MOBILISATION DES RESSOURCES BUDGETAIRES
La culture de la performance est devenue au Cameroun un aiguillon pour la production plus
intense de recettes fiscales nécessaires à l’alimentation du budget de l’Etat au moment où
l’impôt s’érige en principale ressource publique. Les actions entreprises par les autorités pour
un meilleur pilotage des performances ont entraîné des résultats indéniables.
A Les actions entreprises au sein des services fiscaux
L’Administration fiscale camerounaise est la première à avoir engagé une mutation partant
d’une gestion axée sur les moyens vers une gestion orientée vers les résultats à travers la
18
C’est sous ce thème que le Président de la République élu a battu campagne et placé son action sur les sept
années à venir
19
La notion de « feuille de route » préfigure déjà de la démarche de performance en tant qu’elle envisage des
objectifs, les moyens, les actions à mener, l’évaluation afin d’aboutir à une boucle de rétroaction. Mais les outils
de suivi à l’échelon stratégique ne sont pas encore suffisamment affinés. Ne serait-il pas permis d’envisager
l’introduction du contrôle de gestion au sein des Ministères comme dispositif de pilotage des performances ?
Directions par Objectifs (DPO)
20. Cette ambition s’est concrétisée au fil des jours par un
renforcement de ses capacités, une amélioration des indicateurs de performances ainsi que
l’introduction d’une culture de l’évaluation.
1- Le renforcement des capacités des Administrations
La performance d’une organisation ne se mesure pas seulement à l’aune des résultats
socio-économique qu’elle génère. Le préalable est dans les inputs qu’elle expose pour arriver aux
résultats escomptés. Pour la mise en œuvre des programmes économiques auxquels il est
soumis, le renforcement des capacités administratives aura constitué un axe stratégique de la
politique gouvernementale tout au long de la dernière décennie.
S’agissant du développement des ressources humaines, le diagnostic portant sur le constat
d’une insuffisance numérique et qualitative des personnels a amené les décideurs publics à
prendre les mesures suivantes :
-mise en place d’un partenariat avec l’ENAM
21pour l’implication de l’Administration
à la définition des programmes de formation ainsi que leur contenu ;
-contribution des praticiens aux enseignements professionnalisés ;
-encadrement des stagiaires dans les centres des impôts ;
-contribution de l’Administration dans la négociation des partenariats pédagogiques de
la coopération internationale.
En ce qui concerne la gestion interne des ressources humaines, l’Administration fiscale a
procédé à une étude prospective portant sur les entrées et les sorties
22à l’horizon 2010
entraînant un politique de recrutement massif d’Inspecteur et Contrôleurs des Impôts. Ces
actions ont permis de mettre en cohérence l’élargissement croissant des missions avec
l’évolution des effectifs aux fins de mieux soutenir la démarche de la performance en
construction dans cette organisation.
Pour mieux piloter son système de gestion par la performance, un accent particulier a été mis
dans l’augmentation de la dotation budgétaire allouée à l’Administration fiscale
particulièrement en ce qui concerne son fonds d’équipement. La conséquence aura été
perceptible en terme de rénovation des locaux abritant les services, le renouvellement des
biens meubles et surtout l’accroissement exponentiel du parc informatique mettant
l’Administration fiscale à la première loge des organismes publics innovants et inscrits
irréversiblement dans la voie de la modernité.
Dans cette structure qui apparaît comme singulière dans le paysage administratif camerounais,
l’appropriation de l’outil informatique et la familiarisation au traitement automatisé des
20
En France, l’Administration fiscale fait aussi figure de pionnière d’une gestion par objectifs à travers les
contrats d’objectifs et des moyens ainsi que la démarche diagnostic plan d’action (DPA).
21
Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature. Il s’agit d’un établissement public de formation de la
haute fonction publique camerounaise (Administrateurs civils, magistrats, Inspecteurs des Impôts, Douanes,
Trésor et affaires sociales).
22
Dans cette perspective, la Direction Générale des Impôts camerounaise peut apparaître dans une certaine
mesure comme un chantier du management par la GPEEC (Gestion prévisionnelle des effectifs et des
informations a entraîné une mutation consistant à recycler une bonne partie du personnel
secrétaire et sa reconversion vers des tâches de production fiscale. En effet, une grande partie
des cadres utilise avec aisance Word et Excel et peut restituer en toute autonomie et
confidentialité des travaux relevant de son métier.
Au-delà d’une nouvelle philosophie liée la modernisation de la gestion des ressources
humaines et du développement des aspects matériels en vue de l’amélioration du cadre du
travail, le pilotage des performances axé sur la Direction Par Objectifs s’est vue amélioré par
l’affinement progressif des outils de mesure des résultats.
2- L’amélioration et la diffusion des indicateurs de performance
La démarche de la performance entre à la Direction Générale des Impôts pour faire face aux
nouvelles exigences de mobilisation plus accrue des ressources budgétaires non pétrolières.
L’instauration de la DPO obéît en ce moment à des considérations de quantité et à des besoins
immédiats de statistiques. Un service opérationnel est performant lorsqu’il présente une
statistique impressionnante en terme de réalisations budgétaires. Un vérificateur est
performant lorsqu’il réussit à émettre des montants importants de redressements à la suite de
contrôles fiscaux.
Si les résultats du point de vue budgétaire apparaissent satisfaisants aux yeux des autorités
ainsi que des bailleurs de fonds internationaux, cette option managériale va pourtant connaître
un revirement à l’épreuve des faits, son enracinement dans une perspective pérenne se
révélant sujet à caution.
En effet, les résultats en recouvrement issus de la période post reforme fiscale
23ont été
important mais au fil du temps, la matière fiscale a connu une sorte d’amenuisement due à la
capacité des contribuables à s’ajuster et à s’entourer de conseils qui pour certains, sortaient
pratiquement de l’Administration fiscale en raison de leur mise en disponibilité ou en retraite.
A la Direction Générale des Impôts, les réflexions menées ont abouti à la remise en cause des
outils de pilotage notamment à une définition de nouveaux indicateurs axés beaucoup plus sur
la qualité que sur la quantité. Dans la perspective de l’élargissement de l’assiette fiscale
inscrite au cœur de l’agenda de la politique fiscale, des indicateurs sont mis en place à l’instar
du taux d’immatriculation mensuel de nouveaux contribuables pour mesurer les efforts
d’élargissement de l’assiette. En matière de recouvrement, l’instrument de mesure de la
performance est le taux d’apurement de restes à recouvrer recouvrables. En matière de
contrôle, des tableaux de suivi de l’activité sont élaborés et diffusés tandis que le taux de
réalisations ne se limite plus en rendement chiffré mais aussi sur le nombre d’opérations
clôturées suivant une cible projetée.
Ce mouvement de rénovation des outils de pilotage n’est pas resté ancré dans la pratique des
services centraux, il s’est diffusé sur l’ensemble du réseau de la Direction Générale des
23
Le Cameroun a effectué une réforme fiscale de grande ampleur en 1995 dans le sens de la modernisation de
son système fiscal et de la simplification des procédures dans un contexte de libéralisation économique impulsée
par l’ouverture des échanges à l’échelle internationale.
Impôts au point de constituer un nouveau cap de la mise en management des activités
incombant à cette Administration.
3- L’évaluation périodique des activités
La culture de l’évaluation s’est développée progressivement au sein de l’Administration
fiscale en raison des exigences de performances auxquelles est soumise cette structure. De
fait, les années post indépendance coïncident avec la période prospère des Trente Glorieuses
qui crée un environnement propice à l’insertion des pays du Sud au concert de l’économie
mondiale.
Mais avec la détérioration des termes de l’échange et l’essoufflement de l’aide publique au
développement, les nations en voie de développement se voient soumises à des contraintes de
performances internes devant nécessairement être évaluées pour un meilleur suivi.
L’impératif d’évaluation vient du souci de rendre compte qui doit habiter toute personne en
charge de la mobilisation ainsi que de la gestion des ressources publiques
24. S’agissant du
pilotage des performances en finances publiques, les exigences d’évaluation s’opèrent à
plusieurs échelons de la hiérarchie des Administrations. Au sein de la Direction Générale des
Impôts, une réunion mensuelle de coordination des services est instituée aux fins de procéder
à l’évaluation des différentes structures opérationnelles qui à leur niveau de responsabilité
effectuent le même exercice sur la base des outils de reporting habituels.
A un échelon supérieur, le Secrétaire Général du Ministère de l’Economie et des Finances
organise des séances de travail de même nature dans le cadre d’un dispositif dit de «
suivi-évaluation » à travers une Cellule de suivi qui lui est rattachée. Si le mécanisme est ambitieux
dans son intention, il reste que les outils de suivi restent à approfondir aux fins d’installer une
véritable boucle de rétroaction
25qui permettra un enchaînement séquentiel entre les objectifs,
leur mise en œuvre, les résultats, l’évaluation et la réorientation des objectifs.
Après cette chaîne d’évaluation aux différents échelons hiérarchiques des Administrations, les
partenaires au développement (FMI, Banque Mondiale et Union Européenne) effectuent aussi
dans le cadre de leurs revues trimestrielles et semestrielles des missions permettant aux
autorités camerounaises de rendre compte de leur action en matière de pilotage des finances
publiques sur la base d’objectifs assortis d’indicateurs.
En somme, la culture de l’évaluation de l’activité commence à s’ancrer dans les mentalités à
tous les échelons de la société. Toutefois, le nouveau pas devra consister à inscrire
l’évaluation dans le moyen et le long terme en vue de mieux juger de l’impact non seulement
des actions précises dans certains secteurs d’activités mais de mesurer les résultats
socio-économiques des politiques publiques en général. A titre d’exemple, si l’application des
mesures fiscales fait régulièrement l’objet d’évaluation, la politique fiscale en elle-même n’a
pas encore connu d’évaluation après son implémentation durant une période de moyen ou de
long terme.
24
B Les résultats perceptibles
Les changements intervenus dans la gestion publique camerounaise à travers l’Administration
fiscale ont permis de dégager d’énormes gains en termes de volumes de recettes budgétaires,
d’enracinement d’une nouvelle approche managériale et l’émergence d’une culture citoyenne.
1- Une augmentation du volume des recettes
La mobilisation des ressources internes non pétrolières est un critère quantitatif de réalisation
soumis à évaluation par les partenaires au développement dans le cadre des programmes
économiques et financiers. Depuis la réforme fiscale intervenue au Cameroun en 1995 qui lui
a permis de se doter d’un système fiscal apte à faire face aux enjeux politiques, économiques
et sociaux liés à la modernité, l’apport des recettes fiscales au budget de l’Etat est allé
croissant traduisant ainsi une démarche de performance inscrite résolument dans l’agenda de
l’Administration fiscale (les tableaux ci-après reflètent cette évolution des chiffres des recettes
fiscales).
Dès lors, il n’est pas étonnant de voir le management par objectif plus connu sous le vocable
de la Direction par Objectif (DPO) se muer dans les esprits en réalisation quantitative des
recettes. C’est le règne de la statistique à tous les échelons hiérarchiques du Ministère de
l’Economie et des Finances.
Réalisations en Milliards
253,3 277,3 388,6 425,2 518,7 690,2 643,1 646,4 945,2 296,9 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 253,3277,3296,9 388,6 425,2 518,7 690,2 643,1 646,4 945,2 250,00 350,00 450,00 550,00 650,00 750,00 850,00 950,00 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004Réalisations en Milliards
2- L’enracinement généralisé de la culture managériale axée sur des résultats
L’expérience de l’Administration fiscale en matière de gestion par la performance connaît un
succès qui a tendance à s’étendre au sein de l’ensemble du périmètre camerounais de la
gestion publique. Outre les Administrations purement financières, les départements
ministériels et les instances supérieures de coordination ressentent le besoin de s’inscrire dans
une perspective de gestion orientée vers les résultats. A cet effet, l’impulsion est donnée par le
Chef de l’Etat à travers les discours politiques
26et ses traditionnelles circulaires budgétaires
qui donnent les grandes orientations en matière de finances publiques
27.
Malgré cette nouvelle tendance, l’appropriation généralisée des techniques managériales reste
embryonnaire et tarde à se matérialiser dans la quotidienneté des acteurs de la vie publique
camerounaise. De fait, la pratique rompt avec le discours, les opérations s’éloignent de la
stratégie, la règle se dessine mais les faits tardent à suivre. Les ingrédients de la nouvelle
gestion publique tardent à prendre corps dans cet environnement mal préparé, des agents
publics insuffisamment conditionnés, une élite en retard vis-à-vis de la nécessaire
technocratisation des savoirs managériaux
28qui est un processus de longue haleine appelant
des investissements en terme de ressources humaines et matérielles.
La culture de la performance devra s’étendre dans les démembrements de l’Etat qui impactent
substantiellement les finances publiques. Dans cet esprit, le Ministre de l’Economie et des
Finances en Juillet 2005, les Directeurs Généraux et Présidents des Conseils d’Administration
des établissements publics et entreprises du secteur public et parapublic. Après avoir rappelé
l’impératif d’assainissement des finances publiques en vue d’accroître la stabilité
macroéconomique et l’investissement, de stimuler la croissance et d’améliorer les conditions
de vie des populations. Le Ministre reprécise la philosophie générale en ces
termes : « l’entreprise publique doit désormais s’approprier la culture du résultat longtemps
réservée aux seules entreprises du secteur privé. Elle doit pouvoir l’intégrer et en faire
l’aiguillon de ses programmes d’action…Je vous exhorte à vous adapter en rompant
définitivement avec les habitudes du passé. Chacun d’entre vous répondra désormais des
résultats de sa gestion sur la base de critères de performance prédéfinis. Dans cette optique,
une évaluation systématique et plus régulière de l’entreprise publique sera prescrite et
observée »
29.
La gestion orientée vers les résultats et la démarche de la performance qui la suppose a été
souvent consacrée par le législateur dans certains secteurs d’activités impliquant le Ministère
chargé des finances
30. Mais l’éternel grief fondé sur la rupture entre le droit et les faits peut
26
Après la formation du gouvernement dit des grandes ambitions le 08 Décembre 2004, le Président de la
République a prescrit au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, d’instruire tous les ministres d’élaborer des
feuilles de route c’est-à-dire des programmes à mettre en œuvre et soumis à évaluation périodique.
27
La circulaire précise clairement que les objectifs
28
Pour BEZES, le processus de professionnalisation du management public en France englobe les années 1970
aux années 1980 ; L’Etat et les savoirs managériaux : essor et développement de la gestion publique en France
in30 ans de réforme de l’Etat, Expériences françaises et étrangères : stratégies et bilans, Dunod, Paris, 2005.
29
Extrait de l’allocution de Monsieur Abah Abah Polycarpe, Ministre de l’Economie et des Finances au Palais
des Congrès de Yaoundé à l’occasion de la rencontre avec les Présidents des Conseils d’Administration et les
Directeurs Généraux des entreprises publiques.
30
aussi être invoqué en l’espèce, les textes demeurant parfois inappliqués quand bien même ils
seraient correctement ficelés.
3- La construction d’une culture citoyenne
Le rapport de réciprocité entre les droits et les obligations structure la problématique de la
citoyenneté dans un contexte républicain. Le prélèvement fiscal a pour vocation de permettre
une meilleure couverture des charges publiques. Autant le citoyen contribuable a le devoir
d’accomplir ses obligations citoyennes en acquittant l’impôt, autant la collectivité se doit de
lui apporter en retour des résultats intéressants quant à la mise en œuvre des politiques
publiques.
Le développement d’une culture de la performance dans la conduite de l’action publique est
une exigence citoyenne, une approche prenant en considération les devoirs qui incombent aux
pouvoirs publiques dans leur rapport avec les contribuables.
Au Cameroun, l’obligation de résultats imposée aux agents du fisc pour l’accomplissement
des statistiques influence durement l’activité des opérateurs économiques qui récusent le
harcèlement fiscal dû à la multitude de contrôles, l’ampleur des redressements,
l’intensification des mesures coercitives. En retour, les contribuables, à travers les élus et les
organismes socioprofessionnels, ne cessent de revendiquer que l’obligation de résultats soit
plus sévère quant à l’usage fait du produit des prélèvements en terme d’allocation, de
redistribution ainsi que d’investissements socioéconomiques.
La dialectique ainsi instaurée est porteuse de plus de démocratie et de transparence dans la
gestion des affaires publiques. En généralisant le pilotage des performances dans la conduite
des politiques publiques, l’esprit citoyen en sortira grandi dans la mesure où les déperditions
décriées en matière de gouvernance pourraient être amoindries à défaut d’être annihilées.
La culture de la performance participe donc au renforcement de la culture citoyenne par une
demande plus forte de résultats aux gestionnaires de la part des contribuables-citoyens mais
aussi à travers une grande responsabilisation des agents publics, un surcroît de patriotisme
consécutif à l’obligation de bien faire et rendre compte dans les conditions les meilleures.
Dans le document
PREMIER MINISTRE
(Page 33-39)