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PfpTKL interagit avec PfSERA5 via son domaine SAM

II. Le pseudo-domaine kinase de PfpTKL lie l’ATP mais ne présente pas d’activité catalytique

4. PfpTKL interagit avec PfSERA5 via son domaine SAM

Nous avons démontré, au moyen d’un criblage d’une banque d’ADNc de P. falciparum, que PfSERA5 est le partenaire principal du domaine SAM de PfpTKL. Nous avons ensuite confirmé la spécificité de cette interaction, ainsi que le fait qu’elle soit directe, par GST Pull Down.

a. Présentation de PfSERA5 (Serine Repeat Antigen 5)

Les SERA sont une famille de protéases, les unes à Cystéine et les autres à Sérine, selon l’acide aminé qui se trouve dans le site catalytique et qui est responsable de l’activité protéase de l’enzyme. L’on dénombre 9 protéines SERA chez P. falciparum et 5 chez P. berghei. Les gènes encodant ces SERA sont pour la plupart situés les uns à côté des autres sur le même chromosome. Ainsi, chez P. falciparum, 8 SERA sont encodées par des gènes situés sur le chromosome 2. Seul le gène encodant PfSERA9 se trouve sur le chromosome 9 (Figure 63 – (S. K. Miller et al. 2002; Arisue et al. 2011)).

Figure 63 : Représentation des différents loci encodant des protéines SERA chez plusieurs espèces de Plasmodium. Les lignes en pointillés indiquent des relations d’orthologie. Les loci colorés en bleu encodent des protéases à Sérine et les loci colorés en vert des protéases à Cystéine. Image tirée de Arisue et al. 2011.

Chez P. falciparum, les SERA sont exprimées à partir de 16 à 32 heures après invasion des érythrocytes, et

PfSERA4 et PfSERA5 sont adressées à la vacuole parasitophore (S. K. Miller et al. 2002). PfSERA5 est la protéine la plus abondante de la vacuole parasitophore. Elle est exprimée sous la forme d’une protéine d’environ 120 kDa qui est ensuite activée par trois étapes de protéolyse impliquant les protéases SUB1 et Protéase X (Figure 64). Après l’action de ces deux protéases, l’extrémité C-ter de PfSERA5 est séparée en trois entités : la protéine P50 qui comprend le domaine catalytique et un domaine de régulation, les protéines P18 et P6. Il est à noter que des peptides issus de la P6 inhibent l’activité de la protéase, induisant un retard du développement du parasite (Kanodia et al. 2014). La partie N-ter de la protéine, qui contient les répétitions de Sérine auxquelles la famille des SERA doit son nom, est quant à elle protéolysée en deux protéines d’environ 25 kDa chacune (Li et al. 2002; Palacpac et al. 2011). Ces deux protéines font partie d’un complexe protéique avec Pfs38, qui reconnaît la glycophorine A, une protéine transmembranaire des érythrocytes dont le domaine extracellulaire est fortement glycosylé. Le complexe Pfs38 est également composé de protéines comportant un domaine de 6 Cystéines (Pfs12 et Pfs41) et de la

PfMSP1 (Merozoite Surface Protein 1) et est impliqué dans la liaison des mérozoïtes aux érythrocytes (Paul et al. 2017). Au contraire, les protéines issues de la protéolyse de la région C-ter de PfSERA5 ne se fixent pas à la surface des mérozoïtes mais se répandent dans la circulation sanguine en même temps que les

mérozoïtes et le contenu des globules rouges (Figure 64 – (Palacpac et al. 2011)). Le potentiel d’activité protéase de PfSERA5 a longtemps été controversé, principalement parce que des peptides substrats différents ont été utilisés dans les études d’activité (Kanodia et al. 2014; Stallmach et al. 2015). Il a récemment été démontré que PfCDPK1, qui est localisée dans la vacuole parasitophore au stade schizonte, phosphoryle PfSERA5_P50 sur 7 sites différents, ce qui active la protéase. L’inhibition de PfCDPK1 à l’aide d’un inhibiteur spécifique, la Purfalcamine, empêche l’activation de PfSERA5 et inhibe la sortie des mérozoïtes de l’érythrocyte de manière dose-dépendante (Iyer et al. 2018).

Malgré les rôles variés joués par les différentes protéines issues de la protéolyse de PfSERA5, une étude récente a montré, au moyen d’un système de KDi, qu’elle est importante mais non essentielle pour le développement des stades sanguins de P. falciparum (C. R. Collins et al. 2017). En effet, en son absence, les phénomènes de rupture de la membrane de la vacuole parasitophore se déroulent comme chez les parasites WT, mais la membrane de l’érythrocyte se rompt plus tôt. Les mérozoïtes ainsi libérés de la membrane de l’érythrocyte ne sont cependant pas correctement séparés les uns des autres, ce qui impacte leur capacité à envahir de nouveaux érythrocytes. Cela a pour effet de réduire la parasitémie des cultures de parasites PfSERA5 de près de moitié. En revanche, le phénotype observé est amélioré si les cultures

sont mises sous agitation. Collins et al. en ont donc conclu que PfSERA5 retarde la rupture de la membrane de l’érythrocyte infecté, permettant de contrôler la sortie des mérozoïtes de l’érythrocyte infecté (C. R. Collins et al. 2017). Enfin, plusieurs études ont démontré que des anticorps dirigés contre la région P47 de PfSERA5 inhibent l’invasion des érythrocytes (Pang and Horii 1998; Pang, Mitamura, and Horii 1999; Horii et al. 2010). Par ailleurs, les adultes vivant dans des régions où le paludisme est endémique expriment des anticorps dirigés contre PfMSP1 et PfSERA5, alors que les enfants vivant dans ces mêmes régions ne produisent des anticorps que contre PfMSP1 (Horii et al. 2010). Un vaccin avec SE36, protéine issue de P47 après excision de la région riche en Sérines, est donc en cours d’étude clinique pour induire l’expression d’anticorps contre PfSERA5 chez les enfants vivant en zone d’endémie (Palacpac et al. 2013; Yagi et al. 2014, 2016; Draper et al. 2018).

Figure 64 : Protéolyse de PfSERA5 et localisation des différentes régions issues de cette protéolyse. Image adaptée de Palacpac et al. 2011

b. Discussion et perspectives autour de l’interaction SAM/PfSERA5

Nous avons démontré que l’interaction entre le domaine SAM de PfpTKL et PfSERA5 était forte, directe et spécifique. Par ailleurs, la région minimum d’interaction avec PfSERA5 est située entre les AA 216 et 253 de la protéase, donc dans la région P25c issue de la protéolyse de la région N-ter.

Nous n’avons pas retrouvé de protéines SERA dans notre étude de l’interactome de PbpTKL-AID-HA. Il y a plusieurs explications à cela :

Tout d’abord, PfSERA5 n’a pas d’orthologue chez P. berghei, i.e. PbSERA5 n’est pas l’orthologue de PfSERA5 (Figure 63). Le rôle de quelques-unes des 5 SERA de P. berghei a été étudié par génétique inverse. Ainsi, PbSERA5 (aussi appelée ECP1 pour Egress Cystein Protease 1) est nécessaire à la sortie des sporozoïtes des oocystes dans l’estomac du moustique (Aly and Matuschewski 2005). Par ailleurs, les SERA 1 et 2 de P. berghei ont été étudiées tout le long du cycle de vie du parasite. Cependant, bien qu’elles soient exprimées aux stades hépatiques les plus avancés ainsi qu’aux stades sanguins, elles ne semblent jouer de rôle essentiel à aucun moment du cycle de vie du parasite. Par ailleurs, effectuer un double KO de PbSERA1 et PbSERA2 (qui encodent deux protéases à Sérine) engendre une surexpression de PbSERA3 (qui est une protéase à Cystéine) au stade schizonte (sanguin). Cela indique donc potentiellement que les différentes SERA se suppléent les unes aux autres (Putrianti et al. 2010). Lorsque la région minimum d’interaction SAM/PfSERA5 est blastée sur le protéome de P. berghei, trois hits sont retournés (mais les scores d’alignement sont mauvais, E > 2) : PBANKA_1224400 (ferlin-like), PbMSP1 et

PbSERA1, qui est une protéase à Sérine comme PfSERA5 (Figure 63).

La deuxième explication est que, les protéines SERA étant généralement impliquées dans les phénomènes de sortie du parasite de sa cellule hôte à différents stades de développement, elles sont exprimées aux stades où le parasite en a besoin, i.e. les schizontes aux stades sanguins et hépatiques et les oocystes dans l’estomac du moustique. Au vu du niveau d’expression de

PbpTKL au stade schizonte et des difficultés que nous avons rencontrées avec l’analyse de

l’interactome par IP/MS au stade schizonte, il nous aurait été difficile d’identifier des partenaires de PbpTKL avec fiabilité.

Enfin, il est intéressant de prendre en compte les informations issues des études réalisées sur PfSERA5. Ainsi, en 2017, Collins et al. ont rapporté le fait qu’ils n’avaient pas réussi à effectuer d’étude d’interaction de PfSERA5 avec des partenaires potentiels, ni même à caractériser son interactome par IP/MS au stade schizonte. Ils suggèrent alors que PfSERA5 ne met en place que des interactions transitoires avec ses partenaires putatifs (C. R. Collins et al. 2017). Plus récemment, Iyer et al. ont effectué une étude de l’analyse de l’interactome de PfSERA5 au stade schizonte (en ajoutant une étape de cross-linking afin de résoudre le problème soulevé par Collins et al.). Cela leur a permis de démontrer que PfSERA5 interagit avec plusieurs kinases, dont PfCDPK1. PfpTKL ne faisait pas partie de la liste des partenaires de PfSERA5 ainsi identifiés (Iyer et al. 2018). Avec la réserve que nous ne connaissons ni le niveau d’expression ni la localisation de PfpTKL au stade schizonte, les difficultés rapportées par d’autres doivent être prises en compte afin d’orienter l’étude de l’interaction PfpTKL/PfSERA5 chez le parasite.

Afin d’approfondir les données disponibles sur le domaine SAM de pTKL, il pourrait être judicieux de :  Rechercher les acides aminés de SAM, d’une part, et de PfSERA5 d’autre part, qui sont impliqués

dans l’interaction directe et spécifique que nous avons démontrée au cours de ce projet de recherche. Cela faciliterait la recherche in silico de motifs d’interaction similaires dans les protéomes de P. falciparum et de P. berghei. Afin d’y parvenir, la méthode de cartographie des régions d’interaction par RMN qui a été évoquée plus haut avec les motifs RVxF serait adaptée, étant donné que les rendements de production, et surtout de purification, de PfSERA5-6His et de

PfpTKL_SAM-GST sont bien meilleurs qu’avec les domaines kinase. Une fois les AA impliqués

dans l’interaction identifiés, ils pourraient être validés par mutagénèse dirigée.

Produire le domaine SAM de PbpTKL sous forme de protéine recombinante stabilisée par la GST. Après avoir fixé cette protéine sur billes de glutathion, l’on pourrait l’incuber en présence d’extraits de vacuole parasitophore et parasitaires de P. berghei, effectuer un cross-linking, puis analyser les protéines qui se seraient fixées par spectrométrie de masse. Cela permettrait peut-être de détecter une protéine de la famille des SERA, voire d’identifier d’autres partenaires protéiques potentiels. Nous pourrions procéder de même chez P. falciparum, d’autant plus que nous disposons d’anticorps anti-PfSERA5 qui nous permettraient de détecter PfSERA5 par WB plutôt que d’utiliser la spectrométrie de masse moins sensible et plus coûteuse.

 Les domaines SAM sont versatiles et peuvent être impliqués dans des interactions très variées (C. A. Kim and Bowie 2003). Le domaine SAM de la PfTKL3, qui est le seul domaine SAM à avoir été caractérisé chez Plasmodium en-dehors de celui de la pTKL, est capable de s’homodimériser (A. Abdi et al. 2010). Il pourrait être intéressant de vérifier si le domaine SAM de la pTKL est capable de faire de même, et, le cas échéant, si les surfaces impliquées dans cette interaction sont ou non distinctes de celle impliquée dans l’interaction SAM/PfSERA5. Pour cela, au vu de la nature hydrophobe du domaine SAM de PfpTKL, il serait nécessaire, pour le stabiliser, de l’exprimer fusionné à une étiquette Maltose Binding Protein. Puis, l’on pourrait, par GST Pull Down, examiner la capacité de SAM-GST à interagir avec SAM-MBP. Des études de compétition entre les domaines SAM étiquetés différemment et PfSERA5-6His pourraient ensuite être envisagées, afin d’approcher la manière dont le domaine SAM de la pTKL s’engage dans des interactions destinées à générer des dimérisations de la pTKL ou plutôt la formation de complexes protéiques. Cela pourrait peut-être donner quelques indices quant au retard instauré par l’expression de

PfSERA5 dans les phénomènes de rupture de la membrane de l’érythrocyte infecté au stade

schizonte.

 Enfin, et cela a déjà été évoqué plus haut, le potentiel de régulation de l’activité kinase de la pTKL par son domaine SAM pourrait être exploré en parallèle des rôles des deux lobes N-ter de la pTKL.

Plus largement, il est intéressant de noter qu’il n’y a que 4 domaines SAM chez Plasmodium et qu’ils se trouvent tous dans des kinases (PfTKL1, PfTKL3, PfpTKL, PF3D7_0926000) qui comportent toutes également des motifs MORN en N-ter (A. Abdi et al. 2010). Il pourrait être intéressant de caractériser puis de comparer la localisation, l’interactome et le rôle de ces protéines afin d’approcher la fonction des domaines SAM et leur combinaison avec d’autres domaines et motifs.

III.

Résumé graphique des résultats collectés in vivo (uniquement chez P.