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CHAPITRE I : RAPPEL THEORIQUE

2. L‟audition : mécanisme de perception de la parole humaine

2.4. Perception du son

Moles (in Matras, 1982)41 compare le cerveau avec un ordinateur pour imager le décodage des impulsions électriques provenant du nerf auditif. Il considère que :

« tout se passe comme si, dans le cerveau, se succédaient des cartes perforées, à la vitesse du temps de réaction de l'oreille...; sur ces cartes 's'impriment' les impulsions codées transmises par les nerfs. C'est en fonction de leur allure générale (rapidité d'évolution des perforations)

*

que, en se référant à l'ensemble des cartes déjà stockées en mémoire, le cerveau livre telle ou telle sensation » (p.38).

En effet, le processus de perception auditive au niveau du cortex cérébral en quelque sorte pourrait être schématisé comme étant le résultat d'un stockage d'impulsions codées correspondant à des sensations. Néanmoins, ce processus est beaucoup plus complexe que l'on pense et une telle analogie resterait vague pour expliquer les principes sous-jacents de la perception du son et de la parole.

Les impulsions électriques créées remontent au cerveau où elles son traitées par différentes zones. Certaines zones ou aires traitent toutes les modalités de sons perçus (par exemple, le bruit, la musique, le langage), d'autres s'occupent de manière spécifique de sons concernant plutôt une seule catégorie. De manière générale, les fibres du nerf auditif se terminent dans la circonvolution transverse de Heschl située dans l'aire primaire ou aire 41 (Figure 21). Celle-ci étant une aire commune à toutes les perceptions auditives.

Quant à la perception de bruits de l'environnement, il a été démontré qu'il n'y a pas de structures anatomiques définies pour le traitement acoustique (Lechevalier, 1997)39. En revanche, à l'inverse du traitement de bruits, des études ont conclu que la perception de la musique est réalisée par les deux hémisphères cérébraux. L'hémisphère gauche est réservé à la perception du rythme (Mavlov, 1980)43, à l'identification d'une œuvre musicale entendue (Lechevalier et al., 1995)44, à la perception des hauteurs, à l'écriture et à la lecture musicales. L'hémisphère droit analyse sous sa dépendance la perception des timbres et la reconnaissance du contour mélodique (Peretz, 1990)45. De cette manière, la perception de la musique serait accomplit grâce à la participation des deux hémisphères cérébraux.

Quant à la perception des sons de la parole, certaines aires telles que 22 (Wernicke), 44 (Broca) et 8 ont été classiquement déterminées comme étant les centres du langage. L'aire 22 était considérée comme un « processeur de sons » qui extrayait les phonèmes des sons verbaux, leur apportant une signification. De nos jours, l'aire 22 apparait désormais comme une vaste zone d'un réseau neuronal diffus reparti en deux zones : une zone antérieure (aires 22, 42) traitant la composante phonologique de l'écoute et une zone postérieure (aires 22, 39) traitant la composante sémantique. Cependant, on ne peut exclure des variations individuelles dans les réseaux neuronaux présidant exclusivement à la compréhension ou à la production des sons verbaux (Wise et col., 199146; Zatorre et col., 199247). Par ailleurs, des travaux ont

démontré la participation d'autres zones dans la perception des sons verbaux (Cambier et col., 198348 ; Belin, 200949). Si l'aire motrice secondaire apparaît comme une région primordiale dans l'initiation du langage, son rôle dans la perception est moins démontré. Une des découvertes importantes dans ces dernières décennies porte sur la contribution de l'hémisphère droit dans le langage. Enfin, la perception de la prosodie et de la pragmatique serait assurée par l'hémisphère « mineur » (Hannequin et col., 1987)50.

En ce qui concerne la voix et la parole, trois approches peuvent être distinguées pour expliquer la perception selon la nature du stimulus : 1) l'approche articulatoire qui attribue aux gestes articulatoires à valeur phonémique un rôle d'unité minimale d'échange dans la communication (Liberman et Mattingly, 1985)51, 2) l'approche acoustique-auditive qui détermine que le traitement du signal acoustique de la parole doit être exploré selon la perception auditive (Ohala, 1986)52, 3) l'approche « psycholinguistique » qui tente de caractériser la nature des processus et des représentations mentales permettant à l'auditeur d'associer au signal de parole un élément spécifique de sa langue tels que le phonème, la syllabe, le mot, etc. (Segui in Lambert, 1997)53. Dans notre travail, nous adopterons plutôt la deuxième approche (acoustique-auditive) pour expliquer la perception des stimuli sonores. Les stimuli sonores que nous percevons sont de deux types selon leur forme d‟onde : simple et complexe. Les premiers correspondent à un ton pur généré par exemple par la vibration d‟un diapason. Il faut savoir qu‟un corps vibrant produit toujours un son et que ses propriétés déterminent les caractéristiques du son produit. Ainsi, quand on frappe un diapason, celui-ci comprime les molécules d‟air et les disperse. L‟onde résultante a une forme sinusoïdale qui peut être caractérisée essentiellement par deux paramètres : fréquence et amplitude (Figure 22). La fréquence correspond au nombre d‟oscillations effectuées par le corps vibrant pendant une unité de temps et s‟associe à la sensation de « grave » ou « aigu ». Elle est généralement exprimée en cycles par seconde ou Hertz (Hz) dans un phénomène périodique. L‟amplitude représente la variation de la pression d‟air qui produit l‟onde sonore et est liée à la sensation de « fort » ou « faible ». Elle est généralement exprimée en décibels (dB).

Figure 22 : Exemple d’une onde sonore simple.

Le deuxième type de stimulus sonore est constitué d‟une forme d‟onde complexe (Figure 23Figure 23). L‟onde acoustique est constituée par une multiplicité de fréquences de différentes amplitudes et dont les propriétés varient dans le temps. Ces stimuli correspondent aux sons de la parole générés par les différents composants du mécanisme phonatoire. Toute onde sonore complexe peut être décomposée en une somme d‟ondes simples ayant chacune sa propre fréquence et amplitude.

Figure 23 : Exemple d’une onde sonore complexe et des ondes simples la constituant

Schématiquement, on peut dire que la perception des paramètres d‟un son s‟obtient au niveau de l‟oreille interne et du cerveau. Cette perception se traduit par une sensation de hauteur et de force sonore de manière subjective. Concernant la perception de la fréquence, on sait que l‟oreille humaine peut percevoir les sons entre 20 Hz et 20 000 Hz. Néanmoins, la sensation de différence entre une fréquence et la fréquence deux fois plus rapide est perçue comme le même intervalle quelque soit la fréquence de départ. Par exemple, notre oreille percevra la

Cycle

même sensation de hauteur entre 205 Hz et 500 qu‟entre 500 Hz et 1 000 Hz. A partir d‟une étude réalisée par Stevens et Volkman (1940 in Revis, 2004)54, il a été démontré qu‟en-dessous de 1 000 Hz, toute différence de ±3 Hz est perçue et décodée par l‟oreille et le cerveau comme un stimulus différent, quelle que soit la fréquence du son au départ. Au-dessus de 1000 Hz, la sensation de différence varie de 3% en fonction de la hauteur. Par exemple, il est de 3 Hz à 1 000 Hz, 4,5 Hz à 1 500 Hz, etc. La zone la plus sensible de l‟oreille humaine se situe entre 2 000 Hz et 3 000 Hz. La fréquence de 3 000 Hz est extrêmement importante car cette fréquence joue un rôle clé dans l‟intelligibilité de la voix. Concernant la perception de l‟intensité, il existe la notion de seuil auditif déterminé par l‟intensité minimale à laquelle un sujet entend un son et l‟intensité maximale provoquant une sensation de douleur, d‟intolérance ou d‟inconfort. L‟intensité maximale se situe aux alentours de 120 dB (HL). L‟intensité minimale dépend de la fréquence du son. Par exemple, les fréquences entre 1 000 Hz et 4 000 Hz nécessitent moins d‟intensité pour être perçues. Tandis que les fréquences entre 100 et 125 Hz nécessitent une intensité minimale de 40 dB. Le paramètre de l‟intensité influence la perception de la fréquence. Par exemple, pour des fréquences inférieures à 1 000 Hz, on a la sensation auditive d‟une diminution de la hauteur lorsqu‟on augmente l‟intensité. Au contraire, pour des fréquences supérieures à 4 000 Hz, on a la sensation d‟une augmentation de la hauteur lorsqu‟on augmente l‟intensité. Par ailleurs, la plus petite variation d‟intensité perçue par l‟oreille est de 3dB pour une fréquence de 1 000 Hz à 5 dB au-dessus du seuil absolu ; alors que pour le même son à 100 dB au-dessus du seuil absolu, une différence sera perçue dès 0,25dB.

Mais la perception d‟un signal sonore simple n‟est pas la même que pour un signal complexe. La perception de hauteur pour le son complexe est déterminée par la fréquence fondamentale, celle-ci peut être absente physiquement du signal acoustique. La présence des harmoniques supérieurs et la périodicité de l‟onde globale suffisent pour en déterminer la hauteur. Par conséquent, la hauteur est intégrée par une analyse temporelle et non fréquentielle. En outre, la perception de hauteur des sons complexes est moins dépendante de l‟intensité que pour les sons simples.

Quant à la perception de l‟intensité des sons complexes, il semblerait que l‟oreille effectue une analyse spectrale des sons complexes en fonction des caractéristiques de l‟oreille, principalement en ce qui concerne la non-linéarité subjective en intensité et fréquence.

En somme, la perception d‟un son est un processus physiologique humain extrêmement complexe qui est relié aux propriétés acoustiques du signal sonore. Ce processus est le résultat de la mise en jeu de diverses structures anatomiques suivant différentes lois physiques. Cette section a tenté de rappeler l‟anatomie, la physiologie et les principes acoustiques impliqués dans la perception d‟un son. Néanmoins, la compréhension des mécanismes participant dans le décodage et dans l‟interprétation acoustique au niveau cérébral est restreinte et représente un énorme défi.