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1 Chondrocalcinose

Une série d’expériences montre la preuve que l’augmentation de NPP1 peut contribuer au développement d’une minéralisation pathologique.

Le TGFβ, présent sous une forme latente dans le cartilage, peut potentiellement augmenter la génération de PPi via l’augmentation d’expression de NPP1 dans les chondrocytes et la diminution de TNAP qui transforme le PPi en Pi. La surexpression de TGFβ, ainsi que les niveaux de NPP1 sont inhibés par la cytokine pro-inflammatoire IL1β. L’augmentation d’IL1β observée chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, comparé a des patients arthrosiques ou « normaux », diminue NPP1 et est

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potentiellement responsable de la diminution du PPi synovial et de la diminution de la calcification osseuse au cours de cette pathologie (Goding et al., 2003).

La minéralisation pathologique est souvent accompagnée par des dépôts de cristaux formés par l’augmentation de la production de PPi. Dans la chondrocalcinose idiopathique ou la maladie de dépôts de CPPD, une concentration élevée de PPi dans les articulations peut être partiellement expliquée par une augmentation de l’activité de NPP1 (Boyan et al., 1994; Eastgate et al., 1988; Pattrick et al., 1991). La formation de cristaux est facilitée par le fait que le fluide synovial de ces patients a une concentration en ATP (200nM) trois fois plus importante que dans des articulations saines (Rachow et al., 1988; Ryan et al., 1986; Tenenbaum et al., 1981; Wortmann et al., 1986).

Des mutations autosomales dominantes du gène ANKH sont également capables d’augmenter la fonction de transport du PPi et mener éventuellement à la chondrocalcinose.

2 Calcifications pathologiques des ligaments et des capsules articulaires

Depuis que la littérature a mis en évidence NPP1 comme source majeure de PPi extracellulaire (ePPi) et PPi comme un inhibiteur potentiel de la formation d’HA, il semble évident que les déficiences en NPP1 pourraient provoquer des calcifications pathologiques. Cette hypothèse a été confirmée dans le cas des souris ttw (tiptoe walking, Partie 2) chez lesquelles le gène NPP1 est inactivé par une mutation récessive naturelle (Goding et al., 2003). Un phénotype identique est observé chez les souris ou le gène NPP1 est perturbé par une recombinaison homologue (Sali, A. ; Favaloro, J. M. ;

Terkeltaub, R. ; Goding, J. W., 2000). Dans les deux cas, les souris présentent une augmentation des calcifications âge-dépendantes des ligaments, des capsules articulaires et des tendons. Les souris Enpp1-/- montrent également des défauts significatifs dans la minéralisation des os longs. Elles possèdent une masse d’os trabéculaire réduite (Figure 27) et un amincissement cortical du tibia et du fémur, caractérisé par des changements dans les propriétés structurales et mécaniques, la sévérité augmente avec l’âge. Cela peut être un effet direct du manque de l’activité ENPP1 mais également de la réduction de poids observé chez les souris Enpp1

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Figure 27 : Perturbation de la minéralisation des os longs chez les souris ENPP1-/-. Analyses de tomographie du fémur d’une souris (A) sauvage et (B) ENPP1-/- à 22 semaines. Ces reconstructions illustrent la diminution de la masse osseuse trabéculaire chez les souris Enpp1-/- comme rapporté par Neil Charles Wallace Mackenzie et al. 2012.

Comme abordé précédemment, NPP1 et TNAP ont des actions opposés dans la production et l’hydrolyse d’ePPi, il est alors intéressant de noter le double KO des deux gènes chez des souris présente un phénotype moins sévère que pour des simples KO de TNAP (Hessle et al., 2002).

Chez les souris mutantes (ankylosing ou ank, Partie 2), la mutation ank a été mis en

évidence comme perte de fonction, avec augmentation d’iPPi et réduction d’export de pyrophosphate cohérents avec cet héritage récessif (Ho et al., 2000). Ces résultats sont cohérents avec les mutants NPP1 dans lesquels les niveaux bas d’ePPi provoquent un dépôt excessif d’hydroxyapatite.

Chez l’Homme, en 2001 un garçon de deux ans avec une calcification artérielle infantile idiopathique présentait des calcifications peri-artérielles et péri-articulaires. (Rutsch et al. 2001). L’enfant avait de très faibles niveaux de NPP1 et était hétérozygote sur le locus

enpp1 alors que la séquence codante était normale. La nature exacte du défaut n’a pas

été établie.

Les anomalies de l’expression de ENPP1 ont été suspectées dans des cas plus courants, chez l’Homme dans le cas de l’ossification du ligament longitudinal postérieur de la colonne vertébrale (OPLL), une cause significative de myélopathie en particulier au

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Japon et en Asie du Sud-Est. La maladie implique des formations osseuses ectopiques dans le ligament para-ventral et la compression de la moelle épinière (Tsuyama, 1984). Les analyses génétiques de NPP1 dans l’OPLL révèlent une association significative avec une mutation dans l’intron 20. La délétion d’un T, 11 nucléotides en amont du site accepteur d’épissage de l’intron 20, semble rendre les individus plus susceptibles à une ossification anormale des ligaments de la colonne vertébrale (Nakamura et al., 1999). Il existe un grand nombre de similarités entre les souris ttw et les humains OPLL. Malgré tout, il n’a jamais été admis que les souris ttw soient le parfait homologue des humains OPLL. Contrairement à l’OPLL, l’ossification hétérotopique observée chez les souris ttw n’a pas uniquement lieu dans les ligaments de la colonne vertébrale mais également dans les capsules articulaires, les tendons, les anthèses des tendons, le cartilage et les ligaments périphériques.

Aucune preuve convaincante pour des changements dans l’activité de NPP1 dans l’OPLL n’ont été reportées, et l’association avec la séquence variante de l’intron 20 n’a pas été liée à une perte d’activité de NPP1 (Goding et al., 2003).

3 Calcification artérielle généralisée de l’enfance (GACI)

La calcification artérielle généralisée de l’enfance (GACI) est une maladie rare autosomale récessive rapportée pour 180 individus en 2013 (Dlamini et al., 2009; Rutsch et al., 2008). Les traits vasculaires caractéristiques de la pathologie sont une calcification des artères de grande et moyenne taille et une prolifération myointimale marquée menant à des sténoses artérielles (Figure 28). Des calcifications péri-articulaires extravasculaires affectent la majorité des sujets (Moran, 1975). Les signes précoces de la pathologie apparaissent avant la naissance et la plupart des enfants atteints décèdent très jeunes de séquelles de l’occlusion vasculaire, une obstruction myocardiale ou d’une crise cardiaque congestive provoquée par l’hypertension (Moran, 1975; Rutsch et al., 2000). Certains cas étudiés survivent jusqu'à l’âge adulte avec une hypertension persistante et des séquelles cardiovasculaires. Environ, 85% des enfants affectés ne survivent pas après 6 mois.

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Figure 28 : Manifestations de la calcification artérielle généralisée de l’enfance. Echogénicité d’un arc aortique calcifié chez un enfant portant des mutations bi-alléliques dans ENPP1, mort à l’âge de 8 jours. (A) Calcification de la lamina élastique interne et prolifération de l’intima de l’aorte d’un autre enfant avec GACI (hématoxyline-éosine, 10x) (B) (Mackenzie et al., 2012a).

Le phénotype de cette maladie peut être récapitulé chez les souris tiptoe-walking (ttw/ttw, Partie 2) associé à des calcifications du cartilage articulaire et du ligament

péri-spinal et des calcifications aortiques (Hosoda et al., 1981; Okawa et al., 1998). Un phénotype comparable est retrouvé chez les souris Enpp1-/-. Ces mutants ont une position et une démarche anormale dues à une raideur des articulations, un phénotype similaire à la souris asj (« ages with stiffened joints ») mutée dans le gène ENPP1 (Li et al., 2013). La concentration plasmatique en PPi et le ratio Pi/PPi sont significativement diminués chez ces souris avec une augmentation de la minéralisation du cartilage articulaire et élastique (Zhang et al., 2016a).

Les GACI sont le plus souvent provoquées par des mutations qui inactivent ENPP1.

Aujourd’hui plus de 40 mutations différentes de ENPP1 ont été identifiées chez les patients atteints de GACI (Rashdan et al., 2016). Le syndrome est histologiquement caractérisé par une prolifération de l’intima et un dépôt diffus d’HA dans la lamina élastique interne des artères de taille moyenne. Ces symptômes sont corrélés avec la perte de fonction provoquées par des mutations dans le gène codant pour ENPP1 et localisé sur le chromosome 6q22-q23, OMIM173335.

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Les diagnostics prénataux ne sont pas fréquents puisque les manifestations ne sont visibles que le dernier trimestre de la grossesse. Mais des analyses précoces des mutations à partir d’une amniocentèse sont possibles, si la maladie provoquée par des mutations de ENPP1 ont déjà été identifiées dans la même famille (Kalal et al., 2012).

4 Calcification familiale primaire cérébrale (PFBC)

La calcification cérébrale est une caractéristique radiologique fréquente, trouvée chez 1% à 20% de la population d’une façon âge dépendante. Des dépôts anormaux de calcium dans le cerveau sont retrouvés chez les patients atteints de calcification familiale primaire cérébrale (PFBC), une pathologie hétérogène neuropsychiatrique avec pour symptômes des migraines, le parkisonisme, une démence et des changements d’humeur. Le terme « primaire » implique l’absence de causes métaboliques, infectieuses, toxiques ou traumatiques dans les formes familiales ou sporadiques. Dans les formes familiales, il existe souvent une prédisposition génétique autosomale dominante alors que dans les formes sporadiques sont dus à des mutations de novo ou

des mutations transmises par un parent asymptomatique non diagnostiqué. Des variants de SLC20A2 qui code pour PiT-2 sont connus pour être responsables de la plupart des cas de PFBC.

Récemment, il a été démontré que la perte de l’activité d’export de phosphate de xPR1 (Voir Partie précédente) peut provoquer la PFBC dans de rares cas.

5 L’hypophosphatasie (HPP)

L’hypophosphatasie est une maladie osseuse systémique génétique rare provoquée par une mutation du gène ALPL (Orimo, 2010). Elle se caractérise par une hypo-minéralisation des tissus solides et peut être classée selon la gravité de la maladie et l’âge : périnatale (létale), infantile, périnatale bénigne, enfance, adulte et odontohypophosphatasie. La forme périnatale est la forme la plus sévère et souvent mène à la mort des fœtus affectés. La forme infantile survient vers 6 mois, les problèmes respiratoires sont la cause principale.

Les symptômes varient selon le type d’HPP. A part pour l’odontohypophosphatasie caractérisée par des manifestations dentaires, l’HPP est caractérisée par des rachitismes

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et des ostéomalacies conduisant à des déformations osseuses et des désordres de la fonction musculosquelettique. Ces symptômes sont dus à une hypominéralisation osseuse. La pathophysiologie de l’HPP dérive de la fonction altérée de la protéine TNAP. Chez ces patients, les cristaux d’HA extracellulaires sont réduits et la minéralisation perturbée. Chez certains individus HPP des cristaux de CPPD sont retrouvés dans le cartilage articulaire suite à une augmentation endogène de la concentration en PPi (Orimo, 2016).

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CHAPITRE III : METABOLISME PHOSPHOCALCIQUE, FGF23 ET