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Si la linguistique énonciative est prépondérante en France, Rotgé (ibid. : 6) fait remarquer qu’elle reste relativement peu répandue en dehors des pays francophones : « We have to face the fact that French linguistic theories are not known outside French-

speaking countries, despite a few translations of enunciative linguists in a few university presses. ». Il souligne l’importance de prendre en compte d’autres modèles mieux

connus à l’étranger. C’est pourquoi, après avoir présenté le modèle d’analyse propositionnelle décrit dans Kintsch (op.cit.), nous étudierons, dans le cadre restreint de nos besoins, l’intérêt de deux modèles issus de la linguistique systémique fonctionnelle d’une part et de la grammaire générative-transformationnelle avant de revenir vers un modèle ancré dans la linguistique énonciative.

1.1 Analyse propositionnelle de texte

Kintsch a accompagné son modèle de représentation propositionnelle de texte, au sein duquel nous avons articulé les processus de compréhension de l’oral (figure 12, Ch.2, 1.3.2), d’un modèle « d’analyse propositionnelle de texte »91

afin de disposer d’un

91

L’analyse propositionnelle de texte ne relève pas de l’analyse propositionnelle de discours (Ghiglione et al., 1985) dont l’objectif est d’instrumenter le domaine de l’analyse du discours91 en Sciences Sociales pour aboutir à une « interprétation complexe » du corpus analysé (Mazière, 2005 : 23).

outil de mesure de la compréhension à travers des protocoles de « rappels de texte ». Ces protocoles sont communs en psychologie cognitive. Ils consistent généralement à faire lire ou écouter un récit relativement court (éventuellement en effectuant une autre tâche) puis à demander aux sujets de faire un rappel de ce récit dans leur langue maternelle. Même si le rappel de texte ne correspond pas strictement au travail de restitution que nous cherchons à évaluer, nous souhaitons, en décrivant le principe de l’analyse propositionnelle dans ses grandes lignes, commencer à établir une esquisse d’un cahier des charges qui pourrait, par la suite, permettre de sélectionner le modèle linguistique le plus approprié à nos besoins.

1.1.1 Proposition atomique et schéma de proposition complexe

L’analyse propositionnelle organise tous les éléments discrets d’un texte en termes de « propositions atomiques » qui sont définies selon le schéma « prédicat / argument(s) ». Pour Kintsch (ibid. : 37), ce schéma représente l’unité de base du langage et pourrait être considéré comme une forme générale de représentation de la connaissance.

Au sein de chaque proposition atomique, les éléments du texte sont organisés en concepts92

, notés en majuscules, selon la forme suivante : PRÉDICAT [ARGUMENT,

ARGUMENT, …] (Kintsch et van Dijk, op.cit. : 92). Le prédicat est le « concept

relationnel » qui permet une mise en relation d’un ou plusieurs concepts, qui deviennent alors des arguments (ibid.).

Dans ce modèle, les propositions atomiques sont définies sur des bases sémantiques : « Un prédicat comporte, dans sa signification, des places vides qui peuvent être remplies par des arguments convenables. » (Denhière, op.cit. : 23 en italique dans le texte). Les contraintes sémantiques liées à chaque prédicat potentiel seraient connues par chaque individu grâce à son expérience du monde (ibid.). Denhière donne les exemples des concepts BOIRE et MANGER qui, selon le modèle d’analyse

92

Kintsch (2007 : 75) définit ainsi la notion de « concepts » : « Concepts do not have a fixed and

permanent meaning. Rather, each time a concept is used, its meaning is constructed in working memory by activating a certain subset of the propositions in the neighborhood of a concept node. The context of use determines which nodes linked to a concept are activated when a concept is used.

propositionnelle, peuvent tous les deux comporter deux arguments et se distinguent par les propriétés du second argument, respectivement « liquide » et « solide ».

Les notions de prédicat et d’argument recouvrent dans ce modèle une réalité plus large, semble-t-il, que dans le domaine de la linguistique. Par exemple, un adjectif peut être le prédicat d’un nom (VIEUX [LIVRE]), la négation peut être le prédicat d’une proposition (NE PAS [P1]), une conjonction peut avoir pour arguments deux propositions

(ET [P1, P2]) (Denhière, ibid. : 32-38).

Ces deux derniers exemples montrent qu’une proposition atomique peut occuper la place « argument » d’une autre proposition. Ceci permet au modèle de rendre compte des phrase complexes (conjonction et subordination) mais la notion de « complexité » dans l’analyse propositionnelle ne s’entend pas en termes syntaxiques. Une proposition est définie comme « complexe » lorsqu’elle est composée de plusieurs propositions atomiques (Kintsch, ibid. : 38).

Le schéma canonique d’une proposition complexe de van Dijk et Kintsch (1983, cités dans Kintsch, ibid.) est le suivant :

Figure 16 - Schéma canonique d’une proposition complexe d’après van Dijk et Kintsch, 1983 (cités dans Kintsch, 2007 : 38).

La phrase [2] proposée ci-dessous est « simple » en termes syntaxiques mais elle constitue une proposition « complexe » dans le cadre de l’analyse propositionnelle car elle est composée de cinq propositions atomiques:

[2] Yesterday, Mary inadvertently gave Fred the old book in the library.

Voici les cinq propositions atomiques de cette phrase (ibid. : 38-39) :

P1 GIVE [MARY, P3, FRED] P2 INADVERTENTLY [P1] P3 OLD [BOOK]

P4 YESTERDAY [P1] P5 IN-LIBRARY [P1]

La description de [2] dans le schéma de proposition complexe permet de comprendre pourquoi les propositions atomiques 1 à 5 ci-dessus ne correspondent pas à l’ordre des mots dans le texte :

La première proposition atomique (P1) comprend les éléments directement rattachés au prédicat GIVE (MARY, BOOK, FRED). Les quatre autres propositions décrivent les autres relations prédicat / argument : les deux éléments textuels appelés « modifieurs » sont les prédicats respectifs d’une proposition ou d’un concept et donnent les propositions 2 et 3. Les circonstances forment deux autres prédicats qui prennent tous deux pour arguments P1.

Selon ce schéma canonique, la proposition atomique première est celle contenant l’élément textuel correspondant au « prédicat » qui, dans tous les exemples que nous avons pu observer, est le verbe. Toutes les propositions atomiques qui s’articulent autour de cette relation première « verbe / argument(s) » sont décrites sous le nom de « modifieur(s) » et se trouvent à un niveau hiérarchique propositionnel inférieur. Les circonstants semblent se situer en dehors de cette relation première « verbe / argument(s) », mais ils sont à leur tour prédicats de P1.

Alors que selon Kintsch, toutes les propositions atomiques peuvent être décrites sous la forme « prédicat / argument(s) », seul le verbe est nommé « prédicat » dans ce schéma canonique. Il semblerait donc qu’il y ait deux types de « prédicats » dans l’analyse propositionnelle : le verbe, qui constitue le noyau de la phrase dans le schéma de proposition complexe, et tous les concepts qui peuvent modifier un autre concept ou une proposition, selon le schéma PRÉDICAT [ARGUMENT, ARGUMENT, …].

On serait ainsi tenté d’en déduire que la hiérarchisation des propositions atomiques dans le schéma canonique des propositions complexes s’opère sur des bases

linguistiques. Rotgé (op.cit : 9) explique en effet que le verbe est traditionnellement considéré comme le noyau central autour duquel s’articule une relation93

:

To many linguists the head or the node of the sentence is simply the verb, or

the verb with its subject, because a verb implies some sort of subject, which

is therefore more than a specifier. This more traditional view of the sentence suits me better. (Rotgé, 2002 : 9)

Les propositions atomiques complexes, dont le noyau semble donc être le verbe, constituent les « micro-propositions » de la base de texte94

. Ces micro-propositions et les relations qu’elles entretiennent entre elles forment la microstructure de la BT à laquelle nous nous intéressons par le travail de restitution : « The microstructure of a

text consists of the complex propositions that comprise the text and their interrelationship […]. » (ibid. : 64-66).

1.1.2 Relations entre propositions complexes

L’auteur définit trois niveaux de relation, qui sont autant d’indices de cohérence du texte : la cohérence « indirecte », assurée par le partage des circonstances ou d’un argument ; la cohérence « directe », indiquée par des marqueurs explicites de relation (conjonctions, ponctuation, etc.) ; et la « subordination » définie par la subordination d’une proposition atomique à une autre proposition atomique se trouvant à un niveau hiérarchique supérieur dans le schéma de proposition complexe (figure 16 supra).

Pour illustrer les relations entre les micro-propositions, nous reprenons l’exemple d’un court texte composé de deux phrases proposé par Kintsch (ibid. : 40) :

[3] The snow was deep on the mountain. The skiers were lost, so they dug a snowcave, which provided them shelter.

Ce court texte est tout d’abord découpé en propositions atomiques :

P1 DEEP [SNOW] P2 ON-MOUNTAIN [P1] P3 LOST [SKIERS]

P4 DIG [SKIERS, SNOWCAVE]

P5 PROVIDE [SNOWCAVE, SKIERS, SHELTER]

93

L’auteur réagit alors au modèle d’O’Grady et al. (1996), issu de la grammaire générative, qui fait du temps (angl. tense) la tête de la phrase selon le schéma : [NP Infl (tense) VP].

94

Ces propositions atomiques sont ensuite représentées dans le schéma de proposition complexe :

Ces trois propositions complexes correspondent chacune à une micro-proposition de la base de texte considérée.

Le schéma fait apparaître les trois niveaux possibles de cohérence d’un texte. Il montre en effet que toutes les micro-propositions sont reliées par « cohérence indirecte » grâce aux circonstances car elles partagent le même lieu ON MOUNTAIN. Les micro-propositions 2 et 3 sont explicitement reliées par « cohérence directe » grâce à la conjonction so. La micro-proposition 3 contient un exemple de « cohérence par subordination » entre deux propositions complexes sous-jacentes : P5 (PROVIDE [SNOWCAVE, SKIERS, SHELTER]) joue le rôle de modifieur de l’argument SNOWCAVE

qui se trouve dans P4 (DIG [SKIERS, SNOWCAVE]).

Pour aboutir à la représentation de la microstructure de la BT, l’analyse propositionnelle de texte procède en trois étapes :

• le texte est d’abord découpé par éléments discrets (les mots) appelés Ei, tous

annotés manuellement et de manière « intuitive » (ibid. : 61) en prenant en compte de considérations et contraintes syntaxiques et sémantiques qui, comme expliqué

supra, seraient connues de tous ;

• cette annotation permet d’organiser chaque élément Ei dans des propositions

atomiques selon le schéma PRÉDICAT [ARGUMENT, ARGUMENT, …] ;

• ces propositions atomiques sont ensuite agencées en suivant le schéma canonique de proposition complexe pour former des micro-propositions reliées entre elles et ainsi aboutir à une représentation propositionnelle de la microstructure.

1.1.3 Intérêt et limites de l’analyse propositionnelle

Dans le modèle d’analyse propositionnelle de texte, la microstructure de la BT est donc élaborée à partir des éléments discrets du texte qui sont organisés en propositions atomiques puis en micro-propositions reliées entre elles selon le schéma canonique de la figure 16.

Un court texte de deux phrases comprenant une cinquantaine de mots, extrait d’un manuel de biologie de collège (Kintsch, ibid. : 61-65), donne par exemple lieu au découpage et à l’analyse manuelle de trente-deux éléments textuels Ei, pour un total de

treize propositions atomiques et de trois micro-propositions. Le texte est ainsi délinéarisé pour aboutir à une représentation propositionnelle de la microstructure de la BT. Cette « délinéarisation » du texte, inhérente à la représentation propositionnelle (Denhière, ibid. : 31), constitue, selon nous, une limite pratique à l’application de ce modèle pour notre recherche.

Tous les exemples d’analyse de textes proposés par Kintsch (ibid.), Kintsch et van Dijk (op.cit.) et Denhière (ibid.) sont en effet composés de quelques phrases et d’une cinquantaine de mots. Au contraire les vingt textes de notre corpus sont longs : ils sont généralement constitués d’une vingtaine de phrases pour une moyenne de plus de 275 mots. Et si Roussel et al. (2008, op.cit.) présentent un exemple d’application de l’analyse propositionnelle à un texte plus long, démontrant que l’analyse propositionnelle n’est pas restreinte à des textes courts, leur étude concernait une trentaine d’élèves travaillant sur trois textes, pour un total d’une centaine de restitutions à analyser. Notre travail nécessite d’analyser plus de 2000 restitutions étudiantes et vingt textes de départ différents.

Si ce modèle d’analyse était adopté, il faudrait découper manuellement chacune d’entre elles en éléments textuels discrets qu’il faudrait annoter pour obtenir des micro- propositions, lesquelles devraient ensuite être comparées aux micro-propositions d’origine. Le caractère fastidieux de l’analyse manuelle des éléments discrets du texte (reconnu par les auteurs) paraît limiter son utilisation à de courts textes et/ou à un nombre de sujets limités.

Mais au-delà de ces considérations pratiques, l’objet même du modèle de l’analyse propositionnelle limite son intérêt pour nos besoins spécifiques. Alors que nous nous intéressons au problème de la compréhension de la microstructure de la BT en L2, le but

de l’analyse propositionnelle de texte est d’avancer dans la connaissance de la manière dont les individus traitent, mémorisent et se représentent un texte qui ne leur pose pas

de problèmes de compréhension, du moins au niveau des constructions de bas niveau :

« Naturellement, nous parlons ici de lecteurs pour lesquels les processus de décodage sont devenus automatiques […]. » (Kintsch et van Dijk, 1978 cités dans Denhière,

ibid. : 87).

La préoccupation première de ces chercheurs en cognition serait donc le traitement plus global du sens, sa mise en mémoire et sa représentation. Ceci expliquerait qu’une analyse informelle des éléments discrets du texte soit suffisante :

A representation focused on meaning is often needed for the empirical study of language processing. Propositional representations of text serve that purpose. They make explicit those aspects of a text that are directly relevant of how people understand a text. Such representations fall short of a complete formal analysis, but then, that is not what we need for our purposes. A cruder but robust representational system is sufficient. (Kintsch,

2007 [1998] : 70)

Au contraire, les préoccupations de la recherche en linguistique et didactique paraissent se situer en amont de la représentation propositionnelle, au niveau des traitements linguistiques nécessaires à la compréhension de la chaîne écrite ou parlée95.

En ce qui concerne la présente recherche, évaluer la compréhension de l’oral en L2 à travers des restitutions nécessite de passer d’une analyse « intuitive » des éléments discrets, telle qu’elle est effectuée pour l’analyse propositionnelle, à une analyse formelle. En effet, comme le montre l’analyse propositionnelle de notre exemple de départ [1], l’analyse intuitive des éléments discrets permet, éventuellement, de représenter la microstructure de la BT de départ mais ne dit rien du poids de chaque élément au sein de cette microstructure :

[1] The robot can climb stairs, deliver small items, and carry out surveillance.

Cette phrase pourrait intuitivement être découpée en propositions atomiques de la manière suivante :

95

Le chapitre 2 a montré que les processus cognitifs impliqués dans l’acte de compréhension servent à éclairer les problèmes didactiques, mais ils ne sont pas l’objet d’étude des linguistes et didacticiens de l’anglais.

P1 CLIMB [ROBOT, STAIRS] P2 DELIVER [ROBOT, ITEMS] P3 SMALL [ITEMS]

P4 CARRY OUT [ROBOT, SURVEILLANCE] P5 AND [P2, P4]

Ce découpage serait alors représenté ainsi dans le schéma de propositions complexes :

La ponctuation et la conjonction « and » assurent une cohérence directe entre ces trois micro-propositions. Elles partagent de plus un argument commun ROBOT, sujet de tous les prédicats. Le modèle rend compte du fait que le prédicat CLIMB utilisé dans ce contexte possède un agent et un objet, mais il ne nous indique pas comment évaluer la restitution du sujet 14 (« The robot can climb… »), citée dans l’introduction de cette partie, dans laquelle l’argument STAIRS n’est pas rendu.

L’absence de cet argument est-elle problématique ? Si oui, pourquoi ? Et, s’il doit être restitué, doit-on en déduire que tous les arguments de toutes les propositions atomiques doivent être restitués ? Ces questions portent précisément, nous semble-t-il, sur un des modules qui, selon Kintsch et van Dijk (dans Denhière, ibid. : 87), manque au modèle :

Le modèle ne sera concerné que par les structures sémantiques [exprimées par les propositions atomiques]. Une grammaire complète, incluant un analyseur syntaxique, qui est nécessaire à la fois pour l’interprétation des phrases à l’entrée et la production des phrases à la sortie, ne sera pas incluse. (Kintsch et van Dijk, 1978 traduits par Denhière, ibid. : 87)

L’absence d’un module grammatical au sein du modèle d’analyse propositionnelle, qui servirait à attribuer un poids à chaque élément discret contenu dans les micro- propositions, incite à nous tourner vers des modèles linguistiques de l’anglais.

1.1.4 Principes clés pour un modèle d’analyse des restitutions

Le modèle d’analyse propositionnelle permet néanmoins de poser les bases de travail pour la recherche de ce modèle linguistique. Nous retenons quatre principes clés que le modèle linguistique devra intégrer :

le modèle doit permettre de définir le rôle et la place de chaque élément dans le texte afin de hiérarchiser les relations qu’ils entretiennent sur des bases linguistiques, et non plus sur la seule « intuition » de l’évaluateur comme suggéré par Kintsch (ibid. : 92) ;

• le modèle linguistique par lequel les textes seront analysés doit permettre de

prédire le poids de chaque élément textuel au sein de chaque phrase : on pourra

alors décider, sur des bases formelles, de leur caractère indispensable ou non ;

• suivant l’un des principes de l’analyse propositionnelle, le modèle linguistique doit rendre compte des éléments de cohérence textuelle qui font la spécificité d’un texte en traitant les relations qu’entretiennent les différentes phrases entre elles ;

enfin, si l’analyse des éléments discrets du texte réclame qu’il soit déconstruit, il est souhaitable, pour des raisons pratiques, que le texte de départ ne soit pas

délinéarisé : le modèle, combiné à la méthodologie d’analyse construite, devra

permettre de répondre à cette double contrainte.

Nous étudions ci-après les potentialités de trois modèles linguistiques pour répondre à ces éléments clés de la constitution de la méthodologie d’analyse linguistique des restitutions.

1.2 Approche systémique fonctionnelle

Banks (2005) offre une introduction à la linguistique systémique fonctionnelle de l’anglais (angl. systemic functional linguistics96

), théorie du langage développée par M.A.K. Halliday à partir des années 6097

.

96

Le site officiel de ce courant linguistique renseigne son histoire : http://www.isfla.org/Systemics/definition.html

1.2.1 Lexicogrammaire et les métafonctions sémantiques

Banks explique que cette linguistique est dite « systémique » car elle postule un système au sein duquel le locuteur effectue des choix ; chaque choix en appelle un autre, toujours plus détaillé (ibid. : 18-19). L’auteur donne l’exemple du choix d’un nom qui appelle le choix dénombrable / indénombrable, puis le choix singulier / pluriel. Le locuteur se trouve ainsi face à une chaîne de choix qui se termine toujours par le choix lexical. Ce dernier choix constituerait une des particularités de la linguistique systémique fonctionnelle (« LSF » dans le reste du texte) :

En effet, beaucoup d’approches linguistiques distinguent la grammaire de la langue d’un côté, et un lexique, qui contient la liste des mots de la langue, de l’autre. Pour la linguistique systémique fonctionnelle le choix lexical est simplement le dernier des choix grammaticaux. Le lexique fait partie de la grammaire, et par conséquent on parlera plutôt de lexicogrammaire. (Banks, 2005 : 19)

En plus d’articuler de manière originale grammaire et lexique, la LSF offre un cadre formel par lequel analyser les éléments discrets de la langue. Il s’agit de la « fonction grammaticale ». Nous tentons d’en déterminer les potentialités pour répondre à notre besoin spécifique d’évaluation de la microstructure de la BT. La notion de « métafonctions sémantiques » constitue le second aspect de la théorie qui pourrait se révéler pertinent pour l’analyse des restitutions. La LSF définit trois types de métafonctions sémantiques : interpersonnelle, textuelle et idéationnelle (ibid.). Nous les abordons après avoir décrit la fonction grammaticale.

1.2.2 Fonction grammaticale

Les tableaux semblent être un des modes privilégiés de l’analyse linguistique de texte dans la LSF. C’est en tout cas celui choisi par Banks pour présenter la « fonction grammaticale » de la LSF, par laquelle les éléments discrets du texte sont analysés. L’unité de base de l’analyse est la « proposition » qui, contrairement au cadre de l’analyse propositionnelle, correspond à la définition plus traditionnellement adoptée en linguistique (voir Rotgé supra, Ch.3, 1.1.1). En LSF, une proposition est en effet composée d’au moins deux groupes : le « prédicateur » P encodé par le verbe et le

97

Je remercie Irina Lord, Maître de Conférences en Linguistique et Didactique des Langues à l’Université Toulouse III, pour la relecture de ce point.

premier participant S, le « sujet » (Banks, ibid. : 21). Dans cette théorie, une proposition peut également comprendre un groupe « complément » C, placé à droite du verbe dans les cas non-marqués, et un groupe « ajouts (circonstanciels) », A. Ces quatre lettres majuscules formalisent un premier niveau de déconstruction de la proposition en groupes.

Un second niveau de déconstruction vise à analyser les mots au sein de chaque groupe considéré. Ainsi, contrairement à l’analyse propositionnelle, la LSF permet de