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4. DISCUSSION GÉNÉRALE

4.3. Perspectives

4.3.1.1. Proposition d’étude observationnelle

Les troubles de la santé mentale pendant la grossesse sont relativement fréquents, ils sont peu diagnostiqués et ont potentiellement des effets délétères à court, moyen et long terme pour les familles. En France actuellement, il n’y a pas de consensus sur les méthodes ou le moment privilégié pour dépister ces troubles. Dans les suites de ce travail, nous proposons une étude visant à évaluer la faisabilité et l’intérêt d’un dépistage précoce d’un mal-être psychologique au cours de la grossesse.

Type d’étude et population

Il s’agirait d’une étude descriptive ayant pour objectif d’analyser la faisabilité et l’intérêt du dépistage d’un mal-être psychologique auprès des femmes enceintes.

La population d’étude serait des femmes enceintes recrutées auprès de patientèles de gynécologues-obstétriciens ou de médecins généralistes en cabinet de ville. Ces professionnels de santé seraient choisis car ils déclarent près de 65% des grossesses, notamment auprès de populations socialement défavorisées (chapitre 4.3.1). Les critères d’inclusion seraient toutes les femmes de 16 à 45 ans parlant français, ayant une grossesse unique, recrutées entre la 5ème et la fin de la 14ème semaine d’aménorrhée (la fin du premier trimestre de grossesse). Les critères d’exclusion seraient une dépression ou une anxiété actuelle en cours de traitement (psychothérapie ou traitement médicamenteux) ou un déménagement hors de la région prévu dans les 6 mois à venir.

Evaluation de la santé mentale

L’évaluation de la santé mentale serait réalisée au cours de la consultation médicale par une question unique de santé mentale perçue « Sur le plan psychologique, comment vous sentez-vous pendant votre grossesse ? Bien - assez bien - assez mal – mal » (chapitre 1.1.2.3). Dans le mois suivant la consultation, un enquêteur formé appellerait les femmes participantes et évaluerait leur santé mentale par le Mini-International Neuropsychiatric Interview (MINI) ainsi que par une mesure de la qualité de vie (SF-12). Le MINI est un

entretien diagnostique structuré, explorant de façon standardisée les principaux troubles psychiatriques de l’axe I du DSM IV [Mini-International Neuropsychiatric Interview, 1999 ; Duburcq, 1999]. L’évaluation comprendrait les composantes du MINI relatives aux troubles de l’humeur : troubles dépressifs majeurs, dysthymies, troubles paniques (avec ou sans agoraphobie), troubles d’anxiété sociale et les troubles anxieux généralisés. Le SF-12 est un questionnaire composé de 12 items explorant la dimension physique et mentale de la qualité de vie. Il est issu du SF-36 (2ème version), et reprend les huit domaines de santé inclus dans le SF-36 : l’activité physique, les limitations dues à l'état physique, les douleurs physiques, la santé perçue, la vitalité, la vie et les relations sociales, les limitations dues à l’activité psychique et la santé psychique [The SF-Community, 2014]. La santé mentale perçue serait à nouveau évaluée lors de cet entretien téléphonique comme « contrôle » selon les mêmes modalités que précédemment.

Données recueillies

Les données concernant les femmes enceintes seraient recueillies à trois temps au cours du suivi de grossesse :

1. Des données socio-démographiques et médicales seraient collectées à l’inclusion dans l’étude au cours de la première consultation médicale. Ces données comprendraient l’âge des femmes, la situation de couple, la catégorie professionnelle des femmes, la couverture maladie, la parité, les antécédents obstétricaux défavorables, la consommation de tabac et l’indice de masse corporelle avant la grossesse.

2. Puis, l’évaluation de la santé mentale serait à nouveau réalisée par un entretien téléphonique dans le mois suivant cette consultation (MINI, SF-12 et question unique de santé mentale perçue).

3. Enfin, un nouvel entretien téléphonique après la naissance permettrait de recueillir les données suivantes : le recours à un professionnel de santé pour d’éventuelles difficultés psychologiques au cours de la grossesse, la santé mentale perçue actuelle, les complications survenues au cours de la grossesse, le sevrage tabagique éventuel, la participation à l’entretien prénatal précoce et aux séances de

Pour les médecins, un questionnaire leur serait adressé en début d’étude pour préciser : leur âge, leur sexe, leur temps moyen de consultation et leur secteur d’activité. Puis ils pourraient, pour chaque femme éligible, remplir les raisons éventuelles de la non-évaluation de la santé mentale perçue, les tests complémentaires réalisés pour évaluer la santé mentale (EPDS, STAI, autres évaluations) et les éventuelles propositions thérapeutiques.

Analyse des données

La faisabilité du dépistage serait définie par le pourcentage de femmes ayant bénéficié du dépistage d’un mal-être psychologique parmi toutes les femmes éligibles sur la période de l’étude. Son intérêt serait évalué par le pourcentage de femmes ayant bénéficié d’au moins deux consultations (dont la première consultation d’inclusion) avec un professionnel de santé pour leurs difficultés psychologiques au cours de la grossesse. L’analyse des données comprendrait également une description de la population de l’étude, de ses caractéristiques socio-démographiques, médicales et des scores aux questionnaires de santé mentale. Un calcul de sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et négative de la question de la santé mentale perçue pourrait également être réalisé avec les questionnaires du MINI et du SF-12. Puis des tests de comparaison pourraient être réalisés pour évaluer les caractéristiques des femmes associées au mal-être psychologique au cours de la grossesse, au recours à un professionnel de santé en cas de difficultés psychologiques, ainsi que les caractéristiques médicales associées à l’évaluation de la santé mentale. La nature de l’étude descriptive ne justifie pas un calcul du nombre de sujets. L’étude pourrait être réalisée auprès de 30 médecins recrutant chacun 20 femmes enceintes. Le protocole de l’étude serait soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et au Comité de protection des personnes (CPP).

4.3.1.2. Autres perspectives d’études

Le développement de la recherche en prévention et en promotion de la santé nécessite l’évaluation d’interventions réalisées dans les collectivités, les écoles, les entreprises, etc. Ces programmes devraient : reposer sur une analyse des besoins locaux ; combiner différentes stratégies ; pouvoir s’inscrire dans la durée et être évalués en terme d’efficacité et d’efficience [Société Française de Santé Publique, 2013]. L’apport des sciences

humaines et sociales dans cette recherche est indispensable afin de mieux comprendre les représentations des femmes, leur expérience d’un mal-être psychologique en périnatalité, ainsi que leur retour sur les expérimentations mises en place.

Concernant les traitements, des protocoles d’études sont parus récemment pour évaluer l’efficacité d’une intervention de prise en charge des troubles mentaux au cours de la grossesse [Thomas, 2014 ; Kingston, 2014]. Thomas et coll. se proposent d’évaluer l’efficacité d’une psychothérapie prénatale pour les femmes enceintes présentant des symptômes anxieux ou dépressifs. Les premiers résultats de l’étude pilote montrent une réduction absolue de 6 points environ sur les scores de l’EPDS (score moyen de 16 avant intervention et de 10 après, écart-type de 5) et de 8 points environ sur les scores du STAI (score moyen de 53 avant intervention et de 45 après, écart-type de 10) dans le groupe intervention [Thomas, 2014]. Kingston et coll. se proposent d’évaluer l’efficacité d’un dépistage des symptômes dépressifs ou anxieux maternels prénataux par tablettes électroniques, suivi d’une prise en charge par psychothérapie cognitivo-comportementale prénatale. Cette étude comporterait également une évaluation médico-économique. Pour cette évaluation, les coûts induits par des troubles mentaux pris en charge seraient les contacts répétés avec les professionnels de santé et les coûts des traitements ; en cas de non prise en charge, les coûts induits seraient la perte de productivité liée aux troubles mentaux, les excès éventuels de comportements à risque (tabac, alcool) ou de survenue de complications à court, moyen ou long terme. Les bénéfices d’une prise en charge de ces troubles seraient le nombre de mois gagnés avec une qualité de vie acceptable (QALY : Quality Adjusted Life Year) ou le nombre de mois gagnés sans symptômes dépressifs ou anxieux significatifs.