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2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE DU TRAVAIL

2.3 La structuration du secteur

2.3.5 Les particularités de l'environnement de travail et des tâches

Au Québec, le choix des préposés de travailler à temps plein ou à temps partiel est respecté par les EESAD et il est observé une grande tolérance des employeurs pour faciliter la conciliation vie familiale et vie professionnelle. Les premiers réalisent entre 32,5 et 35 heures par semaine, alors que le temps d'activité des seconds est en moyenne de 22,5 heures. La durée des interventions au domicile est en général de deux à trois heures minimums, une à deux fois par semaine, ce qui les amène à travailler auprès de deux à trois foyers par jour. Toutefois, les préposées réalisent des déplacements parfois assez long, surtout en milieu rural pour lesquels elles perçoivent une indemnité. Si les employées se doivent de respecter les horaires d'intervention prévus, elles se considèrent autonomes dans leur travail. Un devis réalisé par la structure détermine le type d'intervention mais elles sont autorisées à ajuster les tâches prioritaires à accomplir en fonction de l'attente du client. Il leur est demandé de développer une approche relationnelle plus personnalisée (CSMO- ESAC, 2007). Cependant, elles peuvent être amenées à refuser des tâches supplémentaires à celles figurant sur le devis de manière à respecter les objectifs fixés sans pour autant se situer dans une logique de productivité ou de rentabilité. Ses situations n'excluent pas des conditions stressantes de travail dues à la prise en charge d'urgence et à la confrontation à une violence verbale. Tout comme en France, le travail des préposées est connu pour les risques physiques qu'il présente. Des consignes précises sont communiquées par les EESAD comme l'interdiction de nettoyer les planchers à genoux, l'obligation de placement dans le bain pour en assurer le nettoyage, et le conseil de pratiquer des échauffements avant le travail.

En France, les employées réalisant l'entretien ménager travaillent le plus souvent quatre à cinq heures par foyer, réparties sur deux jours par semaine. Le temps de travail hebdomadaire reste pour 80 % des salariés, inférieur à 18 heures (Ulrich et Zilberman, 2007) mais réalisé autour d'une importante amplitude horaire (Dussuet,

2006). Les salariées cumulent souvent des interventions auprès de plusieurs familles mais complètent également ce temps de travail à domicile par d'autres activités similaires notamment auprès d'entreprises de nettoyage. Elles présentent ainsi, le plus souvent, un statut multi-employeurs relevant parfois de conventions collectives, de droits et obligations différents et développent des stratégies individuelles en essayant de tirer bénéfice de chacun des statuts (Croff, 2007). Le travail réalisé présente de fortes contraintes physiques, relationnelles et temporelles. D'après Devetter et al. 2009), plus de la moitié des intervenantes à domicile travaillent régulièrement à genoux et plus de dix heures par jour en station debout. Elles sont également exposées à des risques chimiques et biologiques par l'utilisation de produits toxiques et par la proximité avec un environnement bactériologique. La succession d'interventions de durée variable (d'une demi-heure à quatre heures consécutives) les contraint à de nombreux déplacements d'un site à l'autre, souvent réalisés à pieds et dans une durée limitée.

Les caractéristiques du travail sont notamment relatives à l'espace dans lequel il s'exerce c’est-à-dire l'espace privé voire intime du bénéficiaire de service faisant obstacle à tout contrôle extérieur sur les conditions de travail. En effet, ce travail se réalise de manière isolée, à l'abri des regards extérieurs ou même de celui des membres du foyer et sans relation avec d'autres professionnels ni encadrement. Il présente donc un haut degré d'individualité, de personnalisation et d'invisibilité sociale.

Sur le plan relationnel, la proximité avec l'usager reste dominante dans les emplois de gré à gré. Elle est construite autour d'une relation binaire employeur/salarié et la réalisation directe du travail. Dans cette relation, il est important de tenir compte qu'il s'agit d'une activité qui pourrait être autoproduite par les membres de la famille eux-mêmes ou dont le bénéficiaire a eu la charge auparavant. La référence normative du travail reste dans les deux cas propre aux valeurs domestiques, aux valeurs culturelles défendues par les membres de chaque

foyer susceptibles de se trouver en rivalité avec celles apportées par la personne intervenant au domicile. Il s'agit avant tout pour le bénéficiaire, d'accepter un certain renoncement à la mise en œuvre de ses compétences domestiques, d'organiser la délégation et la répartition des tâches. De la part de l'intervenante à domicile, il est nécessaire de concilier ses propres repères domestiques avec l'environnement à la fois privé et professionnel dans lequel elle intervient. Dans le cadre d'une prestation fournie par une structure de service et réalisée par un de ses salariés opérateurs, la relation contractuelle de service est établie entre l'usager et le prestataire employeur. La personne salariée doit alors se conformer aux exigences de son employeur en termes de durée, de sécurité, de tâches à réaliser, qui aura préalablement proposé un plan de service à son client. Néanmoins, si le travail a lieu en présence de l'usager, l'employée peut se trouver confrontée à des demandes divergentes ou supplémentaires et se trouve parfois exposée à des risques d'agression verbale (Devetter et al., 2009). Comme le conseille Raguénès (2008), l'entretien courant doit se faire en tenant compte des habitudes de vie de l'usager et ce travail ne peut être réalisé sans aucun contact humain. L'auteur fait ainsi référence à deux situations d'aide à domicile : la première où l'employée s'adapte aux habitudes des personnes et réalise, par exemple, chez l'une, le potage en coupant les légumes et chez l'autre, en laissant les légumes entiers et donne ainsi satisfaction à chacune. La seconde où l'employée se réfère à ses propres manières de faire et entre souvent en conflit avec les usagers. L'objectif d'établir une relation de confiance basée sur l'écoute et la bienveillance, sans entrer dans une relation affective reflète alors une attitude professionnelle. D'après Kaufmann (2000), l'expression de cette relation se traduit depuis des comportements de type amical, des attitudes paternalistes jusqu'à des comportements de domination. Le rôle de médiation des structures doit permettre de neutraliser les effets de ces comportements. Toutefois, d'après Devetter et al. (2009) si ce rôle est bien réel, il reste limité.