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PERTURBATEURS ENDOCRINIENS ET NANOMATÉRIAUX

> Les perturbateurs endocriniens, des substances nocives omniprésentes

Un perturbateur endocrinien112 (OMS, 2012) est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien, régissant les sécrétions d’hormones, et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme vivant, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations.

Ces perturbateurs endocriniens peuvent être d’origine naturelle, comme les hormones et les phyto-œstrogènes, ou anthropiques. Ils sont ou étaient présents dans de nombreux produits ou objets du quotidien : détergents, cosmétiques (paraben), médicaments, plastiques (bisphénol A, phtalates), pesticides (chlordécone par exemple), tapis, etc. Ils peuvent aussi être présents dans l’environnement du fait d’une contamination des milieux (eau, aliments, air, poussières, etc.).

Ils agissent sur le système endocrinien et peuvent altérer différents processus physiologiques tels que la production, l’utilisation et le stockage de l’énergie et plus largement la régulation du métabolisme et le développement. Certaines de ces substances peuvent avoir des effets toxiques, notamment sur la reproduction, nuire à la fertilité ou perturber le développement du fœtus. Les voies d’exposition à ces substances sont multiples : contacts cutanés, inhalation, ingestion.

Il est à noter qu’une personne peut être exposée à des perturbateurs endocriniens à un moment de sa vie mais déclarer des pathologies en lien avec cette exposition plus tardivement au cours de sa vie ; on parle alors de fenêtres d’exposition.

Une problématique actuelle

Les problématiques suscitées par les perturbateurs endocriniens font l’objet de nombreux travaux de recherche actuellement. Le Programme National de Recherche sur les Perturbateurs Endocriniens (PNRPE) structure ces travaux depuis 2005 et la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE, 2014)113 vise à limiter l’exposition des populations et notamment les personnes les plus sensibles (jeunes enfants, femmes enceintes).

L’Anses a publié de nombreux rapports sur 13 substances susceptibles d’être retrouvées dans des mélanges à usage du grand public permettant leurs évaluations vis-à-vis de la santé des consommateurs.

La législation européenne imposait à la Commission Européenne d’encadrer les perturbateurs endocriniens avant fin décembre 2013 (dans les règlements biocides et phytopharmaceutiques). Les propositions successives de critères « perturbateurs endocriniens » présentées par la Commission depuis juin 2016 viennent tout juste de faire l’objet d’un vote favorable des États Membres (vote du 13 décembre 2017).

112 OMS - State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals, 2012

113 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/perturbateurs-endocriniens

102 Les pesticides

La France est au second rang européen concernant la quantité de substances actives vendues avec 66 659 tonnes. En termes d’utilisation, la France est au 9ème rang européen selon le nombre de kilogrammes de substances actives vendues rapporté à l’hectare (avec 2,3 kg/ha)114 (Eurostat, 2013).

Les pesticides peuvent pénétrer dans l’organisme par inhalation, ingestion ou voie cutanée. Ils peuvent avoir des effets aigus et/ou chroniques sur la santé humaine.

Les effets immédiats sont variés : troubles cutanés, hépato-digestifs, ophtalmologiques, etc. et les effets chroniques sont plus difficiles à déterminer et font l’objet de diverses controverses. Si les effets d’expositions aiguës sont relativement bien connus, les effets d’expositions chroniques à faible dose sont mal documentés. Les niveaux d’exposition de la population générale sont par ailleurs difficiles à mesurer et l’impact sanitaire à long terme reste mal connu115 (ORS, 2016).

L’atmosphère représente un vecteur de dissémination des pesticides vers d’autres compartiments (eaux, sols) mais également une source directe d’exposition des populations (à la campagne comme en ville).

Carte 46 : Cartographie régionale des émissions estimées vers l’atmosphère de 86 substances (Source : Atmo AuRA)

Dans le cadre de son programme de surveillance des pesticides, inscrit notamment dans les objectifs du PRSE 2 Rhône-Alpes (Plan Régional Santé-Environnement), Atmo Auvergne-Rhône-Alpes a

114 http://ec.europa.eu/eurostat/fr/home

115 ORS Rhône-Alpes, fiche Pesticides, mars 2016

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entrepris d’améliorer les connaissances sur l’exposition des populations aux pesticides dans la région, en menant des campagnes de mesures, et en définissant des méthodes de calculs des émissions.

La cartographie des émissions estimées vers l’atmosphère de 86 substances sur l’ensemble de la région (Carte 46116, Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, 2017) permet d’identifier des territoires avec des émissions potentielles plus fortes vers l’atmosphère. Remarquons que la Métropole de Lyon se place dans une catégorie d’émissions moyenne (40 à 70 g/ha/an).

Des teneurs en pesticides dans l’air ont été mesurées en centre urbain à Lyon en continu sur les années 2013-2014117 (Air RA, 2015). Une dizaine de substances ont été observées avec des fréquences d’apparition différentes : deux molécules ont régulièrement été relevées : le s-métolachlore, un herbicide autorisé sur les grandes cultures (maïs, tournesol…) et le chlorpyriphos-éthyl, un insecticide.

Aucune autre station de mesures de l’AASQA n’était située sur le territoire de la Métropole pour ce travail.

L’origine des molécules mesurées n’est pas connue, elles peuvent avoir été émises localement par des usages en ville tout comme avoir été émises et transportées sur de longues distances.

Mesures prises par les communes de la Métropole de Lyon

Depuis le 1er janvier 2017, l’utilisation de produits chimiques pour le désherbage des espaces verts est interdite118 (MEEM, 2016) (Article L253-7 du Code rural et de la pêche maritime). Cette pratique était déjà courante dans la Métropole de Lyon et s'étend maintenant à 145 hectares de surface supplémentaire. Depuis 10 ans, de nombreuses communes de la Métropole n’utilisent plus de pesticides pour entretenir les espaces verts (parcs et jardins). Désormais, il est interdit aux personnes publiques d'utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques, à certaines exceptions près, pour l'entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Seuls les cimetières et les terrains de sports n’entrent pas dans les dispositions de cette loi.

La vente et l’usage de pesticides chimiques seront interdits aux particuliers au 1er janvier 2019.

> Les nanoparticules : un essor rapide et important potentiellement dangereux pour la santé

Un nano-objet est un objet dont les trois dimensions sont à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire dont le diamètre est inférieur à 100 nm environ.

Les nanoparticules et nanomatériaux connaissent un essor industriel rapide et important. Aujourd’hui, des nanomatériaux manufacturés sont présents dans de très nombreux articles et produits de consommation courante tels que les emballages alimentaires, les cosmétiques, les vêtements, les

116 Estimation des émissions de pesticides vers l’atmosphère en Alpes, juillet 2017, Atmo Auvergne-Rhône-Alpes

117 Suivi des pesticides dans l’air ambiant, mesures réalisées en 2013-2014 sur les secteurs Isère rhodanienne et Lyon centre urbain, Air Rhône-Alpes, novembre 2015

118 Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer – Le guide des solutions zéro pesticide, 2016

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articles de sport, les claviers d’ordinateur, l’encre des imprimantes, la surface des vitres, les préparations alimentaires, etc.

La généralisation des usages et donc la dispersion de substances de taille nanométriques aptes à passer les barrières physiologiques du corps humain conduit à s’interroger sur les risques pour la santé humaine d’une exposition aux nanomatériaux qu’elle soit professionnelle ou environnementale. De plus, la toxicité119 (Anses, 2014) et l’écotoxicité varient non seulement selon les familles de nanomatériaux, mais aussi au sein même de ces familles, ainsi qu’au cours de leur cycle de vie en fonction de leur environnement.

Il existe trois voies d’exposition potentielle : inhalation, ingestion et contact cutané. Compte tenu de leur petite taille, les nano-objets seraient capables, une fois inhalés ou ingérés, de franchir les barrières biologiques (nasale, bronchique, alvéolaire…) et de migrer via le sang et la lymphe vers différents sites de l’organisme. Ces objets nanométriques présentent un potentiel de toxicité propre et sont à l’origine d’effets inflammatoires plus importants que les objets micro et macroscopiques de même nature chimique.

Les données humaines sur les effets sanitaires des nanomatériaux sont très insuffisantes voire inexistantes. Seuls les nanotubes de carbone, en raison d’un possible effet mutagène lié à la présence d’un certain nombre de composants métalliques, ont été classés en catégorie 2B (cancérogène possible) par le Centre international de recherche sur le cancer. Les nanomatériaux contenus dans ces tubes se déposent au niveau des poumons et peuvent induire stress oxydatif et inflammation, voire être transportés vers la plèvre, conduisant à la fibroplasie et néoplasie des poumons et de la plèvre120 (Poland CA, Duffin R, Kinloch I, et al, 2008). Les données toxicologiques disponibles sont issues d’études sur cellules ou chez l’animal. Elles mettent en évidence des effets inflammatoires, pulmonaires, cardiovasculaires et des interactions avec le matériel génétique des cellules121 (Lasfargues G. 2008).

L’évaluation de l’exposition aux nanomatériaux est difficile, car, en général, le cycle de vie des produits en contenant est peu connu. Par ailleurs, la métrologie des nanomatériaux dans l’environnement est très complexe. Ainsi, la déclaration des quantités et des usages de nanomatériaux produits, distribués ou importés est encadrée par un décret et Santé publique France a développé un dispositif de surveillance des effets sur la santé de l’exposition professionnelle aux nanomatériaux122 (Guseva-Canu et al. EpiNano). Dans le cadre du 3ᵉ Plan Santé Travail, des campagnes de mesure sur les nanomatériaux en vue d’identifier les filières les plus exposées sont prévues.

Dans la région, Atmo Auvergne Rhône-Alpes a investi depuis 5 ans le champ des particules ultra-fines dont les nanoparticules, avec pour premier objectif d’améliorer les connaissances sur les aérosols atmosphériques de taille submicronique et de mettre en place le premier « Observatoire de Particules Ultra-Fines ». Les premiers résultats (Air Rhône-Alpes, 2016)123 de cet observatoire publiés en juin 2016 mettent en évidence, sur un territoire urbanisé, des pics de particules ultra-fines présents le matin et le

119 Anses, Évaluation des risques liés aux nanomatériaux, enjeux et mise à jour des connaissances, 2014

120 Poland CA, Duffin R, Kinloch I, et al, 2008. Carbon nanotubes introduced into the abdominal cavity of mice show asbestos-like pathogenicity in a plot study. Nat Nanotechnol 2008 ; 3 : 423-8

121 Lasfargues G. 2008. Toxicité des nanomatériaux. Le concours médical. Tome 130, 19/20, déc. 2008, 3p.

122 Guseva-Canu et al. EpiNano – Dispositif de surveillance épidémiologique des travailleurs potentiellement exposés aux nanomatériaux manufacturés en France. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire

123 Observatoire des Particules Ultra Fines atmosphériques en Rhône-Alpes – Premiers résultats sur l’agglomération Grenobloise (2012-2014), Air Rhône-Alpes, juin 2016

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soir, en corrélation avec les profils « classiques » de polluants liés au trafic. Les concentrations moyennes exprimées en nombre de particules par volume d’air varient selon la saison (pics d’avril à octobre) et se situent autour de 6000 particules/cm³. Quant à leur comportement, les particules ultra-fines s’assimilent à des polluants gazeux comme le NO ou le NO2.

La recherche sur ces nanomatériaux s’intensifie ces dernières années afin d’approfondir les connaissances sur leurs potentiels effets sur la santé. Au niveau de la région Rhône-Alpes, une dizaine d’auteurs ont publié sur ce sujet au cours des 9 dernières années.

Pour en savoir plus sur les risques émergents :

EnvitéRA124 est une plateforme numérique spécialisée en santé environnementale. Son rôle est de fédérer les acteurs de la recherche dans ce domaine et d’être une interface entre recherche académique et acteurs socio-économiques. Elle diffuse des éléments sur des questions socialement vives, comme les risques émergents. Le PRSE 3, bientôt en vigueur en Auvergne-Rhône-Alpes, et sa fiche action n°4,

« Développer les compétences en matière de santé environnementale », devrait permettre de se saisir de cette interface. De son côté, la Métropole de Lyon souhaite proposer aux équipes de recherche d’utiliser son territoire et ses compétences. Les travaux combinés de la plateforme, la Région et la Métropole permettront à terme d’obtenir des données plus territorialisées.

124 https://www.envitera.com/

L’ÉTAT DE SANTÉ ET LES