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Le niveau segmental correspond aux phonèmes, organisés en système, et à leurs allophones (Durand, 2005a : 65). La classification des phonèmes dans l’Alphabet Phonétique International (API)8

constitue une « hypothèse quant à la structure interne des systèmes » en fonction de propriétés communes récurrentes aux phonèmes appelées « traits distinctifs » (Durand, 2005b : 64). La tâche de compréhension nécessite de percevoir ces traits distinctifs et de les situer par rapport aux autres éléments du système afin qu’ils acquièrent du sens. Les diacritiques inclus dans l’API permettent de rendre compte des allophones définis non pas sur la base de traits distinctifs mais en fonction des différentes réalisations possibles de chaque phonème selon leur environnement d’occurrence9. Chomsky et Halle (1991 / 1968) ont été les premiers à décrire des règles distributionnelles permettant, entre autres, de prédire la réalisation allophonique des phonèmes en fonction du contexte.

Deux problématiques se dégagent de ces définitions générales pour le traitement du niveau segmental lors d’une tâche de compréhension de l’oral : la reconnaissance des phonèmes au sein d’un système donné et le traitement des variations du signal sonore entrant10

.

8

Cet alphabet est issu de l’Association Phonétique Internationale créée en 1886 et dont Daniel Jones, auteur de l’EPD fut successivement secrétaire général et président (Viel, op.cit. : 31). Selon Durand (2005a, op.cit.), la notation de l’API est sans doute la plus répandue dans le monde de la phonétique et phonologie.

9

Une transcription contenant ces diacritiques et rendant compte des réalisations allophoniques est dite « phonétique » ou « allophonique ». Elle est généralement proposée entre crochets. Une transcription « phonémique », notée entre barres obliques, rend uniquement compte des traits distinctifs. Dans le reste de ce travail, nous nous en tenons à des transcriptions phonémiques sauf dans les cas où une transcription allophonique illustre notre propos.

10

Nous ne postulons pas ici que le traitement du niveau segmental est premier. Pour une discussion des processus cognitifs impliqués dans le traitement perceptif du signal, voir Hulstijn (2003 et 2007), Le Calvez et al (2007) et Nguyen (2005). Ce dernier conclut qu’il ne semble pas se dégager de consensus en ce qui concerne la nature de l’unité perceptive de base en dépit de nombreuses recherches et de longs débats. Hulstijn émet l’hypothèse d’un traitement hybride mêlant l’approche connexionniste et symboliste.

2.1 Notion de « crible phonologique »

En prêtant attention aux différentes sources sonores qui l’entourent, le nouveau-né différencie non seulement les bruits des sons mais distingue très tôt les sons de sa propre langue maternelle grâce à sa capacité innée à discriminer les sons (Kuhl, 2000). Selon la théorie de « l’aimant perceptuel de la langue maternelle » (« Native Language

Magnet » ou « NLM »), dont Kuhl et al. (2008) présentent un modèle enrichi, dans les

six premiers mois le nouveau-né est capable de discriminer les sons de toutes les langues grâce à ses facultés biologiques générales. Dans la seconde phase, l’enfant construit des représentations phonétiques à partir des propriétés distributionnelles des sons qu’il entend : les représentations les plus souvent activées deviendraient des « prototypes » qui attirent toutes les réalisations phoniques s’en rapprochant. Dans la troisième phase, autour de onze mois, l’effet de l’aimant perceptuel faciliterait la compréhension de la langue maternelle.

2.1.1 L’effet de l’aimant perceptuel

L’exposition de l’enfant à la langue maternelle produirait des réseaux neuronaux dédiés spécifiquement à son encodage et à son décodage qui permettrait d’améliorer de manière exponentielle son acquisition.

Mais les contraintes neuronales favorisant les sons de la langue maternelle (« native

language neural commitment ») contribueraient dans le même temps à diminuer la

capacité universelle à discriminer les sons des autres les langues. Les réseaux neuronaux attentionnels hautement spécialisés viendraient interférer avec la discrimination des sons en langues étrangères en rejetant les schémas non reconnus, ou en les attirant vers des schémas connus en L1 et non adaptés à la L2. Selon Kuhl et al. (ibid.), la contrainte exercée par les réseaux neuronaux de la L1 varie en fonction de l’âge :

We argue that early exposure to language shapes these attentional networks, and that in adulthood, they make second language learning difficult. Early in infancy, neural commitment is a ‘soft’ constraint; infants’ networks are not fully developed and therefore interference is weak and infants can acquire more than one language. (Kuhl et al., 2008 : 983)

2.1.2 La surdité phonologique

Ces travaux font écho à la notion de « surdité phonologique » (Polivanov, 1931) selon laquelle l’apprenant d’une L2 serait « sourd » aux sons étrangers à sa L1.

Cependant, Magnen et al. (2005) et Gaillard et al. (2006) soulignent que les apprenants sont capables de déterminer qu’un son n’appartient pas à leur langue maternelle, ce qui démontrerait qu’ils entendent au moins une partie des sons étrangers. Leurs conclusions rejoignent la notion de « rejet » proposée par Kuhl et al., et vont dans le sens du concept de « crible phonologique » (Troubetzkoy, 1986 / 1949) proposé à la suite de Polivanov pour nuancer la notion de « surdité » :

Le système phonologique d’une langue est semblable à un crible à travers lequel passe tout ce qui est dit. […]. Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement inexacte, puisqu’on les fait passer par le ‘crible phonologique’ de sa propre langue. (Troubetzkoy, 1986 / 1949 : 54-56)

Le concept d’aimant perceptuel appliqué à la question de la discrimination des sons en L2 fournit un cadre théorique au crible phonologique de Troubetzkoy. En effet, la théorie de l’aimant perceptuel postule l’existence de représentations prototypiques des sons en L1 dont l’objet est de traiter les variations d’un même son comme appartenant à une catégorie unique. En L1, ces prototypes auraient un rôle d’attracteur attirant à eux tous les sons physiquement proches (Kuhl et al., op.cit.). Rost (2011 : 121) illustre de manière schématique cet effet :

Figure 3 - Illustration du rôle d’attracteur joué par la représentation prototypique du son /N/ en anglais (Rost, 2011 : 121).

Si, comme le prédisent Troubetzkoy et Kuhl et al., les sons de la L2 sont traités par le système phonologique de la L1, deux hypothèses de travail peuvent être émises dans le cadre de la compréhension d’un message oral en L2. Tout d’abord, en vertu du principe de contraintes neuronales favorisant les sons de la langue maternelle (angl.

parce qu’ils ne correspondent pas à ceux de la L1. Ensuite, selon le principe de l’aimant perceptuel, les sons de la L2 proches des prototypes de la L1 pourraient ne pas se trouver rejetés mais, au contraire, se trouver attirés par ces prototypes. Ceci aurait pour conséquence de mener à une interprétation inexacte des sons déformés par le système déjà en place.

Étant donnée cette influence de la L1 sur le traitement de la L2, nous décrivons le système consonantique et vocalique de l’anglais dans le but de déterminer les écarts avec le système consonantique et vocalique français.

2.2 Système consonantique

Selon l’un des six principes émis en 1888 lors de la création de l’API (Durand, 2005a, op.cit. : 59), chaque son qui peut changer le sens d’un mot s’il est employé à la place d’un autre son dans la même langue est un son distinctif au sein du système phonémique de la langue considérée. Les phonèmes de chaque langue sont ainsi déterminés en fonction de « paires minimales » qui signalent une opposition sémantique entre deux mots sur la base d’un seul phonème.

Le tableau de l’API classe les sons consonantiques selon leur point et leur mode d’articulation mais aussi en fonction de la vibration, ou non, des cordes vocales qui aboutissent respectivement à un son sonore (voisé) ou sourd (non voisé)11

. Il décrit les sons consonantiques de toutes les langues12

. L’anglais compte 24 sons consonantiques distinctifs contre 20 en français13

.

11

Watbled (2005 : 9) rappelle que les cordes vocales sont en fait des replis musculaires (angl. vocal

folds) qui, par une succession très rapide d’ouvertures et de fermetures glottales produisent un son

voisé. Lorsque la glotte reste ouverte, l’air passe librement et le son est non voisé.

12

Pour une description exhaustive des points et mode d’articulation des consonnes de l’API voir en particulier Durand (2005a, op.cit.).

13

Nous incluons dans ce décompte les « semi-voyelles » (/j/ et /w/ dans les deux langues) car elles présentent des difficultés en réception plus proches de celles relatives au système consonantique qu’au système vocalique. Soulignons ici que l’élision du /j/ (angl. yod dropping) est très répandue en GA (Carr et al., op.cit. : 62 et Jobert, op.cit. : 103).

2.2.1 Systèmes consonantiques anglais et français

Huart (2002 : 72) propose un tableau des systèmes consonantiques anglais et français. Nous proposons ci-dessous un tableau similaire en mettant en valeur par des couleurs les écarts entre les deux systèmes.

Par convention, lorsque deux consonnes se trouvent dans une même case, celle de gauche est non voisée et celle de droite voisée. Nous avons noté en noir tous les sons consonantiques communs aux deux langues, soit 19 au total :

Tableau 1 - Écarts entre les systèmes consonantiques anglais et français à partir du tableau des consonnes de l’API.

Le phonème /Q/ (<gn> de « agneau ») est le seul noté en bleu car il est le seul phonème consonantique du français qui n’existe pas en anglais. Cette différence est susceptible de poser des difficultés lors de la prononciation de la suite orthographique <gn> mais ne devrait pas être un obstacle en compréhension en raison du rapport régulier graphie-phonie entre /g/ et <g> et /n/ et <n>.

Les quatre phonèmes notés en rouge sont des phonèmes anglais qui n’existent pas en français : ils constituent donc un écart entre les deux systèmes et peuvent être un obstacle à la compréhension.

Les phonèmes notés en orange n’existent pas en français mais leur reconnaissance ne devrait pas être problématique car ils correspondent respectivement à la combinaison de deux paires de phonèmes connus en français, /t/ et /G/ et /d/ et /F/. Huart (ibid.) note d’ailleurs que ces combinaisons apparaissent dans des mots français tels que « match » ou « adjoint ».

2.2.2 Le phonème /rrrr/

Le phonème /r/ est commun aux deux langues et n’est donc pas noté en rouge. Mais sa réalisation phonétique est différente dans chacune : [ʁ] pour le français et [ɹ] pour l’anglais. Ces deux réalisations n’étant pas en opposition phonémique en anglais, la théorie de l’aimant perceptif prédit la catégorisation de la variante [ɹ] dans la classe /r/, ce qui devrait éviter des difficultés de perception pour les francophones. Huart (ibid. : 70) note toutefois une confusion possible entre /r/ et /G/ ou /F/ après les sons /t/ et /d/.

Comme nous le verrons ci-après, c’est surtout la présence de la consonne graphique <r> qui est susceptible d’entraîner des problèmes de reconnaissance (des voyelles) selon la variété d’anglais considérée, RP ou GA.

2.2.3 Le phonème /ɾ/

Parmi les quatre phonèmes anglais absents du système consonantique français, on remarquera la présence du « tap » ou « flap », /ɾ/, phonème spécifique à l’anglais américain et qui constitue une réalisation allophonique distributionnelle de /t/ et /d/ lorsqu’ils sont entre deux voyelles. La différence entre les phonèmes /t/ et /d/ est alors neutralisée (Carr et al., op.cit.), ce qui peut engendrer une difficulté pour l’apprenant francophone susceptible de confondre, par exemple, « coated » et « coded », homophones en GA mais pas en RP.

2.2.4 Le phonème /hhhh/

Le deuxième phonème anglais noté en rouge dans le tableau ci-dessus est /h/. Il ne devrait pas subir l’effet de l’aimant perceptuel car il n’est proche d’aucun phonème français. Cependant, pour qu’il soit reconnu et non uniquement rejeté comme étranger, l’apprenant doit construire des marques phonétiques pertinentes afin d’en établir un prototype en L2. Huart (op.cit. : 71) montre la difficulté de ce processus lorsqu’elle fait remarquer que « l’absence de distinction entre /h/ et Ø est notamment responsable pour moitié de la confusion persistante entre whole et all ». Pour construire une représentation prototypique de /h/, l’apprenant peut s’appuyer sur la stabilité du rapport graphie-phonie /h/-<h>, même si une difficulté en reconnaissance peut se situer dans la reconstruction de la lettre <h> lorsque celle-ci est muette. Dans un cas tel que « our » et « hour », par exemple, l’apprenant devra s’appuyer sur ses connaissances grammaticales et lexicales pour les dissocier.

2.2.5 Les phonèmes /JJJJ/ et /IIII/

Les phonèmes /J/ et /I/ correspondent à la réalisation voisée et non voisée d’une

dentale fricative non sibilante. Ils sont sans doute les deux phonèmes consonantiques anglais les plus connus par les apprenants francophones tant ils posent problème en production de l’oral. En compréhension, ils sont assez proches des phonèmes français labio-dentales /f/ et /v/ ainsi que des phonèmes alvéolaires /s/ et /z/ et pourraient, de fait, subir l’effet de l’aimant perceptuel de la L1 entraînant des contresens par la confusion possible des mots « thin », « sin » ou « fin », par exemple. Cependant, l’hypothèse de Ziegler et Goswami (op.cit.) permet d’avancer que leur reconnaissance devrait être facilitée par la stabilité de leur réalisation orthographique unique <th>.

Cette même hypothèse rappelle que l’opacité bidirectionnelle entre la plupart des consonnes graphiques et les sons consonantiques peut engendrer des difficultés. La consonne <c> par exemple se prononce de quatre manières différentes (/s/, /k/, /G/ et /tG/) et le son consonantique /G/ peut être réalisé à partir d’au moins autant de consonnes ou groupes consonantiques (<c>, <s>, <ch>, <sh>, <sc>) (Ginésy, 1995 ; Deschamps, 1994). Cette opacité ne relève pas spécifiquement de la discrimination des sons consonantiques et explique en partie la difficulté du système vocalique pour l’apprenant francophone.

2.3 Système vocalique

Les sons vocaliques peuvent être décrits en termes de fréquences14. Ils comprennent une fréquence fondamentale (F0, la fréquence la plus basse) dont l’amplitude est

modifiée par l’ensemble des résonateurs formés par la cavité pharyngo-buccale. Les résonateurs donnent lieu à des formants qui définissent le timbre de chaque voyelle. Ces formants sont notés en allant des basses fréquences vers les hautes (Roach, 2009). Une analyse acoustique avec un logiciel tel que PRAAT (Boersma et Weenink) fait apparaître ces formants dans le spectre sonore.

14

Une fréquence est définie par « le nombre de cycles identiques d’un phénomène par unité de temps » (Le Nouveau Petit Robert, 2008 – notre dictionnaire de référence pour la langue française). Il s’agit pour le son du nombre d’oscillations (ou vibrations) de l’onde par seconde. Plus la fréquence de l’onde sonore est élevée, plus le son est aigu.

2.3.1 Systèmes vocaliques anglais et français

Depuis les premiers travaux de l’API, l’espace vocalique est organisé en trapèze autour de deux grands axes articulatoires décrivant le déplacement de la masse de la langue à l’intérieur de la cavité orale selon son aperture et sa rétraction (Durand, 2005a,

op.cit. : 78). Le trapèze suivant des sons vocaliques du français illustre ces deux axes

articulatoires :

Figure 4 - Trapèze des sons vocaliques du français (Germain-Rutherford, 2005a).

Modifier la forme de la cavité pharyngo-buccale influence l’ensemble des résonateurs, ce qui change les fréquences des formants et le timbre du son vocalique. Ladefoged (2001 : 192-200) a montré la corrélation entre les caractéristiques articulatoires des voyelles et la qualité acoustique des formants :

Figure 5 - Lien entre l’articulation des voyelles simples de l’anglais et la valeur acoustique de leurs formants (Ladefoged, 2001 : 218 repris par Fang, 2010).

Les formants F1 et F2 sont ici corrélés au trapèze vocalique de l’API. L’axe vertical

du trapèze, qui décrit l’aperture de la cavité buccale, correspond à F1 : plus la langue est

basse et la cavité ouverte, plus la fréquence du formant F1 est haute. L’axe horizontal

correspond aux différentes valeurs du formant F2 : plus la langue est rétractée (ou

postérieure) et la cavité buccale longue, plus la fréquence de F2 est basse.

Les valeurs de F1 et F2 spécifiques à chaque son vocalique des systèmes de l’anglais

et du français fournissent une échelle de comparaison permettant de mesurer les écarts entre les deux systèmes15 :

Système vocalique français D’après Delattre, 1954 cité dans

Munot et Nève, (2002 : 52)

Système vocalique anglais D’après Wells (1962, Tableau 4) Phonèmes (sauf nasales) Valeurs de F1 Valeurs de F2 Phonèmes (sauf diphtongues) Valeurs de F1 Valeurs de F2 /i/ 240 2500 /i:/ 285 2375 /y/ 240 1850 /N/ 355 2100 /u/ 240 750 /u:/ 375 950 /e/ 350 2200 /L/ 310 940 /ø/ 350 1600 /e/ 570 1965 /o/ 350 865 /B/16 665 1775 /ɛ/ 510 1950 /M:/ 580 1380 /œ/ 510 1400 /C:/ 450 735 /C/ 510 1000 /W/ 750 1545 /a/ 650 1400 /H/ 720 1235 /ɑ/ 650 1200 /a:/ 680 1080 /K/ 600 890

Tableau 2 - Fréquences des formants F1 et F2 des sons vocaliques du français et de l’anglais.

Le tableau ci-dessus montre que les formants F1 et F2 des sons vocaliques du français

et de l’anglais sont tous de fréquences différentes. Tous les sons vocaliques de l’anglais sauf le schwa sont donc nouveaux : alors que l’apprenant francophone peut s’appuyer sur ses connaissances du français pour traiter un certain nombre de phonèmes

15

Les valeurs des formants F1 et F2 ne sont pas absolues et varient entre certaines limites en fonction du

locuteur, ce qui pose des problèmes de variation que nous abordons ci-après (Ch.1, 2.4).

16

Les formants F1 et F2 du schwa n’ont pas été mesurés par Wells. Les données proposées ici sont

consonantiques anglais, son système vocalique maternel ne l’aide pas pour le traitement des sons vocaliques de l’anglais.

De plus, si le schwa est connu puisqu’il s’agit du son du <e> dans « petit », il reste difficile à repérer en raison du décalage entre les attentes liées à la L1 où il est réalisé dans des contextes spécifiques relativement restreints et sa distribution en L2. En effet, comme son nom l’indique, le e muet correspond toujours à la lettre <e> en français alors qu’en anglais toutes les voyelles écrites, seules ou suivies d’un <r>, peuvent être réalisées par le schwa pourvu qu’elles se trouvent dans une syllabe inaccentuée17. En outre, certains digraphes pourtant particulièrement rebelles à la « réduction » (notion sur laquelle nous reviendrons) peuvent aussi être réalisés par /B/ : <ai>, <ei>, <oi>, <-our>, <-ous> (Ginésy, op.cit. : 33).

En observant la première colonne de valeurs du tableau ci-dessus, on pourra être frappé par la régularité de F1 dans le système vocalique français ainsi que par la

régularité des écarts entre chacune des voyelles. Munot et Nève (ibid. : 54) soulignent « la fermeté avec laquelle chaque voyelle prend une position bien distincte » en français18

. En comparaison, l’irrégularité relative des valeurs de F1 et les écarts moins

marqués entre les différents sons du système vocalique anglais sont susceptibles de provoquer chez l’apprenant francophone un sentiment d’instabilité augmenté par la présence de huit diphtongues qui s’ajoutent, en RP, aux douze sons simples notés dans le tableau, pour un total de vingt sons vocaliques. Ces diphtongues se caractérisent par le glissement d’une voyelle simple vers un timbre plus fermé (/eN/, /aN/, /CN/, /BL/ et /aL/) ou vers le centre du trapèze (/NB/, /eB/ et /LB/). Le glissement des diphtongues vers le schwa est caractéristique de l’anglais britannique et absent de l’anglais américain en raison de son caractère rhotique : GA compte uniquement cinq diphtongues19. De plus, la distinction phonémique en RP entre voyelles dites « tendues » et « relâchées » n’est pas toujours conservée en GA.

17

Voir la section « Comportement général du e caduc » sur le site officiel du projet PFC (Phonologie du Français Contemporain) : http://www.projet-pfc.net/.

18

Les quatre voyelles nasales absentes du tableau sont elles aussi bien distinctes de toutes les autres comme on peut le constater dans la figure 6 ci-dessous qui comprend les quinze sons vocaliques du français.

19

En GA, /BL/ correspond à /oL/ (Jobert, op.cit. : 100). Les combinaisons diphtongue + schwa en RP, souvent appelées triphtongues (Watbled, op.cit. : 81), deviennent diphtongue + /r/ en GA.

Même dans sa version américaine globalement plus « simple » (Carr et al., ibid. : 65), le système vocalique anglais reste complexe pour l’apprenant francophone. À l’image du tableau 2 ci-dessus, le trapèze vocalique ci-dessous synthétise cette complexité en faisant ressortir les différences entre le système vocalique français en bleu et le système anglais en rouge :

Figure 6 - Trapèze des sons vocaliques du français et de l’anglais américain (Germain- Rutherford, 2005b).

Le système vocalique anglais comprend un plus grand nombre de sons répartis sur un espace plus resserré et sur des positions plus rapprochées les unes des autres, ce qui peut rendre leur discrimination difficile.

2.3.2 Problèmes de discrimination des sons vocaliques de l’anglais

Cette difficulté de discrimination des phonèmes de la L2 peut être augmentée par