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Performances des capteurs en conditions optimales

La majorité des caractérisations sont réalisées en milieu ambiant ; les performances atteintes sont satisfaisantes en comparaison de ce qui a été décrit dans la littérature pour des capteurs similaires actionnés sous vide.

II.2.1. Mesures du facteur de qualité en boucle ouverte

Les premières mesures réalisées sur un capteur concernent généralement la caractérisation du gain et du déphasage mesurés lors d’un test en boucle ouverte. La valeur du gain en décibel sera notée 𝑆21 tout au long du manuscrit ; cette notation générique est utilisée dans la littérature pour désigner le gain de la transmission 𝑆21 liant le signal transmis en sortie d’un quadripôle par rapport celui qui avait été généré pour l’actionner.

II.2.1.1. Fréquence de résonance et facteur de qualité

Dans des conditions optimales, les valeurs de facteur de qualité des dispositifs testés vont de 800 à 21 000.

La valeur maximale du facteur de qualité a été mesurée dans le cas de deux résonateurs carrés de 150 µm de côté ; dans ce cas, la figure de mérite associée vaut 𝑓0× 𝑄 = 900 GHz, ce qui est au- dessus de ce que propose la littérature comme détaillé sur le Tableau 4.

II.2.1.2. Comparaison avec l’état de l’art

Une des figures de mérite souvent données pour ce genre de capteurs et oscillateurs de façon générale est le produit 𝑓0× 𝑄. Dans le cas de nos capteurs, cette valeur est supérieure à ce qui existe pour des résonateurs similaires.

27,555 27,560 27,565 -60 -50 -40 -30 -20 Fréquence f (MHz) Gain en bo uc le ouv erte S21 (dB) -100 0 Dé ph as ag e en bou cle ouv erte (°)

Figure 62 – Courbes de gain et de phase en boucle ouverte mesurées pour un résonateur

carré de 150 µm de côté, avec 𝑉𝐷𝐶= 100 V

(appliqué sur les 4 électrodes) et 𝑣𝐴𝐶= 2,24 V.

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Tableau 4 – Estimation de la figure de mérite pour les différents MEMS fluidiques cités dans l'état de l'art. Ces valeurs ont été estimées d’après les données chiffrées fournies par les travaux publiés par les équipes.

Dispositifs immergés 𝒇𝟎× 𝑸|𝒎𝒂𝒙 SMR / SNR 𝒇𝟎× 𝑸|𝒎𝒂𝒙 [1] 380 MHz [2], [3] 9 GHz [4] 8 MHz [5] 21 GHz [6] 60 MHz [7], [8] 600 GHz [9] 4,2 GHz [10] 900 GHz [11] > 200 GHz

II.2.2. Variabilité de la fréquence de résonance

Pour deux capteurs identiques, une variation de la fréquence de résonance inférieure à 100 ppm est mesurée ; cette variation peut être imputable à une différence de masse entre les deux résonateurs. En effet, un écart de gravure de quelques nanomètres suffit à expliquer cette variation, ce qui est dans l’ordre de grandeur des sur- et sous-gravures couramment observées dans les procédés usuels de microfabrication en fonction du positionnement des puces sur la plaque.

Prenons un exemple concret. La Figure 63 présente le cas de deux modèles de résonateurs différents. Pour chacun, on compare la fréquence de résonance de chaque capteur dans des conditions de travail identiques. On calcule alors la différence de masse 𝑑𝑚 correspondant au décalage 𝑑𝑓 mesuré, puis la variation de largeur de gap 𝑑𝑔 à laquelle correspond 𝑑𝑚. Ici, un écart de gravure inférieur à 10 nm (soit un écart relatif de moins de 1% par rapport à la consigne de 1 µm du masque de photolithographie) suffit à expliquer le décalage de la fréquence de résonance.

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Figure 63 – Courbes de gain en transmission obtenues pour deux capteurs identiques. On évalue le décalage en

fréquence de résonance entre deux plaques identiques. On note 𝑑𝑓 la différence entre les deux fréquences de résonance,

𝑑𝑚 la variation de masse à laquelle cela correspond. On calcule ensuite 𝑑𝑔, qui est l’écart en nm entre la valeur cible pour

le gap capacitif (soit 1 µm) et la valeur réelle dans le cas où la différence de masse est due à une imprécision de la gravure du silicium lors de la définition des résonateurs.

Pour comparaison, la valeur théorique de la fréquence de résonance pour un carré de 200 µm plein vaut environ 20,587 MHz. L’écart entre cette valeur et les mesures est dû à plusieurs paramètres :

o l'application d’un potentiel 𝑉𝐷𝐶 qui influence la raideur et donc la fréquence de résonance o l’impact de l’air du milieu environnant

o l’écart de masse effective imposée par l’évidement que forme le canal intégré o l’encastrement en plusieurs points de la plaque qui ne vibre ainsi pas librement

La variabilité très réduite de la fréquence de résonance d’un objet à un autre nous conforte sur la reproductibilité des protocoles de fabrication et de caractérisation. On observe cependant que le facteur de qualité est parfois différent d’une puce à l’autre pour deux modèles identiques. Cette différence est difficile à expliquer, même si plusieurs hypothèses existent :

o une gravure plus ou moins complète du gap ; en fonction de la position de la puce sur le wafer lors de la fabrication des capteurs, la largeur du gap est légèrement différente (la gravure est toujours plus efficace au centre du wafer que sur ses bords)

o une différence au niveau de la qualité du scellement entre le corps en silicium du résonateur et la membrane de 160 nm d’épaisseur rapportée au-dessus du canal (ledit canal pouvant également présenter des disparités de gravure d’un motif à un autre)

𝑑𝑓 = 2700 Hz 𝑑𝑚 = 200 pg 𝑑𝑔 = 7 nm 𝑑𝑓 = 2100 Hz 𝑑𝑚 = 100 pg 𝑑𝑔 = 4 nm Carré 150 µm Carré 200 µm 27,50 27,55 27,60 -120 -100 -80 -60 -40 S21 ( dB) f (MHz) Sensor A - Q = 19600 Sensor A' - Q = 21500 27,556 27,560 -50 -40 20,56 20,57 20,58 20,59 20,60 -70 -65 -60 -55 -50 -45 -40 Sensor B - Q = 14000 Sensor B' - Q = 1800 S21 ( dB) f (MHz) 20,57 20,58 20,59 -80 -60 -40

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o les contraintes présentes dans la couche d’oxyde entre la membrane de 160 nm et le « corps » du résonateur ; cette membrane, déposée sur silicium puis gravée par endroits, peut présenter des contraintes internes différentes d’un composant à un autre et influer sur sa fréquence de résonance

o la configuration des ancrages : sur certains capteurs, un des ancrages a été arraché ou du moins endommagé, ce qui peut générer des différences au niveau du stockage et de la dissipation d’énergie et ainsi modifier le facteur de qualité du résonateur

Avant de travailler avec des analytes liquides, il faut commencer par caractériser les capteurs « seuls », dans l’air, afin de mieux comprendre leur fonctionnement et d’estimer leurs performances. Pour chaque résonateur fonctionnel, nous avons souhaité connaître sa fréquence de résonance, son facteur de qualité ainsi qu’une estimation de la variance d’Allan.

II.2.2.1. Déviation et variance d’Allan

La déviation d’Allan correspond à la racine carrée de la variance d’Allan et caractérise la stabilité en fréquence du résonateur ; ces calculs sont réalisés à partir de mesures en PLL ou en boucle ouverte de la fréquence de résonance. Rappelons le calcul réalisé pour extraire les valeurs de déviation d’Allan à partir des mesures de fréquence de résonance [12] :

𝜎𝑓(𝜏)2= 1 2𝑓𝑐(𝑀 − 1) ∑(𝑦̅̅̅ − 𝑦𝑛 ̅̅̅̅̅̅)𝑛−1 2 𝑀 𝑛=2 (15)

où 𝑓𝑐 est la fréquence de travail et 𝑦̅̅̅ est la moyenne des fréquences relevées sur l’intervalle de 𝑛 temps 𝑛 [13]. 𝑀 représente le nombre de segments couvrant la durée 𝑇𝑡𝑜𝑡 de la mesure :

𝑀 =𝑇𝑡𝑜𝑡

𝜏 (16)

Les valeurs de déviation d’Allan présentées dans ce chapitre ont été calculées à partir de mesures en PLL, à l’aide d’un programme Scilab® que nous avons créé ; il s’agit de calculer, pour différentes valeurs de temps d’intégration 𝜏, les variations moyennes de la fréquence normalisée mesurée au cours d’une expérience de PLL. Les valeurs moyennes de déviation d’Allan mesurées pour cette génération de systèmes vont de 10-5 (10 ppm) à 10-9 (1 ppb) en fonction des capteurs.

Les meilleures stabilités en fréquence ont été obtenues pour les deux capteurs présentant le facteur de qualité le plus élevé ; cette observation est cohérente, étant donné que la déviation d’Allan peut être estimée comme l’inverse du produit entre le rapport signal sur bruit du capteur et son facteur de qualité :

𝜎 ≈ 1

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Pour l’un de ces deux capteurs, une analyse de la courbe de déviation d’Allan a été menée avec l’aide de Bernard Legrand (LAAS). Cette étude permet de mettre en évidence le temps optimal d’intégration de la mesure ainsi que la nature des bruits mesurés.

II.2.2.2. Estimation de la résolution en masse des capteurs

Une fois les données de variance d’Allan connues, il est possible d’estimer les performances d’un capteur lorsqu’il sera utilisé pour la pesée de fluides ou de particules. Notamment, une estimation usuelle de la résolution en masse 𝑑𝑚𝑚𝑖𝑛 de tels microsystèmes est :

𝑑𝑚𝑚𝑖𝑛 = −2 𝜎 𝑀∗ (18)

où 𝜎 est la déviation d’Allan de la puce concernée.

10-3 10-2 10-1 100 101 102 10-9 10-8 10-7 Dé via tion d'Allan  Temps d'intégration  (s) C6L5 D6L5 C2L1 C1L1

Figure 64 – Exemple de courbes de déviation d’Allan obtenues après traitement des données de PLL à l'aide du programme Scilab® développé. On remarque que le temps d'intégration optimal est légèrement élevé (entre 0,1 et 1 s) par rapport aux temps de passage de particules dans le résonateur (quelques millisecondes à quelques dizaines de millisecondes).

Figure 65 – Tracé de la variance d'Allan et analyse des deux asymptotes. Courbe et traitement réalisés avec l’aide de Bernard Legrand à partir de données mesurées sur une plaque carrée de 150 µm de large de la génération G2. Pente = -0,5 Bruit de marche aléatoire de fréquence Pente = +0,5 Bruit de marche aléatoire de fréquence

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Les meilleurs capteurs de cette génération présentent une déviation d’Allan de 10-9 pour une masse effective de 0,4 ng. Le seuil de détection en masse estimé pour ces résonateurs vaut donc environ 1 fg ; il s’agit de la masse flottante d’une particule d’or de 50 nm de diamètre dans de l’eau déionisée.

Nos capteurs présentent des performances très satisfaisantes par rapport à l’état de l’art pour des applications similaires. Pour atteindre ces conditions optimales, il été nécessaire à la fois d’optimiser les paramètres du banc, mais également de travailler à supprimer les bruits parasites en boucle ouverte. La suite de ce chapitre présente les problèmes rencontrés ainsi que les solutions mises en œuvre pour y remédier.