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1.2. L’Iran et la langue persane

1.2.5. Le persan moyen

Le persan moyen est attribué au parler iranien existant de la fin de la dynastie des Achéménides (-330) jusqu’au début de l’invasion arabe et l’arrivée de l’Islam en terre iranienne (~642). Notons toutefois que ces dates sont quelque peu approximatives puisque la plus ancienne preuve matérielle de cette langue ne remonterait qu’au premier siècle et la plus récente au dixième siècle de notre ère. De ce fait le persan moyen, bien que correspondant aux langues existantes de cette période, est caractérisé plus par sa structure linguistique que par ces dates. Dans cette période, on note entre autres les langues pahlevanik,

pahlavi ainsi que d’autres langues comme le manavi. Le manavi (attribué à Mani et à sa doctrine largement exportée de Rome à la Chine en passant par les Indes) a parfois joué un grand rôle notamment dans la transcription de la langue pahlevanik, mais nous nous limiterons ici à exposer les deux langues principales que sont le pahlevanik et le pahlavi.

1.2.5.1. Le pahlavi du nord ouest ou pahlevanik

Le penchant oriental du moyen persan est souvent appelé pahlevani ou

pahlevanik Il est dérivé directement du vieux persan de la fin de la période Achéménide. Nous ne pouvons cependant pas ignorer la possibilité des influences grecque, turco-altaique ou même sémitique, ne serait-ce qu’en ce qui concerne le script pahlevanik.

D’un point de vue historique, après la mort d’Alexandre, les différentes régions conquises se sont divisées sous l’autorité de ses généraux. La région d’Iran a été dominée par Séleucos, et sa dynastie au nom des Selucides pendant plus

d’un siècle. Après la révolte des Parthes (Arsac I ; de la dynastie des Arsacides), au Nord-Est de l’Iran, dans les régions de Khorasan et Turkménistan actuelles, vers -250, l’influence de la langue grecque subsistait jusqu'aux pièces de monnaie frappées avec la mention «ami de la Grèce» en script grec (Figure 1.8.). Ceci continua jusqu'au règne de Belash I (Ashk XXII 52-78) qui attribua à la langue pahlevanik le même degré de considération que le grec. Après le premier siècle de notre ère, seules les mentions du persan moyen étaient présentes et le grec semble être quelque peu abandonné dans les affaires de l’Etat.

Peu nombreux, les Parthes durent ménager les populations conquises, s'appuyer sur les institutions existantes et tolérer la mise en place de royaumes vassaux pour asseoir leur autorité sur la Mésopotamie. L'empire parthe à son apogée (Figure 1.9.) était un état de type féodal dont la cohésion reposait sur la loyauté des princes vassaux envers leur souverain. Ainsi, la chute finale de la dynastie parthe fut provoquée non pas par un ennemi externe mais par une révolte au sein même de l'empire menée par les Sassanides qui se substituent à elle. Ainsi l’empire Parthe originaire du Nord Est, et parlant la variante orientale du persan moyen, fut renversé en 224 par Ardeshir I, le fondateur de la dynastie des Sassanides originaire de la partie occidentale de l’Iran (perse ou parside). Nous ne disposons que de peu de texte en langue pahlevanik utilisant son script dérivé de l’araméen. Notons toutefois le texte de l’époque de Shapour 1er (dynastie des Sassanides) à Naqsh-i-Rustam, proche de Persépolis, dont une reproduction est représentée dans la Figure 1.10.

Le pahlevanik utilisait une écriture empruntée de l’araméen, et s’écrivait de droite à gauche en lignes horizontales. Quelques voyelles seulement étaient notées, conduisant ainsi à des prononciations multiples (Figure 1.11).

Figure1.8. : Pièce de monnaie en script grec sous le règne de Artaban III (12-38), "Les Monnaies Antiques et Médiévales" publié par le Musée d'Histoire de l'Azerbaïdjan.

Figure 1.10 : Naqsh-I-Rostam, écriture pahlevanik des inscriptions de Shapoor I (241-272), Oriental Institute, University of Chicago, Photograph Number: PS 1a

Figure 1.11. : Alphabet Pahlevanik, Iran Chamber Society

1.2.5.2. Le pahlavi Ouest ou Parsik

Communément connu sous le nom de pahlavi, cette langue est le penchant sud occidental du moyen persan tout comme l’était le vieux persan. Après la défaite de Darius III, le dernier Achéménide, nous n’avons plus aucune information sur l’évolution du vieux persan dans cette région. Mais tout porte à croire, selon Khânlari (1978), que cette évolution avait commencé pendant le règne de cette même dynastie.

L’une des différences les plus fondamentales résultant de cette évolution est la disparition du genre et du duel dans toute la structure de la langue pahlavi. Sans entrer plus dans le détail, constatons simplement que la structure linguistique a connu une extrême simplification dans sa phase de transition

entre le vieux persan et le pahlavi de sorte que la compréhension de la langue pahlavi reste dans le domaine du possible pour les persanophones d’aujourd’hui. Tout comme le pahlevanik, elle emprunte et adapte l’alphabet araméen et se lit de droite à gauche et de façon horizontale (Figure 1.11). Les plus anciennes œuvres concernant le pahlavi datent de l’époque des Sassanides (226 à 651). Ce sont autant les pièces de monnaie, que les gravures religieuses ou épiques ou même des anciens manuscrits religieux et non religieux comme ‘Andarz Nâméh’ (Frye, 1955). Une fois de plus, bon nombre de manuscrits ont disparu pendant l’invasion arabe, notamment une transcription de « kelileh va demneh » en pahlavi dont la traduction en arabe, source d’inspiration des fables de la Fontaine, a été réalisée la première fois par Abdollah Ibn Moghafa (8ème siècle). Le zoroastrisme étant la religion officielle de l’Etat sassanide, une grande quantité de manuscrits religieux ont été produits dans cette langue et ont pu être sauvegardés par la communauté zoroastrienne fuyant vers les Indes et connue aujourd’hui sous le nom des Parsis d’Inde. La majorité de ces écrits remontent au 9ème siècle de notre ère.

Les Sassanides se considérèrent comme légitimes héritiers des Achéménides, instaurant un pouvoir centralisé au sein de leur empire (Figure 1.12.). Avec la renaissance du nationalisme iranien on observa, non seulement l’amorce de l’abandon de la culture et de la langue grecque, mais de plus, originaire de la Perse ou Parside, la variante occidentale de la langue persane fut mise en avant comme en témoignent les inscriptions trilingues (pahlavi, pahlevani et grec) de

Naqsh-i-Rustam. Cette période est considérée comme l’age d’or de la civilisation iranienne par son rayonnement culturel, artistique et scientifique à travers le monde (création de l’université de médecine de Gondichapour9). Affaibli par les guerres incessantes contre Rome (3ème et 4ème siècle), les persécutions religieuses et les invasions Helphalites (4ème et 5ème siècles),

9 L’université de Gondichapour (voir aussi Gundishapur, Jondishapur ou Jondishapour) a été fondée vers 271 pendant le règne des Sassanides. Elle est située dans l’actuelle Khuzestan au Sud Ouest de l Iran pas loin du fleuve Karun.

l’empire sassanide fut dévasté par l’invasion arabe au 7ème siècle de notre ère après que la langue pahlavi ait supplanté le pahlevanik à l’est de l’Iran.

Figure 1.11. : Alphabet pahlavi, Iran Chamber Society

Figure 1.12. : L’empire Sassanide à son apogée vers 380 (Iran Chamber Society)