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À travers l’état des lieux de la question des outils disponibles pour l’écoute d’un document vidéo ou sonore, nous nous intéressons au lien entre l’évolution des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et l’utilisation qui en est faite pour l’enseignement / apprentissage de la compréhension de l’anglais oral. Nous décrivons comment ces technologies ont permis de passer d’une écoute en groupe- classe à une écoute individuelle, puis abordons la transformation des laboratoires à bandes puis à cassettes en laboratoires multimédias de langue. Nous définissons ensuite les caractéristiques générales du type d’écoute non réciproque56 apparemment le plus répandu actuellement, que nous nommons « l’écoute par défaut ». Nous nous intéressons enfin à différents logiciels issus de la recherche en didactique de l’anglais en France pour savoir en quoi ils pourraient permettre de dépasser les limites constatées de l’écoute par défaut.

2.1 De l’écoute en groupe-classe à l’écoute individuelle

Avant l’installation des premiers laboratoires de langue à bandes, puis à cassettes, et la démocratisation des magnétophones personnels à la fin des années 70, le contenu sonore était diffusé à l’ensemble de la classe par la seule voix de l’enseignant, ou par le biais d’un magnétophone professionnel, lui aussi contrôlé par l’enseignant. L’un des apports majeurs des innovations technologiques pour le travail de compréhension de l’oral a donc été de permettre l’individualisation de l’écoute.

2.1.1 Gestion des niveaux et des profils d’apprentissage

L’écoute individuelle est indispensable pour s’adapter au niveau particulièrement hétérogène des étudiants dans le domaine LANSAD. Elle permet à chacun de travailler à son rythme et d’interagir avec la machine pour réguler le flux continu de paroles et

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Julié (1998 : 33) distingue l’écoute « réciproque » (situation authentique d’interaction où l’énonciateur et le co-énonciateur échangent des messages dans un mouvement continu de va-et-vient) et l’écoute « non réciproque » pour laquelle l’énonciateur n’a qu’un statut de récepteur du message et n’en produit pas en retour.

revenir sur ce qui lui pose problème. Roussel et al. (2006 : 8) ont confirmé que l’écoute individuelle « améliore de façon significative la compréhension de tous ».

L’écoute individuelle est aussi un moyen de prendre en compte le « profil d’apprentissage » de chaque apprenant, défini par « les dispositions, relativement stables et permanentes chez un individu, à recueillir et à traiter l'information selon des modes préférentiels distincts » (Linart, 1990 : 130). Le questionnaire57 établi par Narcy (1991 : 28-29) dans la perspective spécifique de l’apprentissage des langues étrangères mesure « l’attitude cognitive initiale » des apprenants selon des tendances que Rézeau (1999 : 28) a identifiées à des « styles » d’apprentissage :

Profils d’apprentissage selon Narcy (ibid.)

Styles correspondants aux profils d’apprentissage selon

Rézeau (ibid.) Profil Gauche Profil Droit

Visuel Auditif Perceptif

Analytique (sérialiste) Globalisant Cognitif

Dépendant Indépendant Socio-psychologique

Timide Expansif (extraverti) Socio-affectif Pointilliste (perfectionniste) Réaliste Personnel

Tableau 5 - Les profils d'apprentissage par styles d’apprentissage, d’après Narcy (1991) et Rézeau (1999).

Chaque individu aurait un profil, un mode préférentiel de traitement des données privilégiant un hémisphère du cerveau par rapport à l’autre. Tout en admettant « la portée limitée des données de [son] enquête et de leur analyse », Rézeau (ibid. : 32) suggère que par leur style, majoritairement auditif et globalisant, les étudiants spécialisés en langues s’opposent aux étudiants LANSAD dont une proportion significative aurait un profil plus visuel et analytique. Le but du questionnaire de Narcy n’est toutefois pas d’expliquer le niveau de performances en langue des apprenants, tel que le suggère Rézeau, mais de permettre à chacun de comprendre ses tendances pour « rééquilibrer sa manière de percevoir, de traiter et de réorganiser l’information » (Narcy, 1990 : 237).

Le travail de restitution en compréhension de l’oral proposé dans le point précédent sera par exemple approché différemment selon qu’un étudiant a un profil plus analytique et pointilliste ou un profil plus globalisant et réaliste.

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Le travail individuel d’écoute semble indispensable à la prise en compte de ces différents profils et les « contraintes horaires » liées au cadre didactique de l’enseignement des langues en LANSAD peut encourager à recourir à la « baladodiffusion ».

2.1.2 La baladodiffusion

La baladodiffusion, qui consiste à écouter sur un lecteur personnel tout document sonore au format numérique, est aujourd’hui encouragée par tous les textes officiels du Ministère de l’Éducation Nationale (MEN)58. Dans le rapport 2009 de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale (IGEN), elle est posée comme un moyen de pallier « les limitations inhérentes au fonctionnement d’un établissement scolaire (horaires, équipements, etc.) » pour « augmenter le temps d'exposition des élèves à une langue authentique ». L’évolution des TIC appliquée à l’enseignement / apprentissage de la compréhension de l’oral est ainsi décrite comme un élément clé du travail d’écoute individuel.

Cependant, encourager les apprenants à travailler leurs compétences orales individuellement chez eux n’est pas nouveau : tous les livres-élèves du secondaire étaient accompagnés de cassette-élève au début des années 90, puis de disque compact vers la fin de la décennie. La mobilité inhérente à la baladodiffusion était par ailleurs déjà possible avec le baladeur à cassette démocratisé dans les années 90.

L’aspect novateur de la baladodiffusion pour le travail de compréhension de l’oral semble donc davantage résider dans la facilité avec laquelle l’apprenant ou l’étudiant peut, seul par le biais d’internet, accéder à un nombre infini de ressources orales authentiques grâce au format numérique actuel des fichiers-sons59.

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Voir rapport IGEN 2009 disponible (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports- publics/104000137/index.shtml?xtor=RSS-436) et les circulaires de février et mars 2010 : http://www.education.gouv.fr/cid50475/mene1002838c.html et

http://www.education.gouv.fr/cid50863/mene1006812c.html

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Le format .mp3, diffusé depuis 1995, a révolutionné l’écoute du son numérique grâce à des temps de téléchargement réduits et une facilité de stockage accrue des fichiers, beaucoup plus légers que les formats .wav. Comme constaté sur notre ordinateur, des fichiers-sons pesant, par exemple 12,4Mo et 248Ko au format .wav, ne pèsent respectivement plus que 1,13Mo et 24Ko lorsqu’ils sont compressés au format .mp3.

La question posée est celle de l’apport du passage au numérique pour l’enseignement / apprentissage de la compréhension de l’oral que ce soit par la baladodiffusion ou par la transformation des laboratoires à cassettes en laboratoires multimédias depuis le milieu des années 2000.

2.2 Du laboratoire à cassettes au laboratoire multimédia

Les laboratoires de langue, importés des États-Unis, ont été introduits avec la méthodologie audio-visuelle en France. Le magnétophone à cassette, mis à disposition de chaque élève, contenait une « piste professeur » et une « piste élève » pour la mise en œuvre des exercices basés sur le schéma S-R, tels qu’ils étaient prévus à l’origine (voir

supra, Ch.1, 1.1.5).

2.2.1 Le format laboratoire

La présence d’un magnétophone « virtuel » contenant de base l’accès à deux fichiers- sons, l’équivalent d’une double piste professeur / élève, est aujourd’hui une distinction importante entre une « salle d’ordinateurs » et un « laboratoire multimédia de langue » car elle reflète l’une des spécificités des besoins en langues.

Un ensemble d’ordinateurs connectés en réseau ne suffisent ainsi pas à former un laboratoire multimédia de langue qui réclame, outre un réglage spécifique des cartes sons et graphiques, des fonctionnalités ciblées répondant aux besoins de l’enseignement des langues. Un laboratoire multimédia de langue est en particulier défini par l’intégration réfléchie du mobilier et de l’informatique à la solution pédagogique et didactique qui peut être à la fois logicielle et matérielle (Terrier et Vaillant Sirdey, op.cit.). Le travail individuel de l’apprenant y est en effet guidé par l’enseignant (Bertin, 1998) et soutenu par différents outils et médias (Cazade, 2000a) laissant à chacun la possibilité d’adapter son rythme et sa méthode de travail à son profil d’apprentissage, quelle que soit la compétence travaillée.

La compréhension de l’oral n’est qu’un cas particulier des compétences pouvant être travaillées et c’est, selon F. Pézin, Directeur Général Délégué de l’entreprise Télévic pour l'activité Éducation, la possibilité de travailler toutes les compétences qui a favorisé la transformation des laboratoires à cassettes en laboratoires multimédias :

« Sur toutes les années 2000, la tendance forte était un choix vers une solution multimédia, permettant d'aborder plus de compétences. » (Annexe 4).

L’un des arguments forts en faveur de l’utilisation des laboratoires multimédias de langue pour le travail spécifique de compréhension de l’oral, outre les outils disponibles de base (Cazade, ibid.), est qu’ils permettent d’individualiser l’écoute. Il faut toutefois noter que les laboratoires à cassettes permettaient déjà cette individualisation qui paraît donc davantage liée au « format » laboratoire qu’aux outils qu’il contient. Ce format fournit en effet à chaque étudiant un poste de travail individuel pour manipuler à souhait le document sonore, au format analogique ou numérique, grâce en particulier aux boutons de lecture, de pause, d’arrêt et de retour en arrière (celui d’avance rapide étant généralement moins utilisé en compréhension de l’oral).

La possibilité d’individualiser l’enseignement / apprentissage dans les laboratoires de langues encourage à penser leur architecture dans la perspective d’y implanter un nombre maximum de postes étudiants, en plus du poste professeur. La disposition qui consisterait à organiser les postes de travail « […] en arc de cercle, ou mieux en tables rondes permettant un travail communicatif en petit groupe et face à face » (Ginet, 1997 : 94) ne permet pas d’optimiser le nombre de postes au mètre carré et semble aller à l’encontre de ce qu’explique l’auteur quelques pages plus loin : « L’état de la recherche sur l’acquisition d’une langue fait ressortir que l’écoute joue un rôle fondamental dans l’acquisition de la compétence communicative, et que par conséquent il faudrait pouvoir donner à nos apprenants beaucoup plus de temps d’écoute que nous le faisons. » (ibid. : 127).

Si l’individualisation de l’écoute semble avant tout liée au format « laboratoire », l’outil « multimédia » multiplie les possibilités d’approches de l’enseignement / apprentissage de la langue et facilite la prise en compte des profils d’apprentissage de chacun grâce à la possibilité qu’il offre d’intégrer différents médias sur un support unique.

2.2.2 Le multimédia

Le terme « multimédia » date, selon notre dictionnaire de référence, de 1980. Dans sa première acception, il est défini comme un objet « qui concerne plusieurs médias, qui est diffusé par plusieurs médias ». En ce sens, enseigner les langues à l’aide du multimédia impliquerait que l’on propose aux apprenants différents médias pour

diffuser l’information, un média étant défini comme « un moyen de diffusion, de distribution ou de transmission de signaux porteurs de messages écrits, sonores, visuels ».

Cependant, comme l’a montré l’analyse diachronique des méthodologies, il n’a pas fallu attendre les laboratoires multimédias de langue pour travailler au moyen du multimédia : depuis longtemps l’enseignant fait varier les médias en utilisant sa voix, le tableau et les images du livre, outils auxquels se sont ajoutés des supports de diffusion plus « modernes » : rétroprojecteur puis vidéoprojecteur, télévision et magnétophone puis haut-parleurs reliés à un ordinateur. Les médias utilisés se sont ainsi multipliés pour présenter les savoirs et animer le groupe classe. En intégrant de manière raisonnée ces différents médias, les enseignants de langues s’inscrivent de fait dans une « didactique multimédia des langues » (Toma, 2005).

Dans sa deuxième acception le terme « multimédia » réfère à une « technologie intégrant sur un même support des données numérisées de différentes natures (son, texte, images fixes ou animées) ». Foucher (1998 : 6) parle « d’image multimédia » dans laquelle il ne s’agit plus de superposer les différents médias, mais de les intégrer les uns aux autres. Les laboratoires multimédias sont un outil unique de cette intégration des différents médias sur un seul support pour l’apprenant. L’ordinateur combine sur un même espace son, image, texte mais aussi aides en ligne par le biais d’internet et donne la possibilité à chacun de travailler individuellement dans son espace multimédia.

2.3 Les modes d’écoute

Étant à la recherche de modes d’écoute qui autorisent, par le biais du multimédia, un travail précis sur la langue nécessaire à la tâche de restitution, nous avons étudié la mise à disposition de documents vidéo ou sonores sur des sites internet dédiés à l’apprentissage (BBC Learning English, VOA Learning English, et le blog « Vigilangues » crée par J. Sabiron de l’Université de Poitiers etc.), ainsi que sur la plateforme d’enseignement « Moodle » utilisée dans notre cadre institutionnel. Nous avons également analysé les modes d’écoute disponibles dans des dispositifs d’apprentissage payants en ligne (Tell me More, Vocable, MyCow). Nous avons enfin

comparé les magnétophones virtuels inclus dans les solutions de laboratoires multimédias de langue clés en main fournis par trois grandes entreprises60.

Cette étude nous a permis de repérer les caractéristiques d’écoute communes à tous ces outils pour décrire un mode d’écoute « par défaut », défini comme le mode d’écoute le plus couramment mis à disposition des apprenants pour le travail de compréhension de l’anglais oral dans un environnement multimédia.

2.3.1 Description de l’écoute par défaut

Sur les sites en ligne et la plateforme pédagogique Moodle, la visualisation de la vidéo ou l’écoute du document sonore se fait soit en flux continu (« streaming ») grâce à un lecteur incrusté dans la page web, soit par téléchargement préalable du fichier qui est ensuite lu par l’un des lecteurs numériques installés dans l’ordinateur considéré, en fonction de ses réglages. Le fichier s’ouvrira alors dans la majorité des cas avec l’un des lecteurs numériques les plus courants soit, dans l’ordre alphabétique, le lecteur « Apple

QuickTime », le lecteur « Real Player », le « Lecteur multimédia VLC » (désigné par

« VLC » dans le reste du texte) et le « Lecteur Windows Media » (désigné par « LWM »).

Dans les dispositifs d’apprentissage payants étudiés, le document vidéo ou sonore est joué dans un lecteur incrusté à l’application et le document n’est généralement pas téléchargeable61

.

Les magnétophones virtuels livrés avec les solutions « laboratoire multimédia clé en main » se distinguent de ceux susmentionnés car ils contiennent une double piste virtuelle professeur / élève, qui fait écho à la double piste disponible au temps des laboratoires à cassettes et qui permet à l’étudiant de travailler en mode « audio-actif- comparatif » par lequel l’étudiant s’enregistre sur le fichier élève (par exemple pour effectuer un exercice de répétition) tout en laissant intact le fichier professeur.

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Les magnétophones virtuels des trois grands fournisseurs de laboratoires de langues clé en main (dans l’ordre alphabétique : Edu4, Tecnilab et Télévic Éducation) que nous avons étudiés se nomment respectivement : Vocalab, Logolab et VACS.

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Le dispositif Vocable présente la particularité de comprendre, en plus du lecteur de base, un lecteur « karaoké » qui, à mesure que le document sonore est joué, surligne les phrases dans l’article correspondant.

Cependant, quel que soit le lecteur multimédia considéré, et la nature du document vidéo ou sonore, tous ont en commun d’offrir un mode d’écoute comparable à celui proposé sur des sites internet destinés aux locuteurs natifs et non pas dédiés à l’apprentissage des langues tels que, BBC Radio, BBC TV, CNN Video, NPR ou VOA

News, par exemple.

Le lecteur contient les boutons de lecture, de pauses et d’arrêt qui permettent au locuteur natif comme à l’apprenant de lancer et d’arrêter la lecture à sa convenance. Il contient une barre de défilement horizontale dont la longueur varie en fonction de la taille de l’écran du médium et de la possibilité de réglage de la taille de la fenêtre du lecteur (lorsqu’il n’est pas incrusté). La navigation dans le document se fait à l’aide d’un curseur sur cette barre de navigation horizontale (plutôt qu’en appuyant sur les boutons de marche arrière ou d’avance rapide comme au temps des cassettes). Le bouton de réglage du volume sonore est généralement le seul bouton de réglage explicite.

Nous appelons cette situation d’écoute « l’écoute par défaut » et constatons que ses caractéristiques générales correspondent à la fois au travail d’écoute sur support multimédia (sur un ordinateur, un baladeur numérique, un téléphone portable ou une tablette par exemple) et au travail d’écoute sur support analogique (sur magnétophone ou baladeur cassette). Le mode d’écoute d’une émission télévisée enregistrée sur un magnétoscope ou plus récemment sur un lecteur-enregistreur DVD pourrait, dans ses grandes lignes, être défini de la même manière.

L’utilisation de cette écoute par défaut, destinée en premier lieu au locuteur natif, pour le travail de compréhension de l’oral présente, selon nous, un exemple de décalage entre les innovations technologiques et les innovations didactiques. Malgré le passage des documents sonores et vidéo du format analogique au format numérique, le mode d’écoute proposé à l’apprenant semble ne pas avoir changé, et nous constatons avec Brodin (2002 : 154) que « l’enseignement des langues est un bon exemple de discipline instrumentée depuis longtemps (les années 50) qui montre, si besoin est, qu’une innovation technique ne suffit pas à installer des usages innovants ». Seuls le support matériel et le format du document source semblent avoir été modifiés, sans véritable apport pour l’apprenant qui, apparemment, doit faire face aux mêmes limites didactiques et ergonomiques pour tenter de construire du sens de manière précise à partir du message oral qu’il écoute.

2.3.2 Limites ergonomiques et didactiques de l’écoute par défaut

Le travail de Roussel et al. (2008) sur la façon dont les étudiants gèrent individuellement leur écoute a attiré notre attention car le mode d’écoute proposé pour l’étude correspond à la condition de l’écoute « par défaut » telle que nous venons de la définir.

Les auteurs ont enregistré l’écran de chaque élève travaillant avec le lecteur Real

Player, qui n’a subi aucun réglage, lors d’une tâche de compréhension de l’allemand

oral. Ils ont analysé les mouvements de la souris comme autant de « stratégies d’autorégulation matérielle de l’écoute » et ont déduit quatre façons dont les élèves gèrent leur écoute. Le premier type d’écoute est une écoute globale ininterrompue suivie d’une écoute analytique ; le deuxième est une écoute analytique suivie d’une ou plusieurs écoutes globales ; le troisième consiste à écouter une ou plusieurs fois le document en entier sans mouvement d’autorégulation. Le dernier type d’écoute est exclusivement analytique sans écoute globale du discours. Les auteurs s’interrogent sur la signification, en termes de stratégie, de ce dernier type d’écoute. Ils expliquent que les « mouvements [sont] difficiles à interpréter car nombreux et désordonnés » (ibid : 19).

En adoptant le point de vue de Lund (op.cit.) et Macaro et al (op.cit.) sur la nécessité d’atteindre un niveau seuil pour mettre en œuvre des stratégies pertinentes, nous proposons que ces mouvements ne correspondent à aucune stratégie, mais à un effort de la part des apprenants pour décrypter quelques uns des éléments de la chaîne parlée. Cette analyse est proposée en cohérence avec le constat des auteurs selon lequel ce type de mouvements est employé par « de nombreux élèves [dont] les résultats sont hétérogènes et généralement moins bons qu'avec les autres stratégies. […] on peut penser que l'utilisation de cette stratégie traduit une incapacité à se repérer dans le texte et à contrôler efficacement la tâche d'écoute […]. » (ibid. : 20). Ce quatrième type d’écoute, qui est aussi le plus utilisé (ibid.), révèle selon nous les limites ergonomiques et didactiques de l’écoute par défaut.

Nous avons en effet pu constater sur le terrain que les efforts des apprenants sont entravés par le caractère « imprécis » de la pause et de la navigation dans l’écoute par défaut. L’imprécision de la pause est due au décalage entre le moment où les étudiants décident de faire une pause et le moment où la pause est effective ; ce décalage les oblige à revenir légèrement en arrière au moment où ils relancent la lecture

afin de reprendre exactement à l’endroit où ils le souhaitaient et, donc, à multiplier les mouvements de souris.

L’imprécision de la navigation est, elle, liée à l’ergonomie inhérente aux lecteurs numériques et se manifeste par la difficulté à revenir en un seul mouvement à l’endroit exact souhaité, même lorsque le lecteur numérique comprend un indicateur de temps. La