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Perturbations singulières

1.4 Systèmes multi-échelles lents/rapides

1.4.1 Perturbations singulières

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5

0 0.5 1

Figure 1.15 Onde de densité dans un puits activé en gas-lift. On peut clairement observer un cycle limite suivi par la pression en tête de tubing (courbe du haut) et une production par bouchons (courbe du bas) très dommageable pour le débit d'huile produit (données normalisées TOTAL 2006).

fait inextricables, ce qui est, en y rééchissant bien assez facile et ne mène pas très loin dans la compréhension des phénomènes. Par exemple, on ne peut pas en général mener d'analyse théorique de stabilité comme nous l'avons fait sur un système de grande dimension. Il est en revanche nettement plus dicile de proposer un modèle de complexité minimale compte tenu des phénomènes que l'on souhaite comprendre et contrôler. Le but de cette section est de donner quelques résultats généraux sur les systèmes multi-échelles et leur approximation, sous certaines hypothèses, par des systèmes moins complexes et ne comportant essentiellement qu'une seule échelle de temps. C'est une des voies possibles pour justier la pertinence de modèles réduits sur lesquels on sait prouver mathématiquement des résultats de stabilité et de robustesse. Les mo-dèles plus compliqués, plus proches en quelque sorte de la réalité au sens platonicien du terme et très utile comme modèles de simulation, sont alors vu comme des perturbations, prenant en compte des dynamiques rapides et donc des phénomènes à hautes fréquences, de modèles plus simples, de petites dimensions et très souvent utilisés en contrôle.

1.4.1 Perturbations singulières

Le premier outil que nous présentons est la théorie des perturbations singulières. Cette théorie a pour origine l'étude des phénomènes de couches limites dans les écoulements près des parois d'un uide avec une faible viscosité. Certaines terminologies en sont directement inspirées.

La théorie des perturbations permet de relier les trajectoires de deux systèmes ayant des espaces d'état de dimensions diérentes. Dans ce cadre, le système perturbé possède un nombre d'états plus grand que le système réduit. Plus précisément, cette théorie vise à éliminer les eets à court terme et à ne conserver que les eets à long terme. C'est un outil précieux pour la construction de modèles réduits résumant l'essentiel des comportements qualitatifs à long

-2 0 2 -5

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5

Figure 1.16 Oscillations du système de Van der Pol et attraction du cycle limite.

terme.

De manière générale, on distingue deux cas illustrés par la Figure 1.17 :

premier cas : les eets rapides se stabilisent très vite et on parle alors de perturbations singulières, d'approximation quasi-statique, ou encore d'approximation adiabatique ; second cas : les eets rapides ne sont pas asymptotiquement stables mais restent

d'ampli-tude bornée ; ils sont donc oscillants et l'on parle alors indiéremment de moyennisation ou d'approximation séculaire.

Seul le premier cas est abordé ici. Le second est traité dans l'Annexe C lorsque la dynamique rapide est périodique. Les cas plus généraux où la dynamique rapide n'est pas périodique sont nettement plus diciles à formaliser : il faut passer par la théorie ergodique des systèmes dynamiques pour obtenir la dynamique lente en prenant des moyennes faisant intervenir la mesure asymptotique du rapide : la dynamique rapide est alors vue comme un bruit à haute fréquence dont il faut connaître la loi de probabilité (la mesure asymptotique) qui dépend en général des variables lentes.

On considère les systèmes continus du type

ε)







 dx

dt =f(x, z, ε) εdz

dt =g(x, z, ε)

avecx∈Rn,z ∈Rp, où0< ε1est un petit paramètre, f etg sont des fonctions régulières.

L'état partiel x correspond aux variables dont l'évolution est lente (variation signicative sur

système lent-rapide −→ système lent

perturbations singulières

-6

0 ε 1 t

x

−→

-6

0 ε 1 t

x

moyennisation

-6

0 ε 1 t

x

−→

-6

0 ε 1 t

x

Figure 1.17 La théorie des perturbations consiste à éliminer les eets à court terme, t ∼ε, qu'ils soient asymptotiquement stables ou oscillants, an de ne conserver que les eets à long terme, t∼1(0< ε1).

Figure 1.18 Le champs des vitesses est quasi-vertical pour la forme normale de Tikhonov (Σε).

une durée ent de l'ordre1) etz correspond aux variables dont l'évolution est rapide (variation signicative sur une durée en t de l'ordre de ε). On dit que t ≈ ε correspond à l'échelle de temps rapide et t≈1 à l'échelle de temps lente.

Considérons pour commencer l'exemple suivant11



 d dtx=z εd

dtz =x−z

avec 0 < ε 1. Intuitivement, on voit que x est une variable lente (sa vitesse est petite et d'ordre1), tandis quez est une variable rapide (sa vitesse est d'ordre 1/ε). On a donc envie de dire quez atteint rapidement son point d'équilibrez =xet que, par suite,xévolue selon dtdx=

11. Comme autre exemple caractéristique citons la cinétique chimique où les constantes de vitesses de certaines réactions peuvent être nettement plus grandes que d'autres (cinétiques lentes et cinétiques très rapides).

x. Cette idée est fondamentalement correcte dès que les eets rapides sont asymptotiquement stables.

La situation géométrique est donnée par la Figure1.18: pourε >0assez petit et localement autour de g(x, z,0) = 0, les trajectoires du système sont quasi-verticales et convergent toutes vers le sous-ensemble de l'espace d'état (sous-variété) donné à l'ordre 0 en ε par l'équation g(x, z,0) = 0.

Les résultats ci-dessous justient alors, sous essentiellement l'hypothèse de stabilité asymp-totique àx constant de la dynamique rapide enz,εdtdz =g(x, z,0), l'approximation des trajec-toires du système perturbé (Σε) par celles du système lent (Σ0) obtenu en faisant ε = 0 dans les équations

0)

dx

dt = f(x, z,0) 0 = g(x, z,0)

On néglige ainsi les convergences rapides vers la sous-variété donnée approximativement par les équations statiquesg(x, z,0) = 0. Toute trajectoire du système (Σε) démarrant en (x, z)est proche, après une durée en t de l'ordre de ε, de la trajectoire du système lent (Σ0) démarrant avec le même x (projection selon la verticale, voir Figure 1.18).

Nous voyons que cette approximation s'accompagne d'une diminution de la dimension de l'état. En fait, la réduction n'est qu'une restriction à une sous-variété invariante attractive, les équations de cette sous-variété étant approximativement données par g(x, z,0) = 0. On a le premier résultat général suivant (sa démonstration gure dans [75])

Théorème 15 (Tikhonov). Soit le système (Σε). Supposons que

H1 l'équation g(x, z,0) = 0 admet une solution, z =ρ(x), avec ρ fonction régulière de x telle que la matrice Jacobienne partielle

∂g

∂z(x, ρ(x),0)

est une matrice dont toutes les valeurs propres sont à partie réelle strictement négative (Hurwitz) ; on dit alors que le système est sous forme standard ;

H2 le système réduit

dx

dt = f(x, ρ(x),0)

x(t=0) = x0 (1.16)

admet une unique solution x0(t) pour t ∈[0, T], 0< T <+∞.

Alors, pour ε susamment proche de 0, le système complet (Σ) admet une unique solu-tion (xε(t), zε(t)) sur [0, T] dès que la condition initiale z0 appartient au bassin d'attraction du point d'équilibre ρ(x0) du sous-système rapide

εdζ

dt =g(x0, ζ,0).

De plus on a

limε→0+xε(t) =x0(t) et limε→0+zε(t) = z0(t)

uniformément pour t dans tout intervalle fermé de la forme [a, T] avec a >0.

Par le Théorème 4, l'hypothèse H1 implique que, à x xé, la dynamique de ζ εdζ

dt =g(x, ζ,0).

est localement asymptotiquement stable autour du point d'équilibre ρ(x). Remarquons aussi que (Σ0) s'écrit ainsi

d

dtx=f(x, ρ(x),0)

avec z=ρ(x), la fonction x7→ρ(x)étant dénie implicitement par g(x, ρ,0) = 0.

Sans hypothèses supplémentaires, l'approximation du Théorème15n'est valable, en général, que sur des intervalles de temps t de longueur bornée T. L'hypothèse supplémentaire, qu'il convient alors d'utiliser pour avoir une bonne approximation pour tous les temps positifs, concerne le comportement asymptotique du système réduit (1.16) : si ce dernier admet un point d'équilibre dont le linéaire tangent est asymptotiquement stable, l'approximation est alors valable pour tous les temps positifs (pourvu que la condition initialex0 soit dans le bassin d'attraction de l'équilibre de la dynamique lente).

Théorème 16 (Préservation de la stabilité). Supposons en plus des hypothèses du Théorème15 que le système réduit (1.16) admet un point d'équilibre x¯ : f(¯x, ρ(¯x),0) = 0 et que les valeurs

sont à partie réelle strictement négative. Alors, pour tout ε ≥ 0 assez proche de 0, le système perturbé (Σε) admet un point d'équilibre proche de (¯x, ρ(¯x)) et dont le linéaire tangent est asymptotiquement stable.

Preuve L'existence du point stationnaire pour le système perturbé est laissée en exercice (il sut d'utiliser le théorème des fonctions implicites pour g = 0et ensuite pour f = 0). Quitte à faire, pour chaqueεune translation, nous supposons que(0,0)est point stationnaire du système perturbé

f(0,0, ε) = 0, g(0,0, ε) = 0

Notons, pour x proche de 0, z = ρε(x), la solution proche de 0 de g(x, z, ε) = 0. Suite à la translation précédente, on aρε(0) = 0. Considérons le changement de variables(x, z)7→(x, w = z−ρε(x)). Dans les coordonnées(x, w), le système perturbé admet(x, w) = (0,0)comme point d'équilibre et ses équations ont la forme suivante

d

Sa matrice Jacobien en (0,0) est alors donnée par Jε =

où supposerYεde longueur1et que ε7→(λε, Yε)est continue (les valeurs propres, vecteurs propres dépendent continûment des coecients de la matrice). On décompose alorsYεen(Xε, Wε)selon les coordonnées (x, w). On a alors

Ainsi les valeurs propres de Jε sont à parties réelles strictement négatives pour ε >0 assez petit.

Cette preuve peut être améliorée pour montrer que l'approximation du Théorème15devient valide, localement autour de(¯x, ρ(¯x))et pour tous les tempst positifs, dès que εest assez petit (le caractère local étant alors indépendant de ε tendant vers zéro).