OUTIL DE MAITRISE DE LA DEPENSE PUBLIQUE
L’un des maillons faibles des finances publiques camerounaises est la maîtrise de la dépense
quand bien même la mobilisation des recettes fiscales aura été satisfaisante. Non seulement le
cadre de la gestion budgétaire n’a pas encore intégré les outils modernes de mesure de la
performance dans la dépense publique, mais surtout, l’environnement du pilotage des finances
publiques reste miné par les travers enracinés dans les consciences et constituant des freins à
l’éclosion d’un véritable management par objectifs .Quelques mesures ont été prises dans le
sens d’une meilleure maîtrise de la dépense publique mais les résultats restent mitigés.
A Les mesures prises pour la maîtrise de la dépense
Les autorités camerounaises ont essayé d’améliorer la performance du système d’information
sans lequel aucune transparence des finances publiques ne serait envisagée et ont perfectionné
les documents de synthèse. L’avènement de la juridiction financière constitue aussi un espoir
pour le renforcement de l’efficacité de la chaîne dépense.
1- La modernisation du système d’information
A près un diagnostic ayant révélé des carences en terme de transparence et de traçabilité dans
la gestion des finances publiques, le Gouvernement a entrepris de repenser le système
d’information en place dans la perspective d’un décloisonnement et d’une intégration plus
poussée des systèmes sectoriels et un rapprochement automatisé entre la dépense et la recette.
En effet, le pilotage des finances publiques camerounaises souffre d’une dispersion de son
système d’information à travers une coexistence entre des applications informatiques mises en
place au sein des Administrations dépendant pourtant du Ministère de l’Economie et des
Finances : TRINITE à la Direction Générale des impôts, PATRIOT à la Direction Générale
du Trésor, PAGODE devenu SYDONYA à la Direction Générale des Douanes, IBIS-DM à la
Direction Générale du budget.
Ces applications constituent certes de véritables avancées vers une gestion moderne des
finances publiques mais la quête de la performance appelle une orientation vers des systèmes
intégrateurs facilitant la coordination de l’information et des données nécessaires à la décision
politique, économique, financière et fiscale.
Dans cette optique, le projet SIGEFI a été mis en place pour favoriser un brassage en temps
réel d’informations entre les Administrations et organismes financiers à travers une inter
fonctionnalité des applications sectorielles existantes. Le système ainsi mis en place
constituera un outil d’aide à la décision et une base de recoupement pour les données et
informations utilisées par ces différentes Administrations dans leurs missions respectives.
Ce projet encore à sa phase de construction est suffisamment ambitieux pour ne pas séduire
tout acteur favorable à une gestion publique orientée vers les résultats. Il reste tout de même
exposé à des pesanteurs liées à la conduite du changement dont il est porteur. En effet, la
marche vers l’internalisation des technologies de l’information et de la communication ne
manque pas de soulever des résistances dues au conservatisme naturel des uns et à la volonté
des autres de garder le statu quo en raison de certaines situations de rentes favorisées par la
perméabilité du système. Par ailleurs, un système d’information intégré soulève évidemment
des problèmes réels d’investissement, de formation du personnel et surtout de révolution
mentale dans la perception de la chose publique.
2- Accompagner l’avènement d’une Chambre des Comptes
La Chambre des comptes camerounaise est intégrée dans la Cour Suprême à coté de la
Chambre Administrative et de la Chambre Judiciaire. A la différence des structures similaires
mise en place dans les autres pays, elle n’est compétente que pour le jugement des comptes
des comptables publiques.
Ce choix du législateur camerounais reste fortement critiqué par les analystes qui auraient
bien souhaité voir la juridiction financière étendre sa compétence quant au contrôle de la
gestion ainsi qu’au contrôle de la performance des Administrations et organismes publics. Là
n’est pas toute la pertinence du débat !
En effet, le rattachement le juge des comptes à l’appareil judiciaire et la limitation de son
champ d’action au seul jugement des comptes constitue un choix politique dont le revirement
ne peut être opéré que par voie de révision constitutionnelle et par voie législative. Mais en
attendant, une telle démarche, la question de la performance dans la gestion des finances
publiques reste toute entière et appelle une réflexion sur les pistes qui permettront d’optimiser
les acquis et à améliorer l’existant.
Dans cette optique, la Chambre des comptes camerounaise devra sortir du schéma purement
judiciaire ambiant au sein de la Cour Suprême pour s’ouvrir aux autres métiers devant
contribuer à son efficacité : Inspecteurs des Régies financières, auditeurs des comptes privés,
universitaires…..A cet effet, la formation constituera un axe stratégique majeur à travers
l’initiation à l’ENAM
31ainsi que les programmes post scolaires à travers les séminaires,
stages, recyclage et autres. En ce qui concerne son activité, la jeune Chambre des comptes
devra s’approprier plus de professionnalisme et de management à une bonne programmation
des actions, une indépendance et une impartialité dans le traitement de ses dossiers.
3- L’affinement des outils d’information et des documents de synthèse
Le bon pilotage de l’exécution du budget suppose la mise à la disposition des décideurs d’une
information financière et comptable exhaustive. A cet effet, une bonne conduite des finances
publiques requiert des outils d’informations plus affinés ainsi que des documents de synthèse
fiables.
Le principe fondamental des programmes budgétaires au Cameroun est que les dépenses à
effectuer doivent totalement être couvertes par les ressources en présence. En vue d’assurer
un suivi rigoureux des programmes, les autorités camerounaises font usage du Tableau des
Opérations Financières de l’Etat (TOFE). Il s’agit d’un tableau récapitulatif de la globalité des
opérations financières effectuées par l’Etat au cours d’une période donnée : recettes
budgétaires, dons, dépenses publiques, soldes budgétaires dégagés, variations des arriérés,
opérations de financement extérieur et intérieur…Le TOFE camerounais s’inspire des
standards internationaux de comptabilité nationale mais sa présentation obéît à des exigences
de facilitation des comparaisons en matière de performances budgétaires.
31
Si le TOFE apparaît comme le plus important des documents de synthèses, l’ensemble des
informations fondamentales pour les finances publiques camerounaises se trouve dans le
Tableau de Bord (TABORD) tenu par la Direction des affaires économiques anciennement
appelée Direction de la Prévision. Il relate le solde primaire (tableaux M2, M7 et M8), la
situation de trésorerie (M3), le financement du solde des opérations de l’Etat (M4), la dette
publique intérieure et extérieure (M5 et M6), le recouvrement des recettes (M7), les dépenses
effectives (M8), les émissions fiscales et douanières (M9), les dépenses des services centraux
(M10) et les dépenses des services extérieurs (M11).
Toute cette masse d’informations permet de contrôler et d’évaluer en temps réel et
périodiquement, l’état d’exécution du budget dans le cadre du programme et le cas échéant,
de prendre des mesures correctrices allant dans le sens de l’intensification de l’action en
recouvrement ou de la mise en œuvre des mécanismes serrés de régulation de la dépense.
Il faut toutefois relever qu’un meilleur suivi de l’exécution budgétaire appelle un
renforcement de la synergie entre les parties prenantes à la gestion des finances publiques. Le
travail de coordination qui s’ensuit exige donc beaucoup de professionnalisme de la part des
acteurs qui devront davantage être proactifs, rigoureux et réactifs dans la production des
données fiables et auditables.
A cet effet, le renforcement des capacités des Administrations financières et économiques se
pose en axe majeur pour l’amélioration des performances en matière de gestion des finances
publiques. La politique managériale orientée vers la performance devra accorder une place de
choix à l’intégration des applications informatiques et le renforcement des conditions de
transparence dans la transmission des données. La sécurisation du système d’information
passe aussi par le développement concomitant du contrôle et de l’audit internes.
B Les résultats attendus pour une implémentation de la démarche
de performance
S’agissant des mesures mises en œuvre pour favoriser l’essor de la performance dans le
processus de gestion des finances publiques, les résultats recherchés portent de plus en plus
sur la maîtrise effective de la dépense, une meilleure traçabilité de la chaîne dépense et une
amélioration de la qualité du service rendu à l’usager.
1- Une maîtrise du volume de la dépense publique
Si l’évaluation concernant la mobilisation des ressources budgétaires non pétrolières est
satisfaisante au Cameroun depuis que ce pays est entré en partenariat avec les institutions de
Bretton Woods, la maîtrise de la dépense continue d’être le maillon faible des programmes
mis en oeuvre.
Avant d’en arriver à l’interrogation sur la qualité de la dépense, la préoccupation première
semble aujourd’hui être la maîtrise en volume des engagements budgétaires. En effet,
l’ampleur de la dépense telle qu’elle se dégage dans les écritures comptables de l’Etat
contraste avec la réalité des actifs publics.
Cette préoccupation se rapproche de celle vécue par les européens en ce qui concerne la
maîtrise des déficits dans leur processus d’intégration. Toutefois, l’aggravation absurde de la
dépense au Cameroun se fonde non seulement sur une emprise démesurée des interventions
publiques malgré le vent de libéralisation qui a cours, mais surtout sur des dérapages perpétrés
dans la gestion des finances publiques :
-insuffisances et parfois inexistence des contrôles ;
-surfacturation de la dépense publique ;
-violation des règles de transparence prévues par le code des marchés publics ;
-absence de sanctions à l’encontre des contrevenants aux règles d’exécution
budgétaire ;
-programmation approximative des paiements ;
-comportements déviants de certains agents ;
Les mesures correctives qui seront prises par les décideurs après un diagnostic permettront
d’inscrire résolument les finances publiques camerounaises sur le chemin de la performance.
Mais l’essentiel n’est pas dans la maîtrise en volume de la dépense publique à travers des
mesures de régulation. Il s’agit de créer les conditions d’une meilleure traçabilité de la chaîne
dépense en vue d’en améliorer la qualité.
2- L’exigence de traçabilité pour une meilleure qualité de la dépense
Le principe de la transparence en matière de gestion des finances publiques suppose dans le
domaine de la dépense la possibilité de suivre la procédure budgétaire tout au long de son
itinéraire en remontant de l’ordonnancement au paiement effectif.
Afin d’en arriver à un tel niveau de lisibilité, quelques conditions minimales doivent être
réunies notamment des règles de jeu préétablies et connues de tous, la rigueur dans le travail
administratif, l’efficacité et la fiabilité du système d’information, l’existence des mécanismes
de contrôle.
Pourtant il serait excessif d’affirmer que ces préalables font défaut au dispositif camerounais
de pilotage des finances publiques. Les règles de qualité sont courantes mais leur application
effective par les acteurs est souvent sujette à caution étant entendu que si la culture du service
public n’est pas encore enracinée, celle du service public performant reste à bâtir.
La traçabilité dans le domaine des finances publiques, pour louable qu’elle se présente,
demeure une exigence qui suscite beaucoup de résistances de la part de ceux qui entendent
éviter de rendre compte et de travailler dans la transparence.
3- Une amélioration de la qualité du service à l’usager
Dans tous les chantiers de modernisation de la gestion publique, la démarche qualité est un
des axes stratégiques des organisations administrant un service aux usagers. Elle s’inscrit dans
l’optique d’une amélioration des rapports entre l’Administration et les administrés car les
performances ne demeurent pas toujours quantitatives, elles sont de plus en plus qualitatives.
Comme le précise Bruno Parent : « des objectifs ambitieux, des réformes, des coûts maîtrisés,
tel le triangle d’exigence de la DGI. Chacune de ces ambitions prise isolément est un chantier
en soi. Leur combinaison, qui constitue notre feuille de route, montre que service public peut
rimer avec performance et modernité. Nos objectifs ont pour la plupart été atteints ou
dépassés, comme le montre ce bilan. Nos réformes internes de grande ampleur, se déroulent
selon le planning prévu, pour un meilleur service à l’usager »
32.
On le voit bien, les exigences de qualité sont plus fortes aujourd’hui en matière de conduite
des affaires publiques. La demande en qualité de service est davantage importante en ce qui
concerne les usagers directement concernés par les questions de finances publiques.
Au Cameroun, les contribuables deviennent de plus en plus exigeants en raison du nouvel
environnement libéral mais surtout grâce aux conseils et avocats qui les entourent dans
l’accomplissement de leurs obligations fiscales. De même, pour ce qui est de l’apurement de
la dette publique interne, les usagers exigent de l’Etat beaucoup de considération dans le
processus de paiements de leurs factures.
Pour assurer un pilotage harmonieux et performant des finances publiques, les autorités
devront approfondir les dispositifs de suivi mis en place à travers des indicateurs de gestion
pertinents et orientés vers la qualité du service. A ce sujet, les expériences étrangères sont
éloquentes
33et pourraient inspirer les réformes dans les Administrations financières
camerounaises.
32
Editorial de Bruno Parent, Directeur Général des Impôts, La lettre, N° 341/Mai 2005
33
CHAPITRE IV LE PARI DE LA MISE EN PLACE D’UN SYSTEME DE
Dans le document
PREMIER MINISTRE
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