Chapitre 2 Pertinence de la Convention de 2003
2.4 Patrimoine culturel immatériel et égalité des genres
71. La double approche de l’UNESCO en faveur de sa Priorité globale Égalité des genres – par l’intégration de la dimension de genre et une programmation ciblant un sexe – est pertinente et conforme à la pratique internationale. Bien que la plupart des secteurs aient mis en place
15 L’UNESCO a mis en place un système global de gestion des connaissances pour le volet thématique « Culture et développement » du F‐
OMD. Il est possible d’accéder à la base de données en cliquant sur le lien suivant : http://www.unesco.org/new/en/culture/achieving‐the‐
millennium‐development‐goals/mdg‐f‐culture‐and‐development/
un certain nombre d’activités ciblant un sexe visibles et pertinentes, une lacune reste à combler dans le Secteur de la culture.
72. La question de l’intégration de la Priorité globale Égalité des genres de l’UNESCO dans les politiques, législations, planifications du développement, plans et programmes de sauvegarde, etc., liés au PCI semble être taboue – tout le monde est conscient de son importance, mais personne ne veut le reconnaître. Il s'agit d'un sujet très délicat étant donné le manque évident de consonance entre les principes d’égalité des genres et de non‐
discrimination des droits humains et la crainte qu’une grande partie du PCI soit exclue si ces évaluations étaient appliquées de façon plus stricte au moment de définir/identifier le PCI.
73. Cependant, sauvegarder et célébrer le PCI ne s’oppose pas forcément au fait de reconnaître que certaines pratiques traditionnelles ne peuvent pas être tolérées, car elles violent clairement les normes relatives aux droits humains ; ceci est explicitement reconnu dans la définition du PCI donnée à l’article 2 de la Convention. Le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (ci‐après CIG), assisté par l’UNESCO, devra travailler à définir plus clairement où se situent les limites entre les éléments pouvant être identifiés comme PCI dans le cadre de la Convention et ceux qui ne peuvent pas l’être.16 74. À cet égard, l’UNESCO et le CIG sont en mesure d’agir puisque la Convention a le potentiel
d’encourager l’évolution/adaptation des pratiques culturelles traditionnelles de façon à ce que leur valeur fondamentale pour la communauté soit conservée le temps que tout aspect discriminatoire sérieux soit éliminé ou neutralisé. Il va de soi que ceci devra faire l'objet d'une approche participative et passer par des discussions avec la communauté en question et l’ensemble des parties prenantes concernées.
75. Il est important que le rôle central souvent joué par des femmes (mais aussi par des hommes) dans la création, la préservation et la transmission du PCI soit dûment célébré, tout comme la capacité du PCI à donner aux femmes (et aux hommes) des moyens d’agir sur leur vie. Il est possible de considérer les cultures traditionnelles d'un point de vue non pas négatif, comme portant inévitablement atteinte aux femmes et à l’égalité, mais positif, comme étant, par nature, en constante évolution.
76. L’idée n’est pas de faire pression en faveur d'une égale participation des femmes et des hommes dans toutes les pratiques et événements, mais plutôt d’ouvrir un espace de réflexion sur les aspirations des femmes et des hommes concernant leur vie et sur la façon dont elles/ils sont lié(e)s au PCI qu’elles/ils pratiquent pour savoir si celui‐ci les aide. Il serait également important d’examiner les mesures de sauvegarde du PCI pour déterminer comment/si elles affectent la vie des femmes et des hommes différemment.
77. Les données recueillies dans le cadre du présent exercice d'évaluation montrent que de nombreuses parties prenantes reconnaissent la dimension de genre dans le PCI et confirment que beaucoup de pratiques sociales traditionnelles ont évolué au fil du temps afin de répondre non seulement aux changements globaux en termes d’environnement socioculturel et économique, mais aussi à l'évolution constante des rôles attribués à chaque sexe et des attentes. Néanmoins, il est notoire que, bien souvent, les connaissances et les outils permettant de traiter la question spécifique de l’égalité des genres par rapport au PCI sont insuffisants.
78. En ce qui concerne les mécanismes de travail de la Convention et le soutien fourni par le Secrétariat, il existe plusieurs points d’entrée pour faire prendre conscience de l’importance
16Cet aspect devra être considérée d’un point de vue théorique, mais la plus grande partie du travail a été et continue d’être réalisé par le Conseil des droits de l’homme (et notamment par la Rapporteuse spéciale pour les droits culturels, Farida Shaheed) et l’UNESCO a toute légitimité pour utiliser ces travaux.
des aspects relatifs au genre du PCI et pour introduire une perspective d’égalité des genres dans les différentes étapes du travail normatif (ratification–politiques/législation–mise en œuvre). En raison de l’absence d’un débat approfondi sur l’égalité des genres par rapport au PCI et d'orientation en la matière, ces mécanismes et les documents, formulaires et évaluations s'y rapportant, n'ont, jusqu'ici, pas pris en compte cette question. Par exemple, aucun des dossiers de candidatures (qu’ils concernent la LR, la LSU, l’assistance internationale ou le Registre des meilleures pratiques) ne réclame d’informations quant aux rapports qu’entretiennent les éléments du PCI concernés avec l’égalité des genres. Il n’est pas non plus demandé aux États parties soumissionnaires d’inclure des objectifs et des indicateurs relatifs au genre.
79. Il en va de même avec les rapports périodiques, même si, lors de l’examen desdits rapports, le CIG incite les EP à prêter attention à cette question. Néanmoins, ils n’incluent toujours pas de question relative à l'égalité des genres et aucune donnée ventilée par sexe n’est requise, ce qui laisse aux États parties le soin de s’exprimer ou non à ce sujet. Il s’agit là d’une occasion manquée de faire prendre conscience de l’importance de ce sujet et de recueillir des informations d’intérêt et des bonnes pratiques qui pourraient ensuite être diffusées.
L’inclusion récente du point de repère suivant dans le projet 37C/5, en lien avec l'indicateur sur le nombre de rapports périodiques devant être analysés par le Secrétariat, constitue une évolution positive : « 100 rapports, parmi lesquels 50 traitent de la question de l’égalité des genres. »
80. Le programme de renforcement des capacités du Secrétariat (dont il a été question dans un précédent chapitre) n’aborde pas non plus ce sujet en détail, probablement en raison d’un manque d’orientation et de direction de la part du CIG. Il va sans dire que la Convention et les Directives opérationnelles de la Convention ne fournissent pas non plus d’orientation à ce sujet, si ce n’est que seuls doivent être pris en considération les éléments du PCI conformes aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme ainsi qu’à l’exigence de respect mutuel entre communautés, groupes et individus et d’un développement durable.
81. Le Secrétariat de la Convention de 2003 s’est récemment lancé dans une étude sur le PCI et la question de l’égalité des genres ainsi que dans le développement d’un ensemble d’outils qui devraient permettre d’aborder cette question dans des projets de sauvegarde concrets incluant l'élaboration d'inventaires. Il s’agit sans aucun doute d’un premier pas dans la bonne direction. Ces outils incluront également une série d’exemples innovants sur la façon dont des communautés ont adapté leur PCI au fil du temps afin de le rendre plus égalitaire en termes de genres, sans pour autant qu’il perde ses fonctions sociales et significations.
Recommandation n° 1. Revoir tous les documents et formulaires concernés (y compris les Directives opérationnelles, les modèles de rapport périodique et les dossiers de candidature) de façon à y inclure une orientation et des questions relatives à l’égalité des genres.