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CHAPITRE III : METABOLISME PHOSPHOCALCIQUE, FGF23 ET CONSEQUENCES

A. Métabolisme phosphocalcique

Le phosphate est un élément essentiel dans l’organisme et joue un rôle important dans de multiples processus biologiques (Berndt et al., 2005). Les composés contenant du phosphate possèdent des rôles dans la structure cellulaire (maintenance de l’intégrité des membranes cellulaires et des acides nucléiques), métabolisme cellulaire (génération d’ATP), régulation de mécanismes subcellulaires (signalisation cellulaire via la phosphorylation d’enzymes importantes), maintenance de l’homéostasie acide-base et minéralisation osseuse. Le phosphate est l’anion le plus abondant du corps humain et représente environ 1% du poids corporel total (Farrow and White, 2010). Il est majoritairement intracellulaire où sa concentration est 100 plus élevée que dans le plasma. La majorité du phosphate est présent dans les os et les dents (85%) et le reste entre les autres tissus et les fluides extracellulaires (1%). Les concentrations de phosphate varient avec l’âge. Dans le tractus intestinal et le rein, il existe par exemple un déclin âge-dépendant dans l’absorption et la réabsorption de phosphate respectivement, lié à une diminution de l’expression des gènes et des protéines codant pour les co-transporteurs de phosphate (Penido and Alon, 2012).

Des déficiences prolongées en Pi mènent à une hypophosphatémie avec de sérieuses conséquences biologiques comme une altération de la minéralisation osseuse menant à une ostéomalacie ou un rachitisme, des problèmes du système nerveux central, une augmentation de la rigidité membranaire des érythrocytes, des fonctions anormales des leucocytes et plaquettes, un affaiblissement musculaire, des problèmes cardiaques et une défaillance respiratoire. D’un autre côté, une hyperphosphatémie est maintenant connue pour diminuer l’espérance de vie et mener à des attaques, des arythmies cardiaques, un affaiblissement musculaire et une tétanie, une diminution de l’acuité visuelle, des calcifications tissulaires et une défaillance rénale (Khoshniat et al., 2011a).

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1 Absorption intestinale

Le phosphate est ubiquitaire et présent dans tous les aliments naturels. Tous les aliments composés des cellules animales ou végétales sont riches en phosphate. Le lait et ses dérivés étant les aliments les plus riches en phosphate dans l’alimentation. Le phosphate interagit avec différents minéraux alimentaires comme le calcium, le sodium et le magnésium.

Le phosphate alimentaire, la 1α, 25-dihydroxyvitamine D (1,25(OH)2D3) et la PTH sont les régulateurs physiologiques les plus importants de l’absorption intestinale de phosphate bien que d’autres facteurs interviennent comme l’EGF, les glucocorticoïdes, les estrogènes, l’acidose métabolique ou encore les phosphatonines et sFRP-4 (Farrow and White, 2010).

L’absorption intestinale de phosphate a lieu grâce à des mécanismes cellulaires et para-cellulaires. Le phosphate ingéré par l’alimentation est absorbé par l’épithélium de l’intestin grêle (duodénum et jéjunum) par un mécanisme passif de diffusion et un mécanisme actif dépendant du sodium. Alors que le premier dépend de la concentration en phosphate de l’intestin, le second est augmenté par la 1,25(OH)2D3 (Berndt et al., 2005).

Au niveau subcellulaire, l’absorption de phosphate dépend du fonctionnement des transporteurs de phosphate sodium-dépendants qui appartiennent à la famille SLC34, qui contient les transporteurs Napi2a, Napi2b et NaPi2c. Le transporteur principalement exprimé dans l’intestin grêle est NaPi2b qui est régulé par la 1,25(OH)2D3.

2 Réabsorption rénale

En conditions physiologiques, le rein maintient la balance de phosphate sérique par un contrôle précis de l’excrétion urinaire de phosphate.

Le phosphate filtré est réabsorbé par les cellules épithéliales du tubule proximal par l’utilisation de co-transporteurs de phosphate dépendants du sodium (Na/Pi). Alors que ces cellules contiennent trois types de transporteurs Na/Pi, la famille de co-transporteurs de type 2 qui contient NaPi2a (codé par le gène SLC34a1) et NaPi2c (codé par le gène SLC34a3) est la plus active dans la réabsorption rénale du phosphate. Au contraire, le co-transporteur de type 1 (NPT1) est plutôt un transporteur d’anion alors

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que le type 3 comprend deux transporteurs, PiT1 (codé par le gène SLC20a1) et PiT2 (codé par le gène SLC20a2) dont les rôles ont été détaillés dans le Chapitre II, paragraphe C.II. FGF23 peut supprimer l’expression de NaPi2a et NaPi2c, provoquant une diminution de la réabsorption de phosphate avec augmentation de l’excrétion urinaire de phosphate (Gattineni et al., 2009).

3 Hormones impliquées

De nombreux facteurs comme le FGF23, klotho, sFRP4 (secreted frizzled-related protein 4), DMP1 et des glycoprotéines matricielles ont émergés comme des régulateurs importants de l’homéostasie du phosphate et suggèrent l’existence d’une réseau élaboré d’interactions humorales et des boucles de rétrocontrôle impliquant l’intestin, le rein, la glande parathyroïde et l’os (Figure 29).

a. Hormone Parathyroïde

En plus de son rôle majeur dans la régulation calcique, la PTH est une hormone de la régulation des concentrations de phosphate plasmatique. La libération de PTH permet de réduire l’expression de NaPi2a et NaPi2c dans la membrane apicale du tubule proximal, résultant en une diminution du phosphate sérique, jusqu'à, dans certaines condition pathologiques, un rachitisme ou une ostéomalacie (Prié et al., 2009a).

b. Calcitriol (1,25(OH)2D3)

Alors que la PTH stimule fortement la 1,25(OH)2D3, cette dernière supprime la PTH. Ainsi, la 1,25(OH)2D3 ne régule pas seulement les concentrations sériques en phosphate directement en augmentant son absorption intestinale mais aussi indirectement en augmentant sa réabsorption tubulaire à travers la suppression de PTH.

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Figure 29 : Relations entre les organes, les hormones et les transporteurs impliqués dans l’homéostasie du phosphate (Khoshniat et al., 2011a). Les régulateurs principaux qui inhibent (lignes rouges) ou stimulent (lignes vertes) l’absorption ou la réabsorption de phosphate et la minéralisation osseuse sont représentées.

c. Les phosphatonines

Les phosphatonines sont un groupe de protéines qui ont émergées comme de nouveaux candidats potentiels de la régulation de l’homéostasie du phosphate. Les phosphatonines sont FGF23, FGF7, sFRP4 et MEPE, toutes induisant une hypophosphatémie à travers la réduction de l’expression de la protéine NaPi2a, permettant une augmentation de l’excrétion rénale de phosphate. Ces protéines inhibent la réabsorption de phosphate et seuls FGF23 et sFRP4 sont considérés comme des acteurs importants dans l’inhibition de la synthèse de 1,25(OH)2D3.

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4 Régulation phosphocalcique du tissu squelettique

Pendant la croissance du squelette et le remodelage osseux, le processus de minéralisation dépend en partie de la disponibilité locale de Pi et de calcium. En l’absence de ces ions, ou en cas de mauvaise absorption ou réabsorption, la minéralisation est perturbée, menant à la formation d’os faiblement minéralisés caractéristique de l’ostéomalacie ou du rachitisme.

a. Rôle du phosphate dans la plaque de croissance

La plaque de croissance, comme expliqué précédemment (voir Chapitre I), a un rôle crucial dans la croissance osseuse. L’épaisseur de cette plaque de croissance est déterminée par deux mécanismes opposés : la prolifération et l’hypertrophie des chondrocytes d’une part et l’apoptose des chondrocytes et l’invasion vasculaire suivie d’une conversion en os spongieux d’autre part. L’invasion vasculaire nécessite la minéralisation du cartilage de la plaque de croissance et devient impossible en cas de déficiences en calcium et/ou phosphate.

Une régulation aberrante de ce processus entraine des désordres de la plaque de croissance. Dans ce cas, le cartilage de la plaque de croissance continue de s’accumuler et la plaque de croissance s’épaissit. Les chondrocytes deviennent alors désorganisés, perdant leur organisation en colonne. Dans l’os, les défauts de minéralisation mènent à une accumulation d’ostéoïdes. Cette anomalie observée lors de la croissance est appelée rachitisme. Alors que le calcium joue un rôle important dans la régulation de la maturation des chondrocytes, l’apoptose des chondrocytes hypertrophiques terminaux est dépendante de la concentration en phosphate circulant (Sabbagh et al., 2005).

En plus, de la plaque de croissance, le reste du squelette est lui aussi affecté par l’hypophosphatémie provoquant une ostéomalacie ou un rachitisme (Penido and Alon, 2012).

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b. Rôle du Pi dans le phénotype cellulaire

b1.Dans les ostéoblastes

Certaines études ont mis en évidence le Pi comme un molécule capable de moduler la prolifération ostéoblastique. Un traitement de cellules U2OS d’ostéosarcome avec du Pi mène à une diminution des concentrations intracellulaire d’AMPc et de l’activité adénylate cyclase, et une inhibition de la croissance cellulaire (Naviglio et al., 2006). Certaines protéines sur-exprimées en réponse au Pi se trouvent être impliquées dans la régulation du cycle cellulaire, la prolifération et la synthèse d’ADN. Des analyses par cytométrie en flux des cellules MC3T3-E1 montrent que le nombre de cellules en phase S augmente en réponse à un traitement au Pi (Conrads et al., 2005).

D’autres résultats suggèrent que le Pi peut moduler la prolifération ostéoblastique au moins en partie via IGF-1, connu comme le facteur de croissance principal impliqué dans

la prolifération ostéoblastique.

Le Pi est également impliqué dans la différenciation et l’activité des ostéoblastes. Pendant les phases précoces de la différenciation ostéoblastique, l’expression de l’ALP augmente. En présence de phosphate organique comme le β-glycérophosphate (βGP), l’ALP contribue à la production locale et à la libération de phosphate (Bellows et al., 1992).

De plus, une diminution de la formation de Pi extracellulaire due à une inhibition de l’ALP est corrélée à une diminution de l’expression de l’ostéopontine, une molécule impliquée dans la régulation de la minéralisation (Beck et al., 1998).

Enfin, le Pi extracellulaire est lié à une diminution de la perméabilité membranaire des mitochondries menant à une apoptose des ostéoblastes (Adams et al., 2001).

b2.Dans les chondrocytes

Certaines études suggèrent un rôle du Pi comme modulateur de la différenciation chondrocytaire. La régulation métabolique du stock de Pi disponible peut être un facteur limitant de la minéralisation dans le cartilage. Un très faible taux de Pi est présent dans le cartilage pré-minéralisé alors que sur le front de minéralisation, une forte concentration en Pi est corrélée avec la formation minérale (Kakuta et al., 1985).

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De plus, une stimulation par le Pi induit une rapide surexpression de la protéine Pit1 dans la membrane plasmique, associée avec une augmentation du transport de Pi (Wang et al., 2001). L’effet du Pi sur la maturation des chondrocytes est aussi mis en évidence par la suppression du collagène de type II et l’expression du récepteur à la PTH, une accélération de l’expression du collagène de type X dans la lignée cellulaire ATDC5, un modèle de différenciation hypertrophique chondrocytaire (Fujita et al., 2001; Magne et al., 2003).

Dans les chondrocytes issus de patients arthrosiques, l’IL-8 permet la différenciation hypertrophique terminale des chondrocytes en modulant l’expression chondrocytaire de PiT1 et la réabsorption Na-dépendante de Pi (Cecil et al., 2005), (Khoshniat et al., 2011a).

b3.Le Pi comme molécule de signalisation

Le Pi active sélectivement la voie de signalisation ERK1/2 (Khoshniat et al., 2011b; Wittrant et al., 2009) pour médier ces effets sur l’expression de l’ostéopontine dans les cellules MCT3T3 (Beck and Knecht, 2003; Julien et al., 2009). Augmenter la concentration extracellulaire de Pi provoque une phosphorylation rapide et biphasique de ERK1/2 mais n’active pas les autres protéines MAPK, p38 ou JNK. D’autres voies comme PI3K, la protéine kinase A ou encore la protéine kinase G ne sont pas impliquées (Beck and Knecht, 2003). De plus, des voies de signalisation spécifiques impliquées dans la régulation de l’OPN en réponse au Pi ont été identifiées dans les cellules MC3T3-E1 (Beck and Knecht, 2003).

Les voies ERK1/2 et Fra-1 sont d’ailleurs requises pour l’effet du Pi sur l’expression de MGP dans les chondrocytes de la plaque de croissance (Julien et al., 2007) et les cellules MC3T3-E1M (Julien et al., 2009). Ces résultats ont été confirmé par la même équipe dans les ATDC5 et des chondrocytes humains en culture (Khoshniat et al., 2011a)

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