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Chapitre III Caractérisation du i-PDMS microstructuré

I. Auto-organisation des particules par interactions dipolaires

Avant réticulation, le mélange i-PDMS consiste en une suspension de microparticules ferromagnétiques (carbonyle de fer Fe-C) dans une matrice visqueuse diamagnétique (PDMS). La taille micrométrique des particules et leur nature ferromagnétique permettent de considérer que les interactions magnétiques dominent les mouvements browniens, la gravité ou les interactions électrostatiques. Les interactions magnétiques dans des matrices diamagnétiques visqueuses peuvent être analysées de la même manière que les interactions dans des ferrofluides, ou fluides magnétorhéologiques [1]–[3].

Soit deux particules magnétiques sphériques soumises à une induction magnétique extérieure ¨⃗+,3 = ¨+,3© uniforme. Celle-ci est choisie suffisamment grande pour que l'aimantation des particules soit continuellement orientée selon ⃗© (cf. Figure 45).

Figure 45 : Système d'axes et notations angulaires pour deux particules sphériques à une distance d l'une de l'autre. En première approximation nous considérons que la sphère de rayon R1, située en O est fixe. Celle-ci est uniformément aimantée tel que 5⃗A= 5A©. Dans l'approximation du macrospin, il est équivalent de remplacer cette sphère par un moment magnétique dipolaire ponctuel (…⃗A= …A©

avec …A = A5A), situé lui aussi en O (cf. Figure 45). L'intérêt de choisir cette source magnétique

est que l'induction créée est simple et analytique. Ainsi, l'induction magnétique créée par …⃗A en un

point P s'écrit :

¨⃗A P = «@

‘#.¬ 3 -⃗. -⃗. …⃗A − …⃗A (29)

67 Dans la base cartésienne (⃗,, ⃗², ⃗©) de la Figure 45 l'induction magnétique s'écrit :

¨⃗A P =G4 Ž ´:A 3 cos µ sin µ cos ¶3 cos µ sin µ sin ¶ 3 cos µ − 1 ·

(30)

Intéressons-nous maintenant à la seconde sphère de rayon R2, située au point P (cf. Figure 45), d'aimantation uniforme telle que 5⃗ = 5 ⃗©. Le moment magnétique dipolaire ponctuel associé à

cette sphère s'écrit : …⃗ = … ⃗© avec … = 5 .

L'énergie potentielle magnétique du moment magnétique dipolaire …⃗ s'écrit :

= −…⃗ . J¨⃗A P + ¨⃗+,3M (31)

Soit :

= −«@ ‰ ¸

‘#.¬ 3 cos µ − 1 − … ¨+,3 (32)

Le système admet une symétrie de rotation autour de l'axe z, nous choisirons donc de placer le point P dans le plan xOy, i.e. ¶ =# afin de simplifier les calculs. Les relations suivantes se déduisent alors aisément : OP⃗ = ¹ ⃗©+ º ⃗², Ž = »¹ + º , cos µ =©. et sin µ =². où y et z sont les coordonnées du point P.

L'énergie potentielle se réécrit en fonction de y et z ainsi :

= −«@ ‰ ¸

‘# ¼3¹ ¹ + º ½¸− ¹ + º ¬¸¾ − … ¨+,3 (33)

Il nous reste à calculer la force agissant sur …⃗ , sachant que ⃗ = −~ –Ž⃗J M. Après quelques lignes de calculs on trouve l'expression de la force en fonction de l'angle µ :

⃗ = «@ ‰ ¸

‘#.¿ ¼ 3 sin µ − 15 sin µ cos µ ⃗²+ 9 cos µ − 15 cos µ ⃗©¾ (34) Afin d'évaluer si la force est attractive ou répulsive, projetons là sur le vecteur unitaire -⃗. Ainsi si la projection est négative la force est attractive et inversement.

⃗ .-⃗ = «@ ‰ ¸

‘#.¿ 3 sin µ − 15 sin µ cos µ + 9 cos µ − 15 cosµ (35) Après simplification :

⃗ .-⃗ = «@ ‰ ¸

68 La Figure 46 présente la projection de la force sur le vecteur -⃗ en fonction de l'angle µ pour une distance d fixée. Pour un angle µ supérieur à 54,8° et inférieur à 125,2° la force est répulsive.

Figure 46 : Â⃗. Ã⃗/ ¼ÅÆÇÈÉÈÊ

ËÌÍË ¾ en fonction de l'angle Î.

Pour une distance inter-particule donnée, le module de ⃗ est évidemment fonction de µ, cependant il n'est jamais nul. Ainsi pour les angles µ = 54,8° et µ = 125.2° ⃗ est perpendiculaire à -⃗. La représentation de ⃗ pour quelques angles µ permet d'imaginer qualitativement le mécanisme de formation des chaines de particules (cf. Figure 47). Rappelons que la force qui s'exerce sur …⃗A est

égale à − ⃗ . Deux particules formant un faible angle µ vont avoir tendance à s'empiler les unes sur les autres (selon l'axe z) et former une chaine. Cependant, si l'angle µ est proche de 90° les deux particules vont s'éloigner. Ce modèle très simple nous permet, dans une première approche, de comprendre qualitativement la formation d'un réseau de chaines de particules colinéaires à ¨⃗+,3, espacées entre

elles.

69 Pour aller un peu plus loin dans l'étude du mouvement des particules magnétiques, nous avons tracé l'énergie potentielle magnétique dans le plan yOz (cf. Figure 48). Les zones dites "répulsive" et "attractive" délimitées par une droite d'angle µ = 54.8° apparaissent très clairement. Nous avons aussi tracé les trajectoires de deux moments magnétiques …⃗ initialement placé dans la partie dite "répulsive" tel que µ = 75.65 ° (courbe noire) et µ = 75.75 ° (courbe blanche). De façon peu intuitive le moment …⃗ (courbe noire) va commencer par s'éloigner du moment …⃗A situé à l'origine des axes,

migrer dans la zone dite "attractive", pour finalement former un dimère aligné avec l'axe z. Il en est tout autre si µ = 75.75 ° (courbe blanche), dans ce cas les moments magnétiques vont continuellement s'éloigner. En réalité, la limite entre la zone répulsive et attractive se situe à environ µ = 75.70 °. Projeter la force sur le vecteur unitaire -⃗ amène donc à un résultat valable uniquement pour une distance d fixé. Cela montre qu'il faut judicieusement choisir la façon de déterminer la limite entre la zone attractive et répulsive (la véritable limite est tracée en gris sur la Figure 48).

Figure 48 – Energie potentielle en unité arbitraire du moment magnétique È⃗Ê dans le plan yOz. Trajectoire (ligne noire)

d'un moment magnétique placé en y = 0.5 et z = 0.127. Trajectoire (ligne blanche) d'un moment magnétique placé en y = 0.5 et z = 0.128. En gris limite entre la zone attractive et répulsive, droite d'angle Î = ÒÓ. ÒÇ °.

La Figure 49 montre des composites i-PDMS préparés à champ nul, et réticulés sous champ dans le cas des composites i-PDMS à 1 wt% et 5 wt%, 10 wt%, 20 wt% et 83 wt%. Ces images confirment la formation d’agglomérats dans la direction du champ appliqué, quelle que soit la concentration. À faible concentration, les chaînes formées sont bien définies, leur diamètre est relativement homogène. Au-delà de 10wt%, nous observons des ramifications entre chaînes.

Ce mécanisme est largement exploité dans le domaine des élastomères magnétorhéologiques afin de contrôler diverses propriétés physiques du composite. On peut citer le développement de composites magnétostrictifs, dans lesquels des déformations mécaniques sont induites par un champ magnétique [4], [5]. L’application probablement la plus répandue consiste au développement de composites aux conductivités thermique et électrique anisotropes. L’équipe de Cvek et al. [6] ont utilisé des composites i-PDMS auto-organisés à des concentrations variant de 60 wt% à 80 wt% de Fe-C. Ils ont observé que la conductivité thermique augmentait d’un facteur 1,72 en comparaison du même système non organisé. Moucka et al. [7] ont, quant à eux, mis à profit l’auto-organisation dans le i-PDMS à des concentrations massiques plus basses (1 à 20 wt%) afin de contrôler la conductivité électrique du composite dans une direction privilégiée. Ils ont ainsi mesuré une augmentation de la

70 conductivité de 105 S/cm par rapport au système non organisé (10-11S/cm) à une concentration massique de 20 wt%.

Figure 49: Images de microscopie optique de i-PDMS à a)1 wt% non organisé b) 1 wt% auto-organisé, c) 5 wt%, d)10 wt%, e) 20wt% et f) 83 wt% auto-organisés. Le champ est appliqué selon une direction du plan de la membrane, dans des moules de 5 mm de côté.