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Permanence et altération du système statutaire

Dans le document RGPP et droit administratif (Page 100-103)

Section 1 : Des notions fondamentales du droit administratif qui s‟imposent à la RGPP

B. Permanence et altération du système statutaire

Le Livre blanc écarte en effet rapidement l‟hypothèse de la suppression du statut et de son remplacement par un régime de droit privé, identique à celui des salariés, de même que celle de l‟établissement d‟une fonction publique duale240. Cette solution n‟est pas retenue

L’institution. Passé et devenir d’une catégorie juridique, p. 205-218

238

Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, op. cit., p. 97

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Cette complexité n‟est sans lien avec la difficulté à « rémunérer » le travail des fonctionnaires, dans les mots mais aussi dans les faits, dans la mesure où le rapport entre le produit du travail et la rémunération n‟est pas aussi évident que dans le secteur privé, étant donné la « mystique » qui entoure la fonction publique.

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car il n‟apparaît pas possible d‟identifier l‟espace contractuel de la fonction publique, et car une telle délimitation nuirait à la souplesse permise par le recours au contrat.

Cependant, le rapport préconise des solutions qui infléchissent considérablement l‟architecture actuelle. En effet, sans le supprimer totalement, le Livre blanc remet en cause le principe du statut de diverses manières. D‟une part, en reconnaissant une complémentarité entre statut et contrat, non seulement s‟agissant de la situation juridique des agents, ainsi que nous l‟avons évoqué supra, mais également dans le régime même des fonctionnaires par l‟intermédiaire du dispositif de « convention d’affectation sur emploi ». Reprise du rapport Pochard, cette innovation tend à introduire le contrat jusque dans le cœur du statut, ou plus exactement, à introduire une hybridation entre le statut (légal et réglementaire), limité à définir le régime juridique du fonctionnaire, et le contrat, destiné à fixer les éléments opérationnels de sa mission qui constituerait la base de son évaluation. Ainsi, en matière de rémunération ou d‟avancement, ce système ferait jouer concomitamment le statut, pour les règles générales s‟appliquant à tous les agents d‟une même filière, et le contrat, permettant d‟individualiser le traitement du fonctionnaire en fonction du produit de son travail (individualisation des carrières). La convention d‟affectation contiendrait notamment les objectifs assignés à l‟agent ; c‟est donc évidemment un outil destiné à améliorer la performance individuelle, et un instrument de « responsabilisation », dans le droit fil d‟une lecture managériale. Ce procédé permettrait également de stimuler la mobilité, puisque elle pourrait être demandée ou proposée à l‟échéance de la convention. Il s‟agit donc d‟une véritable contractualisation des rapports de travail au sein de la fonction publique.

D‟autre part, le Livre blanc bouleverse le système statutaire en proposant un nouveau système de répartition des places, fondé non plus sur l‟unité du corps, mais sur le concept de « métier » ou de « filière », conformément à la conception fonctionnelle de l‟emploi public. S‟inspirant ici encore du rapport Pochard de 2003, il propose donc d‟établir une « fonction publique de métiers », qui viserait à remédier aux dysfonctionnements nés de la multiplication des corps (et donc des statuts particuliers) conduisant à l‟altération de cette notion, qualifiée de « cadre juridique sans véritable pertinence fonctionnelle »241. Il s‟agit

donc de remplacer cette organisation par un nouveau système, fondé sur la notion de

puissance publique - seraient réservées à des fonctionnaires, soumis à un régime statutaire, tandis que les autres seraient exercées par des agents contractuels, dont le régime serait identique à celui des salariés ordinaires.

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« filière »242. Les fonctionnaires seraient alors régis par un statut commun à un ensemble de

fonctions, comme celles d‟administration générale, financières et fiscales, sociales, culturelle, etc. ; ils pourraient exercer leurs fonctions dans toutes les administrations, ce qui favoriserait considérablement la mobilité. Ainsi, si le statut (général) demeure, il n‟est cependant plus lié à la notion de corps, vouée à disparaître d‟après les propositions du

Livre blanc, ce qui représente un changement profond dans le système statutaire.

Les deux innovations que nous avons citées se rejoignent et permettent de former un nouveau système, fondé en partie sur le contrat. Elles illustrent la perméabilité de notions structurellement pensées en opposition (même si cette conception peut être démentie par les faits, comme en témoigne la situation juridique longtemps contractuelle des fonctionnaires243).

Ce sont donc des considérations « fonctionnelles », pour reprendre l‟expression du Livre

blanc, qui guident les pistes d‟évolution de la fonction publique. Bien qu‟elles ne

bouleversent pas le système statutaire dans son ensemble, elles contribuent toutefois à transformer sensiblement ses cadres et ses catégories. Mais, si ces propositions illustrent la tendance à l‟œuvre dans la réforme de l‟Etat, elles n‟ont, jusqu‟à ce jour, pas encore été adoptées. De même, la réforme des services déconcentrés départementaux et la création des DDI n‟ont pas remis en cause le principe de la gestion statutaire (par corps) des agents, alors qu‟il aurait pu être envisagé de procéder avec les fonctionnaires de ces services de la même manière que pour les directeurs des services déconcentrés et d‟élaborer un régime commun. Cette permanence, en quelque sorte paradoxale, du statut, mérite d‟être interrogée ; bien qu‟il subisse d‟importantes altérations, il demeure. Cette résistance révèle la persistance de la fonction publique comme une institution et non seulement comme la ressource d‟une organisation. Il apparaît ainsi que le brouillage des frontières symboliques et l‟hybridation des catégories du droit administratif avec les concepts managériaux ne signifient pas pour autant disparition du montage institutionnel. C‟est d‟ailleurs ce qui s‟exprime à travers l‟hostilité manifestée par de nombreux fonctionnaires face à une réforme qui risque d‟affaiblir leur statut ; cette réaction témoigne donc de l‟attachement à ce système de répartition des places et des rôles sociaux244.

L‟existence de ces sédiments du droit administratif est confirmée par le phénomène de réactivation de logiques spécifiques au droit administratif et à l‟organisation de l‟Etat, alors

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Livre blanc.., op. cit., p. 106 et s.

243

CE, 7 août 1909, Winkell, S. 1909, 3, p. 145

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Ce type de « réaction » n‟est d‟ailleurs pas propre à la fonction publique ; c‟est l‟une des explications de la plupart des mouvements sociaux.

qu‟en apparence la réforme tend plutôt à les écarter.

Dans le document RGPP et droit administratif (Page 100-103)