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Mais, pour pertinente que soit cette affirmation, elle ne correspond pas à ce qui est envisagé dans cette recherche En effet, il n’est pas question de faire de tout sujet de droit le

seul auteur et interprète légitime des normes. Ce que nous visons consiste plutôt dans le fait de redéfinir la subjectivité juridique, de telle façon que le destinataire des normes soit envisagé pour ce qu’il est, et non comme ce que l’on voudrait qu’il soit. Plus précisément, l’objectif n’est pas d’appeler à un gouvernement de chacun contre chacun, comme autant de prisonniers dans des forteresses de solitude, mais de rendre compte de manière la plus fidèle possible du principal acteur de la vie juridique : le sujet de droit. Ce faisant, le destinataire comme la finalité de la règle sont ainsi réinscrits au cœur du débat juridique.

100. De manière analogue, ce prisme subjectif permet également de battre en brèche l’idée trop répandue selon laquelle aussi bien l’interprète que le chercheur pourraient prétendre à l’objectivité. En effet, le juge comme le juriste sont autant destinataires des normes que peut

93 Faisant ainsi retour à l’origine étymologique du terme de raison. Sur ce point, cf. A. Supiot, Homo juridicus.

Essai sur la fonction anthropologique du droit, Points, coll. Essais, 2009, 334 pages, p. 12, n.b.p. 2. Cf.

également les travaux du philosophe Xavier Zubiri, qui a élaboré le concept d’ « intelligence sentante », c’est-à- dire une intelligence qui ne serait pas coupée des sens ni de la sensibilité. X. Zubiri, Sentient Intelligence, The Xavier Zubiri foundation of North American, 1999, 416 pages, version électronique disponible à l’adresse suivante : http://www.zubiri.org/works/englishworks/si/Sentientintelligence.pdf.

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l’être le sujet. Aussi, lorsqu’ils interprètent chacun dans leurs domaines de compétences la norme qui leur est soumise, ils s’efforcent de prétendre à l’objectivité et de se débarrasser de leur être singulier. Mais cette ascension transcendentale est nécessairement vouée à l’échec, comme l’a déjà montré Kant malgré tous ses efforts pour y parvenir94

, puisque la perception totalement objective qui permettrait d’embrasser les noumènes est le propre du non-humain. Comme l’écrit M. Brunet : « D’une part, il faut contester l’idée selon laquelle « la perception de l’être » serait pure de toute volonté. […]. En d’autres termes, l’objectivité doit nécessairement faire avec la subjectivité du chercheur : elle ne peut pas nier purement et simplement cette dernière, ni la considérer comme négligeable »95.

101. Que nous soyons tous des êtres subjectifs, voilà ce avec quoi chacun doit composer, tant le législateur, le juge que le membre de la doctrine. Loin d’être un regret, ou une imperfection du système, cette manifestation est en réalité la marque du caractère proprement humain de la règle juridique. Aussi, vouloir ainsi séparer ces deux composantes, c’est en quelque sorte défigurer ce visage dans lequel il nous est possible de nous reconnaître, pour reprendre un concept majeur chez Levinas.

94 Sur ce point, cf. infra. Partie I, Titre II, Chapitre 2, Section 1. 95 F. Brunet, Normativité et droit, Thèse précitée, p. 52.

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C : La vulnérabilité comme déterminant ontologique de la subjectivité : l’ouverture aux émotions

102. Cette ouverture sur la vulnérabilité et sur les émotions du sujet du droit interroge directement l’autonomie de ce dernier (1). De la même façon, le recours à une perspective émotivo-rationnelle va permettre d’apporter un éclairage nouveau sur la matière juridique (2). On précisera toutefois le cadre lexicologique et les inspirations qui irrigueront cette étude (3).

1 / Autonomie et subjectivité sous l’angle de la sensibilité

103. Si nous voulons que ce visage se rapproche de la réalité de la condition humaine, alors il est nécessaire de repenser le sujet également sur le versant de sa capacité. En effet, en renversant la perspective traditionnelle, qui vise à poser les individus comme immédiatement capables, c’est-à-dire comme possédant tous la plénitude de leurs attributs mentaux comme physiques. C’est par rapport à cette norme que l’on juge de l’incapacité. Or, dans les pas de Ricoeur96 et de Levinas97, le sujet doit être posé comme ontologiquement fragile, comme nécessairement et universellement faillible. Cette fragilité est également liée à la sensibilité, en ce qu’elle relève d’abord d’un sentiment, d’un ressenti par le biais duquel elle s’impose, d’une certaine façon, à celui qui l’expérimente. Mais, elle n’est pas nécessairement antérieure à l’événement, puisqu’elle peut se révéler également de manière postérieure, lorsque s’imaginant maîtres d’une situation, nous nous retrouvons dépassés par celle-ci. Car c’est aussi dans l’expérience de l’involontaire que l’on s’éprouve soi-même comme en vie98

.

96 P. Ricoeur, « Autonomie et vulnérabilité », in A.-M. Dillens (dir), La philosophie dans la cité : hommage à

Hélène Ackermans, Publications de la faculté de Saint-Louis, 1997, 228 pages, p. 121-142 ; P. Ricoeur, Philosophie de la volonté : tome 1 : Le volontaire et l’involontaire, Points, coll. Points Essais, 2009, 618 pages ;

P. Ricoeur, Philosophie de la volonté : tome 2 : finitude et culpabilité, Points, coll. Essais, 2009, 582 pages. Le second tome correspond en fait à la réunion de deux ouvrages autrefois édités séparément, le premier s’intitulant justement « L’Homme faillible » ; cf. également G. Fiasse (dir.), Paul Ricoeur, De l’homme faillible à l’homme

capable, PUF, coll. Débats philosophiques, 2008, 192 pages.

97 Cf. N. Antenat, « Respect et vulnérabilité chez Levinas », Le Portique, n°11, 2003, disponible à l’adresse suivante : http://leportique.revues.org/558 ; Cf. également C. Pelluchon, L’autonomie brisée…, précité ; C. Pelluchon, « Levinas et l’éthique médicale », Cahiers d’Études Levinassiennes, n° 9, 2010, version électronique ; Pour une approche croisée des deux auteurs, cf. P. Bétrémieux, « Les figures de la vulnérabilité », in E. Hirsch (dir.), Traité de bioéthique, éd. Érès, 2010, 768 pages, p. 174-188.

98 M. Breviglieri, « L’espace habité que réclame… », précité, p. 39 : « Sa description psychologique de l’involontaire amène Ricoeur à cerner progressivement cette assise existentielle et vitale qui ne correspond donc pas à un pouvoir d’agir mais à un se sentir en vie auquel on ne peut que consentir et depuis lequel un fondement corporel vient pourtant entretenir la subjectivité et, en un sens, beaucoup plus loin, porter l’humanité ».

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104. Pour autant, cette faillibilité doit-elle nécessairement être comprise comme antinomique de l’autonomie99

? En effet, si l’on accepte l’idée, comment alors continuer à penser le sujet comme capable de se fournir sa propre loi, puisque la notion même d’autonomie, d’inspiration kantienne, repose sur l’usage non contrarié de la raison100

? En réalité, l’opposition n’existe qu’en apparence, puisque c’est justement en raison de cette vulnérabilité qu’il est possible de penser l’autonomie. En effet, cette faculté de se déterminer soi-même suppose une liberté. Or, cette dernière doit se comprendre également comme le fait d’être toujours possiblement dans l’erreur, sans quoi il ne serait pas possible de penser la moralité. C’est bien parce que l’erreur est possible qu’il peut y avoir du mérite dans le fait de parvenir à y échapper. Comme le note Ricoeur, « l’autonomie est bien l’apanage du sujet de droit, mais c’est la vulnérabilité qui fait que l’autonomie reste une condition de possibilité que la pratique judiciaire transforme en tâche. Parce que l’homme est par hypothèse autonome, il doit le devenir »101. Dès lors, les deux figures ne s’opposent pas, mais sont en réalité deux composantes de la même personne.

105. Aussi, l’objectif de ce travail de recherche ne consistera pas à remettre en cause de manière générale et absolue le concept même d’autonomie, mais plutôt à tenter d’enrichir sa compréhension et sa définition au sein de la sphère juridique. Plutôt que d’en accepter une

99 Pour une version critique du concept d’autonomie, cf. M. Jouan, S. Laugier (dir.), Comment penser

l’autonomie ? Entre compétences et dépendances, PUF, coll. Éthique et philosophie morale, 2009, 5004 pages ;

M. Marzano, Je consens donc je suis, éd. P.U.F., coll. Hors collection, 2007 ; P. Goldstein, Vulnérabilité et

autonomie dans la pensée de Martha C. Nussbaum, PUF, coll. Philosophies, 2011, 160 pages ; C. Pelluchon, L’Autonomie brisée…, précité, p. 45-79. Pour une lecture juridique critique de la conception moderne de

l’autonomie en droit public, cf. G. Karavokyris, L’autonomie de la personne en droit public français, Thèse pour le doctorat en droit, Univ. Paris II, 2008, 855 pages, publiée sous le titre L’autonomie de la personne en droit

public français, Bruylant, 2013, 778 pages. L’auteur y déclare : « Pour dire les choses plus clairement, le concept

d’autonomie constitue à la fois une valeur indépassable et une illusion incontestable de la philosophie et du droit, comme s’il s’agissait d’une béquille absolument nécessaire pour la constitution de l’individu en particulier et l’exaltation de l’humanité en général dont, pourtant, la teneur et la solidité sont gravement controversées », p. 16 ; Cf. également R. Le Coadic, « L’autonomie, illusion ou projet de société ? », in Cahiers internationaux de

sociologie, 2006/2, n°121, p. 317-340, qui propose une réflexion approfondie, à caractère critique, sur la notion.

100 Pour une perspective large sur la question des rapports entre autonomie et vulnérabilité, cf. N. Maillard,

Autonomie et vulnérabilité. État des lieux et essai d’articulation, Thèse pour le doctorat es Lettres, Univ.

Lausanne, 2008, 349 pages. La thèse, dans sa version remaniée, est disponible sous le titre : La vulnérabilité. Une

nouvelle catégorie morale ?, éd. Labor et Fides, 2011, 386 pages ; P. Golstein, Vulnérabilité et autonomie…,

précité, p. 53-98 ; C. Pelluchon, L’autonomie brisée…, précité, p. 251-307.

101 P. Ricoeur, « Autonomie et vulnérabilité… », précité, p. 121. Plus loin, il ajoute : « C'est le même homme qui est l'un et l'autre sous des points de vue différents. Bien plus, non contents de s'opposer, les deux termes se composent entre eux: l'autonomie est celle d'un être fragile, vulnérable. Et la fragilité ne serait qu'une pathologie, si elle n'était pas la fragilité d'un être appelé à devenir autonome, parce qu'il l'est dès toujours d'une certaine façon », p. 122. Dans le même sens, et dans une perspective juridique, cf. B. Melkevik, Considérations juridico-

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définition trop simple, qui méconnaîtrait ainsi la pluralité des positions individuelles, et la fragilité inhérente à la condition humaine, l’idée ici est de tenter d’associer les deux termes dans une même définition. En somme, renouveler la subjectivité juridique en l’élargissant à cette dimension nouvelle du sentiment et de la faillibilité, tout en maintenant le principe de l’autonomie. À ce titre, les propositions faites dans ce travail visent à permettre un traitement égal des situations, non pas dans leurs effets immédiats, mais plutôt dans la manière dont nous les conceptualisons. Ainsi, les situations dans lesquelles on demande à un justiciable, au regard d’un événement qui fait office de cas, de justifier avec une particulière intensité sa liberté et sa volonté au titre de sa vulnérabilité, doivent dès lors être repensées. Si tout le monde est vulnérable, à des degrés d’intensité variable, alors le soupçon porté sur certains justiciables, qui devrait davantage apporter la preuve de leur liberté, manifeste ici une discrimination qui asservit plutôt qu’elle ne protège102

.

106. Pour autant, il n’est pas davantage question de remettre en cause toute idée d’objectivité, au seul profit d’une subjectivité exacerbée qui deviendrait ainsi le principe d’explication ultime de l’ensemble du droit. De la même façon que la seule objectivité constitue un excès du raisonnement, la prise en compte exclusive de la subjectivité aboutirait à appauvrir le droit plutôt qu’à l’enrichir. Ici, il s’agit bien de parvenir à trouver une position médiane, faisant ainsi retour à la médiété aristotélicienne, qui emprunte alternativement aux deux registres. On retrouve ici la définition proposée par Thomas Nagel s’agissant de l’impartialité, c’est-à-dire le fait de pouvoir être à la fois objectif et subjectif103

. Aussi, et même si les développements qui vont suivre vont essentiellement consister dans la recherche d’une subjectivité évanescente, cela ne peut se comprendre que par rapport à un état donné de la perception majoritaire, ici objective. Aussi, ce serait méconnaître la visée de ce travail que de considérer qu’il vise à éliminer toute référence, implicite ou explicite, à l’objectivité.

107. Il n’en reste pas moins que cette approche par la subjectivité est également rendue nécessaire par le fait qu’elle permet d’introduire dans la réflexion juridique des

102 Par asservissement, on entend ici le fait que le justiciable considéré, comme nous le verrons, devient véritablement esclave perpétuel de sa vulnérabilité, qui le résume en tant que sujet dans la perspective du droit. Sur ce point, cf. infra. Partie II, Titre II, Chapitre 3, Section 1, §1, A/.

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problématiques qui sont parfois trop peu étudiées, parfois plus franchement ignorées. On va donc tâcher ici d’expliciter ce dont il est question.

108. Nous avons évoqué à plusieurs reprises des termes qui ne se trouvent guère dans la littérature juridique habituelle, si ce n’est pour décrire des réalités posées comme extérieures au droit. Ainsi, l’évocation de ressentis, de sentiments, et plus généralement, d’émotions, témoignages du subjectif, appelle quelques précisions. Le fait de s’attacher à penser le sujet de droit comme incarné, dans un corps charnel, permet en effet d’introduire deux dimensions : celle de la corporéité, et partant, celle du vécu intérieur. C’est ce que nous allons voir maintenant.

2 / De l’utilité d’une perspective émotivo-rationnelle dans la compréhension du droit 109. Que peut donc bien faire une théorie juridique de ces éléments ? La réponse à une telle question dépend entièrement du positionnement théorique adopté. Ainsi, si l’intérêt du chercheur se porte uniquement sur le versant logique de l’ordre juridique, sur le rapport entre des normes de valeurs différentes et la manière dont elles se concilient, alors il est probable que traiter de l’émotion en droit paraîtrait au mieux inutile. Mais, pour celui qui cherche à se saisir de la finalité du droit lui-même, la possibilité d’appréhender de manière plus précise son principal destinataire ne peut que constituer un objet tout à fait digne d’intérêt. En effet, loin de se limiter au seul justiciable, une théorie qui intégrerait l’approche émotionnelle se révèlerait féconde dans d’autres domaines, telle par exemple la théorie de l’interprétation. En effet, si le principe même de la subjectivité se trouve lié aux émotions, alors il devient possible de considérer que le juge aussi en est parcouru. Dès lors, elles peuvent effectivement jouer dans l’interprétation qu’il donnera tant de la règle que du litige qui lui est soumis. Aussi, la portée heuristique d’une telle conceptualisation nous paraît tout à fait précieuse104

.

104 Du reste, le consentement a bien à voir avec le sentiment, comme l’avait déjà montré Adam Smith dans sa théorie des sentiments moraux : A. Smith, Théorie des sentiments moraux, P.U.F, coll. Quadrige, éd. 2003, 480 pages ; Pour une lecture des liens spécifiques entre consentement et sentiments chez Smith, cf. O. Tholozan, « Le consentement dans la théorie des sentiments moraux d’Adam Smith », in L’idée contractuelle dans l’histoire de

la pensée politique. Actes du colloque International de l’A.F.H.I.P (sept. 2007), Press. Univ. Aix-Marseille, 2008,

614 pages, p. 289-296, et surtout la p. 292 qui montre bien que l’on retrouve chez Smith les vocables d’émotion, de sentiment et de passion liés directement au consentement. Dans le même sens, cf. M. Revault d’Allonnes,

Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, éd. Seuil, 2010, 148 pages, p. 122 : « Adam Smith, on l’a sans cesse

relevé, est à la fois l’auteur de la Richesse des nations […], et celui de la Théorie des sentiments moraux où la

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110. Sur ce point, la littérature juridique française souffre d’un vide considérable105, renforcé par la comparaison avec ce que l’on peut trouver dans la réflexion juridique américaine. À cet égard, il est impossible de ne pas mentionner les travaux absolument fondamentaux de Martha Nussbaum, professeur de droit et d’éthique à l’Université de Chicago. Toute son œuvre106

consiste dans une réintégration de la composante émotionnelle au sein de la philosophie et de la littérature, mais également dans la compréhension du droit et des décisions de justice, en tant qu’elle entretient une relation privilégiée avec le savoir. Au- delà du fait qu’une telle approche est bien essentielle pour comprendre les ressorts intimes de la subjectivité, et donc l’écart qui peut exister entre le sujet juridique et le sujet concret, elle permet également de saisir certaines stratégies argumentatives spécifiques, tant de la part de la doctrine que du juge. À ce titre, il est désormais possible de trouver, dans des ouvrages juridiques107, des contributions qui portent sur la manière dont l’affectivité peut influer sur le

105 On peut toutefois évoquer D. Gutmann, Le sentiment d’identité. Étude de droit des personnes et de la famille, Thèse pour le doctorat en droit, L.G.D.J, Bibliothèque de droit privé, 2000, 520 pages ; cf. également A. d’Alton, « La place de l’émotion dans la structure objective du droit », Thèmes, revue de la bibliothèque de philosophie comparée, III, 2012, version électronique, 11 pages, qui évoque les travaux fondateurs selon lui de Léon Petrazycki. L’auteur note ainsi, p. 1 : « L’histoire contemporaine de la philosophie du droit relève peu d’efforts expliquant en effet le moment émotionnel du processus de connaissance à l’œuvre dans la formation du droit depuis les travaux de Léon Petrazycki ».

106 Pour la partie plus spécifiquement philosophique, cf. par exemple : M. C. Nussbaum, The Fragility of

Goodness : Luck and Ethics in Greek Philosophy, éd. Cambridge University Press, 2001, 590 pages ; M. C.

Nussbaum, Upheavals of thought. The intelligence of Emotions, éd. Cambridge University Press, 2001, 751 pages; M. C. Nussbaum, Love’s knowledge. Essays on philosophy and literature, Oxford University Press, éd. 1992, 432 pages; M. C. Nussbaum, J. Sihvola (dir.), Sleep of reason: Erotic Experience and Sexual Ethics in

Ancient Greece and Rome, University of Chicago Press, éd. 2002, 464 pages. Concernant la place des émotions

dans la compréhension du droit, cf. M. C. Nussbaum, Hiding from Humanity. Disgust, Shame and the Law, Princeton University Press, 2004, 437 pages; M. C Nussbaum, From Disgust to Humanity. Sexual Orientation &

Constitutional Law, éd. Oxford University Press, 2010, 217 pages; M. C Nussbaum, Political Emotions: Why Love Matters of Justice, éd. Belknap Press, 2013, 480 pages. Pour une approche en langue française de ses

travaux, cf. S. Chavel (dir.), « Martha Nussbaum. Émotions privées, espaces public », Raison Publique, 2010, n°13, 436 pages ; P. Goldstein, Vulnérabilité et autonomie…, précité.

107 On fait ici allusion aux Archives de philosophe du droit, dont le Tome 55 s’intitule “le droit et les sciences de l’esprit”. Parmi l’ensemble des contributions, on lira avec profit pour notre réflexion : S. Tassy, « Approche neuroscientifique du raisonnement moral : vers un nouveau modèle cognitif distinguant le jugement et le choix de l’action », Arch. Phil. Droit, Tome 55, 2012, p. 3-18; S. Pichon, P. Vuilleumier, « Impact des états affectifs sur la réactivité du système limbique : implications pour la régulation émotionnelle et le comportement social », p. 47- 63 ; O. Oullier, « Délibérations au tribunal : Jugements, décisions, biais et influences », p. 269-280, dans laquelle l’auteur évoque spécifiquement l’ émorationalité en lien avec la décision judiciaire, pour affirmer que le juge mélange des processus émotionnels et rationnels dans son office ; Dans le même sens, mais dans une perspective plus sociologique, cf. N. Burgi-Golub, « Émotion, identité, jugement », in CURAPP, questions sensibles, PUF, 1998, p. 59-76 ; Pour une approche plus générale de la relation entre émotion et rationalité, et la manière dont les premières influent sur le processus de décisions, cf. A. R. Damasio, L’erreur de Descartes, Odile Jacob, éd. 2010, 396 pages ; A.R. Damasio, Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions, Odile Jacob, éd. 2004, 346 pages ; F. Cova, L’architecture de la cognition morale, Thèse pour le doctorat en philosophie, EHESS, 2011, 508 pages, disponible à l’adresse suivante : http://www.academia.edu/2348323/LArchitecture_de_la_Cognition_Morale . Cf. également S.

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processus de décision du sujet, même si ces études sont encore uniquement le fait de chercheurs non juristes.

111. Toutefois, une précision terminologique s’impose. En effet, que faut-il entendre par le concept d’émotion ? Sur ce point, les travaux abondent, à un point tel qu’il n’est pas possible d’en faire l’inventaire. De la même manière, étudier précisément les différences entre les différentes approches dépasserait très largement le cadre de ce travail. On peut simplement mentionner, à la suite des travaux de Dixon108, que le terme d’émotion pour désigner le vécu