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Perspectives sur les évaluations du soutien à la parentalité en France

Partie II – Positionnement des professionnel-le-s et évaluation des actions

II- 2 Positionnement des professionnel-e-s, développement et évaluation des actions de

3. Perspectives sur les évaluations du soutien à la parentalité en France

En France, la politique de soutien à la parentalité s’appuie largement sur des initiatives issues du terrain, développées pour répondre à des besoins identifiés localement, et non sur des programmes ou dispositifs strictement cadrés et déployés sur le territoire national, comme cela est le cas dans un certain nombre de pays anglo-saxons. Le cadrage de la politique de soutien à la parentalité s’appuie essentiellement sur des chartes (Charte du Reaap, Charte du Clas…) et/ou sur des règles permettant le versement de financements, par exemple pour les prestations de service versées par les Caf.

L’hétérogénéité des actions rassemblées dans le cadre des Reaap, mais également des Laep, du Clas ou de la médiation familiale, si elle permet de générer des dynamiques locales, rend difficile l’évaluation de l’impact de la politique menée sur ses bénéficiaires. C’est pourquoi, avant même d’aborder la question de ce que produisent ces politiques en termes d’impact et d’effets, se pose d’abord la question de qu’elles font concrètement et de qui elles touchent. Si

36 La simple lecture de l’article L.112-3 réécrit entre les deux lois est révélatrice. Dans la loi de 2007, la mission

de la Protection de l’enfance est de « prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. » Après le décès de la petite Marina, la loi de 2007 a été reformulée en 2016 comme suit : «La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits » (…) . Et dans l’esprit de la loi civile du 4 avril 2002 - art. 371-1 c. civil - il ajoute : « Dans tous les cas, l’enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité. »

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un suivi de la mise en œuvre des actions de soutien à la parentalité existe de longue date, ce n’est que récemment que des données précises et homogènes à l’échelle nationale ont été constituées37.

La politique de soutien à la parentalité fait déjà l’objet d’un certain nombre d’évaluations, départementales et nationales. Celles-ci portent souvent avant tout sur la gouvernance locale de la politique (notamment en lien avec les différentes évolutions des instances : Comités départementaux de soutien à la parentalité, et désormais instances des Schémas départementaux des services aux familles) et traitent de la répartition territoriale des actions au regard des besoins identifiés. En revanche, l’évaluation des effets et de l’efficience de la politique de soutien à la parentalité et des dispositifs qui la composent est plus difficile à appréhender. La grande hétérogénéité intrinsèque aux dispositifs de soutien à la parentalité en France empêche « une vision unifiée et standardisée de l’efficience des Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (Reaap) » (Campéon, Keppens, Rothé, 2014), mais également des Contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (Clas) (Moeneclaey, 2016) et des autres dispositifs.

Face à cette situation, et dans le contexte d’une forte demande d’évaluation de la part des institutions, deux modes d’évaluation co-existent aujourd’hui.

- L’évaluation des actions :

Les projets et actions portées par les acteurs du soutien à la parentalité doivent chaque année faire l’objet d’une évaluation. Cette démarche s’est répandue dans les dernières années mais reste difficile pour les porteurs de projets et les professionnels investis dans le soutien à la parentalité, qui n’ont pas tous la culture de l’évaluation. Cette dernière se limite le plus souvent à la synthèse de données d’activité assortie d’appréciations du responsable de l’action, dans le cadre des bilans ou évaluations demandés par les financeurs. Cependant, certains acteurs mettent en place des dispositifs plus formalisés - enquête qualitative, tableaux de bord, questionnaires, entretiens - dont quelques-uns visent à apprécier les évolutions individuelles (Acadie-Aures, 2011).

- L’évaluation des dispositifs :

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Des évaluations plus globales sont menées sur des dispositifs aux échelles départementale et nationale, en général par des prestataires extérieurs (cabinet d’études). Le jugement évaluatif des effets produits par le dispositif se fonde le plus souvent sur des entretiens auprès des différents acteurs, des observations d’actions, mais aussi sur des enquêtes, des récits de vie, ou des focus-groups regroupant des parents ayant participé aux actions. Autant que possible, l’évaluation est constituée à partir d’un croisement des regards des différents acteurs concernés (accompagnateurs – porteurs de projets, parents, éventuellement enfants).

Cela a été le cas dans le cadre de l’évaluation nationale des Clas par exemple. Les porteurs de projets ont été interrogés sur les effets qu’ils observaient sur les parents et sur les enfants. De la même manière, les parents ont été interrogés par enquête téléphonique sur les évolutions qu’ils constataient pour eux et pour leurs enfants. Enfin, quelques entretiens de type récits de vie avec des jeunes ayant participé au Clas pendant plusieurs années ont été mobilisés (Moeneclaey, 2016). Ce type de méthodes permet d’obtenir « un faisceau d’indices » qui, faute de mesurer précisément l’impact du dispositif, donne à voir les registres d’effets observés.

En 2007, Benoît Bastard avançait à propos des Reaap que : « Des efforts ont été faits pour mieux saisir et valoriser leurs apports. Il reste cependant que ce type d’organisation [des Reaap : réseau et actions] garde un aspect autorégulé et local indépassable qu’il convient d’accepter si on veut en tirer le bénéfice attendu pour la dynamisation de l’action sociale. » (Bastard, 2007). Il est vrai que le choix d’une politique issue du terrain, et aux objectifs variés, ne permet pas la mesure comparable et chiffrée des effets sur les personnes qui y prennent part. Pour autant, il existe une demande réelle de la part des acteurs institutionnels, mais aussi d’une partie des professionnel-le-s et des porteurs de projets du soutien à la parentalité eux-mêmes, pour évaluer cette politique, et ainsi pouvoir mieux la défendre. Il semble aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin dans l’évaluation tout en tenant compte de la spécificité du modèle français de soutien à la parentalité, afin de définir des méthodologies adaptées.

Les méthodes qualitatives paraissent les plus pertinentes. En effet, à défaut de pouvoir mesurer quantitativement les impacts des politiques de soutien à la parentalité, un travail accru et partagé sur les objectifs des dispositifs et sur la définition d’indicateurs d’évaluation, ainsi qu’une systématisation du croisement des points de vue peuvent permettre une montée en qualité de l’évaluation dans ce domaine.

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