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ANALYSE DU CONTEXTE COMMUNAUTAIRE DE MASHTEUITASH

CHAPITRE 7 ANALYSE DE L’EFA

7.1 Principaux thèmes liés à l’analyse de l’EFA

7.3.9 Perception de l’entrepreneuriat

Le corpus empirique a fait ressortir ce thème – la perception de l’entrepreneuriat – qui vient clarifier la signification que les femmes autochtones peuvent avoir de l’entrepreneuriat et comprendre leur grille d’interprétation de ce phénomène.

Cette analyse révèle deux significations majeures liées à deux typologies de l’entrepreneuriat chez les femmes Ilnuatsh:

o Entrepreneuriat dans la logique de la vente; o Entrepreneuriat dans la logique du partage.

Pour certaines femmes Ilnuatsh qui ont été rencontrées pendant l’enquête qualitative, l’action d’entreprendre ou de disposer d’un esprit entrepreneurial correspond à un gain d’argent contre des services, ou des produits, tel que l’indique cette femme entrepreneure Ilnuatsh : Traditions et Modes de vie Mode de vie traditionnel Traditions autochtones Médicine traditionnelle

Artisanat autochtone Traditions, modes de vie et entrepreneuriat Produits Activités Saisons Territoire Cultures autochtones Chasse Naturel Organisation Forêt

« Ça reste un esprit entrepreneurial, parce que, quand même, tu te fais payer pour les services que tu donnes. » F_15

Dans cette logique, pour certaines femmes, l’entrepreneuriat correspond au fait d’avoir un magasin ou de créer une entreprise. Cette répondante en fait mention :

« Entrepreneuriat, oui, mais pas comme l’entrepreneuriat […] pour moi, l’entrepreneuriat, ce que j’entends […] c’est quelqu’un qui a un magasin. C’est ça que j’entends pour moi. » F_14

Dans cette catégorie entrepreneuriale sur l’entreprise, deux composantes majeures se démarquent : la présence d’employées au sein de l’organisation et la rentabilité de l’organisation. En ce qui concerne le premier aspect, voici ce qu’en dit cette femme Ilnuatsh :

« Être capable de gérer une entreprise, être au-dessus des autres, être propriétaire, être capable de gérer. À part de madame […] il y a des femmes ici qui pourraient le faire, mais elles sont plus […] On a besoin des femmes ici en politique […] Elles se dirigent par là. On est contents. On va laisser aux hommes les entreprises! » F _ 18

OU

« Il y a une grosse différence entre (nom de l’entreprise), puis les autres […] parce qu’ils ont un commerce; ils sont plusieurs personnes. Moi, j’étais toute seule, puis je n’ai pas de relève non plus. La seule chose que je peux faire c’est de transmettre aux autres ce que je connais. » F_18

Dans cette conception de l’entrepreneuriat, la rentabilité d’une entreprise est mise de l’avant par cette répondante:

« Une entreprise c’est comme un magasin : tu produis pour vendre. Mais, nous autres, ce n’est pas ça ce qu’on fait ici. On produit pour donner, puis ça fait du bien d’être […] » GD

D’autre part, l’analyse du corpus empirique a aussi permis de cibler une deuxième signification que les femmes Ilnuatsh donnent à l’entrepreneuriat qui, dans ce contexte, serait plutôt perçu par les femmes comme un moyen de régulation sociale dans une dynamique d’échanges avec les autres membres de la communauté d’appartenance.

Dans cette perspective, la production artisanale assume une signification complètement différente, comme le propose cette femme Ilnuatsh :

« C’est pareil comme quand il y a du monde qui essaie de mettre une ligne entre l’art puis l’artisanat. Si tu pratiques de l’artisanat de la façon dont je viens de te parler, ce n’est pas de l’artisanat. Le seul artisanat pratiqué vraiment comme de l’artisanat, c’est si tu le fais dans le but de répéter un objet dans le but de le vendre. Là, ton objectif n’est plus pareil; tu n’es pas en train de te connecter avec les esprits, puis de faire une création symbolique qui va te donner de la force. Tu es en train de répéter les objets, dans le but de les vendre. Ton objectif n’est plus pareil. Puis, je te l’ai dit plus tôt en partant, moi je ne fais jamais les choses pour l’argent. Ça s’applique autant en art, autant en entreprise, à toutes les sphères de la vie. » F_12

L’analyse du corpus empirique vient statuer que la production artisanale peut être reliée à deux logiques économiques différentes. Au delà de la conception entrepreneuriale associée à la vente, selon le corpus empirique, l’artisanat était associé à un mode de vie dont la finalité n’était pas celle de vendre des objets, comme le communique cette répondante :

« On n’a pas vraiment réfléchi à ça. Je pense que ce sont des choses qu’on réfléchit, qu’on pense, ce qu’on pourrait faire pour qu’on puisse améliorer ce domaine-là. Parce que, dans le fond, aujourd’hui, nous autres, comme on disait au début, c’était pour donner les sacs, faire des cadeaux pour les gens qu’on reçoit. Pour en faire une entreprise, pour le démarrage d’une entreprise […] on n’a pas vraiment pensé à ça. C’est en train de mijoter, mais […] » GD

OU

« Une entreprise c’est comme un magasin. Tu produis pour vendre, mais nous autres, ce n’est pas ça qu’on fait ici. On produit pour donner, puis ça fait du bien d’être […] » GD

L’articulation du thème – perception sociale de l’entrepreneuriat – est représentée dans la figure 18.

Figure 18 : Cartographie de la perception de l’entrepreneuriat chez les femmes Ilnuatsh

Source : Enquête qualitative, Croce (2019) 7.3.10 Hybridité entrepreneuriale

L’analyse du corpus empirique a fait ressortir ce dernier thème de l’hybridité entrepreneuriale, qui vient mettre en valeur la forme entrepreneuriale propre à l’EFA, tel que observé dans le milieu étudié. Dans les témoignages des femmes rencontrées, on constate que l’entrepreneuriat est caractérisé par une nature hybride.

Cette femme entrepreneure Ilnuatsh s’est prononcée sur le sujet :

« Je ne suis ni l’une ni l’autre, parce que ce n’est pas une dualité. Il faudrait que le monde arrête de parler d’artisans, d’artistes contemporaines. Ce n’est pas une dualité, ça. Ce n’est pas une dualité. Je suis contemporaine dans le sens que je ne m’arrêterais pas à des formes, mais je vais me servir de toutes mes connaissances ancestrales et traditionnelles pour arriver à faire quelque chose. Moi, je porte tout ça dans moi. Ce n’est pas une dualité. Dans moi, tout est super bien uni. Non, moi, je n’embarque pas dans la dualité. » F_12

Perception de l’entrepreneuriat Logique de la vente Logique du partage Modes de vie Employés Organisation Rentabilité

L’analyse de l’hybridité entrepreneuriale souligne deux composantes majeures :

o Déterminants modernes de l’entrepreneuriat; o Déterminants traditionnels de l’entrepreneuriat.

En ce qui concerne les déterminants modernes de l’entrepreneuriat, les femmes Ilnuatsh rencontrées font état de certaines caractéristiques, qui sont considérées comme faisant partie de la modernité. Il s’agit des matériaux, des outils ou, encore, des moyens de communication utilisés, tel que cette répondante l’indique:

« Il y a des choses de modernes, admettons, comme les filets de pêche. On en faisait de telle façon auparavant, puis maintenant c’est avec comme une corde que l’on fait là. » F_09

ET

« Par exemple le moteur, le moteur à canots. J’ai ça dans ma tête, là. Oui, nos parents en prenaient. Ils s’en servaient, mais on n’avait pas de ça avant. Mais là, pour qu’on puisse être capables de pouvoir faire ce qu’on veut offrir à la clientèle, il faut y aller avec ce qu’on peut avoir, ce qu’on peut, ce qu’on a, en tout cas. Il y a bien d’autres choses qu’on peut s’en servir pareil, comme les canots, les rabaskas, ce ne sont pas de chez nous. D’autres nations s’en sont servi, puis ils avaient ça dans leurs communautés. » F_09

En revanche, en ce qui concerne les déterminants traditionnels de l’entrepreneuriat, les femmes Ilnuatsh rencontrées citent certaines caractéristiques, qui sont considérées comme faisant partie de la tradition autochtone. Il s’agit, par exemple, du SFL, ou, encore, des connaissances ancestrales. Voici ce qui explique cette répondante, qui parle du filet de pêche :

« Purement traditionnel, ce serait que le brut, que l’objet que le geste […] » F _ 07

Les déterminantes traditionnelles sont associées aux cultures autochtones :

« Traditionnel, moi, je pense que ça vient d’une culture, tandis que moderne, c’est plus général. » F_GD