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Importance et défis liés au renforcement de la cascade soins : leçons des pays en voie d’élimination de l’hépatite C

III. Au-delà du médicament : l’accès au diagnostic de l’hépatite C dans les PRFI, un enjeu multidimensionnel

1. Importance et défis liés au renforcement de la cascade soins : leçons des pays en voie d’élimination de l’hépatite C

L’OMS estime que le taux de mise sous traitement par AAD a progressivement augmenté dans le monde, entre 2014 et 2017, pour atteindre un total d’environ 5 millions de personnes traitées par AAD

23 De manière schématique, en ce qui concerne la mobilisation de leurs ressources internes, les PRFI font généralement face à deux principaux problèmes. D’une part, une administration déficiente, pur de multiples raison (sous-financement, corruption, etc.), qui ne leur permet pas de collecter efficacement les richesses produites intérieurement. D’autre part, ces dernières sont largement insuffisantes en comparaison des besoins financiers des PRFI, le modèle économique actuel de la majeure partie des PRFI ne leur permettant pas de les accroître de manière significative.

24 Dans les pays à revenu faible, bien que les dépenses publiques augmentent depuis 2000, la part allouée à la santé, elle, diminue : elle est passée de 7,9% en 2000 à 6,8 en 2015 (WHO, 2018c). Cette tendance va à l’inverse de celle de tous les autres pays.

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au cours de cette période (WHO, 2018b). Bien que positive, cette hausse ne représente pas une tendance globale, une poignée de pays ayant, à elle seule, significativement contribué à cette augmentation25. Une étude menée sur 45 pays de revenu élevé, dont le but était d’estimer à quelle date ces pays atteindraient les objectifs d’élimination de l’OMS si les taux de diagnostic et de mise sous traitement restaient ce qu’ils étaient en 2017, a conclu que seuls 7 d’entre eux pouvaient les atteindre d’ici 2030 : l’Espagne, l’Islande, l’Australie, la France, la Corée du Sud, la Suisse et le Royaume-Uni. Huit autres pouvaient également les atteindre mais seulement entre 2030 et 205026 (Razavi, Sanchez, Pangerl, & Cornberg, 2019). Cette liste recoupe en partie celle obtenue par une autre étude, incluant 91 pays, qui comptait quant à elle 10 pays en bonne voie pour atteindre lesdits objectifs au regard de l’évolution de l’épidémie de l’infection par le VHC sur leur territoire respectif entre 2016 et 201727 (A. M. Hill, Nath, & Simmons, 2017). Cette étude concluait que l’augmentation du taux de mise sous traitement est encore trop faible et trop inégalement répartie dans le monde pour que les objectifs de l’OMS soient atteints d’ici 2030, l’épidémie progressant encore dans de nombreuses régions, telles que l’Afrique sub-saharienne et l’Europe de l’est. Tous les pays identifiés par ces études appartiennent à la catégorie des pays à revenu élevé.

Les barrières à la disponibilité des AAD exposées dans la partie précédente représentent bien sûr une des raisons majeures de cette inertie. Cependant, l’estimation de la couverture de la cascade de soins de l’hépatite C – c’est-à-dire l’estimation du nombre de personnes inclues dans chaque étape de la prise en charge de l’hépatite C, du diagnostic à la guérison virologique, voire la prise en charge de la maladie hépatique chronique par la suite – montre qu’il ne s’agit pas de la seule étape où des difficultés d’accès existent (Figure 5). Le nombre de personnes porteuses chroniques du VHC engagées dans cette cascade est en effet très faible, et ce dès l’étape du diagnostic : il est estimé que seul 19% d’entre elles, soit 13,1 millions, avaient été diagnostiquées en 2017 (WHO, 2017b). Les 5 millions de personnes mises sous traitement depuis 2014 représentent donc moins de 40% des personnes diagnostiquées, soit environ 7% de l’ensemble des personnes infectées par le VHC ; des chiffres loin de l’objectif visant la mise sous traitement de 80% des personnes diagnostiquées. Le taux de diagnostic est par ailleurs bien plus élevé dans les pays à revenu élevé (46%) que dans les pays à revenu faible et intermédiaire (6%). En Afrique sub-saharienne, le taux de diagnostic est de 6% et seulement 2% des personnes

25 Selon le “Global hepatitis report” publié en 2017 par l’OMS, la moitié des mises sous traitement par AAD en 2016 ont eu lieu en Egypte et le Pakistan. Le rapport mentionne aussi l’Australie, la Chine, la France, la Géorgie, le Maroc, le Rwanda et l’Espagne comme pays avec une augmentation prometteuse du nombre de patients traités par AAD.

26 L’Italie, Malte, le Japon, l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, la Nouvelle Zélande, l’Irlande et les Pays-Bas.

27 L’Australie, le Japon, les Pays-Bas, l’Egypte, le Royaume Uni, la France, l’Espagne, l’Allemagne, l'Islande et le Qatar.

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géographique ou la stigmatisation rencontrée par elle, etc.). Un défi commun à ces pays a donc souvent été la conception d’interventions plus ou moins originales afin d’y parvenir, comme cela avait déjà pu être fait pour d’autres maladies, en particulier le VIH : mise en place d’unités médicales mobiles (Morano et al., 2014), dépistage dans les pharmacies locales (Buchanan, Cooper, Grellier, Khakoo, & Parkes, 2019) ou par les pairs dans certains groupes de population(Crowley et al., 2019), etc. La plupart de ces pays ont cependant pu s’appuyer sur les ressources préexistantes de leur système de santé respectif en intégrant les actions spécifiques à l’hépatite C à ce dernier, pour pouvoir développer rapidement des interventions. La Géorgie par exemple, dans le cadre d’un projet pilote de 7 mois, a formé tous les professionnels de santé exerçant dans les structures de santé primaires d’une région au diagnostic combiné du VHC, du VIH et de la tuberculose, avec pour résultat une augmentation de 60% du nombre de personnes dépistées pour le VHC (Khonelidze et al., 2019). Devant les résultats obtenus, il est prévu que ce système soit généralisé au niveau national. D’autres pays, afin de pallier les déserts médicaux, ont créé des circuits alternatifs de prise en charge des patients, reposant sur les médecins généralistes et les travailleurs sociaux, et non sur les seuls médecins spécialistes (Wade, Veronese, Hellard, & Doyle, 2016). Autre exemple, certains pays à revenu élevé où les principales personnes à risque sont les usagers de drogue ont intégré le dépistage du VHC à la routine de leurs centres de réduction des risques dans le but d’augmenter le taux de diagnostic dans cette population.

La transposition de ces stratégies aux PRFI représente un défi ; d’une part en raison du manque de financement disponible pour la lutte contre l’hépatite C évoqué plus haut (§II.3.c)), d’autre part du fait de l’existence de barrières organisationnelles aux soins liées à la structure même de leurs systèmes de santé.

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2. Limites organisationnelles des systèmes de santé dans les pays à revenu faible ou