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Modulateurs de fonction et régulation pharmacologique :

En parallèle de l‟augmentation des connaissances fondamentales de la structure et de la fonction de la protéine, un effort considérable de recherche pharmacologique est réalisé en vue de la mise en place d‟une pharmacopée d‟activateurs, potentiateurs et inhibiteurs à visée thérapeutique. L‟avènement de stratégies de criblages à haut débit de banques de molécules chimiques ou naturelles, en parallèle d‟approches plus conventionnelles, a depuis quelques années permis la description de bon nombre de ces modulateurs de fonction de CFTR.

1. Activateurs de CFTR :

Certains agents pharmacologiques sont capables de moduler l‟activité des protéines kinases et phosphatases qui régulent CFTR, alors que d‟autres interagissent directement avec la protéine afin

PK + Ouvert Fermé PP Hydrolyse+ ext int Bouffées d’activation

Page | 36 d‟augmenter l‟activité du canal. Parmi la pléthore d‟agents pharmacologiques agissant sur CFTR, seules les molécules utilisées au cours de mes travaux seront présentées en détail, les autres seront citées au sein de tableaux récapitulatifs (Tableau N°1).

a. Activateurs indirects

Au niveau du domaine de régulation, la cascade du signal de transduction de la voie de l‟AMPc est la voie majeure de signalisation intracellulaire responsable de sa phosphorylation et des mécanismes de changements conformationnels nécessaires à l‟ouverture du canal. Ces observations suggèrent que l‟activité du canal peut être améliorée via deux voies indirectes au niveau de R. Soit en augmentant la concentration intracellulaire d‟AMPc, afin de stimuler les protéines kinases et induire une augmentation du taux de phosphorylation de R, soit en inhibant la déphosphorylation de R via l‟inhibition des phosphatases (Becq et al., 1994).

Les voies principales qui conduisent à l‟augmentation d‟AMPc sont la stimulation des récepteurs bêta adrénergiques ou encore la voie de l‟adénylate cyclase (AC), enzyme membranaire qui catalyse la conversion de l‟ATP en AMPc. Ainsi, une activation de l‟AC sera à l‟origine d‟une élévation de la concentration intracellulaire d‟AMPc permettant l‟activation des PKA et ainsi la phosphorylation de R. Une molécule que nous avons d‟ailleurs utilisé au cours de l‟étude et qui permet cette activation de l‟AC est la forskoline (Fsk).

Dans le même ordre d‟idées, le maintien du taux de phosphorylation de R via l‟inhibition des phosphodiestérases (PDE) permet le maintien du canal dans son état activé en présence d‟ATP. C‟est par exemple le cas avec le sildénafil et l‟inhibition de la PDE5 (Cobb et al., 2003). Il peut également être utilisé d‟autres agents tels que la sous-unité catalytique de la PKA ou des analogues non hydrolysables de l‟AMPc (cpt-AMPc). En ce qui concerne l‟inhibition des phosphatases, il peut être cité l‟utilisation de l‟acide okadaïque ou encore la calyculine A qui permettent d‟inhiber les phosphatases de type 2A (Luo et al., 1998).

Une autre voie d‟activation indirecte (visant à augmenter la conductance Cl- à la surface des

épithéliums) peut passer par une augmentation de l‟expression membranaire de la protéine. Ainsi de nombreux travaux montrent que le VIP (vasoactive intestinal peptide) augmente l‟expression membranaire de CFTR (sans impact sur la quantité totale de CFTR produit, il s‟agit d‟une promotion de l‟adressage par stimulation de l‟exocytose et inhibition de l‟endocytose) par une voie PKC dépendante puisqu‟inhibée par des inhibiteurs de PKC (Chappe et al., 2008 ; Rafferty et al., 2009 ; Alcolado et al., 2011 ; Alshafie et al., 2014).

Page | 37 b. Activateurs directs

A un autre niveau du processus d‟activation de la protéine, nous retrouvons les domaines de fixation des nucléotides. Il est alors possible, via l‟utilisation de nucléotides synthétiques (analogues hydrolysables ou non de l‟ATP ou du GTP (guanosine triphosphate)) de moduler l‟activité du canal. Outre ce remplacement des substrats de réaction, d‟autres molécules ont été identifiées comme agissant directement sur les NBDs en favorisant leur dimérisation. C‟est notamment le cas des flavonoïdes et des xanthines (Becq et al., 1994 ; Drumm et al., 1991 ; Chappe et al., 1998 ; Eidelman et al., 1992 ; Illek et al., 1995) (Tableau N°1). Au cours des travaux présentés dans ce manuscrit et afin d‟activer le canal, nous avons eu recours à l‟une de ces flavonoïdes, la génistéine (Gst). L‟activation de CFTR par la génistéine requiert une phosphorylation préalable de R par la PKA. Après une activation de CFTR par un agoniste de type AMPc telle que la forskoline, l‟addition de génistéine montre un effet potentiateur sur l‟activité du canal. Ce composé est capable, à faible concentration, de prolonger le temps d‟ouverture de CFTR (Wang et al., 1998). Tzyh-Chang Hwang et ses collaborateurs proposent également que la Gst interagisse avec NBD2 en prolongeant la demi- vie de la configuration ouverte du canal. En effet, des études de patch clamp en configuration canal unitaire indiquent que la génistéine stimule le canal CFTR phosphorylé en allongeant la durée d‟ouverture de celui-ci.

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Familles Molécules Mécanisme d’action références

Anesthésiques généraux Octanol Inconnu (Marcet et al., 2004)

Benzimidazolones NS004, 1-EBIO,

DCEBIO et UCCF-853 Activation potasiques et mécanisme des canaux direct sur CFTR suspecté

(Gribkoff et al., 1994)

Benzoquinolizinium MPB Action direct sur le résidu

G622 (Billet et al., 2010)

Dérivés NPPB NPPB-AM Inconnu (Wang et al., 2005)

Dihydropyridine Nifédipine, nicardipine,

nimodipine, isradine, nitrendipine, félodipine

et niguldipine

Inhibition des canaux calciques voltage-dépendant et mécanisme direct sur CFTR suspecté

(Pedemonte et al., 2005b)

Flavonoides Génistéine,

phytoflavones Action directe sur les résidus G551 et G1349 du CFTR (Illek et al., 1995)

Isoxazolones et Isoxazolines

3-(2-benzyloxyphenyl) isoxazoles et isoxazolines

Inconnu (Berger et al., 2005 ;

Wang et al., 2007) Phénanthroline et

benzoquinoline 1, 10 phénantroline, 5, 6 benzoquinoline Inhibition phosphodiestérases des et mécanisme direct sur CFTR suspecté

(Cuthbert et al, 2003 ; Duszyk zt al., 2001 ; Szkotak et al.,

2004)

Phloxine B Phloxine B Inhibition des canaux

potassiques et mécanisme direct sur CFTR sur les résidus G551 ET g1349

(Cuthbert et al, 2003)

VX-770 VX-770 Potentialisation de

l‟activation des canaux CFTR-WT, -G551D et - F508del, mécanisme direct suspecté

(Van Goor et al., 2009)

Xanthines IBMX, théophylline,

aminophylline, DPMX, pentoxifylline, X-33,

CPX et DAX

Inhibition des

phosphodiestérases et action directe sur le domaine NBD1 de CFTR (Becq et al., 1994 ; Drumm et al., 1991 ; Chappe et al., 1998 ; Eidelman et al., 1992)

Tableau N°1 : Liste non exhaustive de quelques activateurs de la protéine CFTR avec leur mécanisme d’action potentiel.

2. Inhibiteurs

Quelques pathologies telles que la polykystose rénale, la diarrhée sécrétoire ou encore le choléra pourraient être la conséquence d‟une augmentation de l‟activité de CFTR. Cela suggère que le développement de stratégies d‟inhibiteurs de CFTR, outre la compréhension de ses régulations fines, aurait un impact positif dans le cadre du traitement de ces pathologies. A l‟heure actuelle, il existe une variété de structures chimiques entrainant une inhibition de CFTR et pouvant entrer dans le cadre de ce type de thérapie. Ces agents ont plusieurs caractéristiques en commun, il s‟agit pour la majorité d‟anions, beaucoup sont des lipophiles de grande taille (Tableau N°2).

Comme c‟est le cas pour les activateurs, les inhibiteurs peuvent agir à différents niveaux sur la protéine et dans sa voie d‟activation et peuvent être classées selon leur mécanisme d‟inhibition (Tableau N°2). Bien que pour la plupart, le mécanisme d‟action reste une énigme, on retrouve :

Page | 39 - Ceux agissant au niveau même du pore du canal. Ils portent le nom de bloqueurs du canal

ouvert et sont principalement des inhibiteurs anioniques réalisant un blocage par encombrement via la face interne. Le seul pré-requis à cette inhibition est l‟ouverture du canal puisque ces molécules se logent dans le pore en position ouverte (McCarty et al., 1993).

- Ceux agissant au niveau du domaine de régulation par l‟intermédiaire de l‟inhibition des protéines kinases nécessaires à l‟activation du canal via la phosphorylation de R.

- Ceux agissant au niveau des NBDs et qui contrôlent ainsi leur activité catalytique en favorisant par exemple la dissociation NBD1/NBD2, fermant ainsi le canal.

- Ceux interagissant directement avec la protéine sans que de réels sites d‟action n‟aient été strictement identifiés. Il s‟agit en général de petits composés à forte affinité pour le CFTR, agissant à faible concentration (Routaboul et al., 2007). L‟inhibiteur utilisé au cours de nos investigations, le thiazolidinone CFTRinh-172 (Ma et al., 2002) fait partie de cette

dernière catégorie et semblerait stabiliser le canal dans son état fermé (Caci et al., 2008). Des investigations sont en cours afin de déterminer si l‟inhibition via ce composé passe par une interaction avec les TMs ou les NBDs.

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Molécules Mécanisme d’action (MA) références

ADP, AMP et ions pyrophosphates

Inhibiteurs allostériques

(Anderson et Welsh., 1992)

Flavanoides (Melin et al., 2004)

Toxine peptidique (Fuller et al., 2007)

Acide niflumique et flufénamique (FFA)

Bloqueur du canal ouvert

(Verkman et Galietta., 2009)

DIDS, DNDS et MOPS (Schultzet al., 1999)

DPC (acide diphénylamide-2-carboxilique) (Cunningham et al., 1992)

Glibenclamide et tolbutamide (Sheppard et Welsh., 1992)

GlyH-101 (N-(2-naphthalenyl)-[(3,5- dibromo-2,4-dihydroxyphenyl)methylène]

glycine hydrazide)

(Muanprasat et al., 2004)

NPPB (Wang et al., 2005)

Phloxine B Interaction avec G551, résidu de

la séquence signature du NBD1 (Cuthbert., 2003 ; Bulteau-Pignoux et al., 2002; Cai et Sheppard., 2002) CFTRinh172

Inconnu Interaction avec TMs ou NBDs ?

(Ma et al., 2002)

DIAO (Ito et al., 2001)

Fluoxétine (Maertens et al., 1999)

Furosémide, bumétanide (Reddy et Quinton., 1999)

GPinh-5a (Routaboul et al., 2007)

Ibuprofène (Devor et Schultz., 1998)

INH1 et INH2 (Muanprasat et al., 2007)

PPQ-102 (Tradtrantip et al., 2009)

Stéviol (Pariwat et al., 2008)

Suramine (Bachmann et al., 1999)

H89 Inhibiteur PKA

chlorure de chélérythrine Inhibiteur PKC

Tableau N°2 : Liste non exhaustive de quelques inhibiteurs de la protéine CFTR avec leur mécanisme d’action potentiel.