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I.5 Coupe optique à partir d’une seule image : HiLo bicouleur

I.5.1 Passage à une seule image

Pour réaliser simultanément les deux images (structurée et uniforme) grâce à une séparation spectrale, il faut :

– marquer l’échantillon avec deux fluorophores colocalisés spatialement et sépa- rés spectralement ;

– éclairer l’échantillon avec une illumination uniforme et une illumination struc- turée, dans deux fenêtres spectrales distinctes adaptées aux fluorophores ; – séparer la fluorescence des deux fluorophores, et acquérir les deux images sur

la même caméra.

Nous allons maintenant décrire les solutions techniques utilisées pour satisfaire ce cahier des charges.

Sonde bicouleur

La technique HiLo se base sur la combinaison d’informations basse fréquence pro- venant d’une image structurée et d’informations haute fréquence provenant d’une image illuminée de façon homogène, chacune étant observée dans une fenêtre spec- trale distincte. Pour que cette combinaison d’information provenant d’images et de marquages différents ne génère pas d’artefacts, il est nécessaire de s’assurer de la colocalisation spatiale des fluorophores utilisés.

Pour certains marquages non spécifiques, où les fluorophores se répartissent de façon homogène dans l’échantillon, les deux marquages utilisés n’ont a priori aucune raison d’être différents et un double marquage est suffisant. Par contre, ceci n’est pas forcément le cas si les marqueurs utilisés sont spécifiques d’une structure de l’échan- tillon. Si les fluorophores ne sont pas couplés, il est possible de faire apparaître des inhomogénéités de marquage qui biaiseront la reconstruction des coupes optiques.

Il a donc été nécessaire de développer une sonde bicolore, constituée de deux fluorophores. Nous avons choisi de partir de quantum dots (QD) (particules inorga- niques fluorescentes) auxquels sont associés des fluorophores organiques, comme le montre le schéma I.16 D.

La particule est construite autour d’un quantum dot, composé d’un cœur de sélénure de cadmium (CdSe) d’une couche de sulfure de cadmium (CdS) et d’une coque de sulfure de zinc (ZnS). Ces dots sont des particules qui ont un spectre d’ab- sorption large (de 350 nm à 550 nm) et un spectre d’émission étroit centré autour de 575 nm, avec une largeur à mi-hauteur de 25 nm. L’AlexaFluo 750 a été choisi comme fluorophore organique. Son pic d’absorption est à 750 nm et son pic d’émis- sion à 776 nm. Les spectres de la figure I.16 E montrent que les spectres d’absorption et de fluorescence de ces deux composés sont bien séparés.

Il a été nécessaire d’éloigner spatialement les fluorophores organiques du quantum dot pour éviter le phénomène de transfert d’énergie de type Förster (FRET) qui pourrait corrompre la séparation spectrale. Une distance de 115 Å entre le centre

Figure I.16 – A-C : Vérification de l’absence de fuite de signal entre les voies structurée et homogène, D : Schéma de la particule bicolore, E : Spectres d’ab- sorption et de fluorescence des deux fluorophores (extrait de Muro et al. [19]).

du quantum dot (d’un rayon de l’ordre de 30 Å) et l’AlexaFluor 750 a été estimée suffisante pour réduire l’efficacité du FRET à environ 0,2% [19]. Cette séparation est obtenue grâce à un oligonucléotide (un petit brin d’ADN) de 15 paires de bases d’une longueur de 50 Å. Les différents éléments de cette architecture (quantum dots, ADN et AlexaFluor750) sont maintenus grâce au couple de protéines biotine-streptavidine. On a ainsi une particule qui combine deux fluorophores distincts en évitant le FRET entre les deux et donc la contamination entre les deux voies d’imagerie (I.16 A-C), mais assurant la concordance des marquages entre celles-ci.

Séparation spectrale des deux images à l’illumination et à la détection

La deuxième étape est la réalisation du système optique permettant d’éclairer l’échantillon avec deux illuminations différentes et de récupérer les images sur une même caméra (Figure I.17).

L’illumination structurée de l’échantillon est réalisée en utilisant le système décrit précédemment (paragraphe I.2.1 et figure I.9). L’illumination uniforme est réalisée

Figure I.17 – Schéma du montage HiLo bicouleur (FD : diaphragme de champ, AD : diaphragme d’ouverture, obj : objectif, ExF : filtre d’excitation, DM : miroir dichroïque, EmF : filtre d’émission, IIP : plan image intermédiaire, L1, L2 : lentilles, M1, M2, miroir, IF, filtre interférentiel, IP : plan image).

en trans-illumination. Un laser à 488 nm est installé à la place de l’illuminateur supérieur. Un diffuseur tournant permet de casser la cohérence spatiale du faisceau et de moyenner le speckle pour avoir une illumination parfaitement homogène pour des temps d’exposition supérieurs à 5 ms.

Nous avons choisi de structurer l’illumination pour le fluorophore proche infra- rouge AlexaFluor 750, afin d’éviter l’apparition d’artefacts par un éventuel FRET résiduel. En effet, le FRET ne peut avoir lieu que du quantum dot vers l’Alexa, dans les configurations spectrales choisies (longueurs d’onde de fluorescence des QD supé- rieures à l’absorption de l’Alexa750). Ainsi si les quantum dots étaient utilisés pour l’illumination structurée, il serait possible de voir apparaître une faible composante modulée dans l’image uniforme, ce qui entraînerait des artefacts et des difficultés de reconstruction. Les QD étant utilisés pour l’illumination uniforme, un éventuel FRET ajoutera une composante continue dans l’image structurée ce qui diminuera le contraste final mais ne parasitera pas le traitement de l’image.

De plus, la séparation spectrale des images permet d’être moins sensible au pho- toblanchiment. En effet, si l’échantillon blanchit au cours de l’exposition de la grille, celle-ci sera imprimée dans l’échantillon même lors de l’acquisition des images homo- gènes. Dans notre cas, seules les images structurées seront perturbées, ce qui peut être évité en déplaçant lentement la grille de façon sinusoïdale par exemple, sans modifier la fréquence de modulation.

Nous avons donc utilisé des filtres d’excitation et d’émission dans le proche in- frarouge pour la voie structurée et une illumination à 488 nm et un filtre d’émission dans la gamme 550-600 nm pour la voie uniforme [19].

La séparation à la détection des deux images se fait à la sortie du microscope grâce à un montage de séparation spectrale des faisceaux, utilisant un miroir di- chroïque, deux filtres d’émission, deux miroirs et deux lentilles, comme le montre le schéma I.17. Les deux images sont projetées sur la même caméra, avec un grandisse- ment d’un facteur 1,5 entre le plan image du microscope et la caméra. L’utilisation d’une seule caméra évite les problèmes de synchronisation de deux caméras, au dé- triment d’un champ maximum observable réduit. Cela peut être modifié en jouant sur les distances focales des lentilles du séparateur de faisceaux et la taille du capteur de la caméra.

Les chemins optiques étant différents pour les deux images, il est important de superposer le plan image du microscope au plan focal objet de la lentille L1 et de

placer la caméra au foyer de la lentille L2 pour garantir un grandissement identique

entre les deux images entre la sortie du microscope et la caméra.

On a ainsi une double illumination et un système de séparation des images qui nous permet d’acquérir simultanément les deux images, structurée et uniforme.

Reconstruction

La reconstruction des images est largement inspirée de la méthode développée par Jerome Mertz [14, 15]. Il a été nécessaire de modifier ce traitement car l’utilisation de deux fluorophores distincts empêche certaines simplifications.

Le processus de reconstruction est illustré par la figure I.18. La première étape est un simple filtrage passe-haut de l’image uniforme, afin d’isoler les hautes fréquences provenant nécessairement du plan de mise au point (spectres A et B). La deuxième étape est l’extraction de l’information basse fréquence à partir de l’image modulée. Cette information se trouve aux alentours des pics de modulation sur le spectre de l’image modulée (spectre C). Pour isoler l’information basse fréquence, on convolue l’image structurée par des ondelettes de Gabor (fonctions sinusoïdales modulées par une enveloppe gaussienne), dont la période et l’orientation sont celles de la grille. Ceci permet de ne garder que l’information basse fréquence (filtrage passe-bas par la gaussienne) à la fréquence de grille (spectres D).

Pour supprimer la modulation et remettre les basses fréquences à leur place, on somme les carrés des contributions obtenues avec l’ondelette en sinus Os et en cosi-

nus Oc (spectre E). On conserve ainsi les basses fréquences qui étaient initialement

modulées dans l’image à la période de la grille p. Il suffit ensuite de sommer ces deux images pondérées par des termes α (spectre F).

La formule mathématique qui rend compte de ce traitement est la suivante [19] :

Iif = 1 αU HF [IU] + 2 α00 S q (IS? OS)2+ (IS? OC)2, (I.27)

avec IU et ISles images uniforme et structurée, HF un filtre passe-haut, αU et α00Sles

facteurs de normalisation des deux portions de spectres et OS et OC les ondelettes

de Gabor en sinus et cosinus suivantes :

OS(x, y, xc, yc) = sin x − xc p ! exp −K(x − xc) 2+ (y − y c)2 p2 ! (I.28) OC(x, y, xc, yc) = cos x − xc p ! exp −K(x − xc) 2+ (y − y c)2 p2 ! (I.29)

où p est la période de la grille et K un paramètre à optimiser manuellement en pratique.

Trois paramètres sont ajustables dans ce traitement des images : K, αU et α00S.

Ils sont ajustés de manière ad hoc pour combiner les spectres partiels le plus « pro- prement » possible.

Une image d’un embryon de Xénope marqué par les deux fluorophores décrits précédemment montre bien le gain obtenu par cette technique HiLo (figure I.19). On repère le rejet du bruit de fond non modulé et l’image de coupe optique obtenue permet de distinguer des détails précédemment noyés dans le bruit (flèche bleue sur le profil).

Epaisseur de coupe

L’épaisseur de coupe de cette technique est définie par la profondeur sur laquelle la modulation sera détectable. Les performances envisageables seront donc équiva- lentes à celles déterminées au paragraphe I.3.

Figure I.19 – Images de coupe optique sur un embryon de Xénope : A) image en illumination uniforme, B) image HiLo. C) profils des images.

Les mesures de ces épaisseurs de coupe ont donné des résultats similaires à ceux obtenus avec le montage d’illumination structurée classique. Ils sont résumés dans le tableau I.4, pour différents objectifs et une grille physique de 50 µm de période, dans le cas d’un miroir ou d’un plan fluorescent. Les différences parfois importantes proviennent :

– de l’aberration sphérique générée par une lamelle de mauvaise épaisseur ; – d’une ouverture numérique effective plus faible à l’illumination ;

– d’une épaisseur du plan fluorescent non négligeable.

XX XX XX XX XXX X

Objectif (ON) Fluorescence Miroir 60× eau (1,2) 2,83 (0,78) 0,77 (0,58)

10× (0,3) 23,9 (18,6) 20,0 (12,8)

Table I.4 – Epaisseur de coupe mesurée (et théorique) en µm obtenue avec le montage HiLo.

Il pourrait être intéressant de modifier la modulation de l’image structurée pour illuminer avec du speckle. Le contraste du speckle dans l’échantillon n’étant pas sensible aux aberrations, celles-ci n’auront d’effet qu’à la détection. De plus, l’épais- seur de coupe alors obtenue est définie par les paramètres de reconstruction et est

continûment variable [34]. Ainsi, il n’est plus nécessaire de modifier le système pour l’adapter à la résolution axiale voulue.