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2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE DU TRAVAIL

2.3 La structuration du secteur

2.3.2 Les différentes structures impliquées dans les services apportés

Nous présenterons ici les structures qui couvrent la catégorie des employeurs, les fédérations, mais également celles qui interviennent dans la solvabilisation de l'offre en France comme les plates-formes de service, les organismes consulaires et l'Agence Nationale des Services à la personne. Au Québec comme en France, les services offerts à domicile sont assurés par quatre catégories de prestataires : les salariés du particulier employeur, les organismes de l'économie sociale, les entreprises privées et les organismes communautaires.

2.3.2.1 L'emploi de gré à gré : les particuliers employeurs. Au Québec, les emplois

de gré à gré se sont principalement développés, auprès des personnes handicapées bénéficiant de l'allocation financière qui leur permet d'embaucher la personne de leur choix dans le but de répondre à leur besoin de maintien à domicile. Un dispositif de chèque emploi service a été initié pour faciliter les démarches administratives. Toutefois les personnes intervenant à domicile sous ce type de contrat, ne peuvent bénéficier d'avantages sociaux collectifs : les bases de salaires diffèrent d'une région à l'autre, l'affiliation sociale est conditionnée à la durée du travail, les déplacements ne sont pas indemnisés. En conséquence, ce dispositif semble poser la question de la qualité de travail et celle des services assurés dans ces conditions.

En France, l'emploi de gré à gré reste le mode d'embauche le plus important. D'après Devetter et al. (2009) cette catégorie marquée par l'emploi des domestiques, représentait au début du XXème siècle 5 % de l'emploi total pour seulement 1 %

actuellement. Pourtant selon le bilan d’activité 2007 de l’Agence nationale des services à la personne (ANSP, 2008), 1,9 millions de salariés ont été employés par les particuliers et leur nombre total est estimé à 2,1 millions en 2008. Cette catégorie recouvre les employeurs qui établissent un contrat de travail directement avec leur salarié intervenant à domicile (soit 42 % du nombre d'heures réalisées auprès des

particuliers en 2007) ou assurant la garde d'enfant hors domicile comme les assistantes maternelles (43 % du nombre d'heures 2007). Depuis1987, il inclut également les salariés employés sous le mode mandataire (15 % du nombre d'heures en 2007) où une structure intermédiaire est chargée d'assurer le travail de gestion administrative et de gestion du personnel. L'ensemble des personnes employées sous cette forme, bénéficie de la convention collective des salariés du particulier employeur et peut être rémunéré par le biais du CESU.

2.3.2.2 Les structures de l'économie sociale. Sur les deux territoires, les structures de

l'économie sociale occupent une place de pionnier dans l'histoire des services et elles restent encore essentielles à ce jour. Fin 2007 en France, 5 700 structures d'aide à domicile agréées (Lesellier, 2008a) emploient près de 270 000 salariés (ANSP, 2008). Elles sont principalement organisées sous forme associative et proposent des services soit prestataires où elles restent l'employeur, soit des services mandataires. L'accroissement annuel de leur activité est plus faible depuis 2005, et la part du nombre d'heures travaillées est passée de 15,1 % à 11,9 % en 2007 (ANSP, 2008). Les services proposés sont principalement tournés vers l'entretien du logement et l'aide à la personne âgée ou handicapée ainsi que des services de garde d'enfants. D'autre structures agréées telles que les associations intermédiaires, les entreprises d'insertion ou les régies de quartier emploient des personnes en situation d'exclusion et de chômage dans l'objectif de faciliter leur réinsertion professionnelle et répondent à des demandes de services à domicile non assurées par le secteur marchand.

Au Québec, selon le bilan du Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’économie sociale et de l’action humanitaire (CSMO ESAC, 2007), 101 entreprises de l'économie sociale en aide domestique (EESAD) sont actives en 2006 sur l'ensemble du territoire du Québec soit, 46 coopératives et 56 organismes à but non lucratif. Ces organismes répondent à la demande directe des bénéficiaires ou bien à la demande émanant du Centre local de services communautaires (CLSC) du secteur.

2.3.2.3Les entreprises privées. Au Québec, les entreprises privées restent peu

nombreuses et leur panier de service va plutôt s'orienter vers les travaux lourds et les services de gros nettoyage (vitres, sols, etc.). Elles peuvent intervenir en complément de ceux assurés par les EESAD.

Si en France, les entreprises privées étaient absentes du secteur depuis l'émergence des services à la personne, en 1996 les agréments au titre des services rendus à domicile sont accordés aux entreprises et leur nombre s'est accru depuis la loi de développement de 2005. De 1 126 structures en 2005, on en dénombre 4 653 en 2007 avec un taux de croissance de 20,2 % cette même année (Gallouj, 2008). Il s'agit le plus souvent, d'entreprises de petite taille, c’est-à-dire de moins de 20 salariés et indépendantes. Globalement les services proposés par les entreprises semblent viser un public plus vaste que les associations notamment au travers du soutien scolaire, l'assistance informatique, la coiffure et l'esthétique à domicile. Certaines développent une activité unique, alors que d'autres sont plus généralistes.

2.3.2.4 Le secteur public. Au Québec, les CLSC ont initialement apporté les

premières prestations de soutien à domicile pour les personnes ayant des incapacités temporaires ou permanentes tant au niveau des soins que des services à la vie quotidienne. Depuis 1996, les CLSC achètent les services dispensés par les EESAD pour satisfaire les besoins croissants de la clientèle en devant faire face à la difficile répartition des tâches relevant des soins et de l'aide domestique, de l'hétérogénéité des statuts des salariés et de leur rémunération et des coûts des services occasionnés. Il semble ainsi que les CLSC se spécialisent dans la dispensation des services de soins, d'hygiène et d'aide à la personne contribuant au maintien à domicile. Il existe une coopération formalisée avec certaines EESAD fortement tributaires des aides financières accordées.

Le secteur public représenté en France par les Centres communaux d'action sociale (CCAS), propose ses services à la population locale, le plus souvent dans le

cadre du soutien à la vie quotidienne et du maintien à domicile des personnes âgées. Entre 2005 et 2006, si leur développement s’avère moins dynamique que les autres services prestataires (Chol, 2008), ces structures s’orientent vers une organisation de leurs services à l'échelle intercommunale.

2.3.2.5 Le travail informel. Enfin, au Québec comme en France, le travail informel,

reste toujours une forme d'embauche du personnel dans le secteur des services à la personne. D'après le rapport du Conseil économique et social (CES, 2007) sa persistance s'explique par deux phénomènes. D'une part, pour les employeurs, il correspond à la forme la plus simple d'embauche, d'autre part pour les salariés ayant déjà une activité déclarée, il constitue une source de revenus complémentaires non prise en compte dans les ressources déclarées. D'après Devetter et al. (2008), la persistance du travail non déclaré dans le secteur des services à la personne reste importante en France et 25 % de travailleurs à domicile indiquent travailler de cette manière entre six et dix-neuf heures par semaine.

2.3.2.6 Les fédérations et organismes consulaires. Au Québec, les entreprises de

l'économie sociale en aide domestique ont la possibilité de s'affilier à des regroupements défendant des orientations différentes dans un axe plus social comme le Regroupement des entreprises d’économie social en aide domestique au Québec (RESSADQ), ou plus économique et autonome comme la Fédération des coopératives de services à domicile au Québec (FCSADQ), ou encore de manière intermédiaire avec l’association des partenaires regroupés en économie sociale (APRES). Ces regroupements participent aux négociations des financements avec les différents ministères, œuvrent dans une perspective d'amélioration des conditions et de reconnaissance du travail des préposés, défendent l'action des EESAD sur le marché et réfléchissent notamment au développement des paniers1 de services.

1 Ensemble de services proposés.

En France, chaque catégorie de structure organise ses propres réseaux de fédérations. La Fédération des particuliers employeurs (FEPEM) en tant qu'organisation patronale du particulier employeur veille à l'application de la convention collective de la branche par ses adhérents et propose à leurs salariés des actions de formation dans une perspective de qualité du service. La fédération propose de mettre en relation les salariés offrant leurs services et les employeurs à la recherche d'un employé à domicile. Elle défend l'importance de la relation humaine entre le salarié et son employeur dans un contexte privé et d'intimité et ne souhaite pas considérer l'employeur uniquement comme un consommateur ou utilisateur de service. Les structures associatives adhèrent, selon leur appartenance culturelle ou politique d'origine, à des unions ou des réseaux comme l’Union nationale des services de soin et des services à domicile (UNASSAD), l' Union nationale des services à domicile en milieu rural (UNAADMR), la Fédération nationale d’aide familiale à domicile (FNAFAD) qui jouent un rôle essentiel en assurant une fonction de représentation au niveau national, en constituant la branche professionnelle de l'aide à domicile, en organisant des formations pour les membres élus et les salariés, en veillant à l'application des règles juridiques. L'implication des bénévoles dans la vie des structures leur permet d'assurer une fonction de mouvement social qui découle de leur histoire. Chargées de négocier avec les organisations de salariés, elles assurent également une fonction de représentation patronale. Les entreprises sont représentées par le Syndicat des entreprises de services à la personne (SESP) adhérant du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Ce syndicat défend des valeurs comme la lutte contre le « travail au noir », l'amélioration des conditions de travail des salariés et la recherche de la qualité de service. Les entreprises sont également soutenues par les Chambres de Commerce et d'Industrie.

En résumé, au Québec la majorité des préposées sont employées par les EESAD alors qu’en France l'emploi direct reste le principal mode d'embauche des femmes de ménage. Si les services apportés par les entreprises privées se développent en France, ils tendent à accorder au bénéficiaire une position de consommateur de

services. Par contre, sur les deux territoires, les services publics couvrent une faible part de l'activité d'entretien du domicile et ils tendent, au Québec, à se rapprocher des services de l'économie sociale.

Les quatre catégories de prestataires de services correspondent aux trois modes d'intervention évoqués par Dussuet et Clergeau (2005). Le premier, de type entrepreneurial est susceptible de produire des logiques d'action professionnelle centrée sur une dimension technique et organisationnelle s'appuyant sur une vision instrumentale des tâches et des rôles. Le second, de type domestique, centré sur les besoins et les valeurs individuelles, privilégie une vision relationnelle des tâches. Enfin, le troisième qui s'inscrit dans une dimension d'économie sociale ou de service public, tend à rapprocher les deux axes précédents et à induire un type de service coproduit par le bénéficiaire et la structure où la vision relationnelle et technique se trouvent confrontées. Dans le contexte de développement des services à domicile, l'emploi des préposées à l'entretien ménager au Québec repose sur la contribution de l'économie sociale alors que l'emploi des femmes de ménage intervenant auprès des particuliers en France repose principalement sur l'extension de l'axe privé (particuliers employeurs et entreprises, en expansion).

2.3.2.7 L’Agence Nationale des services à la personne et les enseignes nationales de services. Le plan de développement des services à la personne a envisagé dès 2005, la

création d'une agence nationale des services à la personne (ANSP) et d'enseignes nationales. L'ANSP est créé en 20062 avec l'objectif de promouvoir et de développer

la qualité des services à la personne. Ainsi cette structure réunissant 18 ministères (ANSP, 2006) est chargée de soutenir l'émergence de nouveaux services, de tenir un rôle d'observatoire statistique, d'impulser des négociations collectives autour de la formation, des parcours professionnels, et de l'amélioration des conditions de travail, d'informer sur les règles applicables au secteur (ANSP, 2007). Les enseignes nationales s'appuient sur des plates-formes d'intermédiation pour distribuer l'offre des

structures affiliées. Elles se sont structurées à partir d'alliances entre des fédérations, réseaux associatifs, de services bancaires et assurances, d'acteurs de l'économie sociale et solidaire, avec l'idée d'élaborer un maillage des acteurs locaux et de puissants réseaux de distribution, et de constituer des portefeuilles de clients (ANSP, 2008). D'après Gallouj (2008), des entreprises de renom engagent leur crédibilité vers ces nouveaux services et apportent une garantie de qualité au public dans la perspective d'améliorer l'image des services à la personne. Il s'agit également pour les enseignes de développer la professionnalisation et de garantir la qualité des prestations. Cependant, pour Devetter et al. (2009), les effets sur la structuration du secteur restent peu visibles. La création des plates-formes multiservices qui fonctionnent sous forme de guichet auprès duquel le public peut s'adresser pour obtenir des informations, est le plus souvent initiée par les collectivités territoriales ou les services de l'État.

2.3.3 Comment sont reconnues ces différentes formes de services?

Au Québec, la volonté de différencier les types de structures (privées, publiques, de l'économie sociale) et les services spécifiques qu'elles apportent aux usagers, conduit à la lisibilité du dispositif et de la distribution des services et devrait ainsi limiter les risques de concurrence entre ces structures.

En France, l'extension et l'hétérogénéité de l'offre de service et des formes d'emploi produit une complexité du dispositif et une appréciation différenciée de ces services. La multiplicité des formes d'emploi fait apparaître différents niveaux de précarité, de flexibilité et de personnalisation du travail. Les emplois de gré à gré restent empreints de l'histoire des domestiques. Les salariés réalisent sous les consignes de l'employeur particulier, les tâches qui leur sont confiées. La demande de services exprimée par l'usager, complète ou se substitue au travail domestique réalisé par les membres de la famille en fonction de ses propres normes et valeurs. Les salariés employés par des structures de services interviennent au domicile pour

réaliser une prestation auprès du bénéficiaire de service, dans le cas d'une relation non marchande ou bien d'un client, pour un service marchand. C'est ici la forme administrative du prestataire qui différencie le service apporté ; toutefois, les tâches réalisées peuvent être de même nature. Et c'est principalement le cas pour les activités de ménage réalisées au domicile soit par une association de service ou un CCAS, par une structure d'insertion ou bien encore par une entreprise. Ainsi d'après Dussuet et Clergeau (2005), certains services prescrits par un expert extérieur sont assurés par un prestataire reconnu comme professionnel où les intervenantes sont interchangeables. La planification est basée principalement sur les contraintes organisationnelles et les intervenantes assurent une prestation répondant à des normes professionnelles faiblement ou peu personnalisées, voire dépersonnalisées (Devetter et al., 2009). D'après Laville (2005), la relation de service fait l'objet d'une coproduction entre les prestataires et les usagers pour produire un résultat final et établir un rapprochement entre l'offre et la demande. « Toutefois les services solidaires s'efforcent d'aller au- delà de la coproduction en annulant les différences entre prestataires et usagers dans le dialogue initial » (Ibid., p. 100). Alors que l'offre de type industriel qui permet d'apporter une reproductibilité et homogénéité de services garants de leur qualité, encourage à s'écarter de l'image de « petits boulots » et rétablir une confiance vis à vis du prestataire (Laville, 2005). Le regard porté sur le service va également dépendre du statut du bénéficiaire. Une même tâche telle le ménage, peut être effectuée auprès d'une famille active, absente du domicile ou auprès d'une personne âgée dépendante présente lors de l'intervention et revêt dans le premier cas un caractère de travail d'entretien et dans le second cas, un caractère d'aide. Enfin d'après l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), (Dumalin et Rahou, 2008) c'est également l'origine du financement qui guide la définition, l'organisation et le contenu du service.

Ainsi, l'hétérogénéité et la complexité du dispositif, la multiplicité des formes d'intervention, la diversité des demandes et des usagers confèrent au secteur des services à la personne une catégorisation et hiérarchisation des services selon

différents critères tant externes comme le type de prescription ou de prise en charge financière, qu'internes au dispositif comme le type d'usager et de demande de services. Cette multiplicité de situations possibles tend à accentuer un climat de concurrence, déjà marqué par l'histoire, entre les différents prestataires et formes d'emploi et apporte aux usagers, une difficile lisibilité des services offerts sur le marché. Ennuyer (2003) constate que les services à domicile s'inscrivent de plus en plus dans une logique marchande où la prestation de service est de plus en plus abordée comme un produit qui s'achète et se vend comme tout autre type de marchandise, soumis à des contraintes de normalisation (Association française de normalisation (AFNOR)), et à une organisation taylorienne du travail (Ibid.). Entre personnalisation et marchandisation, se décline une pluralité de formes de travail, des situations, des tâches qui s'ajoutent à une diversité de métiers. Ce contexte n'est pas sans produire des effets sur le travail réalisé par les différentes catégories d'intervenants à domicile.