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LE PHÉNOMÈNE DE LA CODIFICATIONS DES COUTUMES AUTOCHTONES ENTRE LA FIN DU XIXe SIÈCLE ET LE DÉBUT DU XXe

CONCLUSION DU CHAPITRE

SECTION 2. LE PHÉNOMÈNE DE LA CODIFICATIONS DES COUTUMES AUTOCHTONES ENTRE LA FIN DU XIXe SIÈCLE ET LE DÉBUT DU XXe

SIÈCLE

Le travail de rédaction et de codification des coutumes kabyles a été à l’origine d’un vaste phénomène de rédaction et de codification des coutumes autochtones au sein des colonies françaises. L’ouvrage d’Hanotaux et Letourneux a eu notamment une influence sur les projets de codification du droit musulman algérien de Morand ainsi que sur le projet de codification des coutumes berbères marocaines, tout comme sur les Coutumiers africains en A.O.F. Les opérations de rédaction et de codification des coutumes kabyles présentent plusieurs points de convergence avec des opérations analogues au cours du XXe siècle dans d’autres empires coloniaux européens et sont présents dans les droits coloniaux romanistes ainsi que ceux de Common law.

§1. LES SIMILITUDES ET LES DIFFERENCES ENTRE « LA KABYLIE ET LES COUTUMES KABYLES » ET LES COUTUMIERS DE L’A.O. F. ET DE L’A.E.F.

L’influence du travail d’Hanoteau et Letourneux a été visible en Algérie dès les années 1910 au moment de la rédaction d’un Code musulman de la part du Doyen de la Faculté de Droit d’Alger, Marcel Morand. Tout comme ce fut le cas de La Kabylie

et les coutumes kabyles, l’avant-projet Morand avait tenu en compte uniquement des

aspects du droit musulman - fiqh qui présentaient une certaine pertinence avec le droit privé français. Hormis l’exemple du Code Morand, l’avènement du régime civil mit en Algérie fin à l’élan codificateur. Néanmoins, ce mouvement de codification des coutumes autochtones fut exporté dans les colonies et le protectorat français en Afrique et en Cochinchine.

Hannman affirme sur ce point que : « L’importance de la Kabylie et les coutumes

kabyles s’étend au-delà (du cadre restreint) de la Kabylie. Cette œuvre d’un général - Alphonse Hanoteau - et d’un magistrat - Aristide Letourneux, conseiller de la Cour

d’Alger - représente l’une des toutes premières codifications juridiques d’envergure suscitée par l’histoire coloniale européenne577 ».

Le travail de rédaction et de codification des coutumes que les Bureaux Arabes avaient mené en Algérie à partir des années 1860, a eu une certaine influence sur la Politique Berbère menée au sein du Protectorat français au Maroc au début du XXe siècle578. Tout comme ce fut le cas en Algérie pour les coutumes kabyles, au Maroc l’ensemble des coutumes berbères furent maintenues en place et toujours comme en Algérie l’administration française au Maroc tenta de codifier l’ensemble des coutumes berbères du Maroc.

Tout comme la politique menée par les Bureaux Arabes en Kabylie, la politique berbère voulue par Lyautey visait au maintien en place des structures politiques des populations berbères marocaines. À l’instar de Randon en Kabylie, les gouverneurs français s’étaient opposés à l’implantation dans les territoires berbères du Maroc de tribunaux musulmans. Lyautey était influencé par la thèse de Harnan et précisément par son ouvrage intitulé Domination et colonisation579 dans lequel l’auteur prônait un modèle de colonisation basé sur le maintien en place des institutions et des usages indigènes580.

La Kabylie a ainsi représenté un terrain d’expérimentation pour les futures « politiques berbères » menées par la France au Maroc. Le rapport datant de 1914581 représente un exemple de l’affinité entre les deux politiques vis-à-vis du droit coutumier et le rapport de 1914 résume l’objectif de la politique française au

577 T. Hannmann, op. cit., p. XXXII.

578 L’œuvre d’Hanoteau, Letourneux a exercé une certaine influence dans d’autres empires coloniaux.

Voir P. Parkes, «Canonical ethnography : Hanoteau and Letourneux on Kabyle communal law», in Out of the study an into the field - Ethnography Theory and Practice in French Anthropology , Methodology and History in Anthropology, Volume 22, Edited by R. Parkin and A. de Sales, Bergan Books, New York, 2010. p. 62.

579 J. Lafon, Itinéraire de l’histoire du droit à la diplomatie culturelle et à l’histoire coloniale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 317.

580 Ibid.

581 A. Plantey, La réforme de la Justice Marocaine-La justice Makhzen et la Justice Berbère, Paris,

Maroc582. Sur le sujet de la coutume berbère en vigueur auprès de la population de

l’Atlas le document donne les instructions suivantes :

« […] Nous devons constamment nous inspirer des mœurs et des coutumes locales et,

quand nous avons à innover, le faire avec la plus grande prudence, sans nous croire liés, dans ces innovations, par les formes musulmanes que nous suivons ailleurs. […] En résumé, il faut éviter d’islamiser, d’arabiser les Berbères. S’il est nécessaire qu’ils évoluent, nous dirigerons leur évolution vers une culture nettement européenne, et non purement musulmane […]583 ».

Pour pouvoir être appliquées, les coutumes berbères devaient être connues et étudiées. Le modèle dont les gouverneurs s’étaient inspirés demeurait naturellement l’ouvrage d’Hanoteau et Letourneux. Les coutumes furent appréhendées de façon très similaire à celle qui fut adoptée pour la rédaction de la « Kabylie et les coutumes

kabyles », c’est-à-dire sous un angle juridique. Cette influence était reconnue de

façon explicite dans les termes suivants :

« Les travaux faits en Algérie et surtout ceux de Hanoteau et Letourneux nous

fourniront pour cela une base solide584 ».

La codification des coutumes kabyles menée par Hanoteau et Letourneux, est vue par l’administration française présente au Maroc, comme un modèle applicable aux coutumes berbères marocaines. Nous trouvons ainsi écrit : « […] il importe de

recueillir les survivances de cette coutume partout où elles seront signalées, même à l’état fragmentaire. Et c’est seulement lorsque nous posséderons un recueil complet de ces survivances qu’il sera possible d’entreprendre le travail de synthèse analogue au beau travail de Hanoteau et Letourneux sur la Kabylie et ses coutumes585 ». Le Résident général de France au Maroc avait adressé le 15 juin 1914 à tous les postes du Protectorat un questionnaire indiquant les points à étudier. Le 09 janvier

582Ibid. 583 Ibid.. 584 Ibid., p. 09. 585 Ibid., p. 83.

1915 fut constitué à Rabat un Comité d’Etudes berbères586, ayant pour objectif :

« […] de centraliser les travaux établis dans les différentes régions sur les

populations berbères du Maroc587 ». Le questionnaire visait à étudier les coutumes berbères et à les classer selon les catégories du droit privé588 et de droit pénal (atteintes à la propriété) et à étudier la procédure qui se tenait devant les djemââs. Le phénomène de la codification des coutumes s’exporta par la suite à partir de la fin du XXe siècle dans les colonies de l’Afrique occidentale française (A.O.F.) ainsi qu’en Cochinchine.

Faidherbe importa au Sénégal l’institution du Cercle militaire qui avait instauré en Algérie par les Bureaux arabes.589. Faidherbe, avait été affecté en Algérie en 1844 et en 1849 pour la durée de 3 ans590. Sous les ordres de Saint Arnaud, ce dernier avait

été affecté dans la Campagne de Kabylie où il participa à la construction du fort de

Bou Saada591.

Dans son ouvrage intitulé Les Zenaga des tribus sénégalaises. Contribution à l’étude

de la langue berbère, Faidherbe donna une image très positive des berbères d’Afrique

du nord592 auxquels il attribue tous les lieux communs du mythe kabyle, comme l’absence de polygamie, un statut avantageux pour les femmes et une gouvernance démocratique. Faidherbe s’inspire de la grammaire kabyle d’Hanoteau afin d’étudier les langues berbères présentes au Sénégal593. Ceci étant, Faidherbe avait néanmoins une image très négative des Berbères maures de la rive droite du fleuve Sénégal qui,

586 Ibid.

587Archive Berbère : Publication du Comité d’Etudes Berbères de Rabat. Vol. I Année 1915, p. 06 et

suivants

588 1. La famille. A) le Mariage. b) le clan,.T -L’Agriculture et l’élevage 2-Le commerce-Les échanges, 3-

L’industrie-) c) La propriété (1-Propriété privée, 2-Prop. Collective, 3)-Transmission de la propriété) d) attentats contre la propriété. D) La justice (1-La coutume 2-statut personnel3-Les contestations (intervention de la djemaa ou des arbitres).

589 J. Lafon, op. cit., p.320.

590 J. Amselle, op. cit., p. 122.

591 Ibid., p. 122.

592 L. Faidhèrbe, Le Zénaga des tribus sénégalaise, Contribution à l’étude de la langue berbère, Lille,

Danel, 1977, p. 95. 593 Ibid., p. 22-26.

selon lui, étaient des fanatiques religieux qui exerçaient une influence négative sur les populations noires du Sénégal594.

Comme vu plus haut, l’administration de Faidherbe, fondée sur la Direction des affaires politiques, était inspirée des Bureaux Arabes de Bugeaud595. Ainsi Faidherbe mit en place des tribunaux coraniques qui visaient selon lui à protéger la justice indigène des atteintes du droit français596. La politique de la Direction des affaires politique fut perfectionnée par la suite par Gallieni597.

Par conséquent, comme en Kabylie, en A.O.F les militaires français mirent en place une administration indirecte qui consistait à contrôler les tribus locales en affaiblissant le rôle des chefferies et des marabouts, le tout en maintenant en place leurs institutions politiques traditionnelles locales. La politique française en A.O.F. fut le triomphe de la politique par association. Tout comme les Bureaux Arabes en Kabylie, l’administration française en Afrique occidentale comme l’explique Maupoil avait : « […] posé en principe le respect des coutumes locales en tout ce qu’elles

n’ont pas de contraire aux règles admises par la civilisation d’Europe598 ». Tout

comme ce fut le cas pour les militaires des Bureaux Arabes présents en Algérie, les administrateurs français en A.O.F avaient comme priorité principale le maintien l’ordre public. L’article 75 du décret du 10 novembre 1903 prévoyait que : « La

justice indigène appliquera en toute matière les coutumes locales, en tout ce qu'elles n'ont pas de contraire aux principes de la civilisation française ». Ce fut ainsi que les

coutumes locales qui menaçaient l’ordre public étaient réprimées. Tout comme en Kabylie, les militaires français se livrèrent eux aussi à l’étude des coutumes locales en vue d’une future rédaction et codification de celle-ci. Ces deux opérations étaient inspirées de la rédaction des qanouns kabyles ainsi que de l’ouvrage d’Hanoteau et Letourneux.

594 L. Faidhèrbe, Chapitre de géographie sur le nord-ouest de l’Afrique avec une carte de ces contrées

à l’usage des écoles de la Sénégambie, Saint-Louis, Sénégal, Imprimerie du gouvernement, 1864, p. 9. Ouvrage cité dans le livre de Amselle, op.cit., p. 128.

595 J.Amselle, op. cit., p. 139-141. 596 Ibid., p. 141.

597 J. Lafon, op. cit, p. 320.

598 B. Maupoil, « L’étude des Coutumes juridiques de l’A.O.F », in Coutumiers Juridiques de l’Afrique

Contrairement à ce qui se vérifia en Kabylie, le phénomène de la codification des coutumes d’Afrique de l’Ouest est né d’une initiative franco-allemande et non pas uniquement française. L’initiative avait été prise durant la Conférence de Berlin, à la suite de laquelle en 1885 le Dr Hammacher, membre du Reichtag, avait demandé aux autorités coloniales allemandes d’obtenir le plus grand nombre d’informations sur les coutumes des populations autochtones des colonies allemandes599. Le juriste Hermann Post rédigea pour l’Union internationale de droit comparé et d’économie un formulaire portant sur le « droit coutumier des peuples primitifs ou demi- civilisés600 ». Cette étude avait reçu le support du Département allemand des affaires étrangères et de la compagnie allemande des colonies ainsi que celui de l’Union coloniale française601.

L’initiative de la rédaction des coutumes africaines fut par L’Union Internationale de

Droit et d’Economie Politique qui avait son siège à Berlin en 1897. Le 3 janvier

1897 le colonel Trentinian, Lieutenant-Gouvernant du Soudan, adressait à tous les Commandants de région, cercles et postes, une note dans laquelle il demandait de répondre au questionnaire qui lui avait été adressé par L’Union internationale de Droit et d’Economie politique à Berlin, en précisant ce qui suit :

« J’attache une grande importance à ce travail, non seulement parce qu’au point de

vue scientifique, il est de notre devoir de coopérer à l’œuvre de l’Union internationale par l’apport de documents les plus complets et les plus consciencieusement établis, mais encore parce que ce travail sera d’une très grande utilité pour tous ceux qui viennent servir au Soudan ou s’intéressent à cette colonie. Il devra donc être établi avec le plus grand soin602 ».

Par la suite Trentinian ajoutait :

599A. Lyall, «Early German Legal Anthropology: Albert Hermann Post and his Questionnaire», in

Journal of African Law, 52, 2008, p. 116. 600 Ibid., p. 116.

601 Ibid.,

602B. Mapoil, (introduction),Coutumier Juridique de l’Afrique Occidentale Française, Paris, Tome I,

Sénégal, Publications du comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique Occidentale Française, 1939, p. 1-2.

« J’attire votre attention sur l’importance de certaines observations contenues dans

l’avertissement qui précède le questionnaire, telles que : ne jamais généraliser, noter les différences locales et les circonstances qui les produisent, donner des renseignements absolument exacts et authentiques plutôt que complets et abondants603 »

Ce fut par la suite et sous les auspices du L’Union Internationale de Droit et

d’Economie Politique, qui avait son siège à Berlin, qu’en 1897 Charles Monteil

rédigea seize coutumiers ayant pour objet les coutumes des populations Khassoné604. Le 14 févier 1901 le Gouverneur Clozel avait constitué une Commission d’étude ayant comme objectif d’étudier les coutumes des populations Agni de la Côte d’Ivoire. Comme il avait était le cas auparavant pour les coutumes berbères marocaines, les travaux de recherche furent menés par le biais de questionnaires juridiques par Villamour et Delafosse 605 . Les données recueillies sur les coutumes

Agni furent classées selon le schéma du Code civil, en chapitres et articles. L’Arrêté

du Gouvernement de la Côte d’Ivoire avait précisé qu’il « […] ne s’agit pas là d’un

Code devant être rigoureusement appliqué […] mais plutôt de dresser un tableau clair et précis de ces coutumes au stade actuel de leur évolution, sans arrêter les progrès de celles-ci 606».

Au-delà des bonnes intentions, les coutumiers africains visaient à unifier des coutumes et des usages qui étaient très fragmentaires607. De façon encore semblable à la politique menée en Kabylie, les coutumes d’Afrique noire avaient été appréhendées sous un angle d’analyse purement juridique en utilisant des questionnaires qui orientaient les recherches vers des problématiques et des matières juridiques telles que les statuts personnels et le droit foncier.

603 Ibid., p. 2.

604 J. Poirier, « La rédaction des coutumes juridiques en Afrique d’expression française » In (sous la

dir. J. Gillissen), La rédaction des coutumes dans le passé et dans le présent, Etudes d’histoire et d’ethnologie juridiques, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, Institut de Sociologie, 1962, p. 275.

605 Ibid.

606 P. Hacoun-Campredon, Etude sur l’évolution des coutumes kabyles. Spécialement en ce qui

concerne l’exhérédation des femmes et la Pratique du Habous, Alger, Ancienne Maison Bastide- Jourdan, 1921, p. 79.

Les coutumiers africains ont été clairement influencés par le travail d’Hanoteau et Letourneux en Kabylie, cela bien que les auteurs des coutumiers africains tels que Brévié, ne citent pas l’œuvre d’Hanoteau et Letourneux, plusieurs éléments laissent penser que ces coutumiers se sont inspirés de l’ouvrage des auteurs de La Kabylie et

les coutumes kabyles : d’abord, comme nous l’avons mentionné plus haut, Faidherbe

connaissait l’œuvre d’Hanoteau et par ailleurs Hermann Post, qui fut l’inspirateur des coutumiers d’Afrique noire, cite maintes fois La Kabylie et les coutumes kabyles dans son ouvrage intitulé Afrikanische Jurisprudenz 608. Enfin, à l’image de Hanoteau,

Hermann Post utilisa des questionnaires.

Le décret du 10 novembre 1903 avait réorganisé la justice dans les colonies relevant du Gouvernement général de l’Afrique occidentale française. L’article 75 de ce décret garantissait aux Africains de la Fédération le maintien de leurs coutumes avec la limite du « […] respect des principes essentiels d’humanité 609».

Le 25 avril 1905 le gouverneur général de l’A.O. F, Roume, s’adressait aux chefs des colonies dans les termes suivants :

« Notre ferme intention de respecter les coutumes ne saurait nous créer l’obligation

de les soustraire à l’action du progrès, d’empêcher leur régularisation ou leur amélioration. Avec le concours des tribunaux indigènes eux-mêmes, il sera possible d’amener peu à peu une classification rationnelle, une généralisation des usages compatibles avec la condition sociale des habitants et de rendre ces usages de plus en plus conformes, non point à nos doctrines juridiques métropolitaines qui peuvent être opposées, mais aux principes fondamentaux du droit naturel, sources premières de toutes les législations610 ».

Ce fut au moment de l’adoption du décret du 03 décembre 1931 qui réforma la justice indigène en A.O.F., que l’administrateur M Henri Labourt souleva la question du manque de connaissance de la part des présidents des tribunaux indigènes des coutumes indigènes. Ce dernier conclut ainsi que :

608A. Hermann Post, Afrikanische Jurisprudenz. Ethnologisch-Juristicsche Beitrage zur Kenntinis

des einheimischen Rechte Afrika vo. I, Olenburg un Leipzig, 1887, p. 174, pp.288-310-364- 360, p. 364-435-437

609 B. Mapoil, (introduction), op cit., p. 03.

« Seule la rédaction des coutumes sous forme de monographies tribales permettra

d’atteindre ce but 611 ».

Le gouverneur Brévié envisagea la rédaction d’un manuel destiné à l’usage des magistrats français contenant uniquement les coutumes civiles612. Plus que d’une rédaction, il s’agit ici d’une véritable codification des coutumes de l’Afrique occidentale. Ce fut ainsi qu’en 1939 furent publiés les Coutumiers africains voulus par Brévié et rédigés par Coppet. Cet ouvrage en trois volumes constitue une véritable codification des coutumes des populations autochtones613 de l’Afrique de l’ouest (l’A.O. F).

De façon similaire aux coutumes kabyles, les coutumes indigènes de l’A.O. F ont fait l’objet d’une rédaction suivie par une codification, deux opérations visant à réduire les différences entre les usages locaux en vue de leur future codification officielle. Mais contrairement à ce qui se passa en Algérie, les juges français en AOF qui statuaient en matière coutumière faisaient très rarement référence aux coutumiers de l’AOF. En ce sens, le témoignage du magistrat André Robert est clair là où il écrit : « […] nous n’avons jamais vu en Guinée, en Côte d’Ivoire ou en Haute-Volta, les

tribunaux indigènes statuer en se référant aux coutumiers d’A.O.F. Les assesseurs font appel à leur mémoire et à leur expérience des pratiques coutumières pour régler les litiges ; personne ne conçoit que les règles coutumières fassent l’objet d’une rédaction et encore moins d’une codification systématique614».

Le phénomène de rédaction et de codification des coutumes indigènes était présent aussi en Cochinchine, cela avant même que la conquête et la colonisation française de ce territoire furent achevées. En effet les coutumes du Tonkin avait fait l’objet d’études de la part des missionnaires jésuites français. Nous avons l’exemple de

611 Ibid., p. 07.

612 Ibid., p. 08.

613 Le premier volume contient les coutumes Wolof du Cayor, les coutumes des Wolof musulmans,

ainsi que celle des Sérères N’Doute, Sérères None, Sérères de la Petite-Côte. Le deuxième volume contient les coutumes Bambara des cercles de Bougouni et Bamako, Ségou, Boxo, Marka-Sarakollé, Toucouleur, Sonraï, Kado, Néma. Le troisième volume contient les coutumes Maure, Toubou, Kanouri, Touaregh, Dori, Haoussa, Peul, Azan, Dendi, Maouri, Bété, Aïzo, Fon, Nago, Djédj, Goun, Tankamba. 614 A. P. Robert, op. cit, p. 1.