280. Il est demandé aux États parties de présenter des rapports périodiques au Comité intergouvernemental de la Convention sur les mesures législatives, réglementaires et autres mesures prises pour la mise en œuvre de la Convention aux niveaux bilatéral, régional et international. Ils doivent aussi fournir des informations sur l'actuel statut de tous les éléments du PCI inscrits sur la LR ainsi que sur le contexte institutionnel pour les éléments inscrits et sur les potentiels impacts de leur inscription. Des rapports sur le statut des éléments inscrits sur la LSU devront être présentés tous les quatre ans. Chaque rapport devra être préparé avec la participation la plus large possible des communautés, des groupes et des individus concernés.
281. Ces rapports périodiques des États parties constituent les principaux mécanismes internationaux de la Convention pour le suivi de sa mise en œuvre. Ils contiennent des informations détaillées, qui sont résumées par le Secrétariat, présentées au Comité et mises à la disposition de tous les États parties à des fins d'information. Une fois que le Comité les a examinées, elles sont également diffusées auprès du grand public.
282. Tous les rapports périodiques présentés jusqu'à présent ont été étudiés dans le cadre de cet exercice d'évaluation. Les données présentées dans ces rapports se sont avérées très instructives. Elles démontrent l'engagement des États parties à prendre leurs responsabilités au sérieux en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention et elles indiquent une nouvelle fois que le succès de la Convention repose sur l’efficacité des partenariats entre l'ensemble des différentes parties prenantes impliquées. Les rapports périodiques, en eux‐
mêmes, constituent une mesure nationale de sauvegarde supplémentaire car ils obligent les États parties à dresser un bilan de l’état d’ensemble de la mise en œuvre, ce qui ne peut être réellement effectué qu'avec la participation de toutes les parties prenantes concernées.
283. Cependant, l’analyse des rapports périodiques a aussi révélé que pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention de manière globale, les rapports n'apportaient pas à eux seuls toutes les informations requises. Plusieurs facteurs sont en cause.
284. Tout d’abord, les informations exposées dans les rapports ne sont pas obligatoirement présentées selon une modalité axée sur les résultats. La plupart des rapports sont centrés sur les activités entreprises plutôt que sur les résultats (produits et effets directs) atteints. Ce point dépend en partie de la manière dont les questions contenues dans les rapports sont formulées. Par exemple, il est demandé aux États parties d'exposer les mesures entreprises, ce qui les conduit naturellement à relater les activités. Aucune question sur les actuels résultats obtenus à la suite des mesures entreprises n’a été incluse. Il s’agit là d'une faille du modèle de rapport qui pourrait être facilement comblée.
285. Par ailleurs, un certain nombre de questions intéressantes sont actuellement absentes du modèle de rapport. Par exemple, aucune question spécifique sur le développement de politiques/de la législation relatives au PCI n’est incluse, bien que la Convention (article 13) incite les États parties à adopter une politique générale visant à mettre en valeur la fonction du PCI dans la société, et que les Directives Opérationnelles (IV.1.2.) encouragent les États parties à, entre autres, favoriser des politiques pour la reconnaissance publique des détenteurs et praticiens du PCI et mettre en place des politiques pour reconnaître la contribution des manifestations du PCI présent sur leurs territoires à la diversité et à la richesse culturelle des États. Cette dernière partie porte sur la relation entre le PCI et le développement durable. Le modèle de rapport n'oblige pas non plus les États parties à fournir des informations sur la question de savoir si ou comment le développement de politiques et la sauvegarde prennent en compte l'égalité des genres. Ce sont d'autres failles du modèle de rapport qui pourraient être facilement comblées.
286. Troisièmement et surtout, la collecte et la description des résultats (effets directs et extrants) ne sont possibles que si la situation indique clairement quels résultats il faut obtenir. Ce n’est pas le cas de la situation actuelle. Certains États parties possèdent des cadres d'évaluation et de suivi à l'échelle nationale, régionale ou locale pour leur travail de sauvegarde du PCI (voir ci‐
après), mais il n’existe aucun cadre de résultats global au niveau de la Convention. En l’absence d’objectifs, d’indicateurs et de points de référence, il est difficile de tirer des conclusions à partir des progrès réalisés concernant la mise en œuvre de la Convention.
287. Par exemple, le fait que XX États parties fassent un rapport sur la création d’un cadre politique et juridique est‐il le signe que des progrès considérables, que quelques progrès ou que peu de progrès ont été réalisés ? Sans point de référence spécifique, il est possible de n’aboutir à aucune conclusion finale. Ou encore le fait que XX États parties aient fait participer les communautés dans l’établissement des inventaires est‐il le signe que les communautés dans leur ensemble sont très impliquées, suffisamment impliquées, pas suffisamment impliquées, etc. ?Évidemment, ces questions s’appliquent aussi à toutes les autres activités que les États parties ont prévu d’entreprendre.
288. L’évaluation incite par conséquent à élaborer un cadre de résultats global pour la Convention de 2003 (avec des objectifs, des calendriers, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des points de référence). La première version du modèle de la théorie du changement de la Convention présentée dans le chapitre 1.3, qui doit encore être examinée, pourrait servir de base au cadre de résultats.
289. Un premier pas vers l’amélioration du suivi des résultats a déjà été réalisé avec l'élaboration d'indicateurs et de points de référence inclus dans le projet de Programme et Budget 37C/5, qui est actuellement examiné par les États membres. Il sera important de veiller à ce que le cadre de résultats global de la Convention soit en conformité avec le C/5 (et vice versa).
290. Il convient de prêter attention à une autre initiative importante dans ce contexte : le développement de la Batterie d'indicateurs de la culture pour le développement. La Batterie comprend un ensemble d’indicateurs qui visent à démontrer de quelle manière la culture contribue au développement. Elle porte sur sept dimensions politiques interdépendantes de la culture et du développement. Toutes ces dimensions politiques ne sont pas pertinentes pour la Convention de 2003. Cependant, il serait intéressant de vérifier quel rôle les indicateurs pourraient jouer dans un futur cadre de résultats. Bien que le développement économique ne soit pas l'objectif premier de la sauvegarde du PCI, démontrer l'impact économique des activités commerciales liées au PCI, par exemple celles relatives au tourisme ou au commerce des biens et services culturels, pourrait constituer un apport considérable à l'ambition plus large des États parties en matière de description des résultats.
291. Quatrièmement, les rapport périodiques sont soumis par les États parties et ils présentent donc principalement le point de vue du gouvernement, même s’il est demandé aux États parties de faire participer les communautés, les groupes et les individus concernés à la préparation du rapport. Il ne s’agit pas forcément d’une faille du système d’élaboration des rapports périodiques, car après tout la Convention est un mécanisme intergouvernemental ; elle est ratifiée par le gouvernement et non par des communautés ou des groupes.
Néanmoins, étant donné que les communautés, les ONG et de nombreuses autres parties prenantes jouent un rôle dans la mise en œuvre de la Convention, aucun suivi ou veille global(e) ne pourrait être réalisé de manière complète sans que leurs points de vue soient aussi pris en compte. Cet objectif pourrait être atteint en permettant aux ONG d'apporter un retour sur les rapports périodiques des États parties au cours des réunions du CIG et/ou en
invitant les ONG à soumettre des observations sur les rapports périodiques par écrit. Le Secrétariat pourrait ensuite les communiquer au CIG. 39
292. Le suivi de la mise en œuvre de la Convention à l'échelle nationale est assuré de multiples manières. Un certain nombre d'États parties ont mis en place des systèmes nationaux pour contrôler la mise en œuvre des plans nationaux de sauvegarde du PCI. Bien qu’il incombe au gouvernement de réaliser la principale responsabilité de suivi aux niveaux national, régional et local, de nombreuses parties prenantes sont impliquées, notamment des écoles, des ONG et des communautés. C’est le cas en Ouzbékistan qui rapporte avoir établi un mécanisme de suivi et d’évaluation pour la mise en place du programme public sur la sauvegarde du PCI, qui comprend des calendriers, des résultats escomptés et des indicateurs.
293. Dans d'autres pays, le gouvernement rassemble les parties prenantes dans le cadre de son action de suivi globale afin de réaliser un bilan commun de la mise en œuvre de la Convention.
L’Espagne, par exemple, a organisé cette année une réunion nationale d’organisations et d’experts provenant des régions autonomes (I Encuentro de Gestores del Patrimonio Cultural Inmaterial de la Humanidad; juin 2013). Le but de cette réunion était de favoriser le dialogue et l'échange d'expériences entre le gouvernement et les parties prenantes de la société civile impliqués dans la mise en œuvre de la Convention. Dans la région de Flandre en Belgique, le gouvernement réalise chaque année un suivi avec toutes les organisations qui font partie du réseau flamand d'expertise relative au PCI (déjà présenté dans un chapitre précédent de ce rapport) et qui reçoivent un financement du gouvernement. Ce suivi est complété par une plate‐forme Internet ouverte qui sert d’outil de communication transparent sur la sauvegarde du PCI. La plate‐forme est accessible à toutes les parties prenantes. Le suivi de la sauvegarde des éléments inscrits sur l'inventaire flamand sur le PCI se base sur les informations fournies par la plate‐forme. Une commission experte fournit des avis supplémentaires. Il est intéressant de souligner que la préparation du rapport périodique présenté par la Belgique à l’UNESCO s'accompagnait d'une évaluation des outils et des approches utilisées pour la sauvegarde et de l'état des éléments inscrits sur la LR.
294. Du fait du manque de données et d’informations, il n'a pas été possible d’aboutir à une conclusion dans le cadre de cette évaluation concernant les mécanismes de suivi et de veille existant à l'échelle nationale. Les rapports périodiques ne fournissent pas beaucoup d'informations sur ce point, et les enquêtes envoyées au gouvernement et aux ONG non plus.
Le tableau d’ensemble est donc incomplet. Cependant, il est ressorti que dans de nombreux États parties, il n'existe aucun mécanisme de suivi sur la mise en œuvre de la Convention. La compilation des rapports périodiques est souvent la première occasion donnée à l'institution du gouvernement responsable pour connaître la manière dont les différentes parties prenantes sont impliquées dans la mise en œuvre de la Convention.
295. Dans certains cas, les gouvernements centrent leurs actions de suivi presque exclusivement sur les éléments du PCI inscrits sur la LR et la LSU. Dans d’autres cas, des éléments qui font partie de l’inventaire national sont inclus. Cependant, cela ne semble pas toujours être le cas. Dans de nombreux pays, le suivi est une responsabilité répartie entre plusieurs parties prenantes qui sont chacune en charge du contrôle de la mise en œuvre du projet ou de l’activité spécifique dont ils sont responsables de manière individuelle. Les rapports sont ensuite soumis aux agences de financement respectives. L’inconvénient est qu’aucun organe central de coordination n’a de vue d’ensemble des actions réalisées pour mettre en œuvre la Convention.
De même, il n’est possible d’identifier aucune des lacunes et des difficultés de la sauvegarde qui devraient être traitées.
39D’autres organisations ont aussi des pratiques qui favorisent la contribution des ONG au processus d’établissement de rapports. L’une d’elles est l’Examen périodique universel (EPU), processus mis en place par le Conseil des droits de l’homme (CDH). Chaque pays examiné présente deux rapports dans le cadre de l’EPU, l’un réalisé par le gouvernement et l’autre par la communauté des ONG/OSC, et le CDH produit ensuite un rapport de synthèse fondé sur ces deux rapports.
Recommandation n° 21. Revoir le modèle de rapport périodique et y inclure des questions précises sur les politiques, la législation et l’égalité des genres, et veiller à ce que les rapports soient centrés sur les résultats et non les activités.
Recommandation n° 22. Élaborer un cadre de résultats global pour la Convention, lié à la théorie du changement de la Convention et avec des objectifs clairs, des calendriers, des indicateurs et des points de référence.
Recommandation n° 23. Compléter les données recueillies sur la mise en œuvre de la Convention par des rapports périodiques présentés par les États parties avec des informations fournies par des ONG.
Recommandation n° 24. Renforcer le suivi et l'évaluation de la mise en œuvre de la Convention à l’échelle nationale.