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La persistance de la menace liée aux maladies infectieuses

5. Le processus qui a conduit, au bout d’une décennie, à la révision en 2005 du Règlement sanitaire international est né d’une nouvelle appréciation de la menace constituée par les maladies infectieuses. Des maladies inconnues jusque-là ont fait leur apparition avec une fréquence croissante ; d’autres déjà bien établies ont pris pied dans de nouvelles régions du monde et ont développé une résistance aux antimicrobiens. Les termes « émergentes » et « réémergentes » ont été forgés pour décrire des maladies infectieuses nouvellement apparues et cliniquement distinctes des maladies infectieuses connues qui se manifestaient de plus en plus fréquemment dans un lieu ou une population donnés (1).

6. L’expérience acquise à l’occasion de la lutte contre des flambées de maladies dues à des germes pathogènes émergents a mis en lumière l’importance de la détection et de la confirmation rapides de la maladie, de l’évaluation des risques, de la prévention et des mesures d’endiguement et de lutte lors d’une urgence de santé publique de portée mondiale. Un exemple notable a été la flambée à virus Ébola hautement pathogène – une forme de fièvre hémorragique virale – en 1995. Des cas semblaient surgir de nulle part en République démocratique du Congo (l’ancien Zaïre). En fait, une transmission interhumaine non détectée se poursuivait depuis des semaines (2). Le virus, probablement d’origine animale, s’était propagé à la faveur de contacts directs avec le sang et d’autres liquides et tissus corporels infectés. Les infections contractées à l’hôpital étaient l’une des caractéristiques principales de cette flambée (2). Des experts de plusieurs pays et organisations furent dépêchés sur le terrain pour aider à enrayer la flambée qui toucha en fin de compte près de 300 personnes. À la suite de cet épisode, l’OMS a lancé plusieurs initiatives pour améliorer la préparation et la riposte à une urgence de portée mondiale : un programme de veille informative sur Internet a été mis en place pour détecter les premiers signes ou rumeurs de maladie ; un réseau de communication par voie électronique avec les 141 bureaux de pays de l’OMS a été établi de même qu’un réseau international virtuel d’enquête et de riposte rapide. Des réseaux de laboratoires et d’experts techniques interconnectés électroniquement ont également été constitués (3).

7. L’émergence de deux nouvelles infections humaines – la grippe aviaire A (H5N1) et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) – a produit une profonde impression sur la communauté sanitaire internationale. La riposte à ces deux événements de santé publique de portée mondiale a contribué à accélérer les efforts entrepris pour réviser le RSI et se préparer à de futures pandémies.

8. La première flambée de grippe aviaire A (H5N1) humaine a été détectée en 1997 dans la Région administrative spéciale de Hong Kong. Des enquêtes intensives ont permis d’identifier 18 cas humains dont six ont eu une issue fatale (4). Il s’agissait du premier exemple avéré dans lequel un virus aviaire hautement pathogène avait été directement transmis à l’homme et avait provoqué de graves pathologies. Les volailles furent éliminées sur les marchés de la Région administrative spéciale de Hong Kong et dans les élevages afin d’enrayer une nouvelle propagation du virus (5). Bien que celui-ci ait semblé rester en sommeil pendant un certain temps, on s’aperçut en 2000 que plusieurs virus réassortis avaient fait leur apparition dans les populations de volailles (5, 6). Le virus H5N1 devait ensuite se propager et infecter des millions d’oiseaux sauvages et domestiques à partir de la fin 2003, aidé en cela par les déplacements des oiseaux migrateurs (5-7). Bien que le virus soit difficilement transmissible à l’homme, le taux de mortalité parmi les cas humains a été élevé. En février 2011, environ 500 cas humains confirmés au laboratoire avaient été notifiés à l’OMS par 15 pays, avec une issue fatale pour environ 60 % des cas.

9. La propagation du H5N1, la gravité de l’infection chez l’homme, les conséquences économiques et agricoles sans précédent liées à l’abattage d’énormes populations de volailles, et le sentiment qu’une pandémie de grippe pouvait être imminente, ont fait prendre conscience de l’urgence de se préparer à l’éventualité d’une pandémie aux niveaux local, national et mondial. Cette situation a aussi fait ressortir l’importance d’établir une collaboration entre le secteur de la santé publique et celui de la santé animale notamment en ce qui concerne la surveillance, l’évaluation des risques, la riposte et la notification.

10. L’émergence d’un nouveau virus respiratoire, le coronavirus associé au SRAS, a donné à la communauté sanitaire mondiale un avant-goût des besoins que pourrait entraîner une pandémie ou une autre urgence de santé publique de portée mondiale. Les premiers cas de SRAS sont apparus en novembre 2002 dans la province du Guangdong en Chine. Au cours des trois mois qui ont suivi, à mesure que les cas se multipliaient et que le nombre de flambées augmentait, des rumeurs non confirmées ont commencé à circuler sur des forums de communication électronique comme le Réseau mondial d’information en santé publique et ProMED concernant l’apparition d’une épidémie de maladie respiratoire inhabituelle (8). La situation a brusquement évolué lorsqu’un médecin qui avait traité des personnes atteintes s’est rendu dans la Région administrative spéciale de Hong Kong en février 2003. Peu après son arrivée à l’hôtel, il est tombé gravement malade, a été admis à l’hôpital et est décédé (9). On estime que ce médecin a infecté au moins 12 autres clients de l’hôtel qui ont à leur tour transmis le virus à d’autres personnes dans la RAS de Hong Kong et à Hanoï, en Irlande, à Singapour, à Toronto et aux États-Unis d’Amérique, induisant des chaînes de transmission (excepté en Irlande). L’OMS a estimé que cette seule et même personne avait été à l’origine de la plupart des cas mondiaux de SRAS (10).

11. L’OMS a mobilisé les équipes du Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN), lancé toute une série d’alertes mondiales, mis en place un système mondial de surveillance et de notification et établi des réseaux virtuels d’experts en épidémiologie, techniques de laboratoire et médecine clinique pour faciliter les échanges d’informations (3). Le virus semblait se transmettre d’une personne à l’autre vraisemblablement par les gouttelettes de sécrétions respiratoires et comme on pouvait s’y attendre, les transports aériens facilitaient la transmission (11). Comme lors de la flambée à virus Ébola en 1995, les structures de soins étaient souvent malheureusement des lieux de transmission, tant entre les patients eux-mêmes qu’entre ces derniers et les soignants (9, 12-14). Un nouveau coronavirus a été identifié en l’espace de quelques semaines et à la mi-avril l’OMS annonça qu’il était indéniablement la cause du SRAS.

12. En l’absence de médicaments, la lutte contre l’épidémie mondiale a dû se résumer à des mesures de santé publique plus traditionnelles, telles que le lavage des mains et l’hygiène respiratoire, au respect strict des mesures de lutte contre la contamination pour les patients hospitalisés, à l’isolement des malades et à la mise en quarantaine des personnes ayant eu des contacts étroits avec eux (15). En outre, de nombreux pays ont mis en place des contrôles à l’entrée et à la sortie du territoire pour les voyageurs internationaux. L’OMS a déclaré la fin de la flambée mondiale le 5 juillet 2003 mais, entre temps, on avait enregistré 8098 cas et 774 décès dans 26 pays.

13. L’analyse de la riposte mondiale au SRAS a permis de tirer plusieurs enseignements, concernant notamment l’importance de disposer d’une capacité de détection précoce et d’un système transparent de notification de toutes les pathologies inhabituelles ; la difficulté de communiquer de manière efficace à un auditoire très varié composé de décideurs, de politiciens, de cliniciens, de professionnels de la santé publique et de membres du grand public des informations concernant un risque d’infection mal compris et en constante évolution ; l’intérêt d’échanger précocement et fréquemment des informations au niveau mondial, par exemple par l’intermédiaire des réseaux virtuels de chercheurs établis par l’OMS ; une meilleure prise de conscience du rôle que des mesures traditionnelles comme l’isolement et la mise en quarantaine peuvent jouer dans la lutte contre la propagation de la maladie, en respectant à la fois les droits de la personne et le bien public, et la nécessité urgente d’accroître la capacité institutionnelle et individuelle de maintenir une riposte pendant un laps de temps prolongé (10).

14. La flambée de SRAS et la propagation persistante du virus aviaire H5N1 ont fait prendre davantage conscience de l’importance des zoonoses en tant que source d’infection pour l’homme. Les humains peuvent être infectés par des virus zoonosiques à la suite d’un contact avec des animaux infectés ou avec des produits d’origine animale ou des environnements contaminés, c’est-à-dire « à l’interface entre l’homme et l’animal ». Les virus aviaires H5N1, H7N7 et H9N2 et les virus porcins H1N1 et H3N2 ont été à l’origine d’infections sporadiques chez l’homme, y compris quelques décès mais aucun de ces virus animaux ne se transmet facilement entre humains, à la différence du virus pandémique (H1N1) 2009 qui se propage, lui, très bien, ce qui a entraîné une transmission interhumaine prolongée.

15. Le risque pandémique potentiel lié à la grippe aviaire H5N1 a été l’élément déclencheur à l’origine d’une grande partie des plans de préparation aux pandémies lancés au cours des 10 dernières années. Les menaces pour la santé publique liées au H5N1 ont fait ressortir encore plus l’importance, du rôle des services vétérinaires nationaux dans la planification et la riposte aux pandémies et encourage à resserrer la collaboration entre les autorités de santé vétérinaire et les autorités de santé publique aux niveaux national, régional et mondial. Les organismes internationaux responsables de la santé animale, l’Organisation mondiale de la Santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) ont œuvré aux côtés de l’OMS pour améliorer les capacités nationales de surveillance des maladies dans les populations animales et au niveau de l’interface entre l’homme et l’animal, ainsi que les capacités d’enquête sur les flambées, d’évaluation des risques et de réalisation de tests diagnostiques. En juillet 2006, le Système mondial d’alerte rapide et d’intervention pour les maladies animales, y compris les zoonoses (GLEWS), a été lancé par la FAO, l’OIE et l’OMS. Le GLEWS est le premier système conjoint d’alerte rapide spécifiquement destiné au suivi des maladies animales, y compris les grippes animales. Le réseau OIE-FAO d’experts sur la grippe animale travaille en collaboration étroite avec l’OMS pour résoudre des problèmes liés spécifiquement à la grippe au niveau de l’interface entre l’homme et l’animal, y compris en fournissant des informations relatives au secteur animal pour aider au processus de sélection par l’OMS de souches vaccinales en vue de la production de vaccins expérimentaux contre des virus pandémiques comme le H5N1 et le H9N2.

C. Le Règlement sanitaire international (2005) : un rempart contre la