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Partie I : La quantification de l’antigène de capside du VHC est-elle un outil valide pour le diagnostic de l’hépatite C ?

Revue de la littérature sur les technologies innovantes pour la création de tests POC et concept d’innovation frugale

I. Partie I : La quantification de l’antigène de capside du VHC est-elle un outil valide pour le diagnostic de l’hépatite C ?

Les résultats obtenus au cours de l’étude ANRS 12 336 sont venus confirmer ceux déjà prometteurs des études publiées avant et pendant sa mise en place concernant les performances diagnostiques de la quantification de l’AgC. Une méta-analyse publiée 2 mois avant la soumission pour publication de cet article estimait, à partir des résultats de 23 études, la sensibilité et la spécificité du test d’Abbott à 93,4 et 98,8% (Freiman et al., 2016), ce qui concorde avec nos propres estimations (c’est-à-dire une sensibilité et une spécificité de 95,7 et 99,7%, respectivement). Par ailleurs, dans les années qui ont suivi, de nouvelles études sont venues elles aussi confirmer les bonnes performances de cette technique sur des échantillons de sérum ou de plasma de personnes mono-infectées (Catlett et al., 2019; Lamoury et al., 2018) ou co-infectées par le VIH (Mohamed et al., 2017). Les données concernant l’impact de la co-infection VHB sur les performances de cette technique restent quant à elles encore parcellaires.

Au moment de la publication des résultats de l’étude ANRS 12 336, début 2017, la quantification de l’AgC semblait donc pouvoir apporter une première solution au manque d’accessibilité du diagnostic du VHC en permettant de remplacer la détection de l’ARN du VHC par un outil de qualité égale, plus simple d’utilisation et au coût plus faible. Les limites liées à sa mise en place dans des contextes délocalisés soulevaient cependant des questions quant à sa capacité à apporter une solution aux limites d’accessibilité géographique du diagnostic de l’infection par le VHC ou à permettre de réduire de deux à un le nombre d’étapes nécessaires à ce dernier.

Ce point était d’autant plus prégnant que des outils permettant la délocalisation du diagnostic du VHC étaient alors en plein essor avec la démonstration des bonnes performances diagnostiques des tests de référence sur DBS, contrairement au test de l’AgC dont la sensibilité estimée sur ce type de prélèvement ne dépassait pas 76,1% (Mohamed et al., 2017 ; Soulier et al., 2016), et, surtout, l’arrivée sur le marché du test POC GeneXpert pout la détection de l’ARN du VHC, épaulée par les première publications démontrant ses bonnes performances (E. Gupta et al., 2017; McHugh et al., 2017). Evaluer l’adéquation de son utilisation au contexte des PRFI restait donc encore à documenter et nécessitait d’adopter d’autres points de vue que celui du seul aspect des performances techniques, ce qui nous a amené à mettre en place les analyses coût-efficacité présentées plus haut.

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II. Partie II : À l’heure actuelle, quels outils de diagnostic de l’hépatite C sont les plus adaptés au contexte des PRFI d’un point de vue médico-économique ?

Si l’on transpose les trois questions posées dans la partie Méthodes afin de présenter les caractéristiques des analyses médico-économiques39 à la question du choix des outils diagnostic de l’infection par le VHC dans les PRFI, il apparait que les études coût-efficacité que nous avons menées y apportent quelques éléments de réponse sans toutefois permettre d’y répondre pleinement.

La première, relative au choix des interventions à privilégier parmi celles possibles pour atteindre un objectif, est celle pour laquelle nos études apportent le plus d’éléments de réponse. Cette question regroupe elle-même plusieurs interrogations : quel type de stratégie serait le plus optimal, centralisée ou décentralisée ? Sur quel marqueur virémique doit-elle reposer : ARN du VHC ou AgC ? Dans le cas des stratégies décentralisées, vaut-il mieux adopter celles reposant sur des tests POC ou celles utilisant des tests de laboratoires sur DBS ? La mise en place d’une stratégie en une étape, afin de limiter le nombre de perdus de vue, a-t-elle un intérêt d’un point de vue médico-économique ?

Dans les deux contextes étudiés, l’impact important des perdus de vue sur l’efficacité des stratégies centralisées confirme le besoin d’utiliser des outils permettant la décentralisation du diagnostic. Ces résultats sont bien sûr influencés par les hypothèses formulées dans notre modèle à propos de cette variable. Les très faibles valeurs seuil observées dans nos analyses de sensibilité la concernant confèrent cependant une certaine robustesse à ce résultat. Évaluer quelle stratégie décentralisée serait la plus pertinente à choisir – une entièrement à base soit de tests POC, soit de tests de laboratoires sur DBS, ou un mélange des deux – au regard des bénéfices en santé et coûts attendus pour chacune impliquait dans notre cas des limites méthodologiques qui touchent aussi à la seconde question ; ce sujet sera donc abordé plus loin.

Réduire le nombre d’étapes de l’algorithme de diagnostic de l’infection par le VHC est considéré par certains chercheurs comme crucial pour permettre d’augmenter le taux de diagnostic dans certaines populations (Applegate et al., 2018; Grebely, Applegate, et al., 2017). Parmi les stratégies en une étape proposées, seule celle reposant sur l’utilisation du test POC de détection de l’ARN du VHC est apparue comme pouvant être intéressante par rapport à celle en deux étapes et ce, à certaines conditions : une séroprévalence élevée, une hausse du coût du test POC de détection des anticorps anti-VHC ou une baisse de celui du test POC de détection de l’ARN par rapport aux valeurs de base considérées. La première condition peut constituer un argument appuyant la demande exprimée par les professionnels de santé, en particulier ceux en charge de populations à risque et marginalisées, de

39 Quelle intervention choisir pour atteindre l’objectif fixé ? Au regard des autres interventions possibles, faut-il mettre en place l’intervention considérée ? En a-t-on les moyens ?

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réduire au maximum le délai nécessaire à la réalisation du diagnostic de l’infection par le VHC pour maximiser la probabilité d’entrée dans le système de soins des patients. Dans cette même optique de mettre en place une stratégie en une étape, la dernière condition peut servir de levier lors de potentielles négociations avec la firme commercialisant le test POC de détection de l’ARN du VHC. Dans les contextes de séroprévalence faible, un tel choix pourrait cependant avoir peu d’intérêt étant donné la faible VPP de la stratégie POC en une étape.

Il est important de noter que la sensibilité des estimations de notre modèle aux variations des paramètres dont les valeurs étaient incertaines, ajoutés au caractère très spécifique des coûts ayant servis à le paramétrer, rendent nos résultats difficilement généralisables au reste des PRFI. En revanche, ce constat donne des indications quant aux paramètres clés à documenter si de futures modélisations sur ce même sujet venaient à être menées.

Les réponses de nos études à la seconde question sont déjà plus limitées. Ici, cette dernière peut se comprendre de plusieurs manières, notamment : parmi les stratégies identifiées comme dominantes, adopter l’une des plus chères est-il pertinent d’un point de vue médico-économique ? Mais aussi, au regard de toutes les interventions possibles à l’échelle des pays considérés, les stratégies identifiées dans nos études représentent-elles le meilleur investissement ? Comme expliqué dans la discussion de la Partie II, en l’absence de seuil d’acceptabilité utilisable avec un critère d’efficacité autre que les QALYs ou les DALYs il est impossible d’apporter une réponse à ces questions à partir des résultats de nos analyses coût-efficacité. Nos courbes d’acceptabilité peuvent néanmoins donner une indication. En effet, pour des seuils de propension à payer faibles – étant donné la nature non curative du diagnostic, il est en effet probable que la valeur seuil choisie dans notre cas serait faible –, la stratégie en 2 étapes reposant seulement sur des tests POC (S5[Ab_POCRNA_POC]) possède une probabilité élevée d’être coût-efficace par rapport aux stratégies proposées, en particulier dans le cas des populations générales.

Enfin, la réponse apportée par nos résultats à la dernière question, « en a-t-on les moyens ? », varie en fonction du contexte étudié. Etant donné l’absence de seuil de coût-efficacité, le seul outil à notre disposition pour en juger sont nos estimations budgétaires. La taille estimée de la population d’usagers de drogue de Dakar étant petite, les montants requis pour tous les dépister grâce aux stratégies identifiées par l’analyse coût-efficacité ne semblent pas exorbitants, en particulier lorsqu’on les compare au montant total du budget public en santé du Sénégal. En revanche, dans le cas des populations générales des pays étudiés, les budgets estimés semblent bien moins abordables, même ceux ne correspondant qu’à l’objectif de 30% des personnes atteintes par le VHC diagnostiquées. Comme cela a été précisé dans la partie II, plusieurs limites de nos estimations font que ces résultats sont à interpréter avec précaution. Ils permettent néanmoins de mettre en lumière qu’en l’état actuel

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des financements publics de santé dans les pays considérés, il n’est pas vraisemblable que les objectifs de l’OMS pour 2020, voire ceux prévus pour 2030, soit atteints à la date dite.

Ce constat pose alors la question des options s’offrant aux pays étudiés et aux PRFI en général pour financer le diagnostic de l’hépatite C. Cet aspect est approfondi dans la partie Perspectives de cette thèse.