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Pour une mise en œuvre de la démarche d’analyse documentaire sur des sources historiques, nous nous interrogeons sur comment était prise en charge cette question des choix des métiers à une époque où les bifurcations professionnelles n’étaient pas dans la norme. Y avait-il un réel choix de métier ou ces derniers étaient-ils affectés selon une certaine logique ? Pour répondre à ces questions et décrire le paysage de la reconversion professionnelle au début du 20

e

siècle, nous partons d’éléments bibliographiques ainsi que d’analyses de sources historiques qui ont été décelées dans les archives de la FPSE.

Concernant notre plan pour ce premier chapitre, nous développerons tout d’abord un cadre théorique avec différentes sous-rubriques (clarification des concepts et questionnements). Nous apporterons également quelques éléments méthodologiques pour éclaircir le processus de construction des données. Ensuite nous situerons le contexte historique de la recherche en mentionnant les principales institutions concernées par notre thématique. Puis nous développerons notre analyse à partir de nos questionnements.

É

CLAIRAGE SUR LES CONCEPTS

-

CLES

L’une des premières difficultés a été de clarifier l’utilisation des différents concepts qui évoluent selon le temps. Ce terme de reconversion apparaît à la fin du 19

e

siècle (en 1874) dans un contexte religieux pour désigner l’acte de « retrouver la foi perdue » selon le Trésor de la Langue Française (TLF ci-après). C’est seulement autour des années 60 que ce terme apparaît dans un contexte professionnel pour signifier un « changement d’activité, de profession ».

Lors des recherches sur la thématique de la reconversion professionnelle dans les archives de la faculté, il est apparu le terme d’orientation, et non de reconversion. Ce terme d’orientation fait son apparition dès le début du 20

e

siècle comme le montre la naissance d’un certain type d’institutions pour l’orientation scolaire et professionnelle à Genève notamment. Pourtant, le TLF, ne relève ce concept de l’orientation dans un contexte purement scolaire et professionnel que dès les années 60. Celui-ci est alors décrit comme un « ensemble de moyens mis en œuvre pour orienter un jeune, un adulte dans une voie scolaire ou professionnelle en fonction de ses aptitudes, de ses goûts et des débouchés » (1978).

Parallèlement, le terme très proche de réorientation, défini en tant qu’« action de réorienter ; résultat de cette action » par le TLF, apparaît également dans les années 60 dans une encyclopédie éducative pour signifier la « réorientation des élèves qui abandonnent » les études.

Nous concentrerons toutefois notre analyse à partir du concept-clé

d’orientation professionnelle

qui prend racine à Genève dès le début du 20

e

siècle selon les sources historiques travaillées.

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Après avoir analysé l’évolution des termes relatifs à la notion de reconversion professionnelle, nous allons développer notre propos à partir du terme d’orientation professionnelle. Notre premier questionnement est :

Quand commence-t-on à percevoir le besoin de l’orientation à Genève ?

Nous avons volontairement omis de signifier dans cette question s’il s’agit d’orientation professionnelle ou scolaire car les deux sont fortement imbriqués lors du début du 20

e

siècle.

Nous allons ensuite approfondir notre développement grâce aux différents questionnements ci-après :

Quelle est la signification de cette orientation au début du 20e siècle et peut-on y percevoir une liberté de choix de métier, ou au contraire la présence d’inégalités sociales ?

Comment, le cas échéant, cela est-il perceptible ? Que peut-on percevoir sur ce processus historique ?

Y a-t-il un lien avec l’évolution des secteurs économiques d’activité ?

É

LEMENTS METHODOLOGIQUES

Maintenant que nous avons situé ce détour historique dans un « espace-temps », nous allons présenter le dépouillement des sources historiques existantes aux archives de la FPSE, c’est-à-dire principalement dans le fond Jean-Jacques Rousseau (fond JJR ci-après).

Face à ces nombreuses sources, il y eut un choix difficile de pertinence et de temps à faire.

L’archiviste, qui a été d’une grande aide durant cette découverte, a mis à disposition environ quatre cartons du fond JJR avec quelques sources intéressantes pour découvrir la naissance et le besoin de l’orientation professionnelle dès le début du 20

e

siècle jusqu’aux années 30-40. Il y avait également plus de six cartons concernant l’époque 1950-2000 du fond Uldry concernant surtout les programmes d’éducation permanente des adultes et l’AJETA, l’Association d’aide aux jeunes travailleurs et apprentis. Ces documents n’ont pas fait l’objet d’une analyse approfondie dans ce travail malgré leur intérêt, par manque de place et par choix de l’espace-temps de notre problématique. Nous tenterons toutefois de faire quelques liens entre ces différentes périodes à la fin de notre analyse pour pouvoir appréhender la question du processus.

La première étape de travail, qui n’était pas la plus appropriée puisqu’il aurait été préférable

de commencer par l’analyse des bibliographies (ce travail a été rattrapé par la suite), a été de

commencer par tout feuilleter, en lisant rapidement, pour observer ce qui alimenterait nos

questionnements. Malgré quelques appréhensions, nous avons rapidement saisi les sources qui

semblaient utilisables de celles qui n’apportaient que très peu à notre analyse.

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Toutefois, une seconde grande difficulté réside dans le choix d’écarter ou de prendre certaines sources, de savoir si ce choix ne tient pas de l’erreur ou d’un jugement trop hâtif. En effet, qu’est-ce qui assure que notre analyse, à partir d’un choix porté sur certains documents plutôt que d’autres, soit pertinente ? Est-ce qu’il y aurait des risques que la réalité des faits historiques soit déformée ? Afin de répondre à ces questions, malgré un début de travail méthodologiquement inconvenant, nous avons tout au long du travail tenté de nous référer aux ouvrages de référence et à nos questionnements. Ensuite, nous avons également fait référence à certaines sources choisies afin d’argumenter notre analyse. Nous espérons ainsi être au plus proche de la réalité historique.

C

ONTEXTE HISTORIQUE ET QUELQUES INSTITUTIONS

-

CLES

À partir du 19

e

siècle se développe en Europe une économie de marché capitaliste dont la professionnalisation des activités amène une nouvelle organisation du travail et des qualifications de plus en plus scientifiques

1

. Cette évolution se fait surtout dans les professions libérales (avocat, médecin, ingénieur).

En Suisse, on constate une forte présence de la formation et de l’orientation professionnelle qui deviennent des « questions de politiques sociales »

2

. Par exemple, le système dual de formation, appelé apprentissage, rend la Confédération active dans le subventionnement de la formation professionnelle. Cette dernière sera institutionnalisée par une loi fédérale dès 1930 dans le but de « garantir l’insertion socio-économique des couches sociales les moins favorisées tout en satisfaisant les nécessités économiques » (Thomann Jeanneret et al., 2007, p. 292). Cette possibilité de se former ainsi de manière duale à une profession sous-tend un idéal libéral promettant une ascension sociale

3

. Une place est ainsi donnée à l’individu, face au fonctionnement majoritaire qui était jusqu’alors la transmission d’une profession par héritage ou par compagnonnage. Cette vision émancipatrice est très présente dans les milieux bourgeois, mais pour le reste de la population, c’est-à-dire la majorité, on exerce une profession en tant que devoir et celui-ci décrit un statut social

4

.

Observons à présent ce mouvement de professionnalisation qui débute dès 1860 pour le métier d’enseignant en Suisse par exemple, ainsi que l’Histoire de la création de la FPSE. À Genève, une première chaire pédagogique fut créée en 1890 par l’État, le Département de l’Instruction publique, pour professionnaliser le corps enseignant. Mais le réel apport des sciences

1 Éléments apportés par la partie 2 de la définition de « profession », dictionnaire historique suisse (DHS) en ligne.

2 Éléments apportés par la partie 2 de la définition de « profession », dictionnaire historique suisse (DHS) en ligne.

3 Éléments apportés par la partie 2 de la définition de « profession », dictionnaire historique suisse (DHS) en ligne.

4 Éléments apportés par la partie 2 de la définition de « profession », dictionnaire historique suisse (DHS) en ligne.

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de l’éducation et de la psychologie est amené par Edouard Claparède (Claparède ci-après), psychologue et partisan de l’éducation nouvelle, lorsqu’il fonda l’Institut Rousseau en 1912. Cet institut n’était pas encore rattaché à l’État, ni subventionné par celui-ci. Il fonctionnait par autofinancement et grâce à des subventions de source privée principalement. Celui-ci avait pour fonction : la recherche sur la méthode scientifique ; assurer le progrès de cette nouvelle science ; de devenir un centre de formation qui rassemble et diffuse les recherches ; et enfin, un centre de propagande en faveur du renouveau éducatif (Thomann Jeanneret et al, 2005, p. 10).

Claparède est clairement contre une pédagogie scolastique et conservatrice transmettant des savoirs « morts » ou livresques comme on peut le lire dans son texte de 1912 « Un institut des Sciences de l’Éducation et les besoins auxquels il répond ». Faisant référence à Rousseau, il milite pour une meilleure connaissance des enfants. Et comme l’écrit Hameline à propos de Claparède :

« il demeure persuadé que l’application de la science aux choses humaines constitue, au demeurant, un progrès » (Hameline, 1993, p. 3). Il fonde son travail sur des lois issues de la pédagogie expérimentale par l’observation et crée des tests d’aptitudes pour enfants et jeunes adultes. C’est également en 1918 qu’il ouvre, en collaboration avec le directeur de l’Institut, Pierre Bovet, un cabinet d’orientation professionnelle, « premier établissement suisse de ce type » (Hofstetter, Ratcliff & Schneuwly, 2012).

En 1929, l’Institut Rousseau alors nommé Institut des Sciences de l’éducation, est rattaché à la Faculté des lettres de l’Université de Genève. C’est en 1948 que cet institut est intégré à l’Université comme « Inter-faculté », puis devient en 1975, la FPSE telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Cette description du processus historique de la faculté n’est pas sans lien avec le thème de

l’orientation professionnelle. Elle permet de comprendre quel rôle majeur ont joué les institutions

dans cette question, dans un contexte en pleine mouvance entre le politique, l’économie et les

besoins du marché du travail, comme le résume bien Antoine Prost (2012) dans son court article.

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Pour en revenir à l’orientation professionnelle, celle-ci devient petit à petit un outil d’institutionnalisation par l’État à cause de différents facteurs : « économiques et sociaux […]

(division du travail, crise de l’apprentissage, une certaine marginalisation de la classe ouvrière) ; des facteurs scolaires, scientifiques et idéologiques » (Turbiaux, 2006, p. 220). Cette idéologie se retrouve dans ce début du 20

e

siècle qui foisonne de personnalités marquantes dans les Sciences de la psychologie et de l’éducation, telles que par exemple J. Dewey, M. Montessori en Europe, et plus localement J. Piaget et E. Claparède à Genève.

Après cette description historique générale, examinons notre questionnement quand

commence-t-on à percevoir le besoin de l’orientation à Genève ?

L

E PREMIER CABINET D

ORIENTATION PROFESSIONNELLE

Comme nous l’avons évoqué, l’Institut Rousseau ouvre en 1918 un Cabinet d’orientation professionnelle (cabinet ci-après) à Genève. Cela fait suite au contexte économique précité évoluant vers les secteurs secondaires et tertiaires. Les professions se spécialisant, un besoin croissant de travailleurs formés apparaît. Mais aussi, ce cabinet répond à un besoin d’un autre ordre, celui « des adultes qui, déçus par un premier choix qui leur paraît malheureux, sollicitent des conseils sur des carrières mieux en rapport avec leurs goûts et leurs aptitudes

5

». C’est ainsi que Claparède, alors directeur de l’Institut Rousseau, décrit l’utilité de ce cabinet dans son rapport d’activité. Cet énoncé de Claparède nous dévoile une conception d’une place existant pour chacun.

À la croisée des besoins des entreprises et de la personne qui devrait être guidée vers un métier lui correspondant, le cabinet apparaît être, comme nous l’avons mentionné, le premier établissement suisse de ce type, à cette période. Son but, d’ordre social mais également économique, est d’orienter au mieux les personnes vers un métier correspondant à leurs

« aptitudes », concept central de cette thématique de l’orientation professionnelle à cette époque.

En effet, c’est à partir de la mesure de ces aptitudes individuelles que l’orientation par métier se pratique. Ces aptitudes sont définies comme « tout caractère psychique ou physique considéré sous l’angle du rendement » (Claparède, 1922, p. 30, mentionné par Thomann Jeanneret et al., 2007, p.

298). Le cabinet doit également, pour définir les aptitudes nécessaires selon les métiers, analyser les professions (Thomann Jeanneret et al., 2007, p. 298). Ainsi, les tâches à accomplir par ce cabinet sont, entre autres, d’analyser les pratiques, les professions sous l’angle des aptitudes et de déterminer individuellement les niveaux d’aptitudes par des tests, que ce cabinet doit lui-même créer.

5 Rapport d’activité de l’Institut Rousseau, page 4, année de publication supposée autour de 1950.

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La création de ces tests coïncide avec la naissance de la discipline appelée « docimologie », autrement appelée science des examens, dans laquelle la psychologie va jouer un rôle prépondérant, puisque « les origines de la docimologie s’inscrivent aussi dans l’histoire plus large de la psychologie appliquée, c’est-à-dire de la psychotechnique » (Martin, 2002, p. 2). Cette science a été créée par Henri Piéron et Henri Laugier en France. Mais c’est Claparède qui va être l’initiateur d’une méthode scientifique pour créer ces tests d’aptitudes. Claparède et Piéron se connaissaient et échangeaient de nombreux courriers, ce qui explique également la diffusion des connaissances ainsi que l’arrivée de la docimologie et des tests d’aptitudes.

Ces hommes travaillaient pour que la psychotechnique réponde non pas seulement à des besoins économiques en orientant correctement des travailleurs vers un emploi, mais pour intégrer

« un vaste projet dans lequel la science et ses applications doivent résoudre les problèmes sociaux et constituer un instrument de régulation sociale » (Martin, 2002, p. 5). L’on comprend ainsi l’importance accordée à l’orientation professionnelle en plein essor à cette période-là.

Pour en revenir au cabinet, afin de répondre à sa mission d’orientation, celui-ci pratique des « évaluations de profils » des individus pour les diriger au mieux vers un métier. Le cabinet met également sur pied des examens d’entrée ou des tests d’aptitudes pour des entreprises qui souhaitent engager des travailleurs, comme pour la Poste ou les CFF (Thomann Jeanneret, et al., 2007, p. 297).

Le public auquel s’adresse cet institut est en grande majorité des jeunes personnes qui terminent leur scolarité obligatoire. Ainsi, nous ne sommes pas encore dans le paradigme de l’éducation des adultes, car ces derniers sont considérés comme insérés dans le marché du travail.

C’est ainsi que se dessine le besoin d’orientation dans les années 20, à Genève : entre

résultats scolaires qui sont analysés, et visées futures professionnelles qui sont mesurées par des

tests. Pour mieux saisir le sens donné à l’orientation professionnelle à cette époque, nous allons

maintenant analyser quelques documents émis par ce cabinet.

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L

A SIGNIFICATION DE L

ORIENTATION PROFESSIONNELLE AU DEBUT DU

20

E SIECLE

Voici pour rappel les questionnements qui guident l’analyse de ces documents historiques :

Quelle est la signification de cette orientation au début du 20e siècle et peut-on y percevoir une

liberté de choix de métier, ou au contraire la présence d’inégalités sociales ? Comment, le cas échéant, cela est-il perceptible ?

Que peut-on percevoir sur ce processus historique ?

Y a-t-il un lien avec l’évolution des secteurs économiques d’activité ?

Ces questions nous permettent d’approfondir notre questionnement sur le sens donné à l’orientation professionnelle au début du 20

e

siècle.

Concernant la première question, l’idéal libéral naissant et souhaitant partir des aspirations des individus se voit rapidement être concrètement mis à mal pour plusieurs raisons. L’orientation professionnelle vient prévenir les conséquences, considérées comme néfastes, lors d’un mauvais choix professionnel, car cela obligerait de changer de voie, et donc signifierait « alors […] un nouvel apprentissage à recommencer, des forces et du temps gaspillés » (Claparède, 1914, p. 256).

On perçoit ainsi combien le fait de changer de métier n’est ni chose courante, ni positive. Cette vision de la répartition optimale des forces de travail corrobore l’idée de rationalisation fortement présente à cette époque, comme le souligne Thomann Jeanneret et al. (Thomann Jeanneret et al., 2007, p. 294). Nous le percevons également au travers d’associations entretenant des relations proches avec le cabinet, dont l’ASORT (Association Suisse de l’Organisation Rationnelle du Travail) et l’Office de l’Industrie. En effet, ceux-ci, dont surtout l’ASORT, pratiquaient des tests d’aptitudes mis sur pied par l’Institut Rousseau et sur demande de certaines entreprises.

Nous avons trouvé un nombre significatif de ces tests d’aptitudes que le cabinet faisait passer à des jeunes adultes en fin de scolarité afin d’observer la concordance entre le choix éventuel du jeune adulte ainsi que ses aptitudes, avec les aptitudes demandées par le métier visé.

Certains tests ne visaient pas un métier mais avaient pour but de définir un « profil » de travailleur afin de savoir vers quelle activité orienter la personne. Ces tests portent sur des dimensions multiples comme les aptitudes intellectuelles et mentales, ainsi que la santé physique.

La signification de l’orientation n’est pas ici d’orienter des jeunes adultes vers leurs

aspirations ou vers un métier qui les intéresse, mais plutôt de les orienter vers un métier qu’ils sont

capables d’effectuer selon leurs aptitudes. Leurs capacités, dépendantes de ces tests

psychotechniques élaborés par plusieurs psychologues de l’époque comme, nous l’avons

courtement mentionné, Claparède à Genève et Piéron en France, indiquent si leur choix initial est

cohérent et donc validé. Sinon, des solutions alternatives sont proposées afin de rediriger la

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personne vers un métier ou une profession qu’elle serait mieux à même de pratiquer. Par ailleurs, en France, Piéron, psychologue et philosophe, fonde 10 ans après la naissance du cabinet à Genève, c’est-à-dire en 1928, l’Institut national d’orientation professionnelle qui est devenu aujourd’hui l’INETOP (Institution National d’Étude du Travail et de l’Orientation professionnelle).

Nous avons trouvé dans les archives un nombre important d’écrits, plus précisément des lettres de correspondances, entre le cabinet, l’ASORT et l’Office de l’Industrie. Ces contacts fréquents indiquent le lien se construisant et se développant entre le monde du travail et le monde de l’orientation professionnelle, ce dernier étant géré par des chercheurs dans une optique de psychologie appliquée. Mais certaines tensions dans les rôles et obligations de chacune de ces institutions indiquent également le contexte de l’époque en mouvement.

Parmi ces écrits, le directeur de l’Office de l’Industrie, Mr. Rudhart, a rédigé un texte d’une page appelé « Le choix d’une carrière » (annexe 1), nous supposons en 1922 ou 1923 (la date exacte n’est pas mentionnée). Il décrit notamment la mise sur pied d’examens psychotechniques d’entrée à l’École d’horlogerie avec l’aide de l’Institut Rousseau. Ces tests ont permis « un classement des futurs élèves », pour finalement constater que les deux derniers étudiants du classement, après une année dans cette école, en ont été écartés car jugés « incapables » pour continuer la formation. Rudhart relève également l’intérêt de constater que le classement effectué par ces tests psychotechniques a concordé avec le classement des résultats des étudiants après une année dans l’entreprise, lorsqu’ils étaient jugés par leurs maîtres d’apprentissage. Le directeur de l’Office de l’Industrie juge ainsi la pertinence de ces tests d’aptitudes « car il sera dans la suite possible, sinon de refuser l’entrée à des jeunes gens désireux de se vouer à telle ou telle profession […] en montrant les résultats obtenus, déconseiller fortement aux parents de guider

leurs enfants dans telle ou telle

carrière » (annexe 1, 8

e

paragraphe).

Nous relevons ainsi un double discours dans cette source : Mr. Rudhart utilise les termes de « choix de carrière » et de vocation pour finalement donner raison aux aptitudes des individus.

C’est en effet ces dernières qui détermineront la place que peuvent prendre, ou pas, les postulants.

Donc malgré l’idée de pouvoir faire un choix dans sa carrière professionnelle, les aptitudes et les capacités des individus, mesurées à un moment précis, semblent définir et caractériser l’orientation professionnelle de l’individu.

Ce texte nous donne ainsi un aperçu de ce que signifie l’orientation au début du 20

e

siècle,

qui n’est finalement pas tant émancipatrice que les discours libéraux peuvent supposer, dont le

discours de Claparède par exemple. L’orientation professionnelle est même, à cette époque, à

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