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Pathogénie et éléments questionnant le potentiel zoonotique

Dans le document Les parasites de poisson : agents de zoonoses (Page 184-187)

C. Myxozoaires

5. Pathogénie et éléments questionnant le potentiel zoonotique

a. Mécanismes impliqués

Les kystes ou les pseudokystes de Kudoa spp sont présent au niveau des muscles somatiques de poissons marins et d’estuaires et contiennent de nombreuses spores. Tant que le parasite est dans la fibre musculaire, la fibre apparait blanche car le parasite n’est pas reconnu par le système immunitaire. Lors du développement du parasite, le sarcolemme se rompt et la réponse immunitaire se met en place donnant un aspect noirâtre aux kystes par développement d’un tissu fibroblastique (Martínez de Velasco et al. 2008).

Chez les souris BALB/c immunisées par administration orale de pseudokystes, des niveaux élevés en immunoglobulines IgG1 et IgE ont été induits traduisant la mise en place d’une réaction d’hypersensibilité de type I (Martínez de Velasco et al. 2008). Les protéines des pseudokystes noirs seraient plus allergéniques. Lors d’administration cutanée, la quantité d’IgE est plus importante que par voie orale (Orain 2010).

Des essais sur des souris non sevrées ont permis d’évaluer l’activité entérotoxinique des spores de K. septempunctata après inoculation intra-gastrique. Il y a une accumulation de fluide dans l’estomac au bout d’une heure et demie et la diarrhée apparait au bout de 4 heures. Pour étudier l’activité émétique, des essais sur des musaraignes (Suncus murinus) ont été conduits : les vomissements ont été induits au bout de 20 à 30 minutes et ceci, 5 à 7 fois (Kawai et al. 2012). Des essais de perméabilité sur monocouche cellulaire (Caco-2) ont permis d’évaluer la toxicité du parasite (Suzuki et al. 2015).

Cependant, le pouvoir pathogène de K. septempunctata est encore à l’étude car d’autres études expérimentales (sud-coréennes et chinoises) menées également sur des rongeurs n’ont pas été aussi conclusives concernant la pathogénicité (Chung et Bae 2017). De plus, des poissons consommés depuis longtemps et fréquemment par la population islandaise, contaminés par une autre espèce Kudoa islandica, n’ont jamais engendrés de troubles cliniques (Suzuki et al. 2015). Chez l’homme, une étude a montré que K. septempunctata était capable de pénétrer l’épithélium intestinal alors qu’une autre étude n’a rien observé de tel. Ceci prouve que ce nouvel agent pathogène reste inconnu et que de nouveaux travaux de recherche sont nécessaires (Chung et Bae 2017).

b. Signes cliniques

Des spores de Myxobolus plectroplites ont été retrouvées chez des patients australiens souffrant de douleur abdominale et de diarrhée. Cependant, les spores ont été retrouvées telles quelles dans les fèces, ce qui suggère plutôt du pseudo-parasitisme et le pouvoir pathogène chez l’homme reste à démontrer formellement. De plus, d’autres agents pathogènes (Campylobacter jejuni, Blastocystis hominis) ont été mis en évidence et peuvent également engendrer les symptômes décrits. Les personnes malades étaient également les seules atteintes alors que d’autres personnes avaient mangé exactement le même poisson sans présenter de symptômes (Boreham et al. 1998).

Une autre étude relate la trouvaille de myxospores de Myxobolus dans les fèces de personnes immunodéprimées présentant de la diarrhée en Colombie. Là encore, d’autres pathogènes pouvant expliquer la diarrhée étaient présents comme Isospora belli. Néanmoins après le

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traitement de l’isosporose, les spores de Myxobolus étaient toujours présentes dans les selles et son rôle pathogène n’a pu être élucidé (Moncada et al. 2001, Kaur 2014).

Au Canada, des spores d’H. salminicola ont été mises en évidence dans les selles de deux patients (un enfant de 1 an et une personne de 61 ans) qui présentaient de la diarrhée. Ces spores avaient été confondues avec des spermatozoïdes humains. Ces cas n’ont pu être reliés à la consommation de Salmonidae. Une fois encore, d’autres agents responsables d’entérite ont été mis en évidence (McClelland et al. 1997, Kaur 2014).

Les symptômes induits par K. septempunctata sont de la diarrhée intense et passagère et des vomissements parfois incoercibles 2 à 20 heures (majoritairement dans les neuf premières heures) après l’ingestion de poisson cru. Ils ne mettent absolument pas la vie du patient en danger et disparaissent au bout de 24 heures (Kawai et al. 2012, Iwashita et al. 2013). C’est le même tableau clinique lors d’une contamination par K. hexapunctata et K. iwatai (Suzuki et al. 2015).

Néanmoins, il faut rester prudent sur le rôle pathogène de ces Kudoa chez l’homme : même si leur présence a été démontrée à la fois chez l’homme et le poisson, leur implication dans les troubles cliniques observés n’a pas été prouvée (Chung et Bae 2017).

Un possible rôle allergénique alimentaire de Kudoa spp a été envisagé pour les personnes ayant des symptômes allergiques généraux ou gastro-intestinaux corrélés à la consommation de poisson. Des extraits de pseudokystes « blancs » ou « noirs » (intradermoréaction) ont été administrés. Certains patients (27% des personnes testées) ont réagi à l’un des deux extraits ou aux deux. Ainsi, les deux types d’extraits présenteraient des allergènes communs (Martínez de Velasco et al. 2008, Kaur 2014, Kasai et al. 2015).

6. Diagnostic

a. Mise en évidence des parasites chez l’homme

Les spores de M. plectroplites sont mises en évidence par coproscopie. Elles peuvent être observées entre lame et lamelle après coloration avec une solution iodée (corps piriformes foncés) ou par concentration sur acétate d’éthyl formaline ou après étalement sur une solution carbol-fushine (paroi et cellules sporoplasmiques et capsulogéniques prenant la coloration) ou après coloration trichrome modifiée (corps piriformes foncés) (Boreham et al. 1998). Une coloration de Ziehl-Neelsen modifiée peut également être utilisée pour révéler la structure des faisceaux polaires (trois à quatre spires) au microscope optique (Moncada et al. 2001). Le séquençage de l’ADN ribosomal 18S permet d’identifier les myxozoaires et les relations phylogénétiques (Kaur 2014).

Une PCR quantitative ciblant l’ADN ribosomal 18S met en évidence K. septempunctata ou K. hexapunctata dans les échantillons de vomis ou de fèces (Kawai et al. 2012, Suzuki et al. 2015). L’ARN ribosomal 28S et la région ITS sont également séquencés pour l’identification de cette espèce (Kasai et al. 2016).

b. Mise en évidence des parasites chez les poissons

L’histologie permet la mise en évidence des kystes contenant les spores dans les muscles du poisson. Au microscope électronique à transmission, les kystes se localisent à l’intérieur des fibres musculaires striées et au tissu conjonctif entre les fascias (Boreham et al. 1998).

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Il est très difficile de mettre en évidence les spores de Kudoa spp dans les filets de poisson au microscope, les spores peuvent être observées après digestion trypsique. Les kystes de K. iwatai sont visibles à l’œil nu.

Les spores peuvent être dénombrées à l’aide d’un hémocytomètre ou isolée par suspension (Percoll).

Les coupes histologiques peuvent être fixées à l’hémalun et hématoxyline pour observer les pseudokystes mais leur observation dépend du niveau d’infestation et de l’expérience de l’opérateur.

L’ADN du parasite peut également être extrait des filets (Feist et Longshaw 2006, Kawai et al. 2012, Kasai et al. 2015).

7. Traitement

Les trois patients chez lesquels les spores de M. plectroplites ont été observées ont reçu un traitement à base de métronidazole (Flagyl®), 250 mg 3 fois par jour pendant 7 jours (Boreham et al. 1998).

Le traitement est uniquement symptomatique lors de la découverte des spores de Kudoa : une fluidothérapie est généralement réalisée afin de lutter contre la déshydratation (Iwashita et al. 2013).

Conclusion

Il y a encore beaucoup de connaissances à acquérir concernant les protozoaires, les myxozoaires et leur potentiel zoonotique par la consommation ou manipulation du poisson. Pour les espèces décrites ici et contrairement aux nématodes, cestodes et trématodes, le poisson est soit un vecteur passif des parasites soit l’hôte définitif et la découverte fortuite de ces derniers chez l’homme est fortuite. Des troubles cliniques spécifiquement liés à ces parasites et consécutifs à l’ingestion ou à la manipulation du poisson ne sont pas démontrés. Cependant, avec l’apport de la biologie moléculaire, des nouvelles espèces sont décrites et un potentiel voire un cas de zoonose avéré peut se révéler à l’avenir. Ici, il n’a été entrevu qu’une infime partie de leur écosystème car limité au milieu aquatique. Pour l’instant, la part du risque zoonotique attribuée au milieu aquatique est extrêmement difficile à évaluer.

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V. Prévention et contrôle des zoonoses parasitaires des

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