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Observabilité non linéaire

Considérons les systèmes non linéaires de la forme

 d

dtx=f(x, u) y=h(x)

(4.2)

avec x∈Rn, u∈Rm et y∈Rp, les fonctions f et h étant régulières.

4.2.1 Dénition

Pour dénir l'observabilité, il convient d'abord de dénir la notion de distinguabilité.

Dénition 16 (Distinguabilité). Deux états initiaux x et ex sont dits indistinguables (notés xIxe) si pour toutt ≥0, les sorties y(t)ety(t)e sont identiques pour toute entréeu(t)admissible2. Ils sont dits distinguables sinon.

L'indistinguabilité est une relation d'équivalence. Notons I(x)la classe d'équivalence de x. L'observabilité est alors dénie de la manière suivante

Dénition 17 (Observabilité globale). Le système (4.2) est dit observable en x si I(x) = {x} et il est observable si I(x) = {x} pour tout x.

En fait, le système est observable si pour tous les états initiaux x et xe, il existe une entrée admissible u qui distingue x et xe, c'est à dire telle que y(t) 6= y(t)e pour au moins un temps t≥0.

Il peut exister des entrées qui ne distinguent pas certains points. Cependant, le système peut être malgré tout observable. Par exemple

d

dtx1 = ux2

d

dtx2 = 0 y = x1

est observable (pour u= 1 par exemple). Cependant l'entrée u= 0ne distingue pas les points x et x˜ tels quex1 = ˜x1 et x2 6= ˜x2. Notons que l'observabilité ne signie pas que toute entrée distingue tous les états. L'observabilité est un concept global. Il peut être nécessaire d'aller très loin dans le temps et dans l'espace d'état pour distinguer deux états initiaux. Pour cela nous introduisons le concept plus fort qui suit.

Dénition 18 (Observabilité locale en temps et en espace). L'état x de (4.2) est loca-lement observable, si pour tout ε > 0 et pour tout voisinage U de x, il existe η >0 plus petit que ε et un voisinage V de x contenu dans U, tel que pour tout ex ∈ V, il existe une entrée [0, η]3t7→u(t) qui distinguex etxe, i.e. telle que y(η)6=y(η)e . Le système (4.2) est localement observable s'il l'est pour tout x.

Intuitivement, le système (4.2) est localement observable si on peut instantanément distin-guer chaque état de ses voisins en choisissant judicieusement l'entrée u.

4.2.2 Critère

La seule façon eective de tester l'observabilité d'un système est de considérer l'application qui à xassocie y et ses dérivées en temps. Nous supposerons dans cette section que yet usont des fonctions régulières du temps. Nous supposerons également que les rangs enxdes fonctions de(x, u,dtdu, . . .) qui apparaissent ci-dessous sont constants.

Considérons donc (4.2). On note h0(x) :=h(x). En dérivant y par rapport au temps on a d

dty=Dxh(x)d

dtx=Dxh(x)·f(x, u) :=h1(x, u)

2. y(t)(resp.y(t)e ) correspond à la sortie de (4.2) avec l'entréeu(t)et la condition initialex(resp.xe).

Des dérivations successives conduisent donc à une suite de fonctions

vaut n = dim(x) alors le système est localement observable. Il sut d'utiliser le théorème d'inversion locale pour calculer x en fonction de (y, . . . , y(k)) et (u, . . . , u(k−1)). Si à partir d'un certain k, hk+1 ne fait plus apparaître de nouvelle relation en x, i.e., si le rang en x de (h0, . . . , hk)0 est identique à celui de(h0, . . . , hk, hk+1)0, alors il en est de même pourk+ 2,k+ 3, . . . Ainsi, il n'est pas nécessaire de dériver plus de n−1 fois y pour savoir si un système est localement observable ou non. Ce raisonnement est valable autour d'un état générique, nous ne traitons pas les singularités qui peuvent apparaître en des états et entrées particulières. Nous renvoyons à [27] pour les cas plus généraux avec singularités.

Ce calcul élémentaire montre aussi que y et u sont reliés par des équations diérentielles.

Elles correspondent aux relations de compatibilité associées au système sur-déterminé (4.2) où l'inconnue estxet les données sontuety. On obtient toutes les relations possibles en éliminant x du système

On peut montrer que pour un système localement observable,uety sont reliés parp= dim(y) équations diérentielles indépendantes. Ces équations font intervenir y dérivé au plus n fois et u dérivé au plus n−1 fois.

La mise en forme des idées précédentes est assez fastidieuse mais néanmoins instructive. Nous nous contenterons de retenir qu'en général l'observabilité signie que l'état peut être exprimé en fonction des sorties, des entrées et d'un nombre ni de leur dérivées en temps. Dans ce cas, y et usont reliés par p équations diérentielles d'ordre au plus n en y etn−1en u.

Exemple 26. Pour conclure, reprenons l'exemple du réacteur chimique (3.6) an d'illustrer l'analyse formelle précédente. Nous ne considérons que x1 etT car l'invariant chimique x1+x2 est supposé égal à xin1 . Nous supposons que la température T est mesurée (thermo-couple) mais pas la concentration x1. Nous avons donc à résoudre le système sur-déterminé (les quantités autres que (x1, u, y, T) sont des constantes connues)

On a facilement x1 en fonction de (y,dtdy) et u x1 =

d

dty−D(Tin−y)−u

α∆Hexp(−E/Ry) (4.3)

Le système est donc observable.y etusont reliés par une équation diérentielle du second ordre en y et du premier ordre en u. On l'obtient en utilisant l'équation donnant dtdx1

d dt

d

dty−D(Tin−y)−u α∆Hexp(−E/Ry)

!

=Dxin1 −(D+k0exp(−E/Ry))

d

dty−D(Tin−y)−u α∆Hexp(−E/Ry)

(4.4)

Il s'agit d'une condition de compatibilité entre y et u. Si elle n'est pas satisfaite alors le système sur-déterminé de départ n'admet pas de solution. On conçoit très bien que ces relations de compatibilité sont à la base du diagnostic et de la détection de panne.

4.2.3 Observateur, estimation, moindres carrés

Savoir que le système est observable est bien. Calculer xà partir dey etuest encore mieux.

Cependant, la démarche formelle précédente ne répond en pratique qu'à la première question.

En eet, avoir x en fonction de dérivées des mesures s'avère d'une utilité fort limitée dès que l'ordre de dérivation dépasse 2 et/ou dès que les signaux sont bruités. Il convient en fait de calculerx en fonction d'intégrales de y etu. Dans ce cas, le bruit sur les signaux est beaucoup moins gênant. La synthèse d'observateur pose des problèmes supplémentaires (et nettement plus diciles en fait) que la caractérisation des systèmes observables.

Revenons à (4.2). Nous avons un nombre inni d'équations en trop. En eet, puisque l'entrée u est connue, l'état x est entièrement donné par sa condition initiale x0 grâce au ot φut de

d

dtx=f(x, u(t)): φut(x0)est la solution de dtdx=f(x, u(t))qui démarre en x0 àt = 0. Ainsi x0 vérie à chaque instant t, p équations,p étant donc le nombre de mesures

y(t) =h(φut(x0))

Il est très tentant de résoudre ce système par les moindres carrés, même si, pour un système non-linéaire cela n'a pas beaucoup de sens. Considérons un intervalle d'observation [0, T]. x0 peut être calculé comme l'argument du minimum de

J(ξ) = Z T

0

(y(t)−h(φut(x0)))2 dt

x0 est ainsi obtenu comme on obtient un paramètre à partir de données expérimentales et d'un modèle où ce paramètre intervient : en minimisant l'erreur quadratique entre l'observation y(t) et la valeur prédite par le modèleφut(x0). Les problèmes d'observateurs sont fondamentalement proches des problèmes d'estimation pour lesquels l'optimisation joue un rôle important. Cepen-dant, les dicultés ne sont pas pour autant aplanies : la résolution de l'équation diérentielle

d

dtx=f(x, u) ne peut se faire que numériquement en général ; la fonction J n'a aucune raison d'avoir les propriétés de convexité qui assurent la convergence des principaux algorithmes d'op-timisation (voir par exemple [63]). La synthèse d'observateurs reste donc une question dicile en général bien que très importante en pratique. Noter enn que l'identication de paramètres

θ sur un modèle dtdx = f(x, u, θ) en est un sous-problème : l'identiabilité correspond alors à l'observabilité du système étendu

d

dtx=f(x, u, θ), d

dtθ= 0, y=x d'état (x, θ) et de sortie y=x.

Dans le cas linéaire, f =Ax+Bu et h=Cx, φut(x0) est une fonction ane en x0 φut(x0) = exp(tA)x0+

Z t 0

exp((t−s)A)Bu(s) ds

À partir d'un intervalle d'observations [0, T], x0 peut être calculé comme l'argument du mini-mum de

J(ξ) = Z T

0

(z(t)−Cexp(tA)x0)2 dt (4.5) où z(t) = y(t)−CRt

0 exp((t−s)A)Bu(s) ds. Dans ces conditions J est quadratique. On est en train de retrouver, dans un cadre déterministe pour les moindres carrés, le ltre de Kalman traité dans la Section4.5. Nous allons maintenant aborder l'observabilité des systèmes linéaires avec un point de vue moins classique qui met l'accent sur les observateurs asymptotiques. Ces derniers fournissent, avec des calculs très économiques, directement x =φut(x0) en fonction de y, u et leurs intégrales.