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Chapitre III Caractérisation du i-PDMS microstructuré

II. Le i-PDMS, un matériau polyvalent

Lors de travaux précédents ma thèse, l’équipe a étudié la réponse magnétique du i-PDMS selon sa concentration et l’organisation des particules dans la matrice PDMS [8]. Des films dont la concentration était comprise entre 1 et 83 wt% ont été réalisés. Au-delà de 83 wt%, le i-PDMS avant réticulation est très visqueux et s’apparente à une pâte difficile à mouler [9].

Deux types de films ont été réalisés : (i) des piliers de 50 µm d’épaisseur de section carrée, de diagonale 500 µm, et (ii) des membranes de 100 µm d’épaisseur et coupées en carrés de 5 mm de côté. La Figure 50 présente une image au MEB d’un pilier et la caractérisation magnétique associée.

Figure 50 : Reproduite de Damien Le Roy et al. a) Image MEB de la microstructure caractérisée (500 µm de diagonale). b) courbes d’aimantation pour du i-PDMS 10 wt% non organisé (étoiles orange) et organisé (carrés bleus et ronds rouges). L’aimantation du i-PDMS organisé est mesurée selon la diagonale X (carrés bleus) et la diagonale Y (ronds rouges).

71 Dans cette étude, un champ de 130 mT a été appliqué selon une diagonale de la section carrée du pilier. Ce choix se justifiait par la géométrie du système microfluidique développé alors. Si on considère l’anisotropie magnétique du pilier, il faut distinguer deux contributions associées à : (1) sa forme globale parallélépipédique, dont le champ démagnétisant sera une fraction de l’aimantation globale du i-PDMS, faible, et (2) la forme des agglomérats Fe-C, dont l’aimantation est celle des chaînes, plus grande. Notons que les deux diagonales du pilier ne sont pas équivalentes du point de vue des agglomérats : une des deux diagonales est une direction facile pour l’aimantation (le long des chaînes), alors que l’autre est contenue dans le plan difficile (perpendiculaire aux chaînes). Cependant, considérant la forme globale du pilier, les deux diagonales sont des directions équivalentes. Ainsi, en mesurant l’aimantation selon les deux diagonales du pilier, seule la contribution de la forme des agglomérats à l’anisotropie est mesurée.

Pour évaluer la contribution des agglomérats à l’anisotropie des piliers, nous utilisons le rapport des susceptibilités magnétiques mesurées selon les deux diagonales et notées & (parallèle aux

chaînes) et &Õ (perpendiculaire aux chaînes), soit &< . L’évolution du rapport de susceptibilité a été &Õ

étudiée selon la concentration du i-PDMS (variant de 1wt% à 83wt%) est montrée sur la Figure 51. Ces mesures ont été effectuées au SQUID à température ambiante sur les micropiliers [8].

Figure 51: Anisotropie du i-PDMS en fonction de sa concentration. [8].

Nous distinguons deux régimes. L’anisotropie passe par un maximum pour une concentration autour de 10 wt%. Le rapport des susceptibilités augmente de 1,9 à 3,6 lorsque la concentration du i-PDMS passe de 1 wt% à 10 wt%. Au-delà de 10wt%, le rapport de susceptibilité diminue de manière quasi-linéaire jusqu’à une valeur de 1,2 pour une concentration de 83 wt%.

Cet effet est en accord avec les observations de Zahedi et al. [11] dans les composites faits de nanofils de fer en matrice PMMA (Polymethylmethacrylate), un polymère thermoplastique. Ils ont auto-organisé magnétiquement les nanofils de fer pendant la réticulation du PMMA (à 0,2 et 0,4 wt%) puis mesuré leur aimantation parallèlement, puis perpendiculairement aux nanofils. Ils observent alors un gain de 34 % de susceptibilité magnétique lors des mesures de susceptibilités parallèles aux nanofils.

La réduction de l’anisotropie avec la teneur en Fe-C peut s’expliquer par de plus fortes interactions dipolaires entre les chaînes et un plus grand degré de ramification des chaînes à forte concentration, comme observé en microscopie (voir Figure 49). Dans des travaux initiés avant mon arrivée et auxquels j’ai participé au début de ma thèse [10], nous avons mis en évidence que même si elle est faible, l’anisotropie à forte concentration augmente sensiblement les performances en microsystèmes. Dans

0 20 40 60 80 100 1 2 3 4 χ x / χ y Fe-C concentration (wt%)

72 cette étude, nous avons utilisé un dispositif microfluidique dans lequel une des deux parois latérales du canal était faite de i-PDMS, préparé sous champ ou à champ nul. Nous avons caractérisé les forces exercées sur des microbilles magnétiques (12 µm de diamètre) par le composite et montré que les forces magnétiques générées sont deux fois plus importantes avec un composite préparé sous champ. La comparaison des résultats expérimentaux avec la modélisation multiphysique a mis en évidence que le bénéfice du composite faiblement anisotrope n’était pas uniquement lié à l’augmentation globale de la susceptibilité magnétique du composite, mais aussi à la contribution de gradients de champs locaux issus de la microstructure du composite.

L’aimantation du i-PDMS est portée par les particules de C. Ainsi, la fraction volumique de Fe-C détermine l’aimantation. La Figure 52 représente l’aimantation du i-PDMS mesurée sur différentes structures, en fonction de la concentration massique. Elle décrit bien la dépendance attendue considérant la fraction volumique correspondante (courbe en pointillé).

Figure 52: Évolution de l’aimantation à saturation Ms du i-PDMS en fonction de sa concentration. Les symboles losanges bleus correspondent à des films composites de 500 µm de côté et 50 µm d’épaisseur (piliers), les symboles carrés rouges (symboles carrés), correspondent à des films composites de 5 mm de côté et 100 µm d’épaisseur. La courbe en pointillé décrit l’aimantation à saturation calculée selon la fraction volumique

La saturation atteint 700 kA/m pour le i-PDMS le plus concentré (83 wt%). Notons que cette valeur est comparable à l’aimantation à saturation de ferromagnétiques doux usuels tels que le nickel ou le permalloy (Py). Ils peuvent donc apparaître comme une alternative à des structures métalliques, avec l’avantage d’une plus facile intégration dans des systèmes polymères.

Sur la Figure 53 nous comparons les dépendances à la concentration de MS et de l’anisotropie. Nous pouvons voir que l’auto-organisation des particules et la concentration sont deux leviers permettant de moduler les propriétés du i-PDMS. En particulier, nous distinguons deux utilisations distinctes. À haute concentration, le composite présente des propriétés magnétiques qui s’approchent d’un matériau massif, continu, tout en présentant une anisotropie uniaxiale modérée, et une plus grande compatibilité avec les dispositifs à base de polymères. À faible concentration, des chaines de particules isolées, présentant une anisotropie uniaxiale, et pouvant servir pour moduler un flux magnétique extérieur à l’échelle de quelques micromètres. Nous remarquons en outre que les structures organisées présentent des géométries difficilement atteignables avec des méthodes de microfabrication usuelles. Le cœur de mon travail de thèse a porté sur le i-PDMS faiblement concentré.

73 Figure 53: Anisotropie et aimantation à saturation du i-PDMS, pour des concentrations variant de 1 à 83 wt%. Les deux mises en œuvre du composite sont identifiées en bleu et rouge : (i) alternatives aux structures métalliques ou (ii) microsources de champ et gradient de champ magnétique organisées.