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PATHOGENIE DE L’ILEUS PARALYTIQUE APRES LAPARATOMIE POUR OBSTRUCTION

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Nous envisagerons tout d’abord la pathogénie de la paralysie intes­ tinale qui se produit après n’importe quelle laparotomie. Gius et Peter- son (1944) la définissent ainsi : « la désorganisation et la diminution de la fonction motrice aboutissant quelquefois à son arrêt complet ». Toutefois, la paralysie de la fonction motrice de l’intestin n’est en général pas absolument complète, car le tube de Miller-Abbott pro­ gresse, mais avec lenteur, vers le cæcum, au cours de l’iléus paralytique ou mécanique.

On peut dire que toute laparotomie trouble le fonctionnement de l’intestin. La forme la plus bénigne est la rétention gazeuse, qui dure deux ou trois jours, se traduit par le ballonnement de l’abdomen, et cesse avec l’apparition de coliques expulsives du contenu intestinal. Pour Ochsner (1933), un iléus physiologique transitoire s’observe invariablement après toute laparotomie, et ne diffère en rien de l’iléus paralytique, susceptible de prendre un cours mortel. Levis et Axelman (1936) observent des signes de paralysie intestinale chez 60 à 75 % de leurs opérés ; ce chiffre est de 59 % pour Ottenheimer et de 72,5 % pour Gordon (1940) (in Gius et Peterson, 1944).

Par quel mécanisme la laparotomie provoque-t-elle la paralysie de l’intestin ? D’après les travaux, peu nombreux, consacrés à la patho­ génie de cette complication inhérente à toute intervention portant sur

les viscères abdominaux, il s’agit d’un phénomène réflexe. De fait, un segment d’intestin grêle prélevé sur une anse paralysée fait preuve d’une contractilité et d’une irritabilité voisines de la normale lorsqu’il est placé dans un bain oxygéné salin de température convenable (Alva­ rez, 1947 ; Antoncic et Lawson, 1941).

Toutefois, le mécanisme exact de cette inhibition réflexe est encore discuté.

Selon Cannon et Murphy (1906), l’inhibition motrice de l’intestin consécutive au traumatisme direct de celui-ci ou, de façon plus géné­ rale, à son irritation, est un phénomène dont le déterminisme ne con­ cerne que le mécanisme nerveux autonome contenu dans la paroi enté­ rique. La section et la cocaïnisation des splanchniques n’empêchent pas l’apparition de cette inhibition. Celle-ci serait due à l’atteinte fonction­ nelle des plexus myentériques. Par contre, l’arrêt du péristaltisme sur­ venant à la suite de lésions n’affectant pas directement l’intestin (lé­ sions intra- ou extra-abdominales) est un réflexe d’inhibition mettant en jeu l’excitation des splanchniques. Il est aboli par la section ou la cocaïnisation de ces derniers.

Par contre, d’après Olivecrona (1927), l’arrêt des mouvements de l’intestin consécutif au traumatisme direct de celui-ci ne proviendrait pas de l’altération fonctionnelle des plexus myentériques : il serait la conséquence d’influx inhibiteur transmis par le plexus solaire. L’abla­ tion de ce dernier rend à l’intestin paralysé une motilité presque nor­ male.

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De ce bref exposé, concernant seulement la pathogénie de l’iléus consécutif au traumatisme, à l’exclusion de toute autre cause infec­ tieuse ou toxique, il ressort que les expérimentateurs ne paraissent avoir envisagé que l’inhibition nerveuse, réflexe, ou myentérique locale, de la motricité de l’intestin.

Sans doute le facteur nerveux (direct ou réflexe) de la sidération des fonctions motrices de l’intestin est-il très important dans la pathogénie de l’iléus paralytique. Nous pensons toutefois qu’il n’est pas le seul à intervenir : la réduction de la circulation pariétale nous paraît jouer également un rôle dans le déterminisme du syndrome. C’est ce que suggèrent les résultats expérimentaux qui vont suivre.

Il faut tout d’abord mentionner le fait que la simple laparotomie sous narcose (nembutal-éther), pratiquée avec un minimum de traumatisme direct des anses, entraîne d’habitude chez l’animal (lapin) une dimi­ nution du péristaltisme de celle-ci, sans distension ni trouble circula­ toire locaux.

Lorsque la laparotomie se complique de manipulation des anses, on observe un syndrome moteur beaucoup plus important, associé à des troubles circulatoires manifestes.

Un lapin de 2,650 kg est laparotomisé sous anesthésie au nembutal- éther. Pendant une vingtaine de minutes, les anses intestinales sont exposées à l’air et manipulées de la même façon que lors d’une inter­ vention abdominale chez l’homme. L’examen à la loupe bioculaire, du calibre des vaisseaux mésentériques, avant et après la manipulation, permet de constater que celle-ci n’a pas modifié le diamètre des artères et des veines du méso. L’abdomen est ensuite refermé. Six heures après cette intervention, l’abdomen est rouvert sous narcose (nembutal-éther) et les vaisseaux mésentériques réexaminés. On constate que les artères, dont le calibre avait été mesuré six heures auparavant, n’ont plus que la moitié de leur calibre initial (0,25 mm au lieu de 0,50 mm). De même, le diamètre des veines a diminué également. D’autre part, les anses intestinales sont légèrement dilatées, œdématiées et cyanotiques. En outre, et c’est ce qui nous paraît le plus digne de remarque, les anses sont remplies partiellement de liquide de stase. L’intestin est immobile. On trouve une certaine quantité de liquide péritonéal.

Dans trois autres expériences de ce type nous avons obtenu des résultats expérimentaux similaires.

Pour que le syndrome apparaisse, il est nécessaire que l’intestin soit manipulé énergiquement et assez longtemps. En effet, dans deux autres expériences, où la manipulation de l’intestin avait été légère et de courte durée, il ne s’était produit aucune modification, ni de l’aspect des anses ni du calibre des vaisseaux, non plus que d’exsudat péri­ tonéal.

Ces expériences paraissent indiquer une liaison causale entre le syn­ drome de l’iléus paralytique, caractérisé par l’état de distension et d’immobilité de l’intestin, et l’anoxie ischémique de la paroi entérique. La distension provoquée par l’accumulation des liquides et des gaz est due pour une part à la diminution de la fonction de résorption de la paroi intestinale. 11 nous paraît fort probable que l’inhibition de cette fonction résulte en partie de l’anoxie de stase de la paroi entérique qu’entraîne la vasoconstriction des artères mésentériques : on sait en effet que la résorption intestinale est un processus cellulaire actif, trou­ blé certainement par l’anoxie.

En somme, dans le déterminisme de l’iléus paralytique, c’est la vaso­ constriction des artères mésentériques, phénomène réflexe consécutif au traumatisme opératoire, qui paraît bien être, par l’anoxie de stase qu’elle entraîne, à l’origine de l’inhibition du transit et de la résorption. Une fois amorcé par ce phénomène réflexe, l’accumulation des liquides

et des gaz augmente sans cesse, par une sorte de cercle vicieux : à l’ischémie réflexe initialement provoquée par le traumatisme opératoire et entretenue par la distension de l’intestin (ainsi que nous l’avons montré précédemment à propos de la pathogénie de l’obstruction méca­ nique) vient s’ajouter l’ischémie produite par la compression mécanique des vaisseaux.

À ne tenir compte que de la physiologie normale, cette conclusion aurait pu déjà être prévue : il est établi en eiîet que l’inhibition de l’in­ testin provoquée par l’excitation du splanchnique s’accompagne de la vasoconstriction des artères du méso ; or, le traumatisme inhérent à l’acte opératoire doit déterminer ce double réflexe d’inhibition du péri­ staltisme et de vasconstriction pariétale.

Il y a lieu de penser que les mêmes mécanismes pathogéniques inter­ viennent avec une intensité encore accrue dans le cas de l’iléus paraly­ tique qu’on observe au cours de la laparotomie pour obstruction du grêle.

« C’est après laparotomie pour obstruction que l’iléus afiFecte la forme la plus sévère, car l’opération aggrave une inhibition fonctionnelle déjà présente » (Gius et Peterson, 1944). L’une des raisons de cette aggra­ vation, c’est que, à la suite de l’intervention, l’inhibition s’étend à la totalité de l’intestin, car, ainsi que nous l’avons observé, les anses situées en aval de l’obstacle gardent intactes leurs fonctions, non seu­ lement pendant toute la durée du syndrome occlusif, mais aussi lorsque l’obstacle est levé de manière non traumatisante. Par contre, si cette levée est traumatisante, ainsi que nous allons le rapporter, le segment entérique aval perd ses fonctions de transit et de résorption.

Sous anesthésie au nembutal-éther, un lapin de 2,500 kg est lapa- rotomisé. L’estomac et le grêle sont remplis d’aliments. L’obstruction est établie à 30 cm du cæcum. Après vingt-quatre heures, le ballonne­ ment abdominal est accentué, et la densité du sang total s’est élevée de 1048 à 1057. La pression artérielle auriculaire s’est abaissée de 60 à 40 mm de mercure. Sous anesthésie à l’éther, l’abdomen est rouvert. Après avoir dévidé le grêle afin de retrouver le siège de l’obstacle, manœuvre génératrice d’effets hypotenseurs généraux et inhibiteurs locaux, le fil oblitérant la lumière intestinale est sectionné. Par une légère pression exercée sur l’anse distendue, l’écoulement du liquide de stase dans l’anse plate est amorcé. L’abdomen est ensuite refermé. Vingt minutes après l’opération, la densité du sang total est redescen­ due de 1057 à 1052. L’animal commence à se réveiller. On constate que le ballonnement abdominal a diminué. Deux heures après, la den­ sité est remontée à 1053. Seize heures après, le lapin meurt avec un ballonnement abdominal important.

L'autopsie montre que l’estomac, ainsi que le grêle dans sa totalité, sont dilatés. C’est en amont de l’endroit où siégeait l’obstacle que la dilatation est le plus marquée. Des plages ischémiées, blanchâtres, ayant le même aspect que celui que l’on observe chez le lapin mort d’occlusion mécanique, sont visibles au niveau de l’estomac et du grêle.

Il n’y a pas d’infection péritonéale cliniquement décelable. Le liquide péritonéal, mis en culture, n’a donné que quelques rares colibacilles (D'' Linz). On sait que la contamination de la cavité péritonéale par les agents de la flore microbienne intestinale se produit habituellement au cours de la phase agonique. Il ne s’agit pas là, de toute évidence, d’une infection massive du liquide péritonéal par gangrène ou perfo­ ration de l’intestin.

Une autre expérience du même type a donné un résultat similaire : mort après vingt-trois heures : l’estomac et le grêle dans sa totalité sont dilatés.

Dans quatre autres expériences, l’animal a guéri, après avoir pré­ senté un ballonnement abdominal passager, plus important et de plus longue durée que dans les expériences où la levée de l’obstruction a été réalisée de façon non traumatisante.

Conclusion.

Deux fois sur six, la levée traumatisante de l’obstruction a provoqué la mort de l’animal. L’autopsie a montré que l’estomac et le grêle dans sa totalité étaient dilatés. Il n’y avait pas de péritonite. Nous croyons pouvoir dire que, dans ces deux expériences, le lapin a succombé à un iléus paralytique, consécutif à la levée traumatisante de l’obstruction.

On peut se demander pourquoi un iléus paralytique se produit plus fréquemment et avec une gravité particulière après laparotomie pour obstruction, qu’après toute autre laparotomie.

Il est fort probable que la manipulation des anses distendues pro­ voque plus facilement, non seulement des réflexes hypotenseurs géné­ raux (phénomènes dont la réalité n’est pas douteuse), mais aussi des réflexes vasoconstricteurs locaux et inhibiteurs du péristaltisme. Les conséquences de ces réflexes, en ce qui concerne le péristaltisme et le pouvoir de résorption des anses en obstruction, s’ajoutent aux troubles de ces fonctions, qui préexistaient, du fait même de l’obstruction, et qui n’ont pas encore eu le temps de disparaître après la levée de l’obstacle.

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