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CHAPITRE IV : PROPOSITION DE MODÉLISATION

1. Proposition d'un modèle représentant le rôle de la boucle audio-phonatoire chez l‟enfant

1.3. Description du modèle proposé

1.3.1. Bloc « Vibrateur »

Le bloc « vibrateur » représente le mécanisme d'émission sonore ou le mécanisme de vibration des cordes vocales à proprement parler. Il a été conçu à partir de l'analyse des critiques formulées et des résultats fournis par plusieurs modèles déjà existant dans la littérature. Nous avons alors eu à faire un choix entre trois grands axes de modélisations existant dans la bibliographie :

1) D'une part, il existe des modèles basés sur les techniques et méthodes de traitement du signal acoustique. Ces modèles caractérisent basiquement un cycle de la dérivée de l'onde glottique à l'aide d'au moins cinq paramètres acoustiques (Sciamarella et D'Alessandro, 2002)196, comme le modèle de Liljencrants et Fant (1985)193.

2) D'autre part, il existe une série de modèles purement mécaniques représentant les cordes vocales comme un système discrétisé à n masses reliées entre elles et au larynx par des liaisons « ressort-amortisseur ». Dans ces modèles, chaque corde vocale est représentée comme un système d'auto-oscillation mécanique composé d'un couplage de deux masses-ressorts. Les paramètres de ces liaisons (raideur, coefficient d‟amortissement) sont ajustés afin de recaler le modèle à la réalité. Seules les caractéristiques géométriques des cordes vocales sont prises en compte pour produire un son. L'auto-entretien de la vibration cordale est attribué à une modification de la géométrie glottique qui crée des distributions de pression glottique différentes pendant les phases d'ouverture et fermeture du cycle d'oscillation des

cordes vocales. La déformation non-uniforme du tissu des cordes vocales est assurée par un modèle mécanique ayant au moins deux degrés de liberté. Cependant, cette modélisation rencontre ses limites car elle ne possède pas assez de degrés de liberté pour modéliser l‟ensemble des mouvements des cordes vocales. Elle est assez simple pour fournir une bonne représentation de la réalité. Malgré sa simplicité, cette modélisation se révèle appropriée pour la synthèse de la parole en temps réel utilisant un grand nombre de paramètres. Par exemple, nous citons le premier modèle largement connu, à savoir celui développé par Ishizaka et Flanagan (1972)194 qui présentent plus de dix-neuf paramètres. Ce modèle a été récemment révisé par Pelorson et col. (1994)195.

3) Enfin, il existe des modèles mixtes développés sur les principes de la modélisation du traitement du signal acoustique et de la modélisation mécanique et géométrique des cordes vocales. En effet, il apparaît qu‟on ne peut pas simuler fidèlement la production vocale en utilisant seulement un modèle mécanique. Les modèles de production sonore peuvent prendre en compte les particularités subtiles qui ne sont pas reproduites par les modèles de traitement du signal acoustique. Ces modèles prétendent dévoiler la relation entre les paramètres acoustiques et physiques pour expliquer le phénomène de génération de la voix. Comprendre cette relation permettrait de comprendre de façon approfondie le fonctionnement du mécanisme responsable des différentes caractéristiques de la voix. Parmi ces modèles, nous avons retenu celui de Sciamarella (2002)196 que nous présentons ci-dessous.

Modèle retenu pour le bloc de génération du son

Notre travail a donc consisté ici à trouver un modèle qui soit à la fois fidèle à la réalité dans ses résultats, et à la fois convenable par rapport aux objectifs de notre étude. Le modèle de Sciamarella (2002196, 2003197, 2004198), retenu dans notre étude, permet de coupler les effets dus à la mécanique des cordes vocales et à ceux dus à l‟écoulement de l‟air. Le modèle de Sciamarella se veut bien plus complet que les modèles mécaniques simples car il prend en compte un autre aspect important qui est l‟écoulement de l‟air et la façon dont il est perturbé par les cordes vocales. A partir de l'onde de synthèse du flux glottique générée par les différents paramétrages des paramètres physiques du modèle à deux masses, Sciamarella élabore un algorithme pour le calcul des paramètres acoustiques constituant un signal à reproduire. Cet algorithme considère diverses configurations du tract vocal, à savoir : convergente, divergente, collision. Ces configurations seront plus tard expliquées. Sciamarella trouve que la gamme de valeurs des paramètres acoustiques d‟un signal sonore obtenues par

le modèle est assez large pour reproduire tout genre de comportement du flux glottique observé.

Ainsi, le modèle de Sciamarella se révèle plus adapté et plus fiable par rapport à la réalité physique du phénomène analysé par notre étude. De plus, ce modèle est un bon compromis entre la complexité de représentation du micro-système (ou bloc) de génération du signal sonore et son implémentation dans notre modèle systémique de régulation audio-phonatoire (macro-système). Certes, il existe d'autres modèles de génération du son plus précis que celui-ci. Cependant, il ne faut pas oublier que les autres blocs (ou micro-systèmes) constituant le modèle systémique ont une précision limitée, et donc il ne sert à rien de prendre un modèle de cordes vocales complexe si la précision supplémentaire qu'il apporte n'est pas utile.

Le modèle symétrique à deux masses avec point de séparation mobile que nous avons retenu est représenté schématiquement ci-dessous (Figure 77).

Figure 77 : Schéma représentant les différents paramètres et la structure géométrique du modèle symétrique à deux masses retenu pour notre simulateur

Le modèle peut se présenter en coupe transversale représentant la structure des cordes vocales en deux dimensions disposée horizontalement. Il est à noter que les cordes vocales sont modélisées symétriquement, c'est-à-dire que la corde vocale supérieure aura les mêmes caractéristiques et les mêmes mouvements que la corde vocale inférieure. Cette symétrie est réalisée par rapport à l'axe du canal du fluide aérien. Chaque corde vocale est modélisée par

h p

deux masses m1 et m2 qui ne peuvent bouger que dans une seule direction, sens vertical, grâce à un système masse-ressort amorti. Elles sont liées entre elles par une raideur kc (contraction des cordes vocales), et liées chacune à la paroi du larynx par un amortisseur de raideur k1 et k2 (tension des cordes vocales), de longueur à vide l1 et l2 et d‟amortissement r1 et r2. Le système masse-ressort amorti est caractéristique de systèmes qui ont un mouvement oscillatoire, et dont l'amplitude des oscillations diminue avec le temps. La hauteur du canal est représentée par h (x, t) et est considérée commeun paramètre de fonction linéaire, l représente l‟épaisseur des cordes vocales et d la distance prise entre les deux masses. On a ainsi une dimension supplémentaire p du canal (cf. Figure 77), qui est la dimension prise orthogonalement par rapport au schéma du conduit glottique. Ce conduit est alors un tube de section rectangulaire. Le flux d‟air s‟écoule sur ce schéma de gauche à droite. Comme on l‟a dit précédemment, des phénomènes liés à l‟écoulement rentrent aussi en jeu. On considère qu‟en amont de ces cordes, les poumons fournissent une certaine pression relative Pe (surpression par rapport à la pression atmosphérique) et donnent une certaine vitesse Ve au flux. Dans le cadre de ce modèle, on se place dans une hypothèse de fluide localement incompressible et quasiment stationnaire existant depuis la trachée jusqu'à un point où le flux aérien sépare les parois de la corde vocale pour former une colonne d'air libérée.

Ce modèle permet de modéliser diverses configurations géométriques des cordes vocales en fonction des paramètres précédemment décrits. Il existe une première configuration, dite « convergente » (Figure 78a), l‟air pénètre entre les cordes sans perturbation majeure (comme indiqué dans la figure avec des flèches en bleu). L‟écoulement d'air ne se sépare de la paroi de la corde vocale qu‟à la fin du canal. Avant ce point, on dit que le long des parois (signalées en rouge), il y a formation d‟une couche limite où la pression normale reste constante.

La deuxième configuration est dite « divergente » (Figure 78b). Ici, il existe un point le long de la corde où l‟écoulement se décolle de la paroi. Au-delà de ce point, comme précédemment, l‟écoulement est dit turbulent, et on considérera que la pression dans cette zone est négligeable devant celle présente en amont. La position du point de séparation est normalement le fruit d‟un calcul de mécanique des fluides, cependant le critère géométrique de Liljencrants (1995)199 a été retenu. On prendra ce point comme celui où hs (en bleu)/hi (en

Enfin, une dernière configuration, où deux des masses disposées symétriquement sont suffisamment proche l‟une de l‟autre distance=hcollision pour que l‟on ait collision (Figure 78c). Dans ce cas, les raideurs k1, k2, kc sont multipliées par un coefficient C, et on considère que l‟écoulement est stoppé tant que les masses ne sont pas séparées d‟une distance supérieure à hcollision.

6a) Configuration convergente 6b) Configuration divergente

6c) Configuration de collision

Figure 78 : Schémas des différentes configurations glottiques pouvant être représentées selon le modèle symétrique à deux masses.

En résumé, les poumons vont fournir en amont une certaine pression qui varie au cours du temps. Cette pression va exercer une force sur les parois des cordes vocales. Cette force est à l'origine du mouvement des cordes vocales. On peut alors prévoir le comportement dynamique des cordes vocales en étudiant le système masse-ressort amorti.

L‟écriture des équations de ce bloc est présentée dans l‟annexe 14 (« Ecriture d’équations des

blocs du modèle »). La résolution des équations du modèle s'est effectuée en plusieurs étapes

(Figure 79). Ainsi à chaque pas de temps t, on calcule la pression au niveau des cordes vocales (à l'origine du son) et la position des cordes vocales.

Figure 79 : Architecture de l'algorithme utilisé pour le bloc « vibrateur » ou des cordes vocales.

Dans un premier temps, on a une phase d‟initialisation des données et de définition des constantes. Celle-ci permet de rentrer d‟une part les différentes caractéristiques du modèle mécanique et de l‟écoulement de l'air qui sont les suivantes : k1, k2, l1, l2, kc, C, r1, r2, m1,

m2, h, p, l, d, h collision, Ve, Pe et ρ masse volumique de l’air. D‟autre part, on fixe aussi une

géométrie initiale des cordes vocales en entrant une position des masses y1, y2*.

Dans un deuxième temps, grâce aux données de géométrie fournies, l'algorithme de résolution prévoit l‟emplacement du point de séparation des cordes vocales selon la configuration glottique sollicitée, à savoir : en fin de conduit s‟il y a convergence, dans le conduit en cas de

*

On pose une durée de simulation T et un nombre de bouclages n pour la simulation numérique. Le nombre de bouclages a une influence directe sur la qualité de la simulation, plus n est grand, plus l‟incrément de temps est faible, meilleure est la simulation. Ce nombre de bouclages est le nombre de points. Il faut être toutefois attentif au problème de suréchantillonage lorsque le nombre de points est trop important.

divergence, et pas de point ni d‟écoulement s‟il y a collision. A partir des hypothèses faites

sur le fluide, le modèle permet aussi de calculer le débit d‟air et la pression régnant dans le conduit. Ces deux données sont stockées à chaque incrément, car ce sont elles qui vont fournir le son voisé. Connaissant la pression, il est alors possible de connaître quelles forces F1 et F2 vont s‟appliquer respectivement sur m1 et m2, en répartissant les forces de pression suivant la Figure 80. Sur m1 vont s‟appliquer les forces de pression s‟exerçant sur la partie rouge, sur m2 celles s‟exerçant sur la partie verte.

Figure 80 : Répartition des forces de pression sur les masses.

Enfin, dans la dernière étape de résolution, l'algorithme effectue le bilan des forces s‟exerçant sur les deux masses m1 et m2, comprenant les forces F1 et F2 et celles liées aux différentes raideurs et amortissements. On va ainsi avoir un déplacement des masses pendant l‟incrément de temps. La nouvelle position des masses est alors donnée au modèle d‟écoulement qui va répéter ses opérations avec cette nouvelle géométrie. L‟ensemble de cette boucle s‟arrête lorsque la durée de simulation est écoulée, et fournit donc les variations de pression et de débit sur cette durée. Il est important de noter que cet algorithme a été développé pour s‟intégrer parfaitement à l'ensemble du modèle du macro-système représentant la boucle audio-phonatoire. A présent, l‟algorithme peut être développé pour que s‟insèrent les différents blocs ou micro-systèmes « résonateur », « récepteur » et « comparateur » dans le bouclage. Le principe est le suivant : à chaque incrément de temps, le son voisé fourni ici sera transformé par un bloc « résonateur », puis ce son sera écouté par un bloc « récepteur » dont les informations permettront au bloc « comparateur » d‟agir sur les paramètres k1, k2, kc, r1,

r2, C, Ve, Pe, paramètres qui sont pour le moment fixés dans la phase d‟initialisation.

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