• Aucun résultat trouvé

En se basant sur la diversité des mécanismes moléculaires à l‟origine de la dysfonction du canal chlorure CFTR, Welsh et Smith ont proposé une classification des quelques 200 mutations recensées à l‟époque et associées à la mucoviscidose (Welsh et Smith., 1993) (Figure N°14). Ils ont identifié 4 mécanismes généraux pouvant rompre (i) la production de la protéine (ii) sa biosynthèse, (iii) la régulation du canal ou encore (iiii) sa conduction ionique. Il est important de noter ici que dans le cas de nombreuses mutations associées à la mucoviscidose, la protéine CFTR, lorsqu‟elle est synthétisée, possède tout de même une activité résiduelle de canal chlorure quand elle est exprimée dans des cellules hétérologues. Cela inclut des mutations pouvant affecter la biosynthèse de CFTR, telle que la mutation F508del-CFTR (cette mutation sera développée en détail dans le II.B chapitre

Introduction, p.49).

1. Classe I, mutations altérant la production de la protéine

Cette première classe de mutation englobe les mutations non-sens ou celles entrainant l‟apparition d‟un codon stop suite à une anomalie d‟épissage ou un décalage du cadre de lecture. De telles mutations induisent l‟apparition de séquences aberrantes et empêchent le cycle de biosynthèse correct de CFTR. La production protéique est alors bloquée et entraine une absence partielle ou totale de la protéine (Whelsh et Smith., 1993 ; Zielenski et Tsui., 1995 ; Rowe et al., 2005). La protéine tronquée éventuellement produite est instable et sera rapidement dégradée. Sur le plan fonctionnel, ces mutations sont associées à une imperméabilité chlorure dans les épithéliums atteints. La fréquence des mutations non-sens dans le gène CFTR est d‟environ 8 %.

Bilan : Classe I = Peu ou pas de protéine et protéine non fonctionnelle

Imperméabilité Cl- des épithéliums - Pathologie grave

2. Classe II, mutations perturbant le processus de maturation de la protéine

Plusieurs mutations associées à la mucoviscidose empêchent l‟adressage de la protéine vers son site de localisation cellulaire, c‟est précisément le cas des mutations de classe II. Cette classe de mutation inclut la plus commune des mutations impliquées dans la mucoviscidose, la délétion de la

Page | 46 phénylalanine (Phe ou F) en position 508 de la séquence protéique (F508del-CFTR). L‟incapacité des protéines à progresser au cœur de la voie de biosynthèse leur empêche l‟accession au stade de glycosylation (Cheng et al., 1990). Ce défaut de glycosylation entraine leur ciblage par les systèmes de contrôle qualité et leur orientation vers les systèmes de dégradation (Cheng et al., 1990 ; Thomas et al., 1992). D‟un point de vue cellulaire, la conséquence d‟une telle dégradation réside dans l‟incapacité à détecter la présence de la protéine mutée à la surface cellulaire. Bien que la protéine F508del soit mal localisée dans les cellules incubées à 37°C, lorsque la température d‟incubation est réduite entre 23°C-30°C, quelques protéines mutées échappent au contrôle qualité du RE, sont totalement glycosylées dans le Golgi et sont délivrées à la membrane plasmique des cellules (Denning et al., 1992). Vraisemblablement, lors d‟une incubation à faible température, il est possible de masquer au moins partiellement le système de repliement. Une fois délivrée à la membrane cellulaire, F508del-CFTR remplie quelques fonctions. Les propriétés de conduction chlorure (Li et al., 1993) et de régulation par la phosphorylation restent intactes. Il faut cependant noter, du fait de temps de fermeture trois fois plus long, que la valeur globale du courant chlorure enregistré pour la protéine mutée est réduit à approximativement 1/3 des niveaux enregistrés pour la protéine sauvage (Dalemans et al., 1991 ; Drumm et al., 1991 ; Denning et al., 1992). Sa conduction ionique demeure cependant inchangée (même conductance unitaire).

Bilan : Classe II = Protéine immature (forme B détectée) et très partiellement fonctionnelle

Imperméabilité Cl- des épithéliums - Pathologie grave

3. Classe III, mutations affectant la régulation de la protéine et sa fonction de canal Cl-

Les mutations de classe III sont à l‟origine de la synthèse d‟une protéine altérée mais correctement adressée à la membrane. L‟analyse de quelques mutants de cette classe montre que plusieurs de ces mutations sont localisées au sein des séquences codantes des NBDs. Il est donc peu surprenant, au vue de cette localisation spatiale que ces mutations puissent altérer la fonction du canal. Plusieurs anomalies ont été observées. Quelques mutants de ces domaines de fixation des nucléotides tel que G551D entrainent une modification des paramètres de « gating » en comparaison à la protéine sauvage (Po, MBD (mean burst duration), IBI (inter burst interval)) (Figure N°13). Pour d‟autres

mutations telles que S1255P, G551S, G1244E, et G1349D, cette réduction d‟activité est associée à une réduction de la sensibilité à l‟ATP qui apparait comme ayant moins de capacité à stimuler l‟activité de CFTR (Drumm et al., 1991 ; Anderson et Welsh., 1992 ). La régulation défectueuse de ces quelques mutants et la diminution du flux net d‟ions Cl- transitant au travers du canal est responsable d‟un

Page | 47 Figure N°13 : Impact de deux mutations de classe III (G551D- et G1349D-CFTR) sur les

paramètres de « gating » de du canal.

(A) Traces de single obtenues par la technique de patch-clamp en configuration membrane excisée en présence de 1 mM ATP et 75 nM PKA (-50 mV, ([Cl−]int, 147 mM;

[Cl−]ext, 10 mM), la ligne en pointillé représente l’état fermé du canal et les déflections

vers le bas un état ouvert avec un seul niveau d’ouverture, (B) Amplitude moyenne du courant de l’état ouvert, (C) Probabilité d’ouverture moyenne (Po), (D) Durée moyenne

des « bouffées » d’activité (MBD, Mean Burst Duration), (E) Durée moyenne de l’intervalle inter-« bouffées » (IBI, Inter Burst Interval) ; les données sont représentées ± SEM (n > 5); *p < 0.01 vs. WT- CFTR (Cai et al., 2006).

Bilan : Classe III : Absence de transport ionique, de régulation par l’ATP mais adressage et

maturation corrects (bande C).

Imperméabilité Cl- des épithéliums - Pathologie grave

4. Classe IV, mutations altérant la conduction du canal Cl-

Les mutations de cette classe sont principalement localisées dans les séquences codantes pour les domaines transmembranaires formant le pore du canal (cf. I.B.2.b chapitre Introduction, p.14). Parmi ces mutations, il peut être cité trois d‟entre elles, localisées dans MSD1 (R117H dans TM2, R334W TM6, et R347P TM6). L‟analyse de ces mutations a fourni la première évidence selon laquelle plusieurs mutations mucoviscidosiques perturberaient le flux d‟anions au travers la protéine CFTR. Ces mutants CF sont correctement produits, adressés et génèrent des courants chlorures stimulés par l‟AMPc. En revanche, ils montrent une très grande réduction de l‟amplitude de courant généré comparée à celui enregistré pour la protéine sauvage (Sheppard et al., 1993). Des études en canal unitaire ont révélé que ces mutants montraient une diminution variable de la conductance du canal. Un début d‟explication suggéré par Tabcharani a permis de comprendre pourquoi la conductance était susceptible d‟être réduite avec l‟étude de la mutation R347H (Tabcharani et al., 1993). Ces auteurs ont démontré que la protéine sauvage était capable de laisser transiter

Page | 48 simultanément plusieurs ions chlorures. Par contraste, en présence de R347H, la réduction de la conductance ionique s‟expliquerait par le passage d‟un fonctionnement de CFTR d‟un pore multi- ionique à mono-ionique. De plus, la localisation structurale de ces mutations et leurs impacts sur l‟architecture du pore entraineraient une altération de la séquence de sélectivité anionique (Akabas et

al., 1994 ; Gao et al., 2013 ; Wang et al., 2011).

Bilan : Classe IV : Réduction de la conductivité ionique mais adressage et maturation corrects (bande C).

Perméabilité Cl- des épithéliums – Gravité moindre de la pathologie

5. Classe V, réduction de la synthèse protéique

Historiquement, c‟est en 1995 que Zielenski et Tsui ont revisité la classification des mutations CF proposée par Welsh et Smith en incluant une classe additionnelle de mutations caractérisées par une réduction de la synthèse protéique (Zielenski et Tsui., 1995). Cette classe de mutations inclut les mutations du promoteur qui altèrent la transcription du gène CFTR (ex. 125 G-C), le changement de nucléotides induit par un épissage alternatif des transcrits de CFTR (ex. 3849 + 10 kb C-T) et les substitutions d‟acides aminés qui causent une maturation protéique incomplète (ex. A455E) (Zielenski et Tsui., 1995). Les auteurs postulent également sur le fait que ces mutations n‟affectent pas la fonctionnalité du canal mais réduisent leur nombre comparé à l‟expression tissulaire physiologique. Cette hypothèse est notamment illustrée à travers l‟étude du mutant A455E. Ce mutant perturbe la voie de biosynthèse et d‟adressage de la protéine mais ne présente pas la sévérité de F508del en terme d‟impacts sur la fonctionnalité. En effet, la conduction, les propriétés de perméation, ainsi que les propriétés d‟ouverture/fermeture du canal ne sont pas distinguables de celles enregistrés dans le cas de la protéine sauvage (Sheppard et al., 1995).

Bilan : Classe V : Réduction de la quantité de CFTR à la membrane mais fonctionnalité normale.

Perméabilité Cl- des épithéliums - Gravité moindre de la pathologie

6. Classe VI, mutations altérant la stabilité de la protéine mature à la membrane

En marge des premières descriptions, une sixième classe de mutations a fait son apparition (Mickle et al., 1998 ; Pilewski et Frizzell, 1999). Basé sur des études de mutations non-sens ou de décalage du cadre de lecture qui tronquent l‟extrémité C-term de CFTR, Haardt et ses collaborateurs proposent que certaines mutations puissent perturber la stabilité de la protéine une fois celle-ci adressée à la membrane plasmique (Haardt et al., 1999). Il résulte de ces mutations une internalisation précoce de la protéine vers la voie de dégradation. Afin d‟illustrer ces propos, parmi les mutations de classe VI, la mutation Q1412X est sans effet sur la voie de biosynthèse de CFTR et son adressage, en revanche cette mutation réduit fortement la stabilité de la protéine mature à la

Page | 49 membrane. Par comparaison, son temps de demi-vie à la membrane observé dans des cellules COS est de 3 h 30 contre 14 h dans le cas de la protéine sauvage dans le même type cellulaire (Haardt et al., 1999).

Bilan : Classe VI : Réduction de la stabilité à la membrane mais adressage et maturation corrects (bande C).

Perméabilité Cl- des épithéliums - Gravité moindre de la pathologie

Figure N°14 : Classification des différentes mutations du gène CFTR et conséquences sur la voie de biosynthèse de la protéine.