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Perspectives lexicographiques et didactiques

Enseigner les mathématiques en français à partir des compétences de l’apprenant en langue maternelle lyèlé : quelle place pour la terminologie ?

6. Perspectives lexicographiques et didactiques

A cette étape de notre travail nous nous sommes assigné pour tâche d’élaborer un lexique français-lyèlé et un glossaire lyèlé-lyèlé (BAKI, 2019). Pour DUBOIS J. et al. (2001)

« on appelle glossaire un dictionnaire qui donne sous forme de simple traduction le sens de mots rares ou mal connus ou qui contient un lexique des termes techniques d’un domaine spécialisé ».

Ce travail pose les bases de la constitution d’un ouvrage dictionnairique à la fois bilingue français-lyèlé et monolingue lyèlé-lyèlé.

Pour la partie lexique français-lyèlé, les entrées sont en français, et les équivalents sont en lyèlé. Pour ce qui est du glossaire, plus fourni que le lexique, les entrées sont en langue lyèlé, et leurs définitions aussi sont données en lyèlé précédées de leurs équivalents et de leurs catégories grammaticales en français. Mais quelle peut être la pertinence d’une telle perspective lexicographique en contexte d’enseignement /apprentissage plurilingue ?

Sur le plan didactique, il s’agit pour nous d’inscrire cet enseignement / apprentissage des mathématiques dans une perspective de didactique : intégrer langue africaine-langue française dans le sens de MAURER (2007). L’on part du fait que la méthode de l’Institut

insuffisances (NAPON, 1994 ; YARO, 2004). L’on insistera également sur le fait que les méthodes bilingues en expérimentation qualifiées d’ « innovations pédagogiques » ne permettent pas de construire un véritable partenariat entre le français et les langues nationales (DUMONT, 2007). La nouvelle démarche dans ce sens exige que les acquis de la langue maternelle soient réinvestis dans l’apprentissage du français et qu’également les connaissances acquises en français servent à comprendre et à apprendre la langue nationale. On exploite dans ce cas les acquis de l’analyse contrastive en privilégiant le recours au phénomène de transfert. POTH (1997 : 8), à partir des réalités africaines explique : « on a beaucoup insisté sur les phénomènes d’interférences qui se produisent d’une langue à l’autre mais il ne faut pas oublier que les habitudes liées à la langue maternelle peuvent se révéler bénéfiques lorsque par le jeu des parallélismes elles rendent plus facile l’acquisition de la langue seconde. Le maître peut alors s’appuyer sur les similitudes entre les deux systèmes et exploiter ainsi les phénomènes de transfert d’une langue à l’autre, même s’il lui faut veiller par ailleurs à réduire les interférences ». Pour le cas du lyèlé par exemple, dès la première année, en langue nationale, l’enfant sait déjà compter de 0 à 1000. Mais dans un système classique unilingue, il faut attendre 3 ans, pour réussir un tel exercice en français. Or dans une démarche didactique qui articule la langue nationale et le français, et sur la base du phénomène de transfert, l’enfant peut réussir très tôt l’art de compter en français en se fondant sur les acquis de sa langue maternelle.

Conclusion

L’une des raisons avancées pour tenir à l’écart les langues nationales de tout programme de développement (éducation par exemple), est le préjugé selon lequel nos langues ne sont pas aptes à véhiculer le message de la science et de la technologie. Cependant, notre travail vient de nous prouver que nos langues, longtemps marginalisées ont des moyens et des stratégies propres pour appréhender les concepts scientifiques. C’est ainsi que pour le lyèlé, nous avons noté un certain nombre de procédés utilisés dans ce sens : la composition, la dérivation et l’emprunt. Par ailleurs, l’étude jette les bases d’un dictionnaire pouvant être utilisé comme support ou manuel dans l’enseignement/apprentissage des mathématiques à des enfants lyèlé apprenant leur langue maternelle ou /et le français. Le cadre juridique et politique existe : l’article 35 de la Constitution et la Loi n°13-2007/AN du 30juillet 2007

prônent l’intégration des langues nationales dans l’enseignement ; le reste n’est qu’un travail d’application et de mise en œuvre.

Références bibliographiques

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BAKI T., 2019, Ecoles bilingues en contexte plurilingue burkinabè et recherche

terminologique en mathématiques français / langues nationales : perspectives pédagogique et lexicographique, thèse de doctorat, Université de Caen

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BATIANA A., 2009, « Les emprunts en lyélé », Actes de septième colloque interuniversitaire sur la coexistence des langues en Afrique de l’Ouest, Ouagadougou du 20 au 22 octobre 2008, Université de Ouagadougou, NAPON, A. (dir) Presses

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Adaptation des emprunts lexicaux : cas des emprunts du kɔ́dɛ̀ aux langues