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Déclaration de la pandémie

Renforcement des capacités de santé publique

E. Déclaration de la pandémie

33. Le 11 mai, moins de trois semaines après la déclaration de l’urgence de santé publique de portée internationale, l’OMS mit en ligne sur son site Web des informations concernant l’évaluation de la gravité d’une pandémie de grippe (17). Le message posté sur le Web était le suivant : « À l’exception d’une flambée au Mexique, qu’on ne comprend pas tout à fait, le virus H1N1 tend à provoquer une maladie très bénigne chez les sujets par ailleurs en bonne santé. En dehors du Mexique, presque tous les cas de maladie et tous les décès se sont produits chez des personnes présentant des maladies chroniques sous-jacentes. Dans les deux flambées les plus importantes et les mieux documentées jusqu’ici, au Mexique et aux États-Unis d’Amérique, la tranche d’âge affectée a été plus jeune que pour la grippe saisonnière. Bien qu’on ait confirmé des cas dans tous les groupes d’âge, des nourrissons aux personnes âgées, la jeunesse des patients atteints d’infections sévères ou létales est une caractéristique frappante de ces premières flambées ».

34. Vers la fin de mai 2009, les activités de l’OMS qui avaient visé initialement à répondre à une situation d’urgence aiguë commencèrent à reprendre le cours normal d’une riposte s’inscrivant dans le cadre des structures programmatiques habituelles de l’Organisation. Le Directeur général et les hauts représentants de l’Organisation restaient en contact étroit avec les pays pour suivre l’évolution des événements sur le terrain et les plans de préparation. Il s’agissait surtout de veiller à ce que les États Membres ayant les systèmes de santé les plus fragiles soient capables de faire face si l’on devait déclarer la phase 6.

35. Au début du mois de juin, le tableau général était celui d’une poursuite de l’infection dans l’hémisphère Nord et d’une certaine activité dans l’hémisphère Sud, en particulier en Amérique du Sud et en Australie. Au 9 juin 2009, 73 pays avaient notifié à l’OMS 26 563 cas confirmés au

laboratoire. Alors que les spéculations allaient bon train concernant la déclaration imminente d’une pandémie, le Dr Fukuda déclara aux médias : « Et là, je voudrais souligner que si nous passons à la phase 6, cela signifierait que le virus a continué à se propager et que l’activité s’est établie dans au moins deux Régions du monde. Mais cela ne veut pas dire pour autant que la situation s’est aggravée et que le nombre ou le pourcentage de personnes tombant gravement malade serait plus élevé qu’il ne l’est actuellement. On pourrait penser que si nous passons à l’échelon supérieur, cela signifiera que le niveau de préoccupation doit augmenter également, mais en réalité cela voudra dire simplement que nous assistons à une plus large propagation du virus. Nous travaillons avec différents groupes pour nous assurer que ce type de message est compris et que l’on a bien saisi la différence entre gravité et propagation géographique. Comme je l’ai dit la semaine dernière à la même heure, nous avons considéré que la situation et l’impact sur les pays étaient relativement modérés, et ceci est à nouveau un point très important » (18).

36. Le 11 juin, les membres du Comité d’urgence se concertèrent de nouveau par téléconférence, après s’être réunis la semaine précédente pour discuter des conclusions d’un dialogue interrégional sur la gravité de la maladie. Compte tenu des dernières données en provenance des pays ayant la charge de morbidité la plus élevée (Figure 2.4) et de ceux qui étaient nouvellement affectés par la grippe (H1N1) 2009, le Comité d’urgence estima à l’unanimité que le moment était venu de relever le niveau d’alerte à la phase 6, c’est-à-dire la phase de pandémie telle que définie dans les orientations données par l’OMS.

Figure 2.4 Grippe due au nouveau virus A (H1N1). Nombre de cas confirmés au laboratoire notifiés à l’OMS. Situation au 11 juin 2009, 14 h 00 GMT

37. S’adressant aux médias le soir du 11 juin, le Directeur général fit la déclaration suivante : « La pandémie de grippe 2009 a maintenant commencé. Nous sommes dans les tous premiers jours de la pandémie. Le virus se propage mais nous le maintenons sous très étroite surveillance. Aucune pandémie antérieure n’a été décelée aussi tôt ni surveillée d’aussi près, en temps réel, dès le tout début.

Le monde peut maintenant recueillir le fruit des investissements consentis depuis cinq ans pour la

préparation en cas de pandémie. Nous avons une longueur d’avance qui nous place en position de force. Mais c’est également pour cela que l’on sollicite notre avis et que l’on nous demande de rassurer car les données dont on dispose sont limitées et l’incertitude scientifique reste considérable » (19). Elle poursuivit : « Au niveau mondial, nous avons de bonnes raisons de penser que cette pandémie, du moins dans ses premiers jours, sera de gravité modérée. Comme nous le savons par expérience, la gravité peut varier d’un pays à l’autre en fonction de nombreux facteurs. D’après les données factuelles actuellement disponibles, dans l’énorme majorité des cas, les malades n’ont présenté que des symptômes bénins et leur guérison a été rapide et complète souvent en l’absence de toute forme de traitement médical ». Elle ajouta aussi que tous les pays, qu’ils soient touchés ou non, devaient rester vigilants.

38. Au cours des trois mois suivants, la pandémie de grippe (H1N1) 2009 continua à s’étendre à l’échelle mondiale. En septembre, les États-Unis d’Amérique signalaient une activité de type grippal supérieure à ce que l’on aurait pu attendre avec la grippe saisonnière. En Europe et en Asie centrale, l’activité grippale demeurait dans l’ensemble assez faible avec toutefois des poussées localisées dans plusieurs pays. Le Japon connaissait une activité grippale supérieure au seuil épidémique associé à la grippe saisonnière. Dans les zones tropicales d’Asie et des Amériques, la transmission de la grippe restait active. Cela était tout particulièrement le cas en Asie méridionale et en Asie du Sud-Est, avec une augmentation du nombre de cas de maladies respiratoires rapportés au Bangladesh et en Inde.

Dans les zones tempérées de l’hémisphère Sud, l’activité grippale diminuait pour retomber aux niveaux escomptés pour la grippe saisonnière (Figure 2.5). La poursuite de la surveillance en laboratoire indiquait que le virus pandémique A (H1N1) était devenu le virus grippal prédominant circulant à l’échelle mondiale (20).

Figure 2.5 Pandémie (H1N1) 2009. Pays, territoires et zones ayant notifiés à l’OMS des cas confirmés au laboratoire et nombre de décès. Situation au 20 septembre 2009

39. Le Comité d’urgence tint sa cinquième réunion, qui s’acheva le 23 septembre, par courrier électronique. Sur la base de leur appréciation de la situation, les membres du Comité recommandèrent de ne pas modifier les recommandations temporaires qui avaient été émises, à savoir :

• que les pays ne devraient pas fermer leurs frontières ou imposer des restrictions au trafic et au commerce international ;

• que la surveillance des syndromes de type grippal inhabituels et de la pneumonie grave devait être intensifiée ;

• et qu’il était prudent pour les personnes malades de remettre à plus tard leurs déplacements à l’étranger, et pour celles qui étaient tombées malades à la suite d’un voyage international d’aller consulter.

40. En dépit du maintien de la recommandation selon laquelle il n’y avait pas lieu d’apporter des restrictions au trafic et au commerce pendant une urgence de santé publique de portée internationale, ce conseil ne fut pas toujours suivi. Le Mexique avait subi de graves sanctions économiques en particulier dans la première période de la situation d’urgence. Plusieurs pays avaient appliqué des interdictions à l’importation de viande porcine en provenance du Mexique, des États-Unis et du Canada, bien que les organisations internationales aient donné l’assurance que la viande de porc n’était pas une source de contamination par le virus pandémique (H1N1) 2009. Des mesures avaient été prises pour rebaptiser le virus, car on avait estimé que l’utilisation d’appellations telles que

« grippe porcine » créait des malentendus (Encadré 2.1).

Encadré 2.1 Dénomination du virus

Initialement, les médias ainsi que quelques experts techniques ont qualifié cette infection virale de

« grippe porcine », car on avait montré que le virus en question était porteur de gènes du virus de la grippe porcine et non pas de gènes du virus de la grippe humaine. Cette dénomination devait toutefois être bientôt remise en question, notamment par les partenaires de l’OMS chargés de la santé animale, du fait que ce virus ne circulait apparemment pas de façon importante chez l’animal, ni d’ailleurs chez le porc, alors qu’il circulait largement parmi la population humaine.

De plus, cette dénomination avait apparemment eu des effets inutilement négatifs tant au niveau des échanges commerciaux que relativement à la santé animale. Certains pays avaient frappé d’interdiction l’importation de porcs vivants ainsi que celle de viande et de produits porcins en provenance de pays où il y avait des cas humains. Un pays avait même décrété l’abattage de tous ses porcs. Pourtant, il n’y avait aucune donnée indiquant qu’une exposition à des porcs ou à des produits porcins comportait un risque accru d’infection.

Lors du point de presse du 9 juin 2009, l’OMS a répété que la viande de porc était saine et sans danger pour le consommateur. Elle a rappelé que le fait de donner à un virus une dénomination associée à une zone géographique (comme cela avait été fait avec de précédents virus) pouvait conduire à une stigmatisation et qu’elle collaborait avec ses partenaires pour trouver une solution à ce problème de nomenclature.

Le 15 juin 2009, l’OMS a organisé une téléconférence aux côtés de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale de la Santé animale (OIE), avec la participation de plusieurs virologues éminents spécialistes de la grippe animale et de la santé publique pour trouver une dénomination scientifiquement acceptable et non stigmatisante pour le virus et pour la maladie. C’est l’appellation « virus pandémique A (H1N1) 2009 » qui a finalement été retenue par les participants.

41. Le Comité d’urgence se réunit à nouveau le 26 novembre pour décider s’il y avait lieu de renouveler les recommandations temporaires. Les membres du Comité convinrent à l’unanimité de renouveler les recommandations en modifiant simplement la troisième d’entre elles qui se lirait comme suit : « si vous êtes malade, il est prudent de retarder votre voyage ». À sa réunion suivante le 23 février 2010, le Comité décida de modifier également la deuxième recommandation temporaire en conseillant aux pays de « maintenir » plutôt que d’« intensifier » la surveillance des syndromes de type grippal inhabituels ainsi que des pneumonies graves.

42. Lorsque le Comité d’urgence se réunit de nouveau au début de juin 2010, les analyses épidémiologiques indiquaient que la période d’activité la plus intense de la grippe pandémique (H1N1) 2009 était probablement terminée dans la plupart des régions du monde. Il n’existait aucun signe d’un démarrage précoce de la saison grippale hivernale dans l’hémisphère Sud ; toutefois, on estima qu’il était trop tôt pour se réjouir et le Comité d’urgence indiqua au Directeur général qu’il fallait s’attendre à l’apparition de nouveaux cas de grippe pandémique et qu’il était impératif que les pays restent vigilants et maintiennent les mesures de santé publique nécessaires pour endiguer la maladie et surveiller le virus et les pathologies correspondantes.