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Élaboration du Règlement sanitaire international (2005) : consultation et négociation

19. En mai 1995, l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté une résolution priant le Directeur général d’entreprendre une révision majeure du Règlement sanitaire international de 1969 (18).

Concevoir un cadre juridique complet susceptible de répondre à la diversité des besoins, des capacités et des sensibilités politiques des États Membres était une tâche d’une grande complexité. Aussi l’élaboration du Règlement et les consultations pertinentes ont-elles duré plusieurs années et donné lieu à de multiples controverses (Encadré 1.1).

Encadré 1.1 Principales questions débattues au cours des négociations sur le Règlement sanitaire international (2005)

• Le Règlement devrait t-il inclure explicitement les événements chimiques et radiologiques et ceux provoqués par une dissémination délibérée ou accidentelle de substances ?

• Comment concilier la certitude qu’apporterait une approche fondée sur une liste et la flexibilité qu’offrirait une approche fondée sur les risques en matière de détection, d’évaluation et de notification des événements présentant une importance potentielle pour la santé publique ?

• L’OMS devrait-elle utiliser des sources d’information non officielles ?

• Quel mécanisme permettrait d’assurer que les pays ne soient pas indûment pénalisés pour leur transparence lorsqu’ils notifient des événements à l’OMS ?

• Les pays devraient-ils être autorisés à appliquer des mesures sanitaires en sus de celles prévues par le Règlement ou autrement recommandées par l’OMS face à une menace pour la santé publique et, dans l’affirmative, que l’OMS pourrait-elle ou devrait-elle faire dans ce cas ?

• L’OMS devrait-elle être autorisée à déployer des équipes sur le terrain pour évaluer les menaces émergentes et y faire face, même si le pays touché n’a pas demandé cette assistance ?

• Avec quel degré de facilité (ou de difficulté) les pays pourraient-ils choisir de formuler des réserves concernant certaines dispositions du Règlement ?

• Quel calendrier devrait être fixé pour l’examen, le renforcement et le maintien des principales capacités ?

• Quelles dispositions constitutionnelles, notamment dans le cas d’États fédéraux, seraient susceptibles de rendre les dispositions inapplicables (en particulier, les obligations explicites ayant trait aux principales capacités au niveau sous-national) ?

• Les recommandations temporaires formulées par le Directeur général devraient-elles être contraignantes pour les États Membres ?

• Comment assurer une application universelle du Règlement pour toutes les populations, indépendamment du statut du pays (que celui-ci soit ou non Membre de l’OMS) ?

20. Après l’épidémie de SRAS, un groupe de travail intergouvernemental ouvert à tous les États Membres a été créé en 2004 pour faire avancer les choses. En avril 2005, deux séries de négociations officielles intensives avaient permis de faire des progrès importants sans cependant que l’on parvienne à un accord sur toutes les questions. Un accord fut finalement trouvé lors d’une réunion tenue quelques jours seulement avant l’Assemblée mondiale annuelle de la Santé en mai 2005.

21. Le Règlement sanitaire international couvre les domaines traditionnels de la protection sanitaire, à savoir les maladies infectieuses et les maladies à transmission vectorielle. Toutefois, le concept de maladie a été élargi pour inclure aussi les risques chimiques et radiologiques, ceux liés à des activités humaines tant délibérées qu’accidentelles et les situations dans lesquelles l’agent pathogène ou la source de l’événement sont nouveaux, mal définis ou inconnus.

Principales fonctions du Règlement sanitaire international

22. Le Règlement sanitaire international peut être considéré comme fonctionnant à deux niveaux.

Premièrement, il établit un régime de protection systématique de la santé publique et de gestion en continu des menaces constituées par les maladies tant dans les pays qu’à leurs frontières.

Deuxièmement, il fournit un cadre pour l’organisation d’une riposte coordonnée et proportionnée aux menaces sanitaires importantes et urgentes. Ces menaces peuvent aller d’événements de santé publique affectant un ou plusieurs pays à des événements ayant des conséquences sur la santé publique mondiale.

23. Après avoir passé en revue les 66 articles et neuf annexes du Règlement sanitaire international, le Comité d’examen a recensé huit fonctions principales sur lesquelles il pouvait fonder son évaluation (Tableau 1.1). Ces huit fonctions correspondent à certaines des caractéristiques les plus novatrices du RSI et seront brièvement examinées ci-après ainsi que dans l’appendice III.

Tableau 1.1 Principales fonctions prévues par le RSI (2005) Articles et

annexes du RSI Fonction Description de la fonction 4, 5, 13, 44,

La mise en place des principales capacités requises en matière de détection, d’évaluation et d’action aux niveaux national et sous-national couvre les huit domaines techniques suivants :

• Législation et politique nationales et financement

• Coordination et communications du point focal national RSI

Les États Parties doivent collaborer entre eux et avec les organisations internationales pour

Mise en place de systèmes de détection et d’alerte aux niveaux local et national, y compris interactions point focal/OMS. Les États Parties doivent collaborer à la détection des

événements et donner l’alerte en cas de risques pour la santé.

Articles et

annexes du RSI Fonction Description de la fonction 4, 5, 9-11, 14 3. Opérations de détection et

d’alerte incombant à l’OMS

Procédures à suivre pour la surveillance, la détection des événements, la gestion des données, l’évaluation des risques et la communication d’informations. L’OMS doit collaborer avec les organisations internationales pour la détection des événements.

13, 14, 44 4. Action internationale de santé publique

Collaboration entre l’OMS, les États Parties et les organisations internationales pour la gestion des événements, dont :

• Enquête et action (par exemple Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie, GOARN)

• Communication d’informations

• Conseils

• Logistique

• Mise à disposition de compétences techniques

12, 15-18, 47-49 5. Procédures en cas

d’urgence de santé publique de portée internationale

Définition de procédures spécifiques pour la détermination de l’existence d’une urgence de santé publique de portée internationale, pour la convocation du Comité d’urgence, pour la formulation de recommandations temporaires et l’établissement de rapports sur les réunions du Comité d’urgence et pour la déclaration de la fin d’une urgence de santé publique.

14, 18-43, 46, annexes 1b, 3-9

6. Points d’entrée et documents de voyage

Actions de l’OMS et des États Parties aux points d’entrée pour endiguer et réduire la propagation des risques de santé publique y compris :

• Capacités et services aux points d’entrée

• Régimes d’inspection et de contrôle (par exemple certificats de contrôle sanitaire de navire, certificats de vaccination, déclarations sanitaires)

• Mise en place de capacités et de services 42, 43 7. Éviter d’entraver

inutilement le trafic et le commerce

Rôle des communications efficaces et du suivi avec les États Parties pour éviter l’adoption de mesures sanitaires entravant le trafic et le commerce ; définition de procédures si de telles mesures sont appliquées. non discriminatoire des mesures sanitaires et confidentialité des données à caractère personnel.

24. L’un des aspects fondamentaux du RSI est l’obligation explicite pour les États Parties d’évaluer, de renforcer et de maintenir des « capacités principales » en matière de surveillance, d’évaluation des risques, de notification et d’action. Ces capacités doivent être opérationnelles tant au niveau local qu’aux niveaux intermédiaire et national ainsi qu’aux frontières, y compris dans les aéroports et les ports internationaux désignés. Pour beaucoup de pays, l’acquisition de ces capacités nécessitera à la fois du temps et des ressources, y compris une assistance technique et financière de l’OMS. Le RSI leur laisse un délai de cinq ans pour rendre ces capacités opérationnelles, c’est-à-dire jusqu’en juin 2012, avec une possibilité de prolongation de deux fois deux ans (Figure 1.1) (19).

Figure 1.1 Calendrier pour le renforcement des principales capacités nationales requises par le RSI

25. L’idée d’un point focal national RSI unique à travers lequel se feront les communications entre le gouvernement et l’OMS est l’une des innovations clés du RSI. Un point focal national est un centre national accessible à tout moment ; il s’agit d’un bureau, d’une unité ou d’un département officiellement désigné plutôt que d’une personne. L’OMS demande aux points focaux nationaux de confirmer les événements qu’elle a détectés grâce à ses activités de surveillance à l’échelle mondiale.

Les points focaux nationaux doivent répondre à ces demandes en temps utile et, en utilisant un diagramme décisionnel qui fait partie intégrante du RSI (l’instrument de décision de l’annexe 2), notifier à l’OMS tout événement qui peut constituer une urgence de santé publique de portée internationale.

26. Le RSI assigne à l’OMS un rôle de leadership à l’échelle mondiale, aussi bien en matière de surveillance qu’en matière d’évaluation des risques et de riposte. L’OMS a assuré la surveillance de tout un ensemble de maladies infectieuses et non infectieuses en 1997. Des centaines de sources d’information officielles et officieuses sont systématiquement examinées et recoupées. Les processus de détection, de vérification et d’évaluation rapide des menaces internationales potentielles pour la santé publique utilisées par l’OMS ont évolué au fil du temps (Figure 1.2) pour s’adapter aux dispositions du RSI (20).

Figure 1.2 Ordinogramme pour la gestion des événements – détection de la menace, vérification et évaluation du risque

27. Pour aider à gérer le volume accru d’informations générées par le RSI, l’OMS a mis en place deux outils modernes sur le Web. Le premier est le Système de gestion des événements. Les informations concernant un événement sont entrées dans le Système auquel on peut accéder au gré des besoins pour appuyer la prise de décisions et les activités de gestion du risque. Le Système est utilisé par tous les bureaux régionaux, par plusieurs bureaux de pays et par les départements du Siège de l’OMS. Les bureaux de pays continuent à être progressivement connectés.

28. La deuxième plate-forme électronique est le site d’information sur les événements, un site Web sécurisé protégé par un mot de passe. Ce site est accessible aux points focaux nationaux, aux chefs des bureaux de pays et des bureaux régionaux de l’OMS, aux différents services du Siège et à certaines organisations intergouvernementales. Il a été mis en place pour permettre à l’OMS de s’acquitter de ses obligations au titre du RSI, à savoir fournir rapidement, efficacement et de manière confidentielle des informations pertinentes pour la santé publique. Le site d’information sur les événements fournit des informations sur des risques graves pour la santé publique dûment vérifiés – y compris des évaluations du risque pour chaque événement, des rapports de situation et des évaluations régionales pour des événements concernant plusieurs pays à la fois – et sur les mesures de lutte. En outre, certaines annonces intéressantes sont postées sur ce site, par exemple des documents et matériels d’information aidant à la mise en œuvre du RSI ou encore les coordonnées des points de contact.

29. La capacité de riposte de l’OMS est incarnée par le Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN). En avril 2000, l’OMS et ses principaux partenaires ont établi officiellement le GOARN pour améliorer la coordination de l’action internationale en cas de flambée épidémique (21).

À travers ce Réseau, un pays touché peut avoir rapidement accès à des experts et à des ressources pour compléter ses propres capacités nationales, ce qui permet de protéger la sécurité sanitaire de la communauté mondiale contre la propagation internationale de pathogènes émergents et réémergents.

Le GOARN regroupe plus de 35 partenaires techniques et opérationnels à travers le monde

Figure 1.3 Membres du Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN), 2000-2011

30. Le RSI définit une urgence de santé publique de portée internationale comme étant « un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque de propagation internationale de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ». Le RSI fixe des procédures très claires en cas d’urgence de santé publique de portée internationale. Seul le Directeur général de l’OMS a l’autorité requise pour déterminer si un événement constitue une telle urgence. Celui-ci n’établit cette détermination qu’après avoir demandé l’avis d’un comité approprié d’experts extérieurs (le Comité d’urgence). Le Directeur général doit consulter le Comité d’urgence avant de publier des recommandations temporaires sur les mesures sanitaires appropriées visant à prévenir la propagation internationale de la maladie et éviter d’entraver le trafic international. Les pays qui choisissent d’appliquer des mesures plus restrictives ou plus susceptibles de perturber les échanges doivent fournir une justification adéquate de ces mesures.

31. Bien que des centaines d’événements intéressant la santé publique aient été portés à l’attention de l’OMS depuis juin 2007, l’émergence d’un nouveau virus grippal au début de l’année 2009 a été à l’origine de la première (et à ce jour la seule) déclaration d’une urgence de santé publique de portée internationale. Cet événement a aussi été la première occasion de savoir si et comment de nombreuses dispositions du RSI fonctionneraient dans la pratique.

32. Si l’on regarde les fonctions, les pouvoirs et les obligations qui sont assignés à l’OMS, aux États Parties, aux ports, aux aéroports et aux transporteurs au titre du RSI, il est manifeste qu’aucun acteur ou aucun ensemble de mesures (par exemple les contrôles aux frontières) ne peut assurer une protection complète contre la propagation internationale d’une maladie. Le RSI mise donc plutôt sur l’interdépendance entre les pays qui sont confrontés à une menace pour la santé publique et sur la nécessité « de respecter pleinement la dignité des personnes, les droits de l’homme et les libertés fondamentales » lors des ripostes à des événements de santé publique.

D. Aperçu général sur la grippe saisonnière et la grippe pandémique

33. La grippe est une infection virale aiguë qui se transmet facilement d’une personne à l’autre. Des épidémies de grippe saisonnière ont lieu chaque année au cours des mois d’hiver dans les régions tempérées du globe. Dans certains pays tropicaux, les virus de la grippe circulent toute l’année avec un ou deux pics à la saison des pluies.

34. La plupart des personnes qui contractent une grippe saisonnière se rétablissent sans l’aide du médecin mais l’infection peut entraîner des complications et même être mortelle, en particulier chez les personnes âgées, les jeunes enfants et les sujets atteints de maladies chroniques concomitantes. On estime que la grippe saisonnière est à l’origine chaque année de quelque 3,5 millions de pathologies graves et de 250 000 à 500 000 décès à travers le monde (22).

35. La grippe saisonnière peut être responsable de graves problèmes de santé publique ainsi que de problèmes économiques. Dans les pays développés, l’épidémie peut causer un fort absentéisme parmi les travailleurs et entraîner des pertes de productivité. Les structures de santé peuvent être débordées au moment du pic épidémique. Les effets des épidémies de grippe dans les pays en développement sont assez mal connus faute de données pertinentes (23).

36. Il existe trois types de virus grippaux : les types A, B et C. Le virus grippal de type C n’occasionne généralement que des troubles respiratoires bénins ou pas de symptômes du tout ; c’est pourquoi les efforts de santé publique déployés chaque année contre la grippe saisonnière sont concentrés sur les types A et B. Les virus A sont divisés en différents types en fonction de différences existant au niveau de deux complexes protéine-sucre qui se fixent sur la surface externe du virus : l’hémagglutinine (H) et la neuraminidase (N) (Figure 1.4).

Figure 1.4 Représentation graphique de la structure d’un virus grippal commun

Source : Centers for Disease Control and Prevention (adapté).

37. Il existe 16 sous-types H et neuf sous-types N connus. Plusieurs combinaisons différentes des protéines H et N sont possibles, mais actuellement seuls deux sous-types (H1N1 et H3N2) circulent dans la population humaine. On rencontre d’autres sous-types dans d’autres espèces animales, le plus souvent chez les oiseaux aquatiques.

38. La grippe B infecte surtout les êtres humains et, à la différence de la grippe A, n’a pas de sous-types. Bien qu’elle puisse être à l’origine d’importantes épidémies grippales et de flambées hors saison et causer de graves pathologies chez certaines personnes, l’ampleur de son impact est généralement moindre que celui de la grippe A.

39. La façon la plus efficace de prévenir la grippe ou ses conséquences graves est la vaccination.

Des vaccins sûrs et efficaces sont utilisés depuis plus de 60 ans. Chez l’adulte en bonne santé, la vaccination contre la grippe peut permettre de prévenir la majorité des pathologies liées à cette affection. Chez les personnes âgées, le vaccin réduit la gravité de l’infection, ainsi que les risques de complications et de décès (24). Il existe un nombre limité de médicaments antiviraux qui permettent de prévenir ou de traiter les infections grippales et ils sont d’autant plus efficaces qu’ils sont administrés dans les tous premiers jours de la maladie.

40. On peut voir apparaître de nouvelles combinaisons d’antigènes de surface quand différents virus grippaux infectent simultanément un animal. Lorsque l’antigène de surface d’un virus A subit une modification majeure, une pandémie peut se déclarer si la plupart des gens ne sont pas immunisés contre le nouveau virus et si celui-ci se transmet facilement d’homme à homme.

41. Par opposition aux épidémies annuelles de grippe saisonnière, les pandémies de grippe ne sont pas fréquentes. On en a enregistré trois au XXe siècle : en 1918-1919, en 1957 et en 1968. Les pandémies affectent par définition de larges populations humaines à travers le monde, mais les caractéristiques de chacune d’elles – les pays et les segments de population les plus touchés, le degré de gravité de la maladie, la rapidité de la propagation géographique et le nombre de vagues pandémiques et la répartition à travers le globe – ont été très différentes (Tableau 1.2). Le spectre d’une répétition potentielle de la terrible pandémie de 1918-1919 a profondément influencé la planification de l’action de santé publique visant à faire face à une future pandémie.

Tableau 1.2 Caractéristiques des trois pandémies du XXe siècle

PANDÉMIE

Source : Préparation et action en cas de grippe pandémique : document d’orientation de l’OMS, Genève, Organisation mondiale de la Santé, p. 13.

E. Planification en vue d’une pandémie de grippe

Plans mondiaux de préparation à une pandémie élaborés et affinés entre