ammoniac, ou les sprays. 

 

Pour les phénotypes inflammatoires, les résultats étaient similaires à ceux obtenus pour l’exposition  domestique  aux  sprays.  L’exposition  professionnelle  aux  produits  de  nettoyage  était  associée  de  façon plus marquée à l’asthme avec un faible nombre d’éosinophiles, ce qui est également cohérent  avec  l’hypothèse  de  mécanismes  non  allergiques.  Pour  les  neutrophiles,  les  associations  pour  les  niveaux bas et élevés étaient similaires. Les études sur les phénotypes inflammatoires dans l’asthme  professionnel et particulièrement l’asthme lié aux produits de nettoyage sont rares. Dans une étude  des cellules inflammatoires dans les expectorations bronchiques chez des travailleurs avec un asthme  professionnels  lié  à  des  agents  de  petit  poids  moléculaire,  des  résultats  similaires  avaient  été  observés [285]. 

 

L’étude  EGEA,  avec  son  questionnaire  détaillé  et  standardisé,  complété  d’un  examen  médical,  permet  une  bonne  caractérisation  phénotypique  des  sujets.  Les phénotypes  étudiés  étaient  définis  au  plus  proche  des  recommandations  internationales,  et  comme  auparavant  dans  des  études  publiées. Ce type d’information détaillé est rarement disponible dans des études avec des effectifs  importants. Ici, les résultats doivent être interprétés prudemment car les analyses ont été faites sur  des effectifs généralement faibles.    Plusieurs éléments doivent être considérés pour l’interprétation de ces résultats, tant d’un point de  vue épidémiologique que d’un point de vue clinique.  Tout d’abord, il est possible que l’absence d’association avec l’asthme allergique soit en partie liée à  un biais du travailleur sain [31], si les symptômes d’allergie dans l’enfance influencent le choix d’un  métier    non  exposé  (voir  partie  résultat  et  discussion  « Asthme  et  sélection  à  l’embauche »).  Les  sujets  avec  un  asthme  dans  l’enfance  ont  été  exclus  des  analyses  pour  limiter  ce  phénomène.  Par  ailleurs, dans ces analyses, l’allergie est étudiée comme un paramètre définissant un sous‐phénotype 

d’asthme,  ce  qui  est  le  plus  cohérent  avec  les  connaissances  actuelles  sur  les  mécanismes  physiopathologique  de  l’asthme  professionnel.  Cette  stratégie  d’analyse  ne  serait  pas  appropriée  sous  d’autres  hypothèses sur  le  schéma  causal  sous‐jacent  :  par  exemple,  s’il  était  supposé  que  l’allergie est une variable intermédiaire entre l’exposition et l’asthme ; ou que l’allergie et l’asthme  ne  sont  pas  liés  par  une  relation  causale,  mais  sont  associées  de  part  l’existence  de  causes  communes.  Dans  ces  cas,  une  analyse  des  effets  des  produits  de  nettoyage  sur  l’asthme  et  sur  l’allergie séparément devrait être préférée [284]. 

Deux  études  récentes  [139,  171]  portant  sur  les  liens  entre  les  expositions  professionnelles  aux  produits  de  nettoyage  et  l’asthme  ont  montré  des  associations  avec  l’asthme  défini  à  partir  de  questions sur les symptômes (sifflements ou essoufflement au travail [171], ou score de symptômes  [139]), plutôt que l’asthme défini de façon plus « standard » (asthme diagnostiqué par un médecin,  ou définition standard de l’asthme actuel). Vizcaya et al. [139] suggèrent que cela pourrait être lié à  une méconnaissance de ce type d’asthme par les médecins (car l’asthme lié aux produit de nettoyage  serait moins invalidant que d’autres types d’asthme), ou que les produits de nettoyage causeraient  des symptômes d’irritation mais pas un « vrai » asthme. Bien que l’association observée dans notre  étude  uniquement  avec  l’asthme  non  allergique  pourrait  aller  dans  le  sens  de  cette  dernière  hypothèse,  nous  avons  par  ailleurs  observé  des  associations  avec  non  seulement  l’asthme  actuel  défini  de  façon  standardisée  (et  avec  l’inclusion  de  cas  asthmatiques  recrutés  dans  des  services  de  pneumologie), mais aussi avec des formes sévères de l’asthme. Nos résultats suggèrent donc plutôt  que  ces  formes  d’asthme  ne  sont  pas  incompatibles  avec  l’hypothèse  d’une  place  importante  des  irritants  dans  l’asthme  lié  au  produits  de  nettoyage.  Un  sous‐diagnostic  ou  un  sous‐traitement  de  l’asthme lié aux produits de nettoyage est cependant possible [112] : l’asthme professionnel est de  manière  générale  sous‐diagnostiqué [286]  ;  par  ailleurs,  les  personnes  travaillant  comme  employés  de  ménage  appartiennent  souvent  à  des  catégories  sociales  défavorisées,  avec  une  plus  grande  proportion  de  travailleurs  immigrés  [133].  Ce  type  d’emploi  est  souvent  précaire  (et  parfois  non  déclaré),  avec  des  protections  légales  et  sociales  réduites  [133,  287].  Dans  ces  conditions,  les  contacts  de  ces  travailleurs  avec  le  milieu  médical  pourraient  être  plus  limités  que  dans  d’autres  populations [288], le diagnostic de la maladie pourrait être retardé [289] et la maladie pourrait être  moins bien traitée [290]. 

En conclusion, les résultats de l’étude EGEA montrent que les produits de nettoyage utilisés dans le  cadre  professionnel  ou  domestique  sont  liés  à  une  expression  clinique  similaire  de  l’asthme,  en  particulier avec des formes sévères de la maladie. Cependant, les résultats suggèrent que différents  mécanismes  (allergiques  et  non  allergiques)  pourraient  être  impliqués.  Des  mécanismes  non  allergiques  pourraient  jouer  un  rôle  plus  important  dans  l’asthme  lié  aux  produits  de  nettoyage  utilisés  au  travail,  ce  qui  souligne  la  place  des  nuisances  irritantes  comme  déterminant  de  ce  type  d’asthme.  Dans  le  cadre  professionnel  comme  dans  le  cadre  domestique,  des  associations  étaient  observées  uniquement  avec  l’asthme  non  éosinophilique.  Des  études  plus  larges  avec  des  caractérisations phénotypiques précises sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes de  l’asthme lié à l’exposition aux produits de nettoyage. 

V.2 ­ ETUDE DU BIAIS DU TRAVAILLEUR SAIN DANS 

L’ASTHME 

  Ce chapitre porte sur le phénomène du biais du travailleur sain dans l’asthme. La première partie est  consacrée à l’étude du biais de sélection à l’embauche dans l’asthme, et ses déterminants cliniques  et sociodémographiques. La deuxième partie porte sur l’utilisation de modèle marginaux structuraux  pour  quantifier  et  contrôler  le  biais  du  travailleur  sain  dans  une  étude  longitudinale  de  l’effet  de  l’exposition professionnelle sur l’expression clinique de l’asthme. 

 

A ­ ASTHME ET SELECTION A L’EMBAUCHE (HIRE EFFECT) 

 

Ce  travail  a  été  présenté  au  congrès  de  l’ERS  (European  Respiratory  Society)  à  Barcelone  en  septembre 2010 [291] et a fait l’objet d’un article publié dans la revue European Respiratory Journal  [292]. 

 

Dans  les  études  épidémiologiques  des  risques  professionnels  dans  l’asthme,  il  est  possible  que  les  associations observées soient sous‐estimées à cause du biais du travailleur sain [31]. L’existence d’un  biais de sélection en cours d’emploi (« survivor effect ») lié à l’asthme a été montrée dans plusieurs  études [31]. Le biais de sélection à l’embauche, un mécanisme de sélection opérant au moment du  choix  de  carrière  de  par  une  éventuelle  sélection  à  la  première  embauche  d’environnements  de  travail pas ou peu exposés à des nuisances à risque par les individus avec un asthme préexistant, a  été moins étudié. Des études récentes ont observé des résultats contrastés : certaines ont montré un  biais  de  sélection  à  l’embauche  lié  à  la  rhinite  allergique  mais  pas  à  l’asthme [215,  218,  220]  ;  une  étude,  basée  sur  des  données  rétrospectives,  suggère  la  possibilité  d’un  biais  de  sélection  à  l’embauche dans l’asthme [219]. L’ampleur et les déterminants d’une sélection à l’embauche liée à  l’asthme  restent  à  évaluer.  En  particulier,  les  rôles  de  l’expression  clinique  et  de  l’histoire  de  la  maladie, et de facteurs socio‐économiques et démographiques n’ont jamais été étudiés. 

Dans  l’étude  EGEA,  des  sujets  ont  été  suivis  depuis  l’enfance  jusqu’au  début  de  la  vie  active.  L’objectif de cette analyse était de déterminer : (1) si les sujets avec un asthme ayant débuté dans  l’enfance ou avant la première activité professionnelle évitent les expositions professionnelles à leur 

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