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La concaténation des phonèmes en syllabes, des syllabes en mots puis des mots en phrases aboutit à la formation d’une chaîne parlée que l’apprenant doit traiter pour comprendre le sens du message qui lui est adressé. Toute séquence plus large que les phonèmes et la prosodie qui l’accompagne (réalité phonique surajoutée aux phonèmes) sont l’objet d’étude de la phonologie suprasegmentale (Watbled, op.cit. : 8). Une grande partie des écarts entre les systèmes prosodiques anglais et français s’explique par le rôle de la syllabe dans chacune des langues car « la composante correspondant à la structuration syllabique de la chaîne de segments influence la composante accentuelle » (Crouzet, 2000 : 96). C’est dans cette perspective que nous mettons en avant les difficultés que les apprenants francophones sont susceptibles de rencontrer lors du traitement suprasegmental de l’anglais. Nous nous intéressons, dans cet ordre, aux mots lexicaux, aux mots grammaticaux (morphèmes liés et libres), puis à la phrase.

3.1 Mots lexicaux

Les mots lexicaux (noms, verbes, adjectifs et adverbes) comme les mots grammaticaux (déterminants, pronoms, prépositions et conjonctions) sont tous formés d’au moins une syllabe. Crouzet (ibid. : 98) définit la syllabe comme « une unité minimale d’articulation » centrée sur un élément qui peut être articulé en isolation et auquel peuvent être rattachés d’autres éléments « qui ne sont pas nécessairement prononçables isolément mais qui, adjoints au précédent, le deviennent ». Selon Field (ibid. : 172), la syllabe est un construit plus stable que le phonème car il est le lieu de coarticulation des phonèmes et, en ce sens, intègre les allophones distributionnels qui n’ont dès lors plus à être traités par l’apprenant comme autant de variations du signal entrant. L’auteur ajoute que les contraintes physiologiques liées à la coarticulation restreignent le nombre de syllabes possibles dans les langues (environ 500). Il conclut

que la syllabe doit faire l’objet d’une attention particulière lorsqu’est abordée la problématique de la compréhension de l’oral en L2.

3.1.1 Notion de syllabe

En anglais, comme en français, une syllabe comprend au moins un noyau, généralement une voyelle, qui peut être précédé d’une « attaque » et suivi d’un « coda », tous deux constitués d’une consonne ou d’un groupe consonantique. Le modèle binaire ci-dessous est considéré comme universel (Roach, op.cit. : 70-77 ; Deschamps et al.,

op.cit. : 24-25 et Labrune, 2005 : 101)22

:

Figure 8 - Structure universelle de la syllabe selon Roach, 2004. : 70-77 ; Deschamps et al., 2004 : 24-25 et Labrune, 2005 : 101.

Nous remarquons ici un premier écart entre les deux langues : en anglais, contrairement au français, des consonnes dites « syllabiques » peuvent jouer le rôle de noyau en raison de la disparition du schwa devant les sons consonantiques /m/, /n/ et /l/ auxquels s’ajoute /r/ en GA (Jobert et Mandon-Hunter, op.cit. : 30).

Nous notons de plus que selon Delattre (1965 : 42 cité dans Lambert-Drache, 1997 : 13), les langues latines auraient une nette préférence pour les syllabes ouvertes (sans coda) alors que les langues germaniques tendraient vers une plus grande utilisation de syllabes fermées (avec coda). Selon l’auteur, près de 80% des syllabes en français

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La définition générale de la notion de syllabe et le modèle universel proposés ici sont indispensables à l’analyse de notre problématique. Ils restent toutefois généraux : le concept de syllabe est plus complexe qu’il n’y paraît et Crouzet (op.cit.) souligne qu’il reste mal défini et relativement flou. L’auteur illustre ce problème en soulignant que tout locuteur natif est capable de compter le nombre de syllabes d’une séquence de parole prononcée dans sa langue mais qu’il est souvent bien en peine pour indiquer avec certitude la localisation des frontières. Pour une discussion sur le construit « syllabe » voir aussi Carvalho et al. (2010 : 146-162).

seraient ouvertes contre seulement 40% en anglais23

. Si, comme le soutient Field (ibid.), la syllabe est l’unité de perception de base pour l’accès lexical24

, ces différences pourraient ralentir la reconnaissance des mots en L2. Cependant, cette possible difficulté doit être relativisée car la concaténation des syllabes en mots brouille les frontières entre coda et attaque.

C’est surtout lorsque la syllabe est considérée dans son lien avec la prosodie que les écarts entre les deux langues semblent pouvoir affecter la compréhension d’un message en anglais oral (voir ci-après, notions de liaison et d’enchaînement).

3.1.2 L’accent de mot

L’anglais est une langue « à accent » (Carvalho et al., 2010. : 93). À cet égard, tous les mots lexicaux comportent un accent de mot et un seul : la syllabe qui porte l’accent de mot est accentuée. Lorsqu’il contient plus de deux syllabes, une seconde syllabe peut être accentuée. Elle portera l’accent secondaire25

mais l’accent de mot, aussi appelé accent primaire, reste le plus saillant. Le caractère artificiel de la séparation entre l’analyse des questions segmentales et suprasegmentales soulignée dans l’introduction de ce chapitre apparaît ici au grand jour car, en anglais, accentuer une syllabe a un effet majeur sur son contenu vocalique26

: les syllabes accentuées se distinguent non seulement par une plus grande intensité mais aussi en termes qualitatifs, par leur durée, la variation de fréquences et le timbre vocalique (Huart, op.cit. : 12). Walker (1824 : 20, cité dans Viel, op.cit. : 67) explique l’effet de l’accentuation sur le contenu vocalique par des contraintes physiologiques : « the exertion of the organs of speech necessary to

produce the accent, or stress, has an obvious tendency to preserve the letters in their pure and uniform sound. »

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Delattre souligne également les différences entre l’espagnol et l’allemand qui comportent selon lui respectivement 72% et 37% de syllabes ouvertes (ibid.).

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La notion d’accès lexical, ou accès au lexique, fait référence « aux processus qui permettent d’atteindre une ou plusieurs représentations lexicales à partir d’un input sensoriel » (Lecocq et Ségui, 1989 : 9). Les représentations lexicales seraient stockées dans un « lexique mental », défini comme « le système des connaissances que le sujet possède à propos des mots de sa langue » (ibid.)

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Voir Viel (op.cit. : 70-75) pour une discussion sur l’accent secondaire.

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L’accent de mot dans une langue à accent n’a pas nécessairement un effet sur la composante vocalique aussi marqué qu’en anglais. En espagnol par exemple, l’accent de mot n’a pas d’effet sur le niveau segmental : toutes les voyelles peuvent se trouver indifféremment dans les syllabes accentuées et non accentuées (Cutler et al., 2004 : 64).

La notion de syllabe accentuée n’est pas étrangère au système prosodique français mais elle revêt une réalité différente, à la fois sur le plan distributionnel et phonique. Viel (op.cit. : 68) explique que « le français, hors accent emphatique, est accentué sur la dernière syllabe ». Il donne des exemples de mots isolés tels que « mouTON » ou « naTURE »27 où les majuscules indiquent l’accentuation. Cependant, l’accentuation française ne correspond pas strictement à la notion d’accent de mot telle qu’elle s’entend pour l’anglais car l’accentuation de la dernière syllabe n’est pas constitutive du signifiant du mot. « Le français n’a tout simplement pas d’accent (lexical). » (Carvalho et al., op.cit. : 96). Lorsqu’un mot est étudié de manière isolée en français, sa dernière syllabe est accentuée en vertu du principe d’accentuation de la dernière syllabe du groupe intonatif (Viel, ibid.). Lorsque ce même mot est considéré au sein d’un groupe intonatif plus large, sa dernière syllabe n’est pas forcément accentuée car l’accentuation tombe sur la dernière syllabe du groupe et non sur chaque mot lexical de ce groupe. L’accent de mot, qui ne se comprend donc en français que dans les cas où les mots sont étudiés de manière isolée, n’a pas la valeur lexicale qui est la sienne en anglais où « à chaque mot est associé un schème accentuel indispensable à sa bonne perception » (Carvalho et al., ibid.).

3.1.3 Syllabes accentuées et désaccentuées

Selon Guimbretière (1994 : 35), la différence phonique entre les syllabes accentuées et non accentuées en français est assez peu contrastée et, repose essentiellement sur le critère de durée. En anglais, Roach (op.cit. : 81) distingue les syllabes « faibles » des syllabes « fortes » : « When we compare weak syllables with strong syllables, we find

the vowel in a weak syllable tends to be shorter, of lower intensity and different in quality. ».

En lien avec l’accentuation des syllabes, les sons vocaliques de l’anglais que nous venons d’étudier sont ainsi classés en fonction des catégories faibles, fortes et neutres. Selon Watbled (op.cit. : 27) et Roach (op.cit. : 81-84), le schwa est caractérisé comme

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La transcription phonémique de ces mots (/natyr/ et /mutɔ̃/) ne contient pas d’indication d’accent de mot (') car il n’est pas pertinent en français, contrairement à l’anglais : « Si l’accent était toujours prévisible, il ne ferait pas partie de la transcription phonémique (au moins en droit). Ainsi on n’indique pas l’accentuation dans les dictionnaires de prononciation française puisque l’accent est prévisible (normalement, la dernière syllabe du mot dit de façon isolée). » (Durand 2001, op.cit. : 190)

« faible » et est exclu des syllabes accentuées (ou fortes). Tous les autres sons vocaliques simples (sauf les quatre plus fermés) et toutes les diphtongues sont « forts par nature » et se prêtent parfaitement au jeu prosodique d’accentuation des syllabes. La troisième catégorie de voyelles est composée des quatre phonèmes les plus fermés (/N/, /i:/, /L/, /u:/28

) décrits comme « forts ou faibles » ou « neutres » : ils peuvent être réalisés dans des syllabes accentuées ou non accentuées.

Lorsqu’elles se trouvent dans des syllabes faibles, les voyelles neutres peuvent de surcroît subir le phénomène de réduction vocalique défini par « une neutralisation des valeurs de voyelle possibles comme noyau de la syllabe » (Duchet et Fryd, 1997 : 174). Les voyelles réduites, dont la réalisation est influencée par l’environnement consonantique (Lindblom, 1998), se caractérisent en particulier par une centralisation qui les rapproche plus ou moins du schwa. La réduction vocalique spécifique aux syllabes faibles de l’anglais fait donc tendre les voyelles vers /B/, le point le plus éloigné des autres phonèmes vocaliques français. Si l’on se place du point de vue de l’apprenant francophone, le phénomène de réduction vocalique dans les syllabes faibles encourage à parler de syllabes « désaccentuées » et non uniquement « non accentuées ».

Trois points d’achoppement lors la perception des syllabes émergent de l’étude des mots lexicaux. Le premier concerne la place de la syllabe accentuée qui a une fonction « démarcative » en français (Carvalho et al., op.cit.) car elle se trouve toujours sur la dernière syllabe du mot isolé ou du groupe rythmique. En anglais, l’accent de mot a une fonction lexicale, la fonction démarcative étant assurée par l’accent nucléaire ou tonique qui se situe à un autre niveau hiérarchique dans le groupe intonatif (voir infra Ch.1, 3.5). Si l’apprenant francophone segmente la chaîne parlée en fonction des syllabes accentuées comme il le fait en L1, il court le risque de couper les mots ou les groupes intonatifs à des endroits qui ne font pas sens. La fonction divergente de la syllabe accentuée dans chacun des systèmes produit ainsi des attentes erronées chez l’apprenant susceptibles d’entraîner une mauvaise segmentation de la chaîne parlée. Ce type d’erreur ne se produira toutefois que si l’apprenant est réellement capable de distinguer les syllabes accentuées.

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Or, à l’image du concept de « surdité phonologique » proposé par Polivanov, Dupoux et al. (1997 : 5) émettent l’hypothèse d’une « surdité accentuelle » :

Language-specific effects are not restricted to differences in the segmental inventory (or in the inventory of higher order units). Suprasegmental information, such as accent is also treated in different ways by listeners of different languages. (Dupoux et al., 1997 : 5)

Toutefois la « surdité » accentuelle postulée par les auteurs n’est pas plus physique que la « surdité » phonologique, dont nous avons vu qu’elle est liée aux écarts entre la L1 et la L2 et au rejet des traits distinctifs non pertinents pour le traitement de la L1. C’est pourquoi une partie des sujets francophones participant à l’étude menée par Peperkamp (2002) a été capable d’incorporer la notion d’accent de mot en espagnol démontrant que « la représentation phonologique est, au moins en partie, plastique » (ibid. : 102). Beck et al. (2005) et Senton et al. (2005) préfèrent ainsi décrire le phénomène comme provenant d’une « négligence » au moment de l’encodage de l’information. L’accent de mot n’étant pas un trait pertinent pour la reconnaissance des mots dans sa L1, l’apprenant francophone négligerait de le traiter en L2 ce qui, en plus d’entraver la bonne mémorisation des contours accentuels des mots de la L2, peut causer des problèmes de compréhension dans les cas où l’accentuation sert par sa fonction sémantique à distinguer des homographes.

Paradoxalement, si la plupart des études menées sur la prosodie lexicale se sont concentrées sur la (non-)perception de l’accent de mot, nous suggérons que les difficultés de compréhension de l’anglais oral les plus importantes pour un francophone pourraient se situer au niveau des syllabes désaccentuées. En effet, négliger le trait « accent de mot » ne signifie pas que l’apprenant ne discrimine pas le contenu phonémique de la syllabe considérée ; au contraire, la proéminence inhérente aux syllabes accentuées devrait en faciliter la perception. Les syllabes désaccentuées posent, elles, une double difficulté. Tout d’abord, étant absentes du système de la L1, elles peuvent, d’un point de vue cognitif, être rejetées comme des informations non pertinentes, à l’image du trait « accent de mot ». Mais, de plus, lorsqu’elles ne sont pas rejetées, le phénomène de réduction vocalique qui les caractérise peut, d’un point de vue phonologique, rendre leur contenu particulièrement difficile à discriminer pour l’apprenant francophone.

Ainsi, le problème majeur de reconnaissance des mots en anglais pourrait provenir du non-repérage ou de la non-discrimination des syllabes désaccentuées, tout autant que

de la négligence de traitement de l’accent de mot. Si cela est vrai, alors les problèmes de reconnaissance ne se limitent pas uniquement aux mots lexicaux, porteurs d’un accent primaire, mais pourraient affecter les mots grammaticaux lorsqu’ils sont considérés dans la chaîne parlée. Cette question nécessite de dépasser le cadre strict du mot et d’aborder des aspects prosodiques de niveau suprasegmental plus large. Mais avant cela, nous restons encore un peu au niveau du mot pour souligner les difficultés de perception que peuvent poser les suffixes flexionnels anglais pour un francophone.

3.2 Suffixes flexionnels

Les suffixes flexionnels sont des morphèmes liés adjoints à la fin du lexème considéré, après les éventuels suffixes dérivationnels. Une flexion est d’ordre grammatical et fait varier la forme des lexèmes en fonction de facteurs tels que le cas, le nombre, la personne, le temps, le mode et la voix (le genre n’étant pas pertinent en anglais). L’anglais comprend quatre suffixes flexionnels : -S (pour le cas génitif, le nombre pluriel, et la 3e personne du singulier au présent simple) ; -ED (temps) ; -ING (mode) ; -EN (mode et voix).

3.2.1 Les suffixes -ING et -EN

Si la notion d’affixes (préfixes et suffixes) est primordiale dans le cadre des règles complexes d’accentuation qui renseignent l’alternance entre syllabes accentuées et désaccentuées dans les mots lexicaux anglais29

, les suffixes flexionnels n’affectent pas le contour accentuel du lexème auquel ils se rattachent. En effet, même lorsqu’ils forment une nouvelle syllabe orale (/Nz/, /Nd/, /NE/ et /Bn/), ces suffixes flexionnels sont des suffixes « faibles et neutres » qui, par définition, ne dictent pas la place de l’accent dans le mot (contrairement aux suffixes forts), ne portent pas l’accent de mot et ne modifient pas le schème accentuel du mot auquel ils sont adjoints (caractère neutre) (Ginésy, op.cit. : 97). Les suffixes flexionnels appartiennent dès lors à la classe des

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Viel (op.cit. :76) explique qu’il serait « illusoire de penser qu’on puisse donner « les » règles d’accentuation de l’anglais sous la forme d’un tableau clair, concis et inattaquable. Il rajoute que « si nous parvenons à une approximation, ce sera déjà beau, car les règles s’entrecroisent et s’entrechoquent ». Deschamps et al (op.cit.), Duchet (1991) ou Ginésy (op.cit.) se sont pourtant attelés à la tâche mais la définition des suffixes et préfixes reste complexe.

syllabes désaccentuées que nous avons définie comme étant peut-être la plus difficile à percevoir pour l’apprenant francophone30

.

Les suffixes flexionnels -ING et -EN peuvent alors subir le phénomène de réduction vocalique qui rend la discrimination de leur contenu hasardeuse : les formes de citation de -ING et -EN, respectivement /NE/ et /Bn/, vont en se confondant à mesure de leur réduction.

3.2.2 Les suffixes -S et -ED

Les suffixes flexionnels -S et -ED ont quant à eux la particularité de pouvoir être réalisés de trois manières différentes. Les diverses formes orales utilisées pour exprimer une même opération grammaticale sont appelées des « allomorphes ». Comme le fait remarquer Durand (2001, op.cit. et 2005b, op.cit.), les allomorphes de -S et -ED « sont loin d’être distribués au hasard » et résultent d’une organisation interne s’appuyant sur les traits distinctifs des phonèmes. Ils sont dits « distributionnels » car ils dépendent de l’environnement phonémique immédiat.

Leur réalisation correspond à des sons consonantiques de type fricative sibilante alvéolaire (/s/ ou /z/) pour -S et plosive alvéolaire (/t/ ou /d/) pour -ED, sauf dans les cas où l’environnement qui les précède rend leur réalisation complexe. Les contraintes articulatoires au sein d’une même syllabe nécessitent alors de rajouter le son vocalique /N/ pour créer une nouvelle syllabe (respectivement /Nz/ et /Nd/). C’est le cas lorsque -S est précédé de sibilantes (/s/, /z/, /G/, /F/, /tG/ et /dF/) et -ED de plosives alvéolaires (/t/ et /d/). En dehors de ces cas, la réalisation phonique de ces suffixes obéit au principe de coarticulation (Roach, 2001 : 57-60) : les réalisations non voisées (/s/ et /t/) suivent un son non voisé et les réalisations voisées (/z/ et /d/) suivent un son voisé. En plus du problème de perception déjà mentionné, l’apprenant francophone qui ne connaît pas les variations allomorphiques des suffixes flexionnels peut ne pas en comprendre le sens et confondre, par exemple, la réalisation /Nz/ de -S suffixe flexionnel avec « is » dans sa forme forte (/Nz/).

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Paradoxalement, les verbes irréguliers à l’origine de difficultés spécifiques dans les autres compétences, sont susceptibles de poser moins de difficultés que les verbes réguliers en compréhension de l’oral en raison du procédé de changement phonétique du radical qui les caractérisent (sing / sang /

sung). La valeur grammaticale qu’ils expriment sera plus aisément discriminée, à condition que les trois

Le suffixe flexionnel -S est de surcroît la source d’un écart important entre la L1 et L2 car sa manifestation en français est uniquement graphique : les déterminants se chargent de l’information sur le nombre. En anglais, le suffixe flexionnel -S porte cette information, ce qui rend sa réalisation phonique indispensable pour la bonne transmission de l’information. De la même manière que les francophones « négligent » le trait « accent de mot », non pertinent dans leur L1, on peut supposer qu’ils négligeront de traiter la réalisation phonique de -S dans sa fonction de marqueur du pluriel. Ce non-traitement du marqueur phonique du pluriel est susceptible de se généraliser à la flexion -S marqueur de temps et de cas génitif. On expliquerait alors l’oubli systématique du -S de la 3e personne du singulier en production orale, mais aussi écrite, par un défaut d’encodage phonologique.

Parce qu’ils sont désaccentués et subissent le phénomène de réduction vocalique, parce que leur manifestation phonique varie en fonction de leur environnement phonémique et/ou qu’elle est absente de la L1, l’apprenant francophone est susceptible de rencontrer des difficultés importantes pour percevoir les suffixes flexionnels de l’anglais ou en discriminer le contenu. Ceci peut poser d’importants problèmes pour la compréhension du sens du message car ces suffixes sont autant d’indicateurs grammaticaux (cas, nombre, personne, temps, mode, voix) susceptibles d’être ignorés ou interprétés de manière erronée.

Les difficultés évoquées pour les suffixes flexionnels sont susceptibles d’affecter le repérage, la discrimination et l’interprétation d’une grande partie des mots grammaticaux de l’anglais.

3.3 Mots grammaticaux

Les mots grammaticaux dans leur forme de citation comportent un accent de mot : lorsqu’ils sont monosyllabiques, l’unique syllabe est nécessairement accentuée et réalisée avec une voyelle forte ou neutre. On dit alors du mot grammatical qu’il a sa forme « forte ». Mais contrairement aux mots lexicaux dont le schème accentuel reste

presque toujours31

intact quelle que soit la place qu’ils occupent dans la phrase, les mots grammaticaux monosyllabiques32

ont également pour la plupart une forme « faible » caractérisée par l’absence d’accent de mot. Une approche énonciative de l’ensemble de la prosodie de l’anglais permet de rendre compte de cette spécificité orale.

3.3.1 Désaccentuation des mots grammaticaux

Les mots lexicaux reçoivent obligatoirement un accent « positif » car ils relèvent