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Mesures générales d’hygiène des aliments

Dans le document Les parasites de poisson : agents de zoonoses (Page 188-192)

La réduction de la charge parasitaire est permise par l’élimination des différents stades parasitaires à travers les différents protagonistes du cycle biologique : l’homme, les hôtes définitifs, les poissons et les autres hôtes intermédiaires.

Selon un rapport de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA pour European Food Safety Agency), tous les poissons d’eau douce et de mer doivent être considérés comme non exempts en parasites (European Food Safety Authority Panel on Biological Hazards 2010). Lors de la pêche, la taille et le mode de vie du poisson (pélagique, anadrome ou benthique) devraient être pris en considération. La pêche de jeunes poissons (60 cm de taille) réduit le risque de contamination humaine par les Anisakidae et les Diphyllobothridae car la charge parasitaire est beaucoup moins importante chez eux. Cependant, d’un point de vue écologique, cette méthode est discutable. Un autre moyen est d’éviter les zones de pêche ou de s’abstenir de pêcher les espèces de poisson connues pour être fortement parasitées. Si ces poissons sont pêchés, il est conseillé de les rediriger vers les procédés industriels où ils vont être cuits comme lors de la fabrication du surimi. La technique de pêche a également une incidence : la pêche avec de longues lignes est préférable à celle au filet car les poissons sont plus frais, saignés immédiatement et conservés au frais. En effet, les larves seront plus facilement détectées au mirage car les muscles sont plus blancs (Adams et al. 1997, Butt et al. 2004, Hochberg et Hamer 2010).

Les poissons doivent être lavés à l’eau potable immédiatement après l’étêtage et l’éviscération afin d’éliminer toutes traces de sang et d’écoulements provenant des viscères sur les muscles (Gonzales 2013).

Le rejet des viscères dans la mer après la capture est à proscrire (D’amico et al. 2014).

Les produits de pêche importés et exportés sont soumis à des contrôles de qualité par observation des muscles afin d’assurer l’hygiène des aliments mais ces contrôles sont inégaux d’un pays à l’autre en terme de rigueur et de transparence vis-à-vis du consommateur. Ce sont les services vétérinaires qui sont les plus qualifiés pour faire ces contrôles. Les restaurants, les poissonneries et les supermarchés sont aussi inspectés pour la recherche de poissons contaminés (Kuchta et al. 2015a).

L’Union Européenne oblige la traçabilité des produits de la pêche et de l’aquaculture à toutes les étapes de production, transformation et distribution (Cavallero et al. 2015).

Les conditions d’hygiène et de santé publique doivent être également assurées à travers les Bonnes Pratiques d’Hygiène (Adams et al. 1997). L’HACCP (Hazard Analysis and Critical Control Point) permet de définir toutes les étapes à risque et d’éviter la contamination à toutes les étapes de la chaîne de production par les parasites « de la capture à l’assiette ». Le danger sanitaire est identifié puis des points de contrôle sont déterminés et des actions correctives sont établies (World Health Organization 1995 ; Adams et al. 1997 ; Butt et al. 2004 ; Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009).

Les points critiques définis par l’EFSA sont l’origine du poisson (zone de pêche, élevage dénués de parasites), l’application de traitements physico-chimiques et la séparation physique des produits parasités tout au long de la chaîne de production (European Food Safety Authority Panel on Biological Hazards 2010).

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L’importation de poissons connus comme étant hôtes intermédiaires doit être limitée le plus possible, d’autant plus qu’ils sont transportés sur de la glace fondante, afin d’éviter l’émergence de la maladie dans un pays non endémique (Scholz et al. 2009, Renaud 2011, Kuchta et al. 2015b). La prise en compte de l’espèce de poisson pêchée, de l’espèce parasitaire, de son potentiel de migration vers la chair, de la consommation crue ou non du poisson préjuge du devenir du produit dans la chaîne de production et d’un contrôle renforcé (nombre d’échantillons et fréquence de réalisation) (World Health Organization 1995, Direction générale de l’alimentation 2014, Llarena-Reino et al. 2015). Les étapes de préparation et de manipulation du poisson doivent être surveillées attentivement (Ljubojevic et al. 2015). Les autocontrôles sont également très importants mais peuvent manquer de rigueur (Llarena-Reino et al. 2015). Les contrôles pour la présence éventuelle de parasites doivent se faire dès la réception des poissons jusqu’à la transformation des produits (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009).

Le point crucial dans le contrôle de ces zoonoses est la capacité à détecter les parasites. Les outils diagnostiques sont donc extrêmement importants (Chomel 2008). De nombreuses techniques ont été testées et appliquées en industrie ou en laboratoire (microscopie optique, mirage, digestion pepsique, rayons UV, échographie, radiographie, conductivité, magnétométrie, ELISA, immunoblot, MAE, PCR quantitative, real-time Fluorescence Resonance Energy Transfer, PCR multiplex, spectroscopie, ultrasons, électrolyse) mais aucune n’a été validée comme méthode standard de contrôle en production industrielle dans le monde. Il faut trouver une technique de détection standardisée, efficace, peu coûteuse, rapide, sensible et qui est compatible avec le procédé industriel (Hochberg et Hamer 2010, Llarena-Reino et al. 2013, Baird et al. 2014, Lin 2015, Llarena-Reino et al. 2015).

Les coupes histologiques peuvent être réalisées dans les produits transformés (pulpe de poisson) pour visualiser les larves d’Anisakis ou les pseudokystes et myxospores de Kudoa. Cependant, cela ne permet pas un diagnostic immédiat et ne peut donc pas être utilisé en milieu industriel. De plus, l’histologie a une moins bonne sensibilité que la PCR ou l’ELISA (Orain 2010). Le volet hygiène de la réglementation européenne oblige une inspection visuelle du poisson à tous les stades de la filière par du personnel qualifié avant la mise sur le marché mais cette méthode est insuffisante pour détecter tous les parasites présents (Renaud 2011, Fraulo et al. 2014, Ljubojevic et al. 2015). Le mirage peut être utilisé en complément mais son utilisation reste à l’appréciation de l’industriel. C’est la méthode officielle dans le Codex Alimentarius. Le mirage consiste en la détection des parasites dans les filets posés sur une table éclairée. L’épaisseur du filet, la présence de peau sur le filet, la teneur en acides gras, la pigmentation, les conditions d’éclairage et le niveau d’expérience de l’opérateur sont des facteurs influençant la sensibilité de la technique du mirage. Les parasites observés sont retirés manuellement ou par tri et parage si l’intensité de l’infestation est faible. Sur certaines chaines industrielles, la partie ventrale bombée de l’abdomen, souvent la plus parasitée, est automatiquement retirée. Les industriels peuvent établir une limite de parasitisme à ne pas dépasser (au-dessus de la ligne latérale des filets) (Adams et al. 1997 ; Butt et al. 2004 ; Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009 ; Direction générale de l’alimentation 2014).

Les lots de produits de la pêche où des parasites ont été observés sont identifiés. Si plusieurs échantillons se révèlent être fortement parasités, le contrôle des poissons du même lot sera plus strict.

Si l’infestation parasitaire est massive, le poisson n’est pas paré et est reclassé en sous-produits animaux (Direction générale de l’alimentation 2014).

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Il est concevable d’interdire à la population de consommer du poisson cru mais il est plus pertinent de l’informer des risques étant donné l’ancrage des pratiques alimentaires pour certaines communautés. De bonnes pratiques de préparation ou de conservation du poisson s’il est consommé cru doivent donc être appliquées dans ce cas.

L’épaisseur et la composition du poisson font varier le temps de cuisson nécessaire pour tuer les parasites. Une température de 63°C pendant 15 secondes est suffisante pour les parties les plus épaisses. Au micro-onde, la température à atteindre pour la partie la plus épaisse est de 77°C (Adams et al. 1997). L’EFSA recommande une température à atteindre au cœur du poisson de 65°C pendant au moins 1 minute pour les parasites autres que les trématodes (Pozio et al. 2013). L’OMS recommande plutôt une température minimum de cuisson de 70°C (température à atteindre dans toutes les parties du poisson) (World Health Organization 1995). Lors du fumage à chaud et du fumage à sec, la durée et la température doivent être contrôlés (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009).

Les différentes législations obligent la congélation du poisson s’il est destiné à être consommé cru, mariné, salé, fermenté, séché ou fumé à froid (température inférieure à 60°C) (Dung et al. 2007, Borges et al. 2015).

Si une étape de chauffage est présente dans le procédé de fabrication, elle doit être considérée comme un point de contrôle dans le plan HACCP sinon c’est l’étape de congélation.

La législation européenne impose une congélation (une fois la température souhaitée atteinte à cœur) à -20°C minimum pendant au moins 24 heures ou à -35°C minimum pendant au moins 15 heures (24 heures pour les poissons plus épais) pour les parasites autres que les trématodes. The Fish and Fishery Products Hazards and Controls Guidance (Food and Drug Administration, agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) recommande une température de congélation à cœur de -20°C minimum et un stockage pendant 7 jours, recommandations pour les parasites les plus résistants à la congélation. Le produit peut aussi être congelé à cœur à -35°C minimum et stocké pendant 15 heures à cette même température ou 24 heures à -20°C. Le Codex conseille une congélation à cœur à -35°C pendant environ 20 heures (Adams et al. 1997 ; Audicana et al. 2002 ; Butt et al. 2004 ; Keiser et Utzinger 2009 ; Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009 ; Scholz et al. 2009 ; European Food Safety Authority Panel on Biological Hazards 2010 ; Food and Drug Administration 2011 ; Baird et al. 2014 ; Gustinelli et al. 2016). D’autres études ou pays recommandent une congélation à -18°C pendant 24 à 48 heures (Kuchta et al. 2015a). Lors de l’entreposage frigorifique, le contrôle du processus de congélation est important afin de s’assurer que la température et la durée de congélation sont suffisantes pour tuer les parasites (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009). La taille du container où sont entreposés les poissons est à prendre en compte puisque la température de -35°C pour 20 kg de poissons n’est pas encore atteinte après 28 heures (Lymbery et Cheah 2007).

Les dérogations au traitement par congélation concernent les produits destinés à subir un traitement thermique suffisant pour tuer les parasites et les poissons provenant d’élevages sous les conditions définis par le règlement européen (alevins issus d’écloserie, nourriture maitrisée strictement à base de granulés et distribuée à satiété) (Direction générale de l’alimentation 2014).

Il peut être intéressant de déterminer les couples temps/températures adéquats pour la congélation en fonction de la méthode de congélation, de l’épaisseur du poisson (les conditions définies par la FDA ne suffisent pas pour un poisson de 15 cm d’épaisseur), de l’espèce, du mode de préparation et des parasites ciblés (Food and Drug Administration 2011, Eiras et al. 2016).

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À l’issue des contrôles, les poissons chez lesquels ont été retrouvées des parasites vivants ne sont pas autorisés à être mis sur le marché s’ils n’ont pas été congelés ou salés à une concentration et à une durée adéquates et si les larves visibles à l’œil nu n’ont pas été extraites (European Food Safety Authority Panel on Biological Hazards 2010, Nieuwenhuizen et Lopata 2013).

Le terme de « manifestement infesté » dans la réglementation européenne de 2004 est sujet à discussion. Cela s’applique aux poissons chez lesquels la musculature est fortement infestée mais cela ne s’applique pas aux poissons, chez lesquels, seuls les viscères présentent des larves et qui peuvent donc être mis sur le marché. Il y a le même problème d’interprétation avec le terme « visible », ce qui signifie que la larve doit être vue à l’œil nu distinctement des autres tissus du poisson (D’amico et al. 2014). Concernant la réglementation française, les produits finis sont interdits de vente si au moins un parasite vivant ou mort est visible (Direction générale de l’alimentation 2014).

L’irradiation a également été proposée pour tuer les parasites mais ce processus a une image négative auprès du consommateur (Adams et al. 1997, Chai et al. 2005).

Une autre méthode disponible industriellement est la technique de forte pression hydrostatique (Baltic et al. 2013).

L’aquaculture représente une alternative pour continuer à consommer du saumon cru même si le risque n’est pas nul. Pour les autres espèces de poissons d’élevage ou pour les autres parasitoses que les diphyllobothrioses et anisakidoses, un plan HACCP doit être appliqué (Lima dos Santos et Howgate 2011).

Le Code d’usages pour les poissons et les produits de la pêche (partie du Codex Alimentarius) recommande un contrôle régulier de la qualité de l’eau dans laquelle les poissons sont élevés. Les poissons juvéniles doivent être achetés auprès de producteurs respectant les bonnes pratiques d’aquaculture (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009).

Les traitements anthelminthiques sont une autre solution afin de prévenir les infestations humaines, notamment dans le cas des distomatoses et des diphyllobothrioses (Chai et al. 2005, Schurer et al. 2013).

L’éducation est un point majeur du plan de prévention, que ce soit à l’encontre du consommateur, des professionnels de la santé (les médecins ne pensent pas de prime abord à une parasitose en cas de troubles digestifs légers) ou des pêcheurs et des poissonniers. Les différentes voies de transmission et les espèces de poisson à privilégier doivent être expliquées afin d’éviter une infection ou une réinfection. Un frein important est le fait que ces parasitoses sont, pour la plupart bénignes, asymptomatiques et avec de longues périodes prépatentes, ce qui peut limiter l’impact des campagnes d’information vers les personnes ciblées. La forme du programme est donc très importante, notamment vis-à-vis des personnes connaissant les risques mais ne changeant pas leurs habitudes. Des affiches pourraient être mises à disposition de la population afin d’expliquer les risques sanitaires liés à la consommation de poisson cru (chair, viscères ou œufs), notamment pour les préparations culinaires effectuées chez soi. Les médias (TV, journaux, radios) peuvent également participer au partage de l’information. Les populations les plus à risque des régions endémiques doivent être ciblées en priorité. Un point essentiel est l’éducation des enfants à l’école, les sensibiliser dès le plus jeune âge permet non seulement de les protéger eux mais aussi leurs proches (World Health Organization 1995, Dupouy-Camet et Peduzzi 2004, Macpherson 2005, Scholz et al. 2009, Renaud 2011, Wu et al. 2012, Singh 2014) (Llarena-Reino et al. 2015).

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Les professionnels tels que les poissonniers ou les pêcheurs doivent également informer leurs clients des mesures à appliquer afin d’éviter toute contamination et les renseigner sur l’origine des poissons. Ils peuvent les orienter vers l’achat d’un poisson d’élevage (Chomel 2008, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation mondiale de la santé 2009 ; Dupouy-Camet et al. 2016).

Les touristes doivent également être informés des risques de consommer des plats traditionnels (Broglia et Kapel 2011).

Le consommateur peut vérifier la zone et la date de pêche sur l’étiquette du produit et s’assurer de la respectabilité du restaurant (propreté, réputation). Le consommateur sera également vigilant à l’aspect des produits congelés : si des cristaux de glace sont visibles dans l’emballage du poisson congelé, il vaut mieux éviter de l’acheter car cela signe des problèmes de stockage au froid. La conservation des poissons au réfrigérateur (froid positif, +4°C) ne doit pas excéder trois jours (Butt et al. 2004, Dupouy-Camet et al. 2016). Il faut également faire attention aux plats préparés dans les food trucks et par les vendeurs de rue (en Asie), qui ne respectent pas toujours les règles d’hygiène des aliments (Baltic et al. 2013).

Les mêmes règles s’appliquent chez le consommateur : éviscération immédiate après la pêche, congélation, saumure ou cuisson à cœur du poisson. La température atteinte et la ventilation des congélateurs maisons doivent être vérifiées (-6°C pour 1 étoile, -12°C pour 2 étoiles, -18°C pour 3 et 4 étoiles) (European Food Safety Authority Panel on Biological Hazards 2010, Gonzales 2013, Bao et al. 2017). Une étiquette sur les poissons invitant à consommer le poisson cru uniquement après congélation ou cuit est souhaitée (D’amico et al. 2014).

Accroitre l’hygiène, changer les habitudes alimentaires, éviter les pratiques à risque en élevage piscicole, boire de l’eau propre et saine et avoir des sanitaires fonctionnels sont autant d’étapes importantes dans la lutte contre les parasitoses mais sont parfois difficile à appliquer selon les régions du monde. Concernant les navires de plaisance, le rejet des eaux usées est interdit mais les contrôles sont encore rares (Butt et al. 2004).

La collaboration des secteurs de la recherche, de la santé et politique est indispensable (Pomaznoy et al. 2013, VanWormer et al. 2013).

Les organisations internationales ont également leur rôle à jouer comme l’OMS, la FAO (Food and Agriculture Organization) et l’Office International des Epizooties. Ce dernier publie régulièrement des guides pratiques et des recommandations à l’encontre des professionnels et des consommateurs. Ces organismes encouragent à l’échelle internationale le développement de nouvelles techniques de diagnostic, de contrôle et de prévention pour ces zoonoses parasitaires (Chomel 2008, Sithithaworn et al. 2012b). Au Vietnam, il a été conduit le programme de recherche FIBOZOPA (Fishborne Zoonotic Parasites Project) afin d’expliciter la prévalence, les risques et les mesures de prévention. Plus de 50 fermes aquacoles dont des nurseries et des fermes de grossissement ont été inclues (Chai et al. 2005, Lima dos Santos et Howgate 2011, Clausen et al. 2015).

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